Conseils à une enseignante débutante.

Gaétan,

Je me permets de vous écrire pour vous féliciter du travail exceptionnel que vous fournissez et que vous acceptez de partager très gentiment avec les internautes. Je suis tout simplement admirative face à cette masse de travail.

Je vous envoie ce message pour vous demander si possible quelques conseils.

Je suis actuellement en PE2 et je suis chargée de m’occuper un jour par semaine d’une classe où tout se passe très bien maintenant, même si je ne vous cache pas que la gestion du double niveau était loin d’être évidente lors de mes premières semaines.

En plus de ce stage filé, je vais avoir pendant 3 semaines une classe.

L’enseignante que je remplace m’a déjà un peu aidée puisqu’elle m’a envoyé ce qu’elle souhaitait que je fasse (ses progressions) pendant son absence mais je ne sais pas du tout comment m’y prendre d’autant que les contenus me semblent parfois assez « costauds ».

Par conséquent auriez vous quelques conseils à me donner ? Des sites, pour un enseignant débutant en CM2 par exemple, à me recommander ? Je suis chargée de toutes les matières excepté le sport et la musique.

Pardon de vous demander cela d’autant que je me doute que vous êtes débordé de travail et rececez de nombreuses sollicitations de la part d’enseignants mais quelque chose me dit que vos conseils seront, je n’en doute pas, d’excellente qualité

En attendant une réponse positive je l’espère, je vous souhaite une excellente journée et un bon début de vacances scolaires.

Bonjour,

Tout d’abord, je vous remercie pour vos encouragements. Sur un million de visiteurs en 2009, vous êtes la cinquième à donner votre avis sur ce site…

Ce qui suit n’est pas « des recettes pédagogiques » (je n’ai pas de compétence particulière en ce domaine). Il ne s’agit que d’observations accumulées au cours de ma « carrière ». Chacun a son mode relationnel, sa manière d’être, de paraitre.

Premier jour dans la classe :

  • Dire aux èlèves inquiets qui vous interrogent dans la cour ou avant d’entrer : « On en parlera en classe. », ce qui évitera les déformations : « Il a dit que … »
  • Ne pas demander qui est absent mais appeler les élèves (avec le registre obligatoire) permet une première prise de contact.
  • Si vous commencez par dire : « Votre professeur m’a prévenu que … » ou « Si ça ne se passe pas bien, je … », les élèves penseront que vous n’avez pas confiance, que vous avez une image négative d’eux.
  • Présenter le déroulement de la journée. « Nous allons suivre l’emploi du temps habituel (quand il existe !) mais il pourra y avoir des modifications. »
  • Avant de commencer les activités, dire : « Avez-vous des questions ? »  Ne pas s’offusquer des redites ou du peu d’intérêt de ces questions, c’est souvent un moyen d’exprimer l’angoisse afférente à une nouvelle situation. Ne pas prolonger ce moment, mettre les élèves en activité est le meilleur moyen de les sécuriser.

L’élève qui sait tout, qui répond avant les autres, qui a fini son travail rapidement :

  • lui proposer de venir expliquer et justifier sa réponse devant les autres,
  • ne pas corriger son travail immédiatement, lui indiquer simplement le nombre de fautes (à lui de les trouver),
  • lui proposer de s’occuper de ceux qui n’ont pas fini, de les aider s’ils se trompent mais de ne pas leur dire les réponses.

L’élève qui parle fort ou en même temps qu’un autre :

  • Fixer la règle : « Je ne parle pas en même temps que toi, alors tu ne parles pas en même temps que les autres. »
  • J’ai remarqué que cela correspondait souvent à une séparation des parents…
  • Malgré la pénibilité des enfants sans gêne, les règles de vie doivent s’appliquer aux élèves comme aux enseignants.

