Rembrandt : le portrait individuel

Rembrandt : le portrait individuel

L’art du portrait est un composante majeure de la peinture hollandaise au XVIIe siècle. C’est un genre dont l’origine remonte au XVe siècle quant la bourgeoisie passe les premières commandes de retables sur lesquels figurent les donateurs en position de dévotion. Parallèlement apparaissent les premiers portraits séculiers comme celui des époux Arnolfini ou celui de l’homme au turban rouge de Jan Van Eyck. Mais l’essor véritable du portrait indépendant n’apparaît qu’au XVIe siècle.

 

 

 

L’abondance de portraits hollandais au Siècle d’Or s’explique d’abord par l’extraordinaire développement du commerce qui fait des Pays Bas du nord une des grandes puissances économiques mondiales. La bourgeoisie d’affaires détient également le pouvoir politique en dominant les institutions politiques et civiles. Son influence grandit dans les différents conseils au détriment du stathouder et de l’aristocratie. Conscients de leur statut, les bourgeois multiplient les commandes de portraits et relayent largement l’absence de commandes religieuses en pays calviniste. Tout évènement exceptionnel dans leur vie devient prétexte à se faire portraiturer : mariage, nomination à une fonction publique, admission à la garde civique, mais aussi différentes étapes dans la vie y compris la vieillesse.

Les peintres répondent à ce goût du portrait de leurs commanditaires en multipliant les variantes, les compositions du portrait de couple au portrait individuel ou au portrait collectif des guildes ou des régents des institutions de charité. Cependant, le portrait reste paradoxalement un genre inférieur avec le paysage, une « voie secondaire des arts » comme l’affirme le théoricien Karel Van Mander (1548-1606) dans son Schilderboek ( : Livre de la peinture) en 1604. Cependant, des peintres majeurs comme Van Dyck et secondairement Rubens savaient conférer au modèle une profondeur psychologique au-delà de l’apparence physique. Maîtres du portrait en pied auquel Van Dyck savait donner une grandeur majestueuse ils se distinguent de Rembrandt justement car ce dernier semble moins à l’aise dans ce type de grands portraits. Ce qui caractérisait les portraits de Rembrandt était sa faculté de saisir l’expression de l’humeur du personnage sans pour autant atteindre le brio de Frans Hals. Il ne reste aucun portrait de la période de Leyde pour qu’on puisse mesurer l’évolution du style de Rembrandt. Mais Houbracken dit, dans la biographie de Rembrandt, qu’il se déplaçait à Amsterdam pour des commandes de portraits alors qu’il habitait encore à Leyde. Il aurait déménagé à Amsterdam pour être plus près de sa clientèle. Ce qui est certain, c’est qu’il a connu un grand succès à Amsterdam, les commandes de portraits de groupes prestigieux en témoigne.

Sur les portraits de couple lire l’article ici.

Pour le portrait de groupe et la Ronde de nuit c’est ici.

La page dédiée à l’autoportrait chez Rembrandt est ici.

Rembrandt jeune recherchait la compagnie de riches marchands, d’érudits, de poètes, d’ecclésiastiques. vers la fin de sa vie il s’est tourné vers les gens simples, même si le double portrait Jacob Trip et Margaretha Geer (Londres 1661) montre qu’il avait gardé le contact avec sa riche clientèle d’antan.

Quels sont les différents types de portraits individuels ?

Plusieurs catégorisations peuvent être faites concernant le portrait individuel. Par la fonction d’abord, tout un pan d’entre eux vise à montrer la réussite sociale d’un individu ou d’un couple représenté en deux pendants (souvent séparés aujourd’hui et conservés dans des lieux différents). La finalité est bien sûr aussi essentielle soit qu’il s’agisse d’un tableau destiné au cercle intime de la famille soit qu’il s’agisse de tableaux destinés à être vus d’un plus large public comme c’est le cas notamment des portraits de groupe ou de grands chefs militaires, d’un grand stathouder dans des compositions qui mettent en valeur à la fois la physionomie et l’habit, les attributs des personnages. Mais le plus grand nombre des portraits du XVIIe siècle était destiné au cercle restreint des particuliers avec là aussi une hiérarchie entre les grands portraits en pied ou « tête et mains » destinés aux salons et aux pièces d’apparat et les  portraits de petit format plus intimes et plus personnels montrant l’individu avec plus de simplicité destinés aux appartements privés.

Rembrandt a peint et gravé tous les types de portraits en recherchant de plus en plus la profondeur psychologique des personnages parfois au détriment du souci du détail. A ceux qui se plaignaient de ne pas se reconnaître, il répondait qu’il peignait les portraiturés tels que lui les voyait et non pas tels qu’ils se voyaient eux mêmes dans le miroir (mais cette affirmation de Hoogstraten semble inventée). Les portraits constituent le cœur de l’œuvre de Rembrandt et la légende qui vaut que la bourgeoisie lui ait tourné le dos n’est pas confirmée par les documents. Si les commandes de la classe des régents effectivement diminuent, celles des bourgeois de la classe moyenne supérieure perdurent jusqu’aux années 1660. Après 1636 Rembrandt peint à peu près trois portraits par an qui, selon la taille, lui rapportent chacun de 40 pour une petite gravure à 500 florins, voire plus pour un grand tableau. Plusieurs de ses autoportraits font écho à ces portraits peints ou gravés. Voir par exemple l’autoportrait en potentat de la Frick Collection à New York (vers 1658) et celui de Jacob Trip (vers 1660) de la National Gallery of London, c’est aussi le cas de l’autoportrait dessinant devant une fenêtre (vers 1648) et le portrait d’Arnoult Tholinx, inspecteur des collèges médicaux (vers 1656).

