Cape

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Il existe deux types de passes, selon si le toro passe véritablement ou non. Voyons dans un premier temps la première catégorie :

 

La véronique

[1]          L’appellation  de cette suerte provient de la figure biblique du même nom à cause de la ressemblance avec laquelle  celle-ci aurait montré au Christ le linge où serait apparu le visage du Messie : avec les deux mains et de face. Le torero l’exécute en faisant passer l’animal sur le côté, ou autour de son corps, dans le meilleur des cas, en faisant jouer les deux bras, parfois à des rythmes différents, la main de sortie plus haute que l’autre, cette dernière restant collée au corps, et en faisant pivoter sa ceinture, pour terminer la passe de manière à pouvoir en commencer une nouvelle. Il s’agit de la passe fondamentale du toreo de cape, et probablement la plus ancienne, l’équivalent de la naturelle à la muleta (le mouvement de ces deux passes est d’ailleurs très naturel). Elle permet de dominer l’animal et de ce fait elle est pratiquement obligatoire en début de lidia.

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La demi-véronique

[2]           C’est la clôture logique d’une série de véroniques et elle commence de la  même manière que celles-ci, mais à la moitié de la passe le torero repli la cape sur sa hanche sans donner une sortie au toro, laissant ainsi l’animal à l’arrêt. Pour qu’elle soit brillante, le capeador doit faire pivoter ses poignets en dessinant une sorte de cercle avec les mains jusqu’à les joindre et il pourra ajouter en guise de fioriture la fermeture des doigts de la main de sortie, un après l’autre. De même que la véronique, elle s’exécute aujourd’hui rarement de face, et presque toujours de trois quart, pratiquement de profil, avec le compás ouvert – toutes les nuances sont possibles – ou fermé, debout ou à genoux (la véronique se donne normalement avec un genou à terre et les deux pour la demi). Cette passe se trouve à mi-chemin entre les recortes (recoupement de la trajectoire avec le leurre) et les lances (passes de cape proprement dites), c’est-à-dire qu’elle se situe entre les suertes ou le toro passe et celles où il ne passe pas. Juan Belmonte a imprimé toute sa personnalité à cette passe et lui a donné une nouvelle dimension[3].

La gaonera

[4]      Son nom provient du célèbre torero mexicain Rodolfo Gaona et elle s’exécute en mettant un bras derrière le corps et en tenant de cette manière un côté de la cape, celle-ci se situant ainsi derrière le corps, d’un côté ou de l’autre, et en appelant le toro de face. Il s’agit d’une suerte assez courante. La  fregolina[5] ou orteguina est une variante : la gaonera se termine par une revolera dans le dos de manière à pouvoir en enchaîner une autre sur l’autre corne. La crinolina[6] ou gallosina est très semblable et encore plus spectaculaire : il y a peu, elle a été interprétée, en particulier, par “Joselito”. Elle consiste à faire un changement de main semblable à la serpentina, appelé caracolina, pour la terminaison, de façon à en enchaîner une autre sur le côté opposé. La moreliana est une autre variante de la gaonera et elle se donne en pliant la cape et en répétant la passe du même côté. La saltillera est une sorte de manoletina avec la cape dans laquelle le leurre est pris comme pour la gaonera mais où la sortie du toro se fait par le haut. Pour la talaverana le torero fait un tour complet sur lui-même. Le galleo connu comme rogerina, utilisé pour conduite le toro au cheval trouve probablement son origine dans la suerte dite de la tijera aujourd’hui tombée en désuétude, bien qu’il faille faire passer le toro dans le dos en prenant la cape comme pour la gaonera. En ce qui concerne la tapatía [7], il s’agit de la même passe mais pour un quite (après et non avant le cheval), en minimisant les déplacements, le torero plaçant la cape derrière lui pour le début de la série, les bras ballants ou sur les reins, pour s’offrir au toro avant de lui présenter le revers puis inverser le côté de la cape au moment de l’entrée en « juridiction » tout en faisant un pas en avant pour éviter la corne (ou de côté pour la première passe de face).

 

La navarre

[8]           Elle commence comme la véronique, le torero restant immobile jusqu’à l’entrée du torero dans la cape, puis tournant alors dans la direction contraire à celle qui est marquée par le toro, le leurre paraissant alors un tablier (à ne pas confondre aves la suerte du delantal qui, à l’origine, est un galleo avec les bras en hauteur, sans doute à mi-chemin entre la navarre et ce qu’on appelle l’abanicar). C’est une suerte qui appartient au toreo enjoué et mobile et l’une des plus anciennes.  La orticina est une navarre donnée avec le revers de la cape qui débute donc comme une tafallera mais où le torero tourne sur lui-même pour les enchaîner au lieu de donner la sortie au toro.

