La démonstration

shadok-escalier_castaliefr.1235921493« Par là on voit clairement pourquoi l’arithmétique et la géométrie sont beaucoup plus certaines que les autres sciences : c’est que seules elles traitent d’un objet assez pur et simple pour n’admettre absolument rien que l’expérience ait rendu incertain, et qu’elles consistent tout entières en une suite de conséquences déduites par raisonnement. Elles sont donc les plus faciles et les plus claires de toutes. » Descartes, Règle pour la direction de l’esprit.

Utilisée en mathématique, la démonstration est un procédé de réflexion qui consiste à valider un résultat.

Elle correspond alors à cet exercice scolaire qui consiste à valider des problèmes ou des théorèmes déjà démontrés. Les élèves oublient souvent qu’elle sert avant tout à découvrir de nouvelles vérités !

La notion et la valeur de cette dernière est historique . Même si son fondement reste ancré au V° siècle avant Jésus-Christ, la conception de la  démonstration a été remaniée  par les mathématiciens eux-mêmes au XIX°.

Reste à se demander si la démonstration est le mode de connaissance privilégié de l’esprit rationnel.

Discours discursif et déduction

Pour le sens commun, il semble utile de démontrer ses affirmations pour donner une valeur de certitude à ce que l’on dit ou pense. la démonstration,en ce sens assez larges’oppose à l’intuition,  c’est-à-dire la connaissance immédiate de la vérité. Par exemple, lorsque nous constatons que nous sommes assis en train d’écrire sur notre table, nous en avons une intuition et ne demandons aucune démonstration. Mais quand un enoncé, par exemple mathématique, est isolé et ne peut être qualifié immédiatement de vrai, il faut l’associer à d’autres, càd utiliser ce que Descartes nomme « les longues chaînes de raison[…] dont les géomètres ont coutume de se servir ». Précisons ces longues chaînes :

– Le procédé doit être rationnel et objectif, il ne s’agit pas d’associations libres d’idées au grè de notre imagination.

– Les élèments de la démonstration ne sont pas empiriques (fondés sur l’expérience) comme par exemple dans le syllogisme d’Aristote qui permet par induction de reconnaitre des raisonnements formellement vrais. « Le syllogisme est un discours dans lequel, certaines choses étant posées, quelque chose d’autre que ces données en résulte nécessairement par le seul fait de ces données. Par le seul fait de ces données : je veux dire que c’est par elles que la conséquence est obtenue ; à son tour, l’expression c’est par elles que la conséquence est obtenue signifie qu’aucun terme étranger n’est en plus requis pour produire la conséquence nécessaire. » Aristote, Organon (Premiers Analytiques).

Ce qu’il faut démontrer

La démonstation porte necessairement sur « quelque chose », une affirmation,une proposition. Cette proposition doit :

– attribuer une propriété à un sujet

– ou poser un rapport quantitatif ou géométrique entre différents élèments;

Par exemple l’existence n’est pas un attribut car elle ne peut se saisir que par une intuition empirique. L’existence de ne donne pas a priori, c’est la raison pour laquelle « Dieu existe » ou « est un être existant » est, comme le montre Kant, indémontrable.

Les éléments de la proposition doivent avoir une valeur universelle (par exemple démontrer non pas les propriétés de tel ou tel triangle tracé au tableau mais de tous les triangles)

Ainsi dans les Eléments, Euclide définit des propositions démontrées :

a) les théorèmes : propositions établissant des rapports entre leurs élèments.

b) les problèmes : résultat ou construction de figures en trouvant des rapports puis en les vérifiant.

UNE PROPOSITION DOIT SE DÉMONTRER À L’AIDE DE SES ANTÉCÉDENTS.

Il existe alors des propositions non démontrables (sinon il faudrait regresser jusqu’à l’infini)

Il existe un mode de connaissance des principes » intuitif » ou de type « inductif », ce qui ne va pas sans poser de problème quant à cet autre mode de connaissance que la démonstration

Le processus de démonstration repose sur des principes indémontrables : définitions (point,ligne, surface, angle, cercle…), postulats (possibilité de construire ligne, segment de droite, cercle…), axiomes (ont une portée plus générale que les postulats de géométrie seule ou d’arithmétique seule) [Euclide, Eléments, livre 1]

Les postulats, axiomes et définitions sont bien des principes premiers, mais ils apparaissent aussi comme des propositions nécessaires pour passer d’une proposition à une autre : la métaphore de la chaîne de Descartes tout comme le syllogisme d’Aristote ne sont qu’une simplification.

Valeur de la démonstration

La théorie aristotélicienne du syllogisme est l’acte de naissance de la discipline nommée logique. Elle ouvre la possibilité d’une formalisation totale des processus de la pensée : « Je tiens que l’invention de la forme des syllogismes est une des plus belles et des plus considérables de l’esprit humain, et même des plus considérables. C’est une espèce de mathématique universelle dont l’importance n’est pas assez connue ; et l’on peut dire qu’un art d’infaillibilité y est contenu, pourvu qu’on sache et qu’on puisse s’en servir, ce qui n’est pas toujours permis. » Leibniz, Nouveaux essais sur l’entendement humain.

Mais  cette théorie est remise en question au XX° siècle en particulier par Frege et Russell. Ceux-ci pensent que pour parfaire la logique, il est absolument nécessaire que celle-ci use d’un ensemble de signes qui lui soit propre, qui soit distinct des langues naturelles et donc protégé de toutes les équivoques que présentent celles-ci. Ainsi peut être assurée la rigueur des démonstrations ou chaînes de déductions permises par le système formel en tant que système axiomatique. L’intuition, qui grevait les mathématiques, n’a alors plus aucune place dans la démonstration.

Une réflexion sur « La démonstration »

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