1. Les portraits de ses proches.

Pere de Rembrandt Ashmolean Oxford 1630

Harmen Gerrits pere de Rembrandt, pierre noire, lavis et sanguine 18 x 24cm Oxford, Ashmolean Museum 1630, Femme endormie, lavis de brun et de blanc, 24 x 20 cm

Les portraits ou les scènes de famille sont un genre que Rembrandt a pratiqué en peinture, en gravure ou dans des dessins. Simples esquisses transposant sur le papier un moment fugitif d’une grande vérité et émotion, comme ce portrait de son père (?) endormi, comme celui d’une femme endormie (Saskia ? Hendrijke ?) du British Museum ou portraits plus élaborés comme le portrait de Saskia en Flore de Saint-Pétersbourg cette galerie de portraits est un des traits principaux de son oeuvre avec l’autoportrait. Alors que plusieurs peintres se faisaient portraiturer en famille ou peignaient des portraits de leur famille pour montrer leur réussite sociale (voir les spectaculaires portraits de la famille de Rubens), Rembrandt préférait les portraits isolés, historiés ou pris sur le vif même si Saskia en Flore reflète de manière allégorique l’intimité du mariage récemment célébré avec le peintre mais aussi  la vogue des idylles pastorales dans la bourgeoisie d’Amsterdam vers 1630 – 1635.

Il arrivait que les peintres déguisent les membres de la famille pour composer des portraits historiés, genre que Rembrandt a également pratiqué en transformant ses proches en personnages bibliques comme Rubens qui utilisait ses épouses comme modèles pour les figures de déesses et des Grâces. Ainsi son père Harmen aurait servi de modèle pour Jérémie se lamentant sur les ruines de Jérusalem (tableau au Rijksmuseum 1630)  ou Saint Pierre priant dans sa maison. Sa mère Neeltgen se penche attentivement en prophétesse Anne sur un énorme livre (tableau du Rjks Museum, 1631). Sa mère figurerait également dans d’autres portraits peints ou gravés où Rembrandt met en valeur les marques de la vieillesse en détaillant les rides et les plis de la peau comme dans cette magnifique eau forte de 1631 également.

Mais Gary Schwartz conteste cette « quête obsessionnelle des parents de Rembrandt » dans chaque portrait de vieillard des années 1630. Il attribue cette manie de transformer en portraits de famille des dizaines de tableaux d’hommes et de femmes âgées manifestement très différents par la physionomie à des historiens de l’art allemands du début du XXe siècle qui multiplient les identifications des membres de la famille : son père, sa mère, son frère (l’Homme au casque d’or de Berlin, vers 1650). Progressivement le nombre de portraits du père et de la mère est passé de plus de quarante à moins d’une dizaine. En réalité, les portraits de femmes et d’hommes âgés non identifiés seraient une des variantes des « tronies » montrant le caractère éphémère de la jeunesse et de la vie. Voir par exemple le magnifique portrait d’une Femme âgée lisant un lectionnaire ( appelé aussi « La mère de Rembrandt« ) de Gérard Dou (1613-1675) du Rijksmuseum.

Gary Schwartz souligne en revanche le nombre important de portraits de sa belle famille, les Uylenburgh, qu’il attribue à des préoccupations artistiques et mercantiles car sa belle famille était beaucoup plus intimement liée à son activité que sa propre famille. On peut citer le très beau portrait gravé du pasteur réformé et cousin de Saskia Jan Cornelsz Sylvius ou le portrait d’Aeltje Uylenburgh, son épouse. Ce lien na pas survécu à la mort de Saskia en 1642, d’ailleurs Rembrandt n’a pas montré le même intérêt pour la famille de ses autres compagnes.

Trois membres de sa famille ont marqué les portraits familiaux de Rembrandt ; Saskia, Hendrjke et Titus. Quant aux scènes de famille, la maisonnée de Rembrandt est souvent représentée dans des scènes d’extérieur, devant le seuil de la maison et non pas à l’intérieur qui ne semble pas l’intéresser contrairement à l’habitude des peintres hollandais de peindre les scènes familiales près de la porte d’entrée mais côté intérieur. Simon Schama distingue ainsi la sécurité de  l’intérieur et l’inconnu de l’extérieur. Pour Rembrandt l’intérieur était plutôt constitué de personnes plutôt que d’espaces c’est ce qui explique qu’il ne s’attarde pas sur les mobilier, l’espace de la maison.

Le charme des dessins d’enfants pris sur le vif à différents moments de la vie (réconfortés, en train d’être épouillés, être en colère, en train de jouer, en train d’apprendre à marcher, blottis dans les bras de leur mère …) a poussé certains à voir en Rembrandt un « spécialiste » de l’enfance. Gary Schwartz montre, statistiques à l’appui, qu’en ce qui concerne les tableaux, Rembrandt a une nette prédilection pour les hommes, les femmes ne sont en moyenne que 20 pour 100 hommes (au lieu de 27 sur 100 hommes pour l’ensemble des peintres hollandais) et  les enfants 9,7 / 100 hommes contre 7,6 pour les peintres hollandais. Mais Rembrandt comme portraitiste peint encore moins d’enfants (leur quantité est infime comme chez Vermeer) que comme peintre d’histoire.

