Déjouons le marronnier

Bon, je vais vous dire directement la vérité. J’écris cette chronique début juillet. Voilà c’est dit. Pas que le WebPédago et ses usuriers nous forcent à produire dès le début des vacances, comme pour nous garder sous leur joug.

Non.

C’est juste qu’une chronique de rentrée, ça reste un marronnier assez symptomatique de la vie enseignante et qu’on peut déjà savoir comment vont se dérouler les derniers jours avant la reprise. Donc pour l’aborder de manière originale, il faut déjà en retirer les éléments les plus classiques et les plus attendus de vous chers lecteurs et lectrices.

Je vous fais donc passer de l’autre côté du décor et m’en vais vous expliquer comment je compte écrire cette chronique. Asseyez-vous donc assez confortablement sur mon canapé IKEA premier prix (j’ai bien précisé « assez confortablement »), n’hésitez pas à allumer la clim si vous ne voulez pas vous liquéfier. Et suivez le guide. Moi.

Ça c’était donc un joli préambule introductif, pour vous mettre en appétit.

 

Donc, cette chronique ne parlera pas…

 

  1. Du stress de la reprise : pas un seul mot de l’insomnie galopante enseignante. Sur les réseaux sociaux chaque soir, sur les groupes de parole professorale, on ne parle que de ça. Que faire pour trouver le sommeil ? Pour éviter la gamberge de la rentrée ? Compter les séances ? lire avant de se coucher les ouvrages de didactique les plus rébarbatifs ? Écouter la douce musique de Blanquer nous rassurant quant à notre avenir ? Il vous restera à vous lever et à occuper votre temps de cerveau disponible avec du Netflix, du OCS, ou du Arte pour les profs d’Arts qui aiment les docs de performance à 02 h 00 du mat.

 

  1. De l’organisation, de la préparation : pas une seule ligne sur les différents types de prof, ceux qu’on nomme les préparationnistes, qui organisent très tôt leur progression annuelle, pour chaque matière, qui achètent l’agenda du prof, non pas pour le prix ou la couleur, mais selon l’ordre précis des éléments qui le compose (les mécréants… ils ont mis que 7 pages à la partie conseil de classe ! pfiou !). De l’autre, il y a les rentréegationnistes. Ceux qui refusent. Refusent de penser que la rentrée se fera en Septembre, c’est pas possible faut que ça pète avant. Ceux-là même qui brûlent et jettent toute trace de travail au sein de leur environnement direct. Tout est sous clé. Dans la cave. Loin d’eux.

 

  1. Du prof en vacances. ON A TOUS LU déjà ça !!! Comment se comporte un prof d’EPS en milieu montagnard hostile, un prof d’Arts au MOMA, un prof de littérature devant un livre de Musso. On a tous plein d’anecdotes à raconter là-dessus, prof un jour, prof toujours. Mais je laisse ça à d’autres, je suis certain qu’on peut trouver plus original que ça. Mais d’abord, par pitié montez la climatisation, j’ai le doigt qui est resté collé sur la lettre s.

 

Une fois donc ces trois aspects super consensuels retirés. Nous voilà dans l’obligation d’explorer des terrains plus novateurs. Et rien de mieux que l’actualité pour nous éclairer sur ce qui sera notre rentrée scolaire. Ça s’appelle une transition finement amenée. Le lecteur doit être tout émoustillé.

Ce dont on va parler à la rentrée

J’ai donc relevé deux faits intéressants qui risquent d’entraîner des questions chez nos jeunes, et dont il faut dès à présent réfléchir aux réponses à proposer. Je mets de côté la coupe du monde et la victoire française, qui ne déclenche plus vraiment de questions, si ce n’est une intéressante comparaison dans le choix des maillots portés par les élèves et les joueurs mis en valeur dans les discours de couloir.

 

1° L’affaire Benalla. Tout un programme. Bien loin de moi l’idée et l’envie surtout de faire une chronique politisée. C’est aussi casse-gueule en classe que sur le WebPédago. On a tous ses haters.

Non.

Je pense juste à l’illustration pratico-pratique de ce cas d’école. Tout d’abord car je travaille en lycée pro et que cette spécificité m’oblige à traiter du problème des stages. Alors oui Maxime, on peut considérer que ce monsieur était en stage d’observation comme toi cette année en troisième. Par contre NON Maxime tu ne peux pas le faire dans la police. Non de toute manière on ne fait pas un stage pour obtenir un casque et un brassard, pour ensuite crâner devant ses camarades. Et effectivement, observer ce n’est pas ça. ET NON CRÂNER CE N’EST PAS CASSER DES CRÂNES !

