Le littoral d’un quartier traditionnel dakarois (Yoff) : le développement durable en question.

yoff pecheur presNB : cliquer sur les photos pour les agrandir


Contexte géographique

yoff peche localisation

Un littoral traditionnel : l’emprise de la zone de pêche artisanale
 
zone de pêche artisanaleLe trait jaune ci-dessus
correspond à la zone d’implantation actuelle des pirogues des pêcheurs. (environ 1 km de long)

peche et habitat précaireCette zone est la projection littorale du village
traditionnel
(voir article
évoquant  l’héritage des villages lébous dans la péninsule dakaroise)
. Le front de mer est ainsi constitué d’un habitat modeste et précaire comme le montre la photo ci-dessus.

Cette vue longitudinale montre assez bien l’intégration de cette portion de littoral dans le tissu urbain dakarois.
yoff peche et front urbain


Transport

Le mode de transport est aussi traditionnel mais particulièrement adapté aux configurations géographiques du lieu : en l’absence de route littorale, le transport des produits de la
pêche s’opère commodément par les charrettes et chevaux.
yoff plage transport poissons par charrette

Société

yoff peche enfants villageoisLes activités liées à la pêche contribuent
fortement au maintien du lien social et des traditions : pour sortir et rentrer les pirogues, tirer les filets, trier-distribuer-vendre les poissons, les villageois s’assemblent fréquemment
et mènent une existence quotidienne solidaire.
Dakar Yoff-littoral 0378

Economie
fabrique de glace

L’édification récente d’une fabrique de glace relève d’investissements extérieurs au village, en partie étrangers (société sénégalo grecque).
100 2809
Elle ouvre les produits de la pêche à un marché plus large mais profite davantage au mareyeurs qu’au pêcheurs eux-mêmes.
Il y a donc une introduction de modernité au sein de ce monde traditionnel mais elle n’a pas toutes les répercussions attendues en terme de progrès et développement local.


Environnement : la délicate gestion des déchets

a) Les déchets organiques et  l’élevage traditionnel yoff dépot d'orduresLa jeune fille déverse  un seau de détritus en bordure de mer ; il s’agit d’abord de nourrir les troupeaux de moutons, très présents sur cette
portion de littoral, avec des déchets organiques (pelures de légumes, restes de poissons, etc…).
yoff moutons orduresL’image ci-dessus (cliquer pour agrandir la photo) montre que
le tri selectif est en fait rarement opéré : aux déchets organiques se mêlent des détritus de toute sorte, en plastique en particulier. Ils restent sur les plages ou sont emportés par la mer et
contribuent sensiblement à la pollution du littoral dakarois.

Des campagnes de sensibilisation sont menées dans le village : on incite les femmes à déverser les eaux usées dans le réseau prévu à cet effet et à faire le tri des déchets. Mais le poids des
habitudes et l’absence de surveillance semblent prendre le dessus.
ne pas verser
La municipalité de Yoff embauche des ramasseurs…
yoff ramasseur…mais les moyens engagés restent disproportionnés : l’arrière-plan
visible sur la photo ne doit pas faire illusion. La réalité quotidienne correspond  davantage à la photo ci-dessous.
yoff moutons ordures et peche

b) Le déversement des déchets urbains.

yoff rivière d'orduresLe paysage est évocateur : il est bien ici question d’une
embouchure d’ordures qui éventre le littoral.

Les images Google earth correspondantes sont significatives.

Elles montrent d’une part que la situation a  empiré en l’espace de quelques années sous la pression de la croissance urbaine.
2002
estuaire déchets 2002
2009

estuaire déchets 2009

Par ailleurs, la comparaison entre l’image actuelle (2009) et la plus ancienne (1942) est édifiante : elle nous fait observer que la zone de déversement de déchets se situe en marge de l’espace
villageois traditionnel
. (N.B : l’outil dessin de Google eath permet une correpondance entre deux images de  période différente ; on a donc délimité la zone de déchets sur l’image 2009 et
la zone villageoise sur l’image 1942).
village et déchets 2009
le village en 42

On est donc en présence de deux logiques spatiales perpendiculaires et contradictoires :
celle d’un littoral dunaire que l’on voudrait continu, entravé par un déversement d’ordures
et celle d’un quartier traditionnel qui cherche à mettre « de côté » ses déchets.
Modernité et tradition se heurtent ici en un même espace.