Selon Christopher Wright, les portraits de famille sont loin d’exprimer l’affection et les sentiments qu’on leur a prêtés par la suite. Les portraits de Saskia ont un certain charme mais il s’agit plus d’une figure élégante et décorative que d’un portrait véritablement à la profondeur psychologique.

Saskia van Uylenburgh.

Elle a partagé la vie de Rembrandt pendant près de 10 ans. Le plus beau portrait de Saskia est le fameux dessin à la ponte sèche sur vélin de Berlin intitulé Saskia au chapeau de paille. Il est annoté « Voici le dessin de ma femme quand elle était âgée de 21 ans, le troisième jour que nous étions mariés le 8 juin 1633″. Des débats intenses ont opposé les spécialistes car la date ne correspond ni à l’âge de Saskia ni à celle du mariage survenu en 1634.

Par ailleurs Saskia est bien la seule personne de sa famille avec laquelle il se soit portraituré alors que ce genre d’autoportraits de famille était courant chez les peintres hollandais. L’eau forte de 1636 coïncide à peu près avec l’autoportrait dit Le fils prodigue dans une taverne (vers 1635, 161 x 131 cm, Dresde, Gemäldegalerie, un des tableaux les plus étranges et les plus controversés. Peut-être une tentative d’autoglorification, représenté dans un décor juste esquissé mais avec des signes de luxe (rideau, paon symbole de richesse, vêtements fantaisistes mais élaborés et épée)

Autoportrait avec Saskia en fils prodique

Les premiers portraits de Saskia montrent une jeune femme pleine de charme, sure d’elle quelle soit la tenue portée : chapeau de paille parfois orné de fleurs, robe  de nuit, tenue de ville élégante, brocarts et fourrures, perles dans les cheveux comme dans le très beau panneau Saskia de profil de Kassel, 99 x 79 cm, commencé vers 1633 et achevé peu avant sa mort, vers 1642 (ci-dessous à gauche). Le portrait de profil est très rare au XVIIe siècle en Europe et rappelle les portraits italiens du Quattrocento comme celui de Pisanello, intitulé portrait d’une jeune fille de ma maison d’Este (Louvre) ou celui de Laura Battiferi par  (Florence Palazzo Vecchio) Bronzino au XVIe. Transformée en princesse à la mode italienne de la Renaissance (béret aristocratique allemand, fourrure, bijoux, plume, velours) Saskia resplendit dans ce déguisement anachronique. C’est donc une sorte de portrait déguisé à l’image des portraits en tenue orientale ou à son autoportrait de Londres inspiré de celui de Castiglione par Raphaël et de l’Arioste par Titien. La technique elle même est un condensé d’influences : le portrait flamand du XVe avec le fond sombre et le corps de trois quarts pour plus de volume, la peinture vénitienne avec le velours rouge modulé par des ombres de la robe en contraste par rapport à la couleur claire et douce de la peau, la manche au tissu fin tombant lourdement à la mode hollandaise. Rembrandt crée ici une sorte de portrait idéal de sa jeune femme, croisant modes et époques, parée d’une foule d’accessoires de son cabinet de curiosités

 

Ci-dessus à droite, Portrait de Saskia  jeune, 1633, huile sur bois de chêne, 52,5 x 44,5 cm, Gemäldegalerie, Dresden. Ce portrait est une grande réussite. La figure de Saskia est très expressive dans un portrait où l’on sent une certaine intimité avec l’artiste. Ce portrait rappelle celui que Rubens fait à Portrait de Suzanne Fourment-Lundens vers 1622-1625, huile sur bois 79 x 54cm, exposé à Londres à la National Gallery. Un autre portrait charmant est celui montrant Saskia à la fenêtre, dessin privé mais soigneusement composé avec finesse et un usage très fin du lavis pour suggérer l’obscurité de l’intérieur.

Mais on la voit aussi poser en Flore, la déesse romaine de la Nature (Voir le tableau de Saint-Pétersbourg tout à fait dans la tradition pastorale prenant sa femme comme modèle pour évoquer cette déesse très populaire au XVIIe). Ce sont des tableaux assez conventionnels. Même si nous avons des incertitudes, certains dessins montrent Saskia, ou en tout cas une femme, malade, alitée (Munich), elle apparait également sur une eau forte de trois études dans une expression fatiguée et introvertie, voir mélancolique.

Le dernier portrait de Saskia (1641, Dresde) la montre de face tenant une fleur rouge, rien n’indique qu’elle est malade, un an avant sa mort. C’est un portrait intime, le geste de la main retenant le corsage et le caractère un peu négligé des vêtements le montrent.


Un portrait intime de femme a été très discuté, c’est celui de la National Gallery of Scotland à Edimbourg, appelé Femme au lit, vers 1647, huile sur toile, 81 x 68 cm.

C’est un tableau qui dénote une grande proximité avec le peintre qui montre une grande tendresse pour le modèle. Est-ce Geertje Dircx ? La physionomie ne ressemble pas à Hendrijke et le portrait est trop intimiste pour que ce soir une scène de genre.