Il convient de définir ça dès le début de l’année afin de ne pas subir des rixes observatoires entre deux élèves stagiaires par la suite.

Ensuite, dans le cadre de la communication verbale et non-verbale, notions abordées en terminale pour le bac de français (la parole en spectacle pour les initiés), il serait formateur de pouvoir observer le passage du personnage au 20 h. Non seulement dans sa posture, mais aussi dans sa tenue vestimentaire et son discours précis ; son phrasé. Idéal pour préparer un oral de stage ou un exposé ! Oui Maxime tu peux mettre des lunettes si tu veux et même si tu y vois bien, ça fait sérieux. Et toi Loïc rase-toi ! Tu vois bien que ça fait plus « propre sur toi ».

D’ailleurs il y a fort à parier que son nom de famille soit bientôt objectivé pour caractériser une attitude, un comportement.

EX1 : Malheur gros, tu l’aurais vu comme il a benalisé hier, trop il faisait le meskin qu’il avait pas révisé !

EX2 : Tu crois tu vas être benalant juste car t’as pas mis ton survet Lacoste, t’as la tête bouffie on dirait le chat à ma daronne.

 

2° La rixe. Le clash. Ça c’est certain. Si vous êtes passés à côté de ça. Pas eux. Alors plusieurs manières d’aborder les faits puisque je vous rappelle que l’audience aura lieu début septembre et que de toute manière, ELLE SERA PLUS IMPORTANTE QUE VOTRE DISCOURS DE DÉBUT D’ANNÉE !

Vous pouvez dans un premier temps rappeler dans le cadre de votre cours ce qu’est la querelle des Anciens et des Modernes. N’est ce pas une dispute, une chiffonnade, une escarmouche qui serait la digne descendante de cela ? Avec d’un côté Booba, le Grand Con-dé, qui défendrait sa propre vision de l’Antiquité, comme perfection artistique, avec des textes tels que :

« Je fais des dons d’urine pour que la France se désaltère » ( ce qui permet d’aborder les risques hydriques d’eau non potable).

Et de l’autre Kaaris le Brun, qui souhaiterait aller au-delà de tout ça, innovant avec des textes tels que :

« Je gonfle les pecs comme un centurion, j te clous ton bec, j’défonce ton croupion » (ce qui permet d’aborder la notion de rime pauvre, suffisante et riche).

Dans un deuxième temps, après ce débat sur le fond même de la querelle, rappelez également, d’un point de vue plus formel, qu’il n’est pas obligatoire de retirer son tee-shirt quand on n’est pas d’accord avec une personne. Sinon vous risquez d’avoir des scènes plutôt délicates à gérer par la suite, durant l’année. Et que le parfum est un produit de beauté, et pas une arme de poing (ce qui permet de travailler sur la notion de duty free dans les aéroports).

Résolutions

Voilà. La température ici avoisine les 40°. En termes de projection enseignante, il est impossible de vous imaginer, vêtu d’autre chose que d’un slip à poche, en face d’une trentaine d’élèves (ce qui dégage une température semblable à ce qu’on trouve sur Mars) qui doivent vous écouter à peu près correctement, car c’est le début de l’année. Ce qui d’ailleurs sera une bonne conclusion à cette métachronique. Car, plus que le 31 décembre. Le 31 août est pour nous enseignant, l’occasion de bonnes résolutions à tenir durant toute une année scolaire. Voici les miennes :

 

  1. Essayer de ne pas souffler systématiquement quand la fin de la recré sonne, avec cette phrase : «  j’ai pas envie d’y aller, j’ai les……. (mettre n’importe quelle classe, ça fonctionne) ».

 

  1. Donc essayer plus globalement de ne pas se plaindre. L’enseignant est, au-delà de l’homo sapiens, un homo pestor. Alors, comme je l’ai fait pour ma dose quotidienne de pâte à tartiner non écologique, vais essayer de diminuer ma dose de plainte, de râle, de pestouille diverse.

 

  1. Tenter de ne pas juger mes nouveaux collègues immédiatement. Leur laisser quelques jours. Enfin, quelques heures supplémentaires avant de décider d’un commun accord de leur crétinisme absolu et de leur absence de pédagogie crasse.

 

Je pense m’arrêter là car le chantier est assez imposant à vrai dire. Voilà donc ma chronique de rentrée terminée, avec cette ouverture ; je vous invite donc à me présenter vos résolutions, et vous remercie pour votre aide en cette belle après-midi de juillet. Oui, le canapé est confortable, je vous laisse le nom du modèle en MP.

Bonne rentrée à tous et à toutes.

Une chronique de Frédéric Lapraz

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