Pablo Romero, Palha, Pinto Barreiros…

Pablo_Romero           Une autre souche historique est celle de Pablo Romero. Propriété de la famille du même nom dès 1885 et pendant plus de cent ans, elle s’appelle désormais Partido de Resina du nom de la finca. Il s’agit d’une lignée unique formée, au gré des apports des différents éleveurs, par un croisement des castes Gallardo-Cabrera, Vázquez, Vistahermosa, Jijón et même Navarre dans un premier temps1, même si la première est considérée comme dominante à partir de la sélection effectuée par Felipe de Pablo Romero. Au moment où celui-ci a racheté l’élevage provenant de celui de Rafael Lafitte on peut se demander quel est le sang majoritaire : Cabrera ou Vázquez mais pas Gallardo. Cet éleveur avait réuni deux ganaderías enrichissant encore le melting-pot : celle de José Bermúdez (majoritairement vazqueña mais provenant partiellement de Gallardo au travers de Pedro Echeverrrigaray (apport navarrais) puis du duc de San Lorenzo qui avait incorporé du bétail Cabrera ainsi que deux étalons de l’encaste Hidalgo-Barquero) et celle de Rafael José Barbero (Jijón-Cabrera). De plus, dernièrement, l’étude génétique de Javier Cañon a prouvé l’apport de sang Saltillo, sans doute entre 1914 et 19172. Actuellement, cette ganadería dont on appréciait le poder3 et la caste traverse une profonde crise. A la muleta, ce toro charge la tête à mi-hauteur mais cela ne l’a pas empêché de rendre possible un certain nombre de faenas importantes. Physiquement, il possède l’un des types les plus harmonieux du campo bravo. Il s’agit d’un animal de taille moyenne mais lourd, au tronc cylindrique, au pelage cárdeno le plus souvent, au museau court et large, au cou court et au morrillo développé. 

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      Dans la généalogie du légendaire et inclassable élevage portuguais de Palha on retrouve aussi en partie la caste Vázquez, mélangée avec plusieurs autres origines. Cet élevage, l’un des plus durs, a en effet été formé à la fin du dix-neuvième siècle avec des animaux portugais croisés avec des bêtes de Concha y Sierra, Miura, Trespalacios (Veragua) et Veragua. Postérieurement, à partir de 1937, ces toros perdirent un peu de leur réputation terrifiante quand furent introduits des vaches de Pinto Barreiros (Conde de la Corte/Gamero Cívico/Santa Coloma) et des toros de Juan Belmonte (Vistahermosa/Vázquez/Cabrera) et Domingo Ortega. Par la suite, c’est un lot de vaches et des sementales de Isaías et Tulio Vázquez qui viennent grossir les rangs de cet élevage. Dernièrement, les actuels propriétaires ajoutèrent des vaches de Oliveira Irmaos et deux toros reproducteurs de Torrealta. Au bout du compte, le sang majoritaire est actuellement un mélange de Pinto Barreiros et Pedrajas. Une branche basée sur des animaux de Baltasar Ibán est actuellement maintenue à part5. Ce toro très aprécié des publics toristas fait montre d’une large poitrine, d’un morrillo imposant et de grandes cornes. C’est avant tout un animal de poder.

 

Il existe d’autres élevages qui se trouvent dans un moment difficile mais qui n’en sont pas moins singuliers et qui peuvent constituer pour cela un encaste à part entière : celui d’Antonio Pérez de San Fernando ou celui de Conde de la Maza, ainsi que les élevages portugais d’origine Pinto Barreiros (Gamero Cívico/Conde de la Corte) comme sont ceux d’Oliveira Irmaos et de Cunhal Patricio, ou proches de celui-ci, comme c’est le cas d’Infante da Cámara. L’élevage français d’Hubert Yonnet constitue aujourd’hui une nouvelle branche de cet encaste Pinto Barreiros.

Bien que 90 % environ des élevages actuels soient d’origine Vistahermosa au travers surtout des deux branches principales de Parladé et Santa Coloma, ce n’est pas pour autant que l’on puisse parler de monoencaste (souche unique), un terme mis à la mode depuis quelques temps. Nous avons vu en effet que même dans ces deux branches-là, il existe une diversité de sous-branches possédant chacune un type zootechnique bien défini. Bien sûr, les toreros devenus célèbres ont aidé au développement de certaines lignées dont ils sont particulièrement friands, celle de Parladé en particulier, ce qui, uni au problème de l’excès de poids (diminuant les différences entre types) et à la croissante sélection cherchant des animaux plus harmonieux, mieux présentés, peut nous donner l’impression d’une apparente uniformité du toro de lidia contemporain. Cependant, on trouve encore plus d’une vingtaine d’encastes différents dans le cheptel brave actuel avec des particularités bien marquées, des miuras et pabloromeros aux toros vazqueños, en passant par les différentes branches de Murube, Parladé, Santa Coloma ou Saltillo, sans compter celles de Núñez, Torrestrella…


[1] Voir Terres Taurines opus 10, novembre 2006, p.37 (rôle de Ramón Romero Balmaseda d’après une étude d’Antonio López Martínez).

[2] Voir Terres Taurines opus 10, novembre 2006, pp.75 et 173.

[3] Pour tout le vocabulaire concernant le toro, se reporter au paragraphe intitulé Différentes classes de taureaux braves ou au glossaire.

[4] Photo : Roger Martin.

[5] Cf. l’entrée « Palha », de Christophe Chay,  in La tauromachie. Histoire et dictionnaire, Paris, Robert Laffont, 2003.