Hendrijke Stoffels

Rembrandt a passé quatorze années avec cette jeune servante fidèle pendant 14 ans, dans les moments les plus tourmentés de sa vie, dont il tomba amoureux mais qu’il n’a pas épousé conformément au testament de Saskia qui prévoyait de donner la moitié de ses biens à la famille en cas de remariage. Elle entre dans la maison Rembrandt à l’âge de 23 ans mais décède prématurément en 1663 touchée par l’épidémie de peste. Elle devient comme Saskia le modèle de son compagnon.

Sa figure est très différente de celle de Saskia.

Certes très jeune, elle ne sera jamais représentée comme Saskia en jeune femme fraîche et provinciale. Il la peignit dans des attitudes de femmes compromises par leur sexualité : ci-dessous à gauche en courtisane vénitienne posant dans une embrasure de porte (vers 1654, 86 x 65cm, Berlin), en baigneuse dans un jardin (62 x 47 cm, LOndres National Gallery) comme Suzanne au bain. Ce portrait, ou plutôt scène de genre,  est probablement le plus touchant. Elle lève sa chemise, pour certains elle est en train d’uriner, pour d’autres (Schwartz) elle aperçoit son entrejambe dans le reflet de l’eau ce qui l’amuse.Tableau intimiste, on imagine Hendrijke lors d’une partie de campagne au bord d’une rivière, être prise d’envie d’un bain et avançant en tâtant prudemment le fond. L’obscurité alentour évoque peut-être un bois, à l’abri des regards. La baigneuse s’est débarrassée de sa robe or et cramoisie qui rappelle celle de Bethsabée peinte la même année 1654. Rappelons que la jeune servante, enceinte de son maître, est convoquée cette année devant le tribunal pour concubinage. Se baigner presque nue est impensable à cette époque. La peinture de plein air n’existe pas en Europe avant le XIXe siècle. Rembrandt crée une atmosphère artificielle, visible surtout dans le jeu d’ombre et de lumière qui rappelle son atelier. La chemise lourde, opaque et empâtée descend sur la poitrine sans la découvrir. Diane au bain ? Suzanne ? Bethsabée ? Ce portrait participe du mystère iconographique rembranien. Plus prosaïquement est-elle en train d’uriner ? Est-elle en train de sourire à la vue du reflet de son entrejambe ? La touche, la matière sont typiquement rembranesques. Le contour n’est pas défini, on voit le blanc de la chemise baver sur le fond sombre, le blanc de la chemise est repris par des touches de gris ou de noir « dans le frais » c’est à dire en mélangeant les tons directement sur la toile et non pas sur sa palette, pour ombrer en « demi-teinte ». Le brocart de la robe abandonnée est repris par des touches irrégulières et rehaussées à la brosse en blanc, orange, jaune-or.

On a vu Hendrijke aussi dans la Bethsabée du Louvre (1654) dans une pose digne d’une héroïne de tragédie. Mais le portrait le plus touchant où Renbrandt fait preuve d’une grande acuité pour capter l’expression du visage mais aussi le déclin physique d’Hendrijke est celui du Metropolitan Museum de New York (1660) deux ans avant sa mort.


Rembrandt se tourne alors vers Titus dont tous les portraits expriment l’amour paternel.

Titus.

Titus n’a pas été un artiste aussi doué que son père mais il fut un fils charmant qui lui donna un petit fils avec Cornelia. Il mourut jeune après avoir beaucoup aidé Rembrandt dans ses affaires, notamment dans les, ventes de ses eaux fortes. Sa naissance fut une joie mais aussi un malheur pour Rembrandt qui perdit Saskia en couches.

Le plus ancien portrait de Titus est celui de la Norton Simon Foundation, Pasadena, Californie, daté de 1655 et qui semble directement lié à celui de Rotterdam Museum Boijmans, daté de 1655, 77x63cm, 1655, ) dit Titus à son pupitre. C’est un des plus beaux portraits où l’on voit le fils aimé dans une attitude pensive malgré son jeune âge. La touche est très libre ce qui n’empêche pas certains détails comme la façon dont le pouce presse sa joue. Les dimensions modestes, la proximité avec le modèle et la charmante spontanéité de celui-ci montrent qu’il s’agit d’un portrait peint pour le plaisir.


Le portrait de la Wallace collection montre Titus (?) de face comme sur le portrait de Pasadena :

 

Le modèle est de face est constitue une sorte de synthèse du tableau de Pasadena et de celui de Rotterdam. Christopher Wright avance l’hypothèse d’un amalgame de plusieurs tableaux faits par un bon imitateur de Rembrandt d’autant plus que l’autre portrait de Titus ci-dessus (Vienne 1657, 70 x 64 cm) est très différent : jeu de lumière délicat, humeur très détendue du modèle. Mais celui qui frappe le plus est Titus en moine franciscain (ou en Saint François ?) conservé au Rijksmuseum, vers 1660, toile 80 x 68 cm :

Le dernier portrait, toile 78 xx 64 cm, 1663, Londres, Dulwich Picture Gallery, est un  tableau à la manière tardive : grandes touches avec un pinceau trempé de couleur où Titus apparaît comme un jeune homme de 21 ans à l’apparence plus âgée :

 


Conclusion.