Discipline :

  • « Ils en profitent parce que c’est un remplaçant. » Cette affirmation, commode pour les enseignants, est erronée. Les problèmes n’apparaissent pas ex nihilo. Bien sûr, une attitude autoritariste, un manque de préparation, des exigences inadaptées, créeront un ennui, un sentiment d’échec, une opposition. Mais il suffit de citer les élèves qui ont posé problème pour faire admettre que ce n’est pas nouveau.
  • Une menace de punition ne doit pas être répétée. Les punitions doivent être rares, courtes, écrites et vérifiées immédiatement (par exemple : 5 fois « Je n’empêche pas les autres de travailler. »)  Des punitions à faire à la maison ne le seront généralement pas et susciteront une hostilité des parents.
  • Il est interdit de priver un élève de la totalité de la récréation. Cette privation est le meilleur moyen de le rendre opposant et encore moins disponible. Cependant, un élève peut être isolé des autres quand son comportement est dangereux.
  • Il m’est arrivé de dire : « Je ne pourrai vous emmener en sports ou organiser des arts plastiques que s’il n’y a pas de nouveau problème de comportement. » Cette menace était normalement suffisante.
  • Une punition collective est absurde et inefficace. D’une façon générale, les sanctions doivent correspondre aux droits de l’enfant, ne pas être excessives ou dégradantes (cela semble une évidence et pourtant…).

Travail :

  • Il faut distinguer le travail réalisé pour essayer (sur le cahier de brouillon) du travail de synthèse ou de systématisation (sur un cahier ou une feuille). Il est regrettable que de plus en plus d’enseignants ne corrigent pas les écrits des élèves (ou seulement les années d’inspection…), se basant sur une « autocorrection » qui doit certes être développée mais ne peut être suffisante. Vous constaterez une nette évolution de la qualité du travail, quand les élèves verront vos appréciations ou vos notes (même si « elles ne comptent pas pour le bulletin »).
  • Donc, limiter le travail sur le « cahier du jour » mais le corriger systématiquement ainsi que les synthèses en histoire, géographie, sciences, …
  • La difficulté est d’adapter la difficulté au niveau des élèves sans sous-estimer leurs compétences et sans en laisser en cours de route. Exemples : s’occuper d’un groupe d’élèves en difficulté dès le début des exercices ; regarder rapidement les premiers cahiers apportés et les garder pour une correction ultérieure permet de passer plus de temps avec ceux qui en ont besoin (et qui s’arrangent pour se placer au bout de la file d’attente).

Progressions :

  • Généralement, les progressions (quand elles existent) sont des programmations, des répartitions. Une notion ne se résume pas à une leçon (et encore moins à une photocopie). Il est dommage que des élèves quittent l’école primaire sans jamais avoir découpé une phrase en groupes pour les déplacer, représenté des fractions sur des droites et des fromages, effectué une recherche orale de sujets ou de compléments d’objet, et ce ne sont que des exemples. Ce n’est pas l’informatique qui apportera une solution avec des QCM…
  • Les manuels ont généralement le tort de présenter une règle ou un résumé d’une notion puis des exercices d’application ; les phases de découverte et de confrontation sont occultées. De plus, les explications sont différentes des cours précédents, quelquefois en opposition. Il suffit souvent d’écrire une phrase au tableau, de poser la question : « Qui peut dire … ? » et de laisser les élèves s’exprimer pour réorganiser les connaissances.
  • Dans certaines classes (souvent faibles), vous entendrez : « On l’a déjà fait ! ». Demandez-leur alors d’expliquer ce dont il s’agit et présentez-leur ce travail comme un moyen de montrer ce qu’ils savent. Vous constaterez que c’était nécessaire. Les élèves attendent du nouveau (comme pour leurs jeux vidéo) tant qu’ils n’ont pas compris que l’enseignement n’est pas un puzzle mais une construction progressive des connaissances.
  • Vous constaterez aussi le désintérêt d’enfants très suivis à la maison (l’exigence de « devoirs » est significative…) puisque, de toute façon, leurs parents leur expliqueront. La classe doit alors leur permettre de s’exprimer afin de resituer leurs connaissances.

Pour conclure, je dirais simplement de bien préparer sa classe, de ne pas se laisser envahir par un lexique inutile, de vérifier les exercices qui seront donnés, de prendre du temps pour les corrections. À ces conditions, il devient possible de s’adapter en fonction des élèves.

Cordialement.

Gaétan Solo

Une réponse sur “Conseils à une enseignante débutante.”

  1. Gaetan,

    Juste un petit mot pour vous remercier encore et encore pour ces précieux conseils « personnalisés » qui me touchent énormément. J’en suis tellement reconnaissante que les mots sont certainement bien trop faibles pour exprimer toute ma sensibilité

    Ce sera tout pour aujourd’hui

    Emmanuelle Prudhomme

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