II – Dont la création …

A – Est assurée notamment par les banques commerciales

Dans le chapitre sur le financement des agents économiques, nous avons présenté le marché des fonds prêtables. Dans cette représentation simplifiée, des agents à capacité de financement prêtent aux agents à besoins de financement. Par conséquent, dans ce schéma, les moyens disponibles (pré)existent avant d’être prêtés. Si nous considérons que les banques sont les intermédiaires entre agents à capacité et à besoin de financement, cela implique que les dépôts font les crédits. Illustrons : vous décidez de fonder l’entreprise SES. Il s’agit d’une entreprise qui achète et vend des livres. Pour développer votre activité et effectuer des démarches commerciales, une voiture doit être achetée. Son prix est de 10 000 €. L’entreprise dispose d’un capital social de 2000 € (montant total des actions) déposé sur son compte bancaire. Elle envisage d’emprunter le reste. Il faut que la banque vous prête 8 000 €. Dans notre schéma, pour que la banque puisse proposer un crédit de ce montant, il faut que ses clients l’aient mis en dépôt sur leur compte respectif. Supposons pour notre démonstration que la banque ait 19 clients en plus de l’entreprise SES, et que chacun dispose d’un compte créditeur – c’est-à-dire un solde positif – de 2 000 €. La banque a donc 38 000 € en dépôt. Elle peut donc prêter les 8 000 € nécessaire à l’achat du véhicule.

En réalité, la situation est assez différente. Voire inverse. En effet, les banques commerciales peuvent prêter plus qu’elles n’ont. Mais de façon limitée, nous le verrons. En procédant de la sorte, ce sont les crédits font les dépôts. Et c’est ce mécanisme qui est à l’origine de l’essentiel de la création monétaire. Petite explication…

i. Les crédits font les dépôts : banque de second rang et création de monnaie scripturale

Comment créer de la monnaie ? Rien de plus simple si vous travaillez dans une banque commerciale – on dit aussi banque de second rang. Il suffit d’octroyer un crédit à un ménage ou une entreprise. Et pas besoin d’avoir l’argent pour le faire. Une simple écriture sur le compte d’un client et hop, vous avez créé de la monnaie ex nihilo (qui vient de nulle part) pour le montant du crédit ! Plus précisément de la monnaie scripturale.

Prenons le cas d’une banque qui dispose d’un montant de 100 000 € en dépôt. Elle détient donc une quantité de monnaie équivalente. Imaginons maintenant qu’elle accorde 200 000 € de crédit. Le schéma suivant permet de visualiser l’évolution de la quantité de monnaie :

La masse monétaire augmente de 100 000 € par simple jeu d’écriture.

De façon symétrique, lorsque ces crédits sont remboursés, la quantité de monnaie en circulation – la masse monétaire – est réduite d’un montant équivalent au remboursement. La monnaie est « détruite ».

Désormais, regardons plus précisément ce qui se passe en matière de création monétaire en reprenant l’exemple de l’entreprise SES. Pour cela, nous utiliserons les bilans simplifiés des agents économiques (1).

Précisions ce qu’est un bilan : il s’agit d’un document comptable qui présente une photographie de l’état du patrimoine d’une entreprise à un instant donné. Un bilan donne des informations sur deux choses :

– ce que doit l’entreprise. Cela correspond au passif. Celui-ci nous informe sur l’origine des ressources de l’entreprise.

– ce qui appartient à l’entreprise. Il s’agit de l’actif. Il nous renseigne sur l’utilisation des ressources.

Prenons un petit exemple : les comptes courants des clients d’une banque sont une ressource pour cette dernière. Mais en même temps, la banque doit pouvoir redonner cet argent à ses clients. Sous forme de retrait du distributeur par exemple. Par conséquent, les comptes courants sont inscrits au passif de la banque.

Pour présenter schématiquement l’actif et le passif d’un agent économique, il est courant d’utiliser des comptes en « T ». Vous allez comprendre avec la vidéo qui suit et qui reprend le cas de notre achat de voiture…

Ça se passe ici, dans une petite vidéo explicative : https://youtu.be/fNMXwwYrpj8 

Petit complément écrit à cette vidéo afin d’illustrer la destruction monétaire : la première année, l’entreprise SES réalise un EBE (pour mémoire, l’Excédent Brut d’Exploitation est une mesure possible du profit) de 10 000 € et décide d’utiliser une partie de cette somme pour rembourser une partie de l’emprunt. Disons 4 000 €. Que se passe-t-il ? Le montant de la dette et de la créance correspondante diminue de 4 000 €. Le compte courant de l’entreprise SES en fait de même. Comme les comptes courants font partie de la masse monétaire, celle-ci diminue. Il y a bien destruction de monnaie.

La possibilité qu’ont les banques commerciales de créer de la monnaie leur confère un pouvoir considérable sur la situation de l’économie. Mais ce pouvoir à des limites. La principale sera vue dans la seconde partie (II-A) avec le rôle d’une banque centrale.

ii. Mais d’autres acteurs créent aussi de la monnaie

L’autre limite, bien que relative, est que les banques ne sont pas les seuls agents à créer de la monnaie. Les citoyens le peuvent aussi. Ou des entreprises. Vous connaissez des exemples : le plus célèbre est celui du bitcoin (2) qui, à la différence des monnaies nationales comme le $ ou l’€, est une monnaie décentralisée. Plus récemment, Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, a souhaité créer une monnaie nommée le Libra.

Mais les cryptomonnaies ne sont pas les seules monnaies dont la création échappe aux banques. On les nomme les monnaies locales. Il s’agit de monnaies complémentaires à la monnaie officielle. Leur création répond souvent à des objectifs moins classiques que la monnaie usuelle : le soutien au secteur de l’économie sociale et solidaire ou encore une langue, comme avec la monnaie locale basque qu’est l’eusko (3). En France, la création de monnaies complémentaires est légalement encadrée. Comme l’indique le ministère de l’Économie, La loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a donné une base légale aux monnaies locales complémentaires. Son article 16 reconnaît les monnaies locales comme titres de paiement, si ces titres sont émis par des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) et que ces monnaies respectent l’encadrement fixé par le code monétaire et financier (4).


(1) Pour plus de détail sur le bilan d’une banque : https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/marches-financiers/acteurs-de-la-finance/banque/la-banque-comment-ca-marche/le-bilan-d-une-banque/

(2) Pour bien comprendre le bitcoin : http://dessinemoileco.com/bitcoin-il-monnaie-les-autres/

(3) Ce n’est pas le seul objectif de l’eusko.

(4) https://www.economie.gouv.fr/particuliers/monnaie-locale#