Rencontre avec Ahmed Kalouaz

Ce jeudi 1e octobre 2015, deux classes de Seconde, la Seconde 3 (avec Mme Domon) et la Seconde Pro MVA (avec Mme Woock) ont rencontré Ahmed Kalouaz après avoir travaillé autour du roman Avec tes mains de cet auteur au CDI, avec les documentalistes et Mme Duhtérian.

Avec les Seconde 3, un échange a eu lieu autour de questions posées sur le roman et l’écriture en général, et certains élèves ont pu lire les textes qu’ils avaient écrits dans le cadre du travail préalable autour du roman. Voici la retranscription de cette rencontre :

KalouazComment est né ce roman Avec tes mains, et pourquoi l’avoir construit en chapitres tous les 10 ans ?

Il était dans sa voiture et il pensait à son père. Il s’est alors rendu compte que la vie de son père avait souvent été marquée par le chiffre 2. Il s’est alors arrêté sur une aire d’autoroute et a marqué sur son carnet : « 1942, 52… voir ce qu’on peut faire avec ça. » Quand il a repris son carnet, il a commencé à écrire. Le roman s’est écrit en deux mois, entre le 21 novembre et le 21 janvier !

Quel a été l’avis de la famille ?

Il n’a contacté d’abord personne pour que les souvenirs qu’il raconte soient les siens. De plus, il n’a rien dévoilé sur la vie privée de ses frères et sœurs. Quant à sa mère, elle ne sait pas lire et ne pouvait donc pas accéder à son livre.

Kalouaz2Quel genre de père êtes-vous ? Votre vision de votre père a-t-elle évolué après le roman ?

Un père nourricier qui aime préparer de bons repas à ses enfants. La relation a été plus facile avec ses fils qu’entre lui et son père. Il a par exemple, beaucoup emmené ses fils voir des manifestations sportives ce qui les a aidés par la suite.

Depuis la fin de l’écriture d’Avec tes mains, depuis 2009, son père l’accompagne finalement partout en France ! C’est un sacré parcours depuis ce père analphabète jusqu’à son fils entré à Sciences Po…

Etes-vous retourné en Algérie comme vous le dites à la fin de votre livre ?

Il a souvent été sur le port de Marseille à imaginer prendre un bateau et puis… il ne l’a pas encore fait.

Que pensez-vous de la réaction antisémite de votre père dans votre livre ?

Avant, en Algérie, en Tunisie, au Maroc, il y avait des juifs, juifs et arabes partageaient la même cuisine, par exemple. La guerre des 6 jours a durci les choses et il y a eu, pour certains, un basculement contre les juifs, dont son père. Mais ce n’est pas héréditaire ! Dans un de ces derniers livres, un recueil de nouvelles nommé La chanson pour Sonny, il écrit contre toutes ces formes de racisme.

Avez-vous toujours eu envie d’écrire ? D’où vous vient la passion pour l’écriture ?

Il a commencé à écrire dès le CM2. Au collège, il publiait des poèmes dans une revue et les grands l’appelaient « le poète » et lui demandaient de leur écrire des poèmes pour leurs copines… Ecrire, pour lui, c’est ce qui permet de dire ce qui serait resté enfoui, sinon. C’est la force de l’écriture.

Mais écrire un livre, c’est toute une histoire. Par exemple, l’image sur la couverture, l’auteur a son mot à dire mais finalement, c’est l’éditeur qui choisit ! L’éditeur annote aussi énormément le manuscrit que l’auteur envoie.

Actuellement, il écrit un livre sur le harcèlement scolaire qui sortira en janvier. Si cela permet qu’on parle davantage de ce sujet, c’est bien !
Les élèves de Seconde 3 ont beaucoup apprécié cette rencontre, ils ont trouvé l’auteur proche d’eux, répondant simplement à leurs questions, ajoutant des anecdotes intéressantes, drôle et gentil. Cela a enrichi l’approche qu’ils avaient eu de l’œuvre de A. Kalouaz, l’a rendu plus vivante. Ils ont aimé partager leurs textes avec l’auteur, plusieurs ont été émus par ces lectures et ont pensé que cela avait contribué à mieux connaître les autres, à souder le groupe classe.

Les élèves de seconde Bac pro MVA ont été curieux de savoir  comment s’organisait une vie d’écrivain.

Kalouaz3Vous faites un brouillon? Comment faites-vous pour passer du brouillon à la version définitive ?

Ahmed Kalouaz a sorti de nombreux carnets sur lesquels, il prend des notes tout le temps. Il écrit ses pensées, des phrases qu’il ne veut pas oublier, des noms de lieux qui lui rappellent des souvenirs, il écrit pour ne rien perdre. Il y a avant la version définitive au moins 5 corrections, des aller-retours entre l’ éditeur et lui. Chacun fait des concessions. Il dit aussi que « faire » un livre, c’est aussi se documenter sur un sujet avant d’écrire une histoire. Par exemple, quand il a voulu parler des pénitenciers d’enfants qui existaient au début du siècle, il étudié les archives du pénitencier de Boussaroque au Cantal. Même chose pour son livre sur le harcèlement scolaire qui sortira bientôt. Il n’a pas besoin de se déplacer sur les lieux pour écrire dessus (ex Avec tes mains).

Pourquoi le titre Avec tes mains ?

Pour parler de son père, c’est l’image qui est lui est venue car son père était quelqu’un qui ne parlait pas beaucoup et qui travaillait avec ses mains, il n’avait pas le temps de participer à la vie de famille. Les seuls moments où Ahmed Kalouaz « communiquait » avec son père , c’était quand ils bricolaient ensemble. Ce titre, il y tient, son éditeur voulait le changer, il lui proposait « Evasion à deux », « Le père et le fiston », finalement l’éditeur a cédé

Qu’est-ce qui vous plait dans l’écriture ? Ecrire ça suffit pour vivre ?

Les rencontres, les petits-déjeuners à l’hôtel (!), c’est un plaisir pour lui, écrire n’est pas du tout une souffrance. Il a connu des situations bien pires (!). Il a quitté l’école en 5ème et a ramassé les poubelles à 16 ans, il a fait beaucoup de petits boulots, tout en écrivant pour lui, il ne pensait pas devenir écrivain et en vivre. Ce sont la vente de ses livres et ses interventions qui le font vivre. Personne ne l’a obligé à écrire, il en a toujours eu envie.

Il rajoute qu’il a toujours été sportif dans sa vie, c’est complémentaire à l’écriture. Il a pratiqué le foot, le rugby et a fait des marathons, ceux de Paris, Berlin, New York notamment.

Il dit qu’il en encore des idées pour 10 livres, il va sortir un livre de poésies en Mars 2016.

Ce fut une rencontre spontanée dans laquelle Ahmed Kalouaz a raconté beaucoup d’anecdotes et qui a sans doute donné envie aux élèves de continuer leur lecture.