Les portraits de famille constituent un ensemble assez cohérent de portraits apparaissant à différents moments de sa vie. Certains comme le Titus de Rotterdam et sont de véritables chefs d’oeuvre car Rembrandt combine une touche très libre et un intérêt pour la physionomie, une touche d’émotion. Mais nous n’avons aucune preuve d’authenticité pour plusieurs de ces tableaux pour leur auteur ni pour les modèles.


II. Les portraits individuels de ses clients.

Rembrandt a pratiqué le portrait peint ou gravé tout au long de sa carrière. Ses dessins montrent une grande faculté à saisir la silhouette, l’attitude du personnage, la vie qui palpite dans la figure humaine, l’instantané d’un geste. Dans les portraits peints ou gravés il se montre capable d’aller chercher les « mouvements de l’âme humaine », de caractériser la personne au-delà du rendu mimétique du modèle.

Un des tous premiers portraits réalisés à Amsterdam est celui du Jeune homme à son bureau (Saint-Pétersbourg, Ermitage) daté de 1631. Portrait d’un naturalisme intimiste et d’une grande spontanéité, loin de tout formalisme, il a posé des problèmes d’identification du modèle. Est-ce un professeur? Un chercheur ? Un érudit ? Tableau qui montre déjà le goût de Rembrandt pour la représentation de livres surdimensionnés, motif qu’il reprendra maintes fois par la suite.

Le plus ancien portrait commandé à Rembrandt est celui de Nicolaes Ruts, bois, 116 x 87 cm, New York, Frick Collection.


Portrait d’un riche négociant amstellodamois qui marque l’arrivée de Rembrandt à Amsterdam, et peut-être même son déménagement. Demeuré dans la famille du modèle pendant plusieurs siècles, dont la famille régnante, il sera acheté par en 1903 par un collectionneur, puis par le le Metropolitan Museum en 1943.

Rembrandt a dû s’appliquer particulièrement car sa carrière dépendait beaucoup de ce premier portrait. Ruts est né en 1573 dans une famille flamande protestante qui s’exile à Cologne pour fuir les persécutions. Membre de la guilde des fourreurs il commerce avec la Russie.Portraituré au temps de sa grandeur, il fera faillite en 1638 juste avant sa mort.

D’un air décidé, c’est un homme sûr de lui il pose la main sur le dos de la chaise dont il vient de se lever. Le buste est de trois quarts mais le visage est vu de face et les yeux fixent le spectateur. La main gauche tient un papier dont l’écriture est indéchiffrable. Peut-être un billet de commerce. Le coloris est un camaïeux tout à fait dans les goûts calvinistes de l’époque : brun – vert pour le fond dans un subtil dégradé de nuances, une constante chez Rembrandt, qui fait ressortir la figure de l’ombre. La riche fourrure et le dos de la chaise sont dans les tons brun – roux et le costume d’un noir profond. Le visage est éclairé par le blanc de la collerette, il est riche en tons rouges comme la main. Ruts est un marchand de fourrures, Rembrandt double tout naturellement son tabard d’une zibeline et le coiffe d’un bonnet de poils. Cela lui permet de montrer sa virtuosité dans le rendu des matières, en particulier le soyeux des poils comme pour mieux adoucir le portrait de cet homme aux traits aigus. On remarque également le procédé rembranien des égratignures pratiquées avec le bout du pinceau pour donner du relief à la barbe et à la moustache. La splendeur de ce tableau a certainement joué un rôle dans l’attribution de la Leçon d’anatomie du docteur Nicolaes Tulp en 1632 (Mauritshuis, La Haye).

Quels étaient les rapports de Rembrandt avec la classe des marchands et autres manufacturiers ?

Gary Schwartz rappelle qu’ils furent ses plus fidèles mécènes, contrairement aux hommes du patriciat urbain, des régents de la République avec lesquels il entretint des rapports plutôt froids. Rembrandt « le paya cher en termes de protection et de revenu » et eux « en termes d’immortalité ».Jan Six est en effet le seul régent qu’il a pu compter parmi ses mécènes. C’est grâce à Rembrandt qu’il est célèbre, car il fut son plus grand admirateur, et celui dont les portraits peint et gravé sont admirés dans le monde entier. les autres sont tombés dans l’oubli. Mais lorsque ces portraits furent réalisés il n’avait pas encore exercé la moindre charge. Ce sera le cas plus de vingt ans après le portrait et après son mariage avec la fille de Tulp Margaretha. En revanche, un conflit judiciaire, peut-être à propos d’un tableau (Kassel, 1639 200×125 cm), l’opposa au futur bourgmestre Cornelis de Graeff ce qui coûta à Rembrandt une réputation négative. Le tableau en question était peut-être le grand portrait en pied de 1639, toile 200×125 cm conservé à Kassel (ci-dessous).


Andriès de Greaff pose ici richement vêtu, devant la porte de sa demeure luxueuse, un des gants posant étrangement au sol un doigt écarté vers l’extérieur.

Rembrandt n’a jamais peint un régent en exercice. Mais certains tableaux ont également pu choquer les bourgmestres comme La conspiration de Claudius Civilis (1661, Stockholm) tableau qui lui a été retourné, même si on ne sait pas quel était le motif. Certains évoquent un différend sur le prix.