Le farol

Passe dans laquelle le torero élève les deux bras au-dessus de sa tête – presque à la manière d’un danseur de flamenco, ou comme s’il voulait se mettre la cape sur les épaules – en faisant tournoyer la cape lorsque le toro s’engage dans celle-ci. Manuel Domínguez “Desperdicios” est considéré par tous les traités de tauromachie comme son inventeur au milieu du XIXe siècle. Le demi-farol se donne en début de série pour placer la cape dans le dos et dans le farol inversé (photo) le torero exécute une rotation dans le sens de la charge de l’animal. Quant à la caleserina il s’agit d’un farol qui commence comme une gaonera.

La tafallera

[10]       Elle débute comme la véronique mais elle consiste à croiser les bras après le démarrage du toro, en plaçant un bras sur l’autre pour défaire la croix et faire sortir l’animal par le haut en fin de passe. Lorsque la sortie se fait par le bas on parle de cordobina ou tijerilla.

 

La espaldina

[11] Suerte dans laquelle le torero appelle le toro de dos, en lui présentant le revers de la cape d’un côté, puis la fait passer de l’autre après le démarrage de l’animal, avant de conclure par le haut. Cette passe est pratiquée en début de quite ou bien à la suite d’une autre suerte (enchaînée à une chicuelina on parle d’un quite par altaneras, même si dans ce cas elle est souvent confondue avec la tafallera).

  • Suertes où le toro ne passe pas :

La chicuelina

[12]        Elle doit son nom au grand Manuel Jiménez “Chicuelo” même si son invention doit être attribuée au torero comique Llapisera[12 bis] et elle consiste à s’enrouler la cape avec la main de sortie au moment de l’entrée du toro dans ce qu’on appelle la « juridiction ». C’est la suerte de cape la plus fréquente après la véronique, très courante lors des quites[13], et nous devons chercher sa maternité dans la navarre. Nous suivons la nomenclature du  “Cossío”, mais il doit être noté que José Antonio del Moral l’inclut dans la catégorie des passes où le toro passe à cause de l’immobilité que doit conserver le torero. La escobina est une chicuelina inversée, le torero appelant l’animal de dos.

La revolera et la serpentina

[14]        La première est une suerte qui sert de clôture à une série dans laquelle le capeador fait passer le leurre d’une main à l’autre, celui-ci ressemblant à un disque horizontal autour du corps du torero qui tourne également, le temps de lui imprimer un tour complet. Dans la revolera inversée le début de la passe est semblable à celui de la tafallera.

 [15]                                                                                         

 La serpentina est une variante qui commence comme la précédente et consiste ensuite à dessiner une spirale avec la cape avant de terminer comme la revolera.

Les largas

On appelle largas les suertes de cape exécutées à une main dans lesquelles le leurre est déplié dans toute son extension. On différencie les largas changées des largas naturelles, plus couramment appelées largas tout court. Les premières se caractérisent par le fait de donner au toro sa sortie du côté contraire à la main qui tient la cape. La larga changée à genoux (ou afarolada, puisqu’il s’agit d’une espèce de farol à une main) est très courante, au tiers de l’arène (tercio[16]), ou devant la porte du toril pour une réception à “porta gayola”. Il existe également les largas changées par en bas. En ce qui concerne les largas naturelles elles peuvent se donner par en haut, et elles sont alors appelées cordobesas, en plaçant la cape sur les épaules à la fin de la passe, ou par en bas. Elles sont généralement l’occasion de clôturer une série. Il est possible de considérer que les revoleras appartiennent à ce genre de largas.  Dans  le  toreo  à une main, mais sans être une larga, nous trouvons également la brionesa[17], qui n’est rien d’autre qu’une passe de poitrine avec la cape, où celle-ci est préalablement pliée.

                                                                                                                [18]

Réalisée à une main mais sans être véritablement une larga, il convient de dire un mot de la reynera qui est comme les passes en rond à la muleta, le torero tenant la cape par le col.

Galleos et recortes

[19]        Francisco Montes “Paquiro” précise la différence entre recorte (recoupement) et galleo dans sa Tauromachie complète :

“Le galleo se différencie du recorte dans le fait qu’il se pratique avec une cape ou un autre leurre, alors que le recorte s’exécute uniquement avec le corps; cependant il est très fréquent de les appeler génériquement recortes.”[20]

[21]

Le recoupement à corps perdu se pratique aujourd’hui exclusivement lors de la phase des banderilles ou pour venir en aide à un torero en danger. Un recorte consiste, comme l’écrit José Antonio del Moral, “à rompre la trajectoire du toro lorsqu’il arrive dans la juridiction [22] de manière à le laisser à l’arrêt.”[23]

[24]      Bien qu’il soit plus correct – sans être toutefois complètement incorrect – de parler de galleos pour les recortes avec la cape, il est plus courant, comme le disait Montes, d’appeler de cette manière le fait de recouper le toro avec la cape. Les recortes châtient beaucoup le toro et c’est donc pour cela qu’ils doivent être évités avec des animaux manquant de force.

