La reconnaissance du Pirate

Juan José Padilla est né à Xérès le 23 mai 1973. Après avoir débuté avec picadors fin 1989 il prend l’alternative à Algeciras le 18 juin 1994 des mains de Pedro Castillo. Il a confirmé à Madrid le 10 septembre 1995 avec Frascuelo comme parrain. Il reçoit tous ses adversaires à portagayola en 2000 ce qui lui confère une réputation auprès d’un certain public. Mais au-delà de ce geste, le « Cyclone » ou Terremoto (tremblement de terre) de Jerez a affronté les élevages les plus difficiles en prenant souvent de grands risques.  Cette année là il obtient à Séville une oreille d’un miura puis arrache deux trophées à des toros de Cebada Gago à Bilbao. L’année suivante, comme une prémonition il reçut un coup de corne au cou dans les arènes de Pampelune. Le 21 août 2005, dans la ville que les Basques nomment Donostia, il obtint 3 oreilles et une queue symbolique en graciant Muroalto de Victorino Martín avant de couper deux trophées de plus dans la voisine Bilbao ce qui en fait le triomphateur de l’Aste Nagusia ayant coupé une autre oreille lors de son deuxième engagement. La saison suivante il coupe à nouveau une oreille à Séville puis triomphe encore dans ses arènes de Bilbao comme il le fait une fois de plus à Saint Sébastien face à des victorinos en 2009. En 2010, il « touche du poil » à Pampelune et Bilbao puis reçoit d’un toro d’Ana Romero cet affreux coup de corne du 7 octobre 2011. Il réapparaît cependant dès le début de la saison suivante aux côtés des figuras, Manzanares en particulier, en triomphant partout, notamment à Valence ou Pampelune. Il renouvelle son succès aus sanfermines 2013 avant d’être déclaré triomphateur de la feria de Saragosse, comme l’année précédente. Entre orthodoxie et toreo bouillonnant, devenu le torero avec le plus d’engagement, il est un exemple de professionnalisme, n’admettant pas que le public venu voir « le pirate » ait pu s’ennuyer. En 2014 il triomphe une fois de plus au coso de la Misericordia où il est une figure incontestable puis semble baisser un peu de ton même s’il obtient un appendice auriculaire la saison suivante dans cette Maestranza qui le regarde avec plus de condescendance que de compassion mais qui lui ouvre sa Porte du Prince pour le sommet de sa carrière (qu’il est dur d’être reconnu chez soi), le 16 avril 2016. Fin 2018 il met un terme à sa carrière.

ABC

Accusé de superficialité beaucoup n’ont pas su voir son courage, sa qualité première, et n’ont pas reconnu sa capacité à amener aux corridas dures un public qui n’y serait jamais venu. Tout le monde en convient maintenant mais ce n’est pas nouveau, Padilla est un exemple de dépassement de soi et le symbole du sacrifice que représente devenir torero car il a toujours voulu être quelqu’un et il y est parvenu malgré certaines limitations. Non il n’a pas été le populiste « trémendiste » dépeint mais il est plutôt à classer parmi les toreros de valor comme Manili ou Galán. On peut remonter à El Espartero ou Reverte pour constater qu’il y a toujours eu des toreros de cette classe pour participer à la diversité taurine même si les gardiens du temple voudraient ne voir que des techniciens froids et ennuyeux à mourir. Comme tous les toreros, il a eu ses mauvais jours mais on ne peut les prendre en exemple de son essence. Ce serait faire comme les antis qui ne voient dans la tauromachie que des coups de descabello répétés ad eternam. Sans être un torero d’époque il était une figure de la tauromachie, une gueule ayant son public, il est devenu une icône avec ses inconditionnels, un symbole, humainement et « tauromachiquement » parlant. Comme torero, il jouit de sa situation nouvelle de torero choyé mais loin de tomber dans la facilité et sachant d’où il vient comme d’où il revient il se dépasse pour être à la hauteur du mythe qu’il est en train de se créer, ne cherchant pas la compassion mais l’admiration dans le frisson.


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