Le prédicateur mennonite Anslo, qu’il portraitura avec sa femme dans le magnifique double portrait de Berlin (1641), était lui même marchand de draps. Etre marchand (koopman) était un statut ambigu, à la fois positif et négatif. A l’ère du mercantilisme et du capitalisme marchand (cf. Braudel), devenir riche marchand et membre des conseils de régence était le rêve de tout bourgeois. Mais progressivement, le régents étaient de plus en plus recrutés dans la classe des rentiers de la terre et non plus chez les marchands aventuriers, héros du grand commerce d’outre-mer. L’autre signification, négative cette fois, tend à faire du koopman un individu qui pousse à la marchandisation de tout, sans aucun scrupule, qui allait jusqu’à vendre de la poudre à canon aux Espagnols en pleine guerre. Parmi les possesseurs d’oeuvres de Rembrandt répertoriés, un tiers appartenait à cette classe, les autres étant des professions libérales (notaires, médecins), ou des fonctionnaires de la République et quelques plus rares patriciens.

Le portrait de Nicolaes Ruts (1568-1649) ci-dessus est tout à fait caractéristique des mentalités de l’époque. La fourrure n’est pas tant l’allusion à son métier mais plutôt le tabard, vêtement que portent les ecclésiastiques de Rembrandt.LA seule référence au métier est probablement le billet qui pourrait être aussi l’attribut d’un fonctionnaire, ou d’un ingénieur comme celui que tend Griet Jans à son époux Jan Rickjsen. Rembrandt réussit à leur donner fière allure, très loin de la trivialité dont on les affublait. La réserve et la vitalité de Ruts expriment une forme de stoïcisme chrétien fondé sur le détachement par rapport aux tentations que le succès commercial présente. Ces marchands posent de façon mesurée mais sont aussi très élégants. Les jeunes femmes de la bourgeoisie marchande, en particulier, sont aussi élégantes qu’Amalia Von Solms, (1602-1675)épouse du stathouder,  qui lui commande un portrait conservé à Jacquemart André.

On peut le voir en comparant son portrait à celui de Maria Trip, fille d’un riche marchand en 1639 (Rijksmuseum)


Le corsage en dentelle blanche empesée, les colliers de perles, le pendentif de pierres précieuses, la robe en velours noir, ces tenues à la mode se diffusaient depuis la cour de La Haye vers les bourgeoises Amsterdam. De même que la mode vestimentaire, c’est toute l’attitude du modèle qui se diffuse depuis les cours européennes (dont celle de La Haye) vers la haute bourgeoisie. Lire l’excellent article, Vers une histoire vraiment culturelle de la mode : l’exemple de la peinture néerlandaise au XVIIe siècle, de Herman Roodenburg ans la revue électronique Apparences. Il évoque le sens du vêtement noir qui n’est pas un signe du rigorisme calviniste, comme l’affirme Schama, mais plutôt une tenue officielle qu’on portait également pour être portraituré, signe de civilité, alors que l’habit en couleur renvoyait à l’intimité des chambres privées. Les pasteurs désapprouvaient le « déshabillé » c’est à dire le port de vêtements colorés, considéré comme négligé. Il faut donc se garder de considérer ces portraits comme mimétiques car, à l’image de Van Dyck, le plus grand portraitiste international de l’époque, les peintres avaient tendance à rendre les modèles plus gracieux, selon les normes de la sprezzatura édictées par Baldassare Castiglione en 1528 dans Il Libro del Cortegiano. A cette règle issue de la Renaissance italienne, le XVIIe et XVIIIe européens ont ajouté celle de « l’honnêteté » dont le vêtement et l’attitude digne sont le reflet.

Rembrandt a lui aussi pratiqué une certaine idéalisation des figures dans les portraits de commande, la réputation de peintre sans compromis pour le modèle ne résiste pas à l’analyse. Van Hoogstraten donnait ce conseil au portraitiste : « rares sont ceux qui risquent de s’offenser d’un soupçon d’embellissement » – en particulier les femmes. Rembrandt lui-même faisait partie de ce milieu de la classe moyenne supérieure, ses autoportraits en « koopman » ou en homme élégant le montrent (Glasgow en 1632, où il porte la collerette et un costume noir aux boutons d’or, ou celui du Louvre « à la toque et à chaîne d’or« , ou encore la gravure de l’autoportrait au chapeau rond et au manteau brodé). D’ailleurs n’était-il pas lui même marchand de ses propres oeuvres ? Ne touchait-il pas de fortes sommes de ses apprentis (100 florins par personne) ? Ses difficultés financières dans les années 1650 montrent qu’il avait certainement investi dans les affaires et subi le retournement de conjoncture qui mit à genoux l’économie hollandaise. Le marché de l’art  a également souffert, il ne s’en est jamais remis. Qui connaît des grands peintres flamands et hollandais après les années 1670 alors qu’ils représentaient un tiers des artistes peintres dans la première moitié du siècle ?