Les galleos se réalisent en marchant ou en courant devant le toro et ils sont assez fréquents pour amener le toro au cheval. Aujourd’hui, il est possible de toréer par galleos dans les chicuelinas, les gaoneras, les navarres, … parce qu’ils ont connu une évolution, comme cela est dit dans l’encyclopédie connue comme « le Cossío » :

“Mais, sans doute, les toreros ont vu, et je crois qu’en premier lieu Cúchares, qu’en ne finissant pas le recorte, il pouvait être répété brillamment plusieurs fois ; ainsi, celui-ci a été converti en demi recorte, pour le dire d’une façon expressive, bien que désuète, et postérieurement même pas en demi recorte”.[25]

 [26]

Parmi les anciens, nous trouvons le galleo qui consiste à courir vers le toro avec la cape dans une main, à le recouper en changeant de main et à faire un écart avec la ceinture pour laisser le toro passer dans le dos, comme dans celui qui consiste à “jeter la cape vers le museau du toro dès qu’il arrive dans la juridiction, mais en restant avec une des extrémités dans la main, ce qui le fait humilier rapidement, moment où il passera devant sa tête, en faisant l’écart correspondant[27], et aujourd’hui simplement appelé recorte. Dernièrement, Julián López “El Juli” a popularisé un galleo très spectaculaire qui est connu sous l’appellation de lopecina et qui consiste à donner une série de tournoiements à la cape, semblables à la serpentina, en forme de huit, pour finir par un recoupement qui rappelle le molinete[28].  Pour le quite de oro, le torero place la cape dans le dos, fait un tour complet sur lui-même pour appeler le toro puis le fait passer dans le dos en demi cercle et finit de tourner sur lui-même pour se replacer dans la position initiale.


[1] Véronique de Rafael de Paula (Jerez, 1997). Photo : 6 TOROS 6.

[2] Demi véronique de Curro Romero. Photo : 6 TOROS 6.

[3] Cf. le tome “El Toreo” de l’encyclopédie Los Toros en fascicules p. 120.

[4] Gaonera de “Manolete”. Photo : 6 TOROS 6.

[5] Cf. Tauromachies à l’usage des aficionados de J.L. Ramon (p. 91); s. l., Loubatières, 2000.

[6] Cf. revue 6 TOROS 6 nº558 p. 52.

[7] Cf. Tauromachies à l’usage des aficionados de J. L. Ramon p. 98.

[8] Navarre de J.M. Arroyo “Joselito”. Photo : 6 TOROS 6.

[10] Tijerilla de Cayetano. Photo : Hugo Cortés.

[11] Cite de “Miguelín”. Foto : 6 TOROS 6.

[12] Chicuelina de Morante. Photo : 6 TOROS 6.

[12 bis] Cours de l’UNED de Pérez López, chapitre 2 p.14.

[13] Voir Glossaire.

[14] Revolera de José María Manzanares (fils).

[15] Serpentina de Rafael “el Gallo”. Photo : 6 TOROS 6.

[16] Voir Glossaire.

[17] Cf. Tauromachies à l’usage des aficionados de J.L. Ramón p. 134.

[18] Larga de El Juli. Photo : Arjona.

[19] Recorte de J. M. Arroyo “Joselito”. Photo : Aplausos.

[20] Cf. tome “El Toreo” de l’encyclopédie Los Toros en fascicules  p. 107.

[21] Cordobina : recorte ou demi recorte dont l’ascendance se trouve sans doute dans la trinchera. Photo : 6 TOROS 6.

[22] Arriver dans la « juridiction » c’est rentrer dans la suerte, dans le leurre.

[23] Cf. Cómo ver una corrida de toros (p. 112); Madrid, Alianza, 1994.

[24] L’ancien galleo connu comme par “Gallito”, ancêtre du quite des monarcas, lui-même proche des rogerinas. Photo : Los Toros.

[25] Citation tirée de l’encyclopédie Los Toros en fascicules de José María de Cossío p. 107.

[26] Recorte de “Joselito”. Photo : 6 TOROS 6.

[27] Citation tirée de de l’encyclopédie Los Toros en fascicules de José María de Cossío p. 107.

[28] Recorte de Talavante. Photo : E. Méndez.