Bilan : les difficultés d’un développement durable

« Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs » (rapport Bruntland,
1987)
Le cas étudié répond-il aux différents critères du développement durable? (écologiquement viable, économiquement rentable, socialement équitable)

– L’activité économique de la pêche artisanale a permis le maintien d’une structure sociale traditionnelle. En ce sens, on assiste bien à un processus de transmission générationnelle d’un
modèle de production, échanges et relations sociales qui ne s’est pas dissout dans la modernité urbaine.

Toutefois,

sur le plan écologique, la pression urbaine associée au manque d’équipements et à une gestion déficiente des déchets a conduit à une forte dégradation environnementale.

–  l’activité de la pêche artisanale reste faiblement rentable et de surcroit s’avère socialement peu équitable. Le produit de la pêche profite en effet davantage aux
distributeurs qu’aux pêcheurs eux-mêmes. On rappellera à ce titre que la fabrique de glace pour la conservation et le transport des poissons construite au sein du village sert des intérêts externes
(société greco sénégalaise)

– enfin, les interférences entre l’échelle locale et l’échelle mondiale suscitent de sérieuses inquiétudes : 
->  la montée du niveau de la mer due au réchauffement climatique est une menace directe sur l’activité de la pêche artisanale (pirogues stationnées sur une très étroite bande
littorale)
-> les gros chalutiers étrangers (asiatiques en particulier) sont souvent accusés de réduire durablement les réserves halieutiques au large des côtes sénégalaises (utilisation de
filets à petites mailles ne répondant pas aux normes internationales).
-> cet appauvrissement est une des causes d’un renforcement des fuites migratoires clandestines : les plus grandes des belles pirogues colorées sont de celles que l’on retrouve parfois
entre le Sénégal et les îles Canaries avec les drames humains que l’on connaît.

Plus d’informations sur la pêche au Sénégal : voir le site de l’IRD du Sénégal

Une réflexion sur « Le littoral d’un quartier traditionnel dakarois (Yoff) : le développement durable en question. »

  1. Je suis alle a Yoff pour le premiere fois en 1995 et bien que les dechets n’etaient pas evacues, ils etaient contraints et brules sur une partie isole du quartier. La plage etait impeccable. La peche aussi etait grandiose, j’ai eu la chance de partir en pirogue avec les locaux et passer des journees memorables. Juste 4 ans après la degradation etait inimaginable. L’usine de glace et le commerce de poisson ont completement corrompus le village. Les detritus jonchent la plage et l’interieur du village et tous les poissons et coquillages sont paris, achete par les japonais, et detruits par les villageois eux-meme. Surprenant aussi est la pression marketing exercee sur le village qui tranchent vraiment avec les valeurs traditionelles. Les pecheurs depensent tout leurs revenues pour acheter des sodas et des TV alors que leurs maisons tombent en ruine… Tres triste a voire. La solidarite est aussi curieusement un gros probleme dans le sens ou une personne qui reussie est automatiquement consideree comme devant s’occuper de tout le monde et souvent finie par lutter pour sa proper subsistence et celle de sa famille au benefice des autres membres plus eloignes. La derniere chose est la difficulte de mettre en place des structures durables. Beaucoup ont essayes d’aider et installer des systemes de ramassage d’ordures mais les responsables locaux finissent toujours par voler le materiel et gaspiller les resources mises a leur disposition pour leur proper benefice.

    J’espere qu’ils s’en sortiront, le potential de ce quartier est incroyable, mais je pense que la corruption de la modernite aura raison des ces resources jusqu’a ce que quelqu’un finisse par developer le tourisme et prenne charge de cette partie de cote. Mais le traditional sera mort…

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