Un exemple emblématique de cette peinture qu’on pourrait qualifier de « commerciale » est le double portrait séparé de la famille de Jan Pellicorne et de son épouse Susanna van Collen avec leurs deux enfants (Londres Wallace Collection) datés des années 1633-35. Ce sont de grands portraits grandeur nature (155 cm de hauteur x 122cm), assez rares chez Rembrandt, mais qui n’ont pas la solennité des portraits d’apparat en pied car les personnages sont d’un grand naturel. Si le fond et le vêtement se confondent dans l’obscurité de l’arrière plan, les dentelles et les broderies sont traitées avec beaucoup plus de réalisme. Il s’agit d’un tableau d’atelier, un des nombreux portraits qu’il a vendus dna sles années 1630.

Mais le maître de Leyde savait aussi aller au-delà des apparences pour représenter un de ses plus fervents admirateurs, Jan Six, poète et écrivain. C’est des tableaux les plus extraordinaires qu’il ait peints sur lequel Jan Six aurait écrit :

« C’est le visage que moi, Jan Six j’avais ;

Moi qui dès l’enfance ai cultivé les Muses (…)

Sur mon tableau. »

Portrait de Jan Six, vers 1654, toile 112 x 102 cm, Amsterdam, Fondation Six. Ce tableau vient couronner une relation qui commence quand Rembrandt illustre par une gravure la pièce « Médée » de Six (1648) et surtout en 1648 avec l’une de ses plus belles gravures intitulée Le mariage de Jason.

Ce portrait incarne toutes les qualités de Rembrandt portraitiste : liberté du coup de pinceau, visage légèrement incliné rendu avec une grande attention aux ombres qui donnent du relief en même temps qu’une grande expressivité, le rendu de la décoration du vêtement avec de simples touches rapides d’un pinceau trempé dans plusieurs couleurs. Cette technique est proche de celle de Frans Hals.

Mais Rembrandt avait également réalisé quelques années plus tôt un très beau portrait gravé de Jan Six. Lire le commentaire de ce chef d’oeuvre de la gravure  sur le site de la BNF. Jan Six lisant près d’une fenêtre (1647).

Remarquer comment Rembrandt rend à la fois l’allure élégante de ce jeune bourgeois dans une mise en scène d’intérieur choisie par le modèle pour se montrer comme amoureux des lettres. La gravure de Rembrandt magnifie les objets grâce à un clair obscur d’une grande subtilité obtenu par des tailles extrêmement fines à la pointe sèche et au burin. Cette pièce est très vite devenue célèbre et s’est vendu à des prix sans précédent pour une gravure. Il n’existe que deux exemplaires (Amsterdam  et BNF). remarquez comment la lumière naturelle met à la fois en valeur l’intérieur somme toute modeste, et les objets fétiches du poète : cahier qu’il est en train de lire, livres, objets de collection, livres et peut-être recueils de gravures.C’est une véritable prouesse technique, image idéale d’un gentilhomme cultivé et poète. Lumière et inspiration se rencontrent dans ce chef d’oeuvre qui deviendra un véritable modèle. Dans une transaction pour l’achat d’une maison, rembrandt comptait inclure dans le paiement un portrait du vendeur de la maison « d’après nature, de la même qualité que le portrait de M. Six ».

Cette gravure peut être rapprochée d’un autre chef d’oeuvre, le portrait d’Abraham Francen, (1612 – après 1678) apothicaire et collectionneur d’art d’Amsterdam. (vers 1657). Ami proche de Rembrandt. Il a souvent aidé l’artiste lorsqu’il était en difficultés financières, et ce portrait pourrait être considéré comme un signe d’amitié plutôt qu’un portrait officiel.

rembrandt portrait francen

Eau-forte, pointe sèche et burin , Feuille 158 x 208 mm

Rembrandt Abraham Francen gravure 1657

Intérieur aussi modeste, une table et quelques oeuvres d’art. La passion du collectionneur est exprimée dans ces mots de François Gersaint (1694-1750) éditeur d’un catalogue complet des estampes de Rembrandt, « il se privait de nourriture et de boisson afin d’acquérir(…) des pièces qui lui plaisaient« .  Peut-être est-il en train d’admirer le portrait de jan Six à la fenêtre. Artiste, poète et collectionneur se rencontrent ainsi dans une seule oeuvre que magnifie la lumière naturelle venant de la fenêtre qui donne une grande spiritualité aux figures. La mise en relation de la poésie et de la peinture (une tradition depuis la Renaissance) est très courante dans les milieux littéraires. Certaines dédicaces expriment cette relation privilégiée :

« La poésie, qui a tant de choses en commun avec la peinture, que l’une peint parfois avec des mots tandis que l’autre parle en peinture, me donne l’occasion de t’offrir des poèmes pour tes tableaux et des mots pour tes pigments ».

Rembrandt est un des artistes les plus en vue dans les recueils de poèmes (cf; Jeremias Decker sur le Christ apparaissant à Marie Madeleine) et le portrait en eau forte de Jan Six est évoqué par Joost van den Vondel.


Rembrandt a donc portraituré les membres d’une bourgeoisie dont il faisait partie en créant un dialogue stylistique, ou de poses,  entre le portrait et l’autoportrait. Certains étaient don ses amis et c’est dans ces portraits d’amis qu’i atteint la perfection dans l’expression psychologique. Un des portraits d’amis proches des plus expressifs est en effet celui du Docteur Ephraim Bueno (1759-1665), médecin et écrivain juif à Amsterdam, vers 1647, Huile sur panneau, 19 x 15 cm, Rijksmuseum, Amsterdam.

