Joseph Fourier par Cédric Villani

Présentation de Joseph Fourier par Cédric Villani

 Dans son dernier ouvrage, Cédric Villani, médaille Fields 2010, évoque Joseph Fourier en termes élogieux à plusieurs reprises. Au début de son livre, il explique, sans formule, l’originalité du travail de Joseph Fourier et au passage revient, avec humeur, sur un jugement de Victor Hugo que nous avons déjà présenté ici.

        « L’analyse de Fourier consiste en l’étude des vibrations élémentaires des signaux. Supposons que l’on souhaite analyser un signal quelconque, une quantité qui varie à mesure que le temps passe ; par exemple, le son est fait de légères variations de pression atmosphérique. Au lieu de s’intéresser directement aux variations complexes de ce  signal, Joseph Fourier, scientifique et homme politique du début de dix-neuvième siècle, eut l’idée de le décomposer en une combinaison de signaux élémentaires, dont chacun varie de manière très simple et répétitive : les sinusoïdes (et leurs frères jumeaux, les cosinusoïdes).

         Chaque sinusoïde est caractérisée par l’amplitude et la fréquence de ses variations ; dans la décomposition de Fourier, les amplitudes nous renseignent sur l’importance relative des fréquences correspondantes dans le signal étudié.

        Ainsi les sons qui nous entourent sont faits de la superposition d’une multitude de fréquences. La vibration à 440 battements par seconde est un la qui sera perçu avec d’autant plus de puissance que son amplitude est forte. À 880 battements par seconde, on entendra un la de l’octave au-dessus. Si l’on multiplie la fréquence par 3, on passera à la quinte, c’est-à-dire au mi; et ainsi de suite. Mais en pratique les sons ne sont jamais purs, ils sont toujours faits de la concomitance de très nombreuses fréquences qui en déterminent le timbre ; pour préparer ma maîtrise, j’ai étudié tout cela dans un passionnant cours intitulé « Musique et Mathématique ».

        Et I’analyse de Fourier sert à tout : à analyser les sons et à les graver sur un CD, mais aussi à analyser les images et à les transmettre par Internet, ou à analyser les variations du niveau de la mer et à prédire les marées…

        Victor Hugo se moquait de Joseph Fourier, « petit » préfet de l’Isère, pariant que sa gloire d’académicien et d’homme politique fanerait au soleil. Il lui opposait l’homme politique Charles Fourier, « le grand Fourier », qui passerait à la postérité pour ses idées sociales.

        Je ne suis pas sûr que Charles Fourier a goûté le compliment. Les socialistes se méfiaient de Hugo, qui était certes le plus grand écrivain de son époque, mais avait aussi un lourd passé de girouette politique, tour à tour monarchiste, bonapartiste, orléaniste, légitimiste, avant que l’exil le rendît républicain.

        Et ce qui est sûr, c’est que – avec tout le respect dû à l’écrivain surdoué dont j’ai adoré les œuvres quand j’étais enfant – l’influence de Joseph Fourier est maintenant bien plus importante que celle de Hugo lui-même ; son « grand poème mathématique » (comme disait Lord Kelvin*), enseigné dans tous les pays du monde, est utilisé chaque jour par des milliards d’humains qui ne s’en rendent même pas compte. »

 Cédric Villani – Théorème vivant – p.33-35

 

* [Lord Kelvin rend compte par cette formule ce qu’il doit à Fourier dont le travail lui à permis de proposer un calcul de l’âge de la Terre comme ce site l’évoque dans un autre article.]

About cm1

R. Timon, né en 1944 a été instituteur, maître formateur, auteur de manuels pédagogiques avant d’écrire pour le Webpédagogique des articles traitant de mathématiques et destinés aux élèves de CM1, CM2 et sixième.

Category(s): hommages, illustrations

Laisser un commentaire