« Tu me dis, j’oublie. Tu m’enseignes, je me souviens. Tu m’impliques, j’apprends. »
Dans notre métier de professeur, nous sommes obnubilés par une question : comment transmettre un savoir qui nous semble à nous essentiel, vital et passionnant, à des élèves qui trouvent cette « matière » ennuyeuse, inutile ? Que faire face à des élèves qui partent avec un a priori négatif sur ce qui dépasse infiniment pour nous le terme de « matière » : oui la langue française, la littérature, sa richesse, sa beauté ce n’est pas que la conjugaison du passé-simple et réciter le corbeau et le renard ! Quel professeur n’a jamais ruminé sa rage devant un « A quoi ça sert ? Ça sert à rien… » Et tu oses dire ça en parlant d’un poème de Victor Hugo !!! Réponse donnée directe : « Tu as raison ça ne sert à rien ! Ça n’a pas d’utilité. La poésie, l’amour, la beauté, la passion, ça ne « sert » à rien, c’est pour cela qu’on vit c’est tout » (merci John Keating pour cette réplique), bref !
Alors, comment réussir à capter leur intérêt, à les captiver, les subjuguer, les envoûter dirais-je ? Eh bien, il faut les investir, qu’ils se sentent concernés. Et pour qu’ils se sentent investis, il faut, nous aussi, nous montrer concernés. Il suffit de les regarder (on m’avait appris à l’IUFM qu’il fallait regarder au moins une fois chaque élève par cours.)
C’est bien beau me direz-vous mais on ne va pas se regarder pendant 50 minutes ?! Effectivement, je pense que le mieux, c’est, après une phase d’observation, parce que chaque classe est différente, de jauger ce qui est le mieux pour eux. Une classe calme, on va aller vers le travail personnel, la réflexion individuelle ou les débats d’idées maîtrisés. On rêve là… Mais TOUTES les autres, les ultra hétérogènes (de 5 à 19,8 de moyenne) ? Eh bien, les mettre en action. Si on leur laisse 10 secondes d’inactivité c’est la fin (et ce p****** de vidéo projecteur qui bug !!!). J’aime à trouver des parades pour que même les plus faibles se sentent capables de produire quelque chose (un mot gentil, un sourire produira pour moi toujours plus d’effet qu’un cri).
Alors j’ai ma boîte à idées, je l’ouvre pour vous : transformer un exercice basique en jeu, en une activité ludique.
Exemples :
- La course au 20 : Eh oui, les élèves font encore aujourd’hui des exercices sur le Bled, mais ils aiment ça parce que c’est pour une bonne cause : la course au 20! Ils me font un exercice en recopiant calmement et s’ils ont tout bon, ils ont 5/5 à l’exercice ; une erreur ? J’interroge à l’oral (« ou t’as bon ou tu chutes! ») et s’il répond bien, hop 5/5 ; s’il y a plus de 2 erreurs on passe au suivant et pas de notes pour l’instant ; si c’est vraiment bourré de fautes, ils doivent se corriger en vert et si la correction est bonne, hop 5/5. Du coup, au bout de 4 exercices tout bons, ils gagnent la course, et donc un 20/20 qui comptent pleinement dans la moyenne. Et ça marche ! Les moins bons élèves réussiront au bout de quelques séances à obtenir le 20 rêvé : « Madame! C’est la première fois que j’ai un 20/20 en français! » Me dit hier un de mes cancres notoires de 5e. Il l’a eu son 20, au troisième trimestre certes mais il l’a eu. Et puis on peut donner des exercices différents selon le niveau des élèves, sur la même notion mais plus ou moins longs et compliqués. J’utilise l’archaïque Bled parce que je l’aime bien et qu’il est en grand nombre dans mon établissement, mais ça marche avec d’autres exercices. Faites avec ce que vous pouvez.
- Transformer un travail d’écriture en véritable aventure, ainsi l’expression écrite se transforme en début de roman, en nouvelles policières, en saynète à jouer en classe… L’expression écrite sur le roman d’aventure : ok on va écrire nous même un début de roman d’aventure, faire sa carte au trésor, dessiner son pirate avant de tracer son portrait, et se lancer dans l’aventure.
- Pour les récitations, je dis aux élèves : « Vous passez tous, pas le choix mais soit face au tableau pour les impavides (et hop vocabulaire ??) soit en fond de salle et les autres sont OBLIGÉS de rester face au tableau et à leur merveilleuse professeur ». Et entendre un 3e (« mauvais » de surcroît) chanter « J’suis snob » de Boris Vian c’est juste extra !
- Il y a aussi un autre truc que j’adore : les mettre en scène ! Allez l’adoubement de Perceval on le joue, un conte on le joue, le procès de Renart on le joue, la fable de La Fontaine on la joue, et en costume svp ! Oui c’est plus drôle (surtout de voir ses 5e fashion avec un haubert et un heaume faits main en carton, et des épées et écus. Ils regorgent d’imagination et d’inventivité (cf. chronique les boîtes à chaussures ; d’ailleurs j’en ai encore eu d’exceptionnelles sur les romans de chevalerie, des petites œuvres d’art) et s’ils font tout ça, parce qu’ils le font, et de bon cœur (sauf un ou deux qui rechignent mais bon c’est pour qu’on s’occupe d’eux) c’est parce que…
Je crois en eux ! L’effet Pygmalion…
Croire en ses élèves et qu’ils le sachent est vital. Et je leur dis dès le début de l’année : « Peu m’importe votre niveau, on a toujours dit que vous étiez des « mauvais » élèves, « nuls », ça m’est bien égal, je veux que vous progressiez, je suis sûre que vous le pouvez ». Alors oui, la marge de manœuvre est restreinte pour certains mais c’est avec les petites rivières qu’on fait les grands fleuves…
Pour conclure, je dirai que l’élève est le miroir du professeur. Quand un professeur donne, il reçoit en retour. Quand un professeur s’investit, les élèves s’investissent aussi. Personnellement, je ne me demande jamais si mes élèves me respectent ou non (sauf de manière rhétorique quand Lucas OSE parler quand je lis le texte étudié), je les aime, c’est tout. Je les vois, je les ai observés, je les regarde, je les comprends, je les entends. Ils sont chacun uniques et ils ont chacun quelque chose à offrir pour un peu qu’on s’intéresse à eux. Et finalement, c’est peut-être pour ça qu’être prof, c’est le plus beau métier du monde…
Une chronique d’Amélie Lopes
Mais oui, il faut avoir cette passion au quotidien et ce regard bienveillant sur chacun d’eux. Nos élèves sont des enfants, des êtres uniques. Ils nous sont confiés pour la journée, à nous donc de les considérer comme il se doit et de leur proposer le meilleur de nous. Je crois en eux, au bel avenir qu’ils ont en eux …. Merci pour votre article Amélie.
L’effet pygmalion oui,
Deuxième point consécutif : La réussite amène la réussite
Je ne fais pas la course au 20 mais quand on a terminé une activité, on peut essayer (on a le droit !) le « turbo » pour aller plus loin…
Wow.
Merci pour cette superbe idée! J’enseigne le FLE à des expatriés (adultes et leurs enfants) et je suis sûre que mes petits élèves seraient contents de tester la boîte à chaussures !!