Rembrandt exécuta ce petit portrait intime en guise d’étude préparatoire, pour une gravure à l’eau-forte qui fut réalisée en 1647 :

On pense que le modèle est le docteur Ephraim Bueno, médecin juif portugais et écrivain à Amsterdam. Les deux hommes firent vraisemblablement connaissance grâce à un ami commun, Menasseh Ben Israel, érudit juif portugais qui possédait une imprimerie à Amsterdam et comptait le docteur Bueno parmi ses clients et financiers. Bueno appartenait à une célèbre famille juive originaire du nord du Portugal, dont étaient issus de nombreux médecins. Son père, le Dr Joseph Bueno, était si célèbre qu’il fut appelé en 1625 au chevet du prince Maurice. En 1642, alors qu’il vivait déjà à Amsterdam, Ephraim Bueno reçut son titre de docteur en médecine de la Faculté de Bordeaux. C’était aussi un homme de lettres, qui écrivait de la poésie et traduisait les oeuvres de ses confrères en espagnol. Il occupait une position importante dans la communauté juive portugaise qui se rassemblait dans la synagogue d’Amsterdam peinte par Emanuel de Witte.

Rembrandt a peint son modèle en quasi grisaille – camaïeu de gris, de brun et de blanc – dans le format qui devait avoir l’oeuvre gravée. Ce panneau est d’autant plus intéressant que c’est la seule esquisse à l’huile faite par l’artiste en vue de la réalisation d’un portrait qui nous soit parvenue. Rembrandt a eu recours à ce type de procédé pour des tableaux sacrés, et certaines de ces études ont été conservées. Les études préparatoires de Rembrandt étaient déjà très appréciées de son vivant et suscitaient la convoitise des collectionneurs. Ce qui frappe le plus dans ce portrait, c’est la méticulosité des détails du visage du modèle, par opposition au reste de l’étude. Grâce aux subtils effets de lumière, le visage, éclairé par la blancheur du col, se détachement nettement du subtil fond monochrome. C’est un portrait en buste dans lequel le docteur Bueno se tient debout, la main gauche posée sur une rampe. Il est coiffé d’un haut chapeau noir dont l’extrémité dépasse le cadre du tableau. Cette esquisse laisse à penser qu’il s’agit du fragment d’une plus vaste composition, et que Rembrandt avait choisi de se concentrer sur ce qu’il considérait être la partie essentielle du tableau. Dans l’oeuvre gravée, la composition quelque peu élargie sur les côtés, rend presque entièrement visible la rampe sur laquelle repose la main de Bueno et donne une idée de la composition d’ensemble du tableau. (Source Ruud Priem)

Le seul portrait équestre de Rembrandt.

Il existe cependant un portrait exceptionnel qui ne ressemble à aucun autre, dont il n’y a qu’un seul précédent en Hollande, c’est le portrait équestre de Frédéric Rihel (?) (1621-1681 ) réalisé 1663 et conservé à Londres (toile, 294x241cm, National Gallery).

 

Comme le Cavalier polonais, l’attribution de ce portrait est contestée, ayant été faite à partir de l’inventaire à la mort de Rihel qui mentionne un portrait équestre par Rembrandt. Le cheval est grandeur nature et entreprend une levade. Walter Liedtke la décrit ainsi : « le cheval courbe fortement les hanches…Le cavalier se tient de front, très droit et immobile…Le mouvement est maintenu aussi longtemps que le permettent la force et l’adresse du cheval.(généralement quelques cinq secondes)… ». Il existe bien sûr des précédents dans ce type de portraits équestres, les plus fameux étant le premier d’entre eux, celui de Charles Quint à Mühlberg parTitien en 1548 conservé au Prado et ceux qu’il inspira à Velasquez , Van Dyck (Charles Ier d’Angleterre) et Rubens.


Inhabituel chez Rembrandt, le portrait est altéré notamment autour de la figure, par une sorte de brume foncée. D’autres y ont vu justement la marque du maître. du mais contrairement au Cavalier polonais placé dans un paysage intemporel (le voici :

 

le deuxième portrait équestre semble s’intégrer dans la société du XVIIe, c’est un portrait sur commande, peut-être pour célébrer un évènement (c’est la tradition du portrait équestre) comme l’affirme Gary Shwartz (p. 211), l’entrée de Marie Stuart et de son fils futur Guillaume III, stadhouder. Dans le cortège est mentionné un certain Frederik Riel, un strasbourgeois travaillant dans une banque dont un des principaux clients était la maison d’Orange. On distingue à l’arrière plan un carrosse luxueux esquissé de manière à briller dans l’obscurité. Selon Schwartz, Rembrandt aurait fait preuve d’audace en représentant ce roturier, même pas régent, comme un noble personnage.

Conclusion.

Rembrandt fut un des plus grands portraitistes de tous les temps. Alternant portraits de clients d’Amsterdam et portraits de proches,ou de lui même, il a porté à un  niveau très élevé l’observation de la nature humaine tant sur le plan de l’apparence physique que sur le plan de la pénétration psychologique du modèle. Le portrait rembranien exprime aussi toute la palette de sa technique picturale tantôt lisse, surtout au début de sa carrière, tantôt relâchée et esquissée, mais toujours empreinte d’une part de mystère renforcée par le subtil travail sur la lumière qui caractérise tout son oeuvre peint et gravé.




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