Prendre conscience permet-il de devenir soi-même ? (1)

 

odyssée          ( Alastair Magnaldo   – Yellow Korner)

La prise de conscience est, à l’image de l’éveil d’un profond sommeil, la marque à la fois d’une décision pratique et  indissociablement d’une reconnaissance théorique. Prendre « conscience » (de cum (lat) – avec –  et scire (lat) science – ), c’est décider d’être désormais accompagné par la connaissance , de ne plus être sans savoir. Il y a là une décision  qui n’est pas sans conséquence sur la façon dont je peux me comprendre moi-même. Je m’intéresse en effet à la compréhension de moi-même dans les moments de l’existence où vacillent les certitudes et les convictions ayant jusque ici tenues lieu de marqueurs de mon identité, ce sont des des moments de « crise » ou de remise en question qui se caractérisent par des exercices de discernement centrés sur la question: « Qui suis-je ? ».

On peut considérer dans un premier temps que ce processus d’élucidation de Soi dans lequel la conscience joue un rôle décisif est bien le chemin d’un devenir de soi-même. Devenir soi-même signifierait alors prendre conscience de son identité de sujet, cad de cet être qui, d’une part, sous les différents changements qui l’affectent reste en permanence le même, et d’autre part, est fondamentalement  original, unique en son genre cad singulièrement lui-même, sans qu’aucun autre ne puisse jamais être parfaitement comme lui. Cette thèse du sujet fait de la conscience la voie principale du processus que constitue le devenir soi-même, ce devenir constituant alors tant une opération de reconnaissance du sujet par lui-même que d’accomplissement pratique de son identité, par exemple sous la figure de la personne que je deviens consciemment. Devenir soi pour un sujet signifie ici se reconnaître pour ce qu’on est et devenir ce qu’on doit être.  Une telle opération de reconnaissance n’est pas aisée: elle demande de choisir le bon moment pour agir sur soi, elle exige une attention à la façon dont se tisse en son « for intérieur » le sentiment de l’identité personnelle, au fur et à mesure du développement des facultés physiques, intellectuelles et morales, elle suggère aussi un certain usage du langage témoignant d’un accès à la pensée et non seulement au sentiment de soi qui permet d’exercer un pouvoir sur ses représentations.

Pourtant cela suffit-il pour établir de façon irréfutable la thèse de l’existence du sujet ? On peut dans un deuxième temps émettre une critique de la théorie du sujet : 1/ d’abord, envers la réalité même d’un tel être plus (sur)estimé à travers les mots permettant prétendument de le symboliser: « je », « Moi », « Ego », qu’à travers une véritable démonstration de son existence. Le sujet comme Dieu ou le monde est un de ces êtres dont la réalité semble rigoureusement indémontrable, d’une part, et dont l’expérience, d’autre part, pour peu qu’on soit attentif aux leçons que celle-ci nous délivre s’avère problématique. 2/ Ensuite, la critique peut porter sur la conscience elle-même: n’est-elle pas inévitablement en proie aux illusions ? Confère-t-elle un véritable pouvoir de décision ou de connaissance ? et si oui au prix de quels renoncements ? Devenir soi-même dans cette perspective semble ne pouvoir être qu’un projet incertain, tant l’esprit humain se révèle incapable de ramener à la seule conscience l’essentiel de son activité mentale. La division d’avec soi-même, l’étrangeté à soi, caractérisent autant l’esprit humain que la prétendue conscience de soi, comme le montre bien l’étude de l’activité inconsciente de l’esprit humain, que manifestent par exemple les rêves et les actes manqués.

Cependant, on peut faire un pas de plus: n’est-ce pas en prenant pour objet cette part nocturne de lui-même que l’esprit humain peut prendre conscience de ce qu’il est ? La critique du sujet peut préparer une libération tant de la connaissance que de la décision spirituelle. Elle servirait à une sorte de conversion tant de la connaissance que de l’action. Elle rendrait capable de devenir soi-même en se libérant de tous les obstacles qui rendent la conscience étrangère à elle-même. La libération spirituelle sera ici nécessairement une mise à l’épreuve de ce que la conscience n’aura pas pu dans un premier temps décider et reconnaître: les limites de sa finitude cad  l’ignorance de ce qui la dépasse, et l’impuissance qui la met  en échec dans sa volonté. L’étude de la conscience névrosée pourrait ainsi montrer comment c’est  en déniant l’existence de sa maladie  que cette conscience l’aggrave et que la guérison doit passer par la reconnaissance préalable de cette maladie . Il n’y a de libération spirituelle que là où il y a  reconnaissance théorique par  la conscience de ses limites cad mise à l’épreuve pratique de l’inconscient.

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