Le droit à l’interprétation

On ne peut pas interpréter librement les lois d’un État, mais on peut, en matière de religion, accorder un sens variable aux textes, aux dogmes et aux pratiques de la religion. Telle est l’affirmation de Spinoza dans ce texte. Revient-il à l’État de définir le contenu de la religion par la loi, ou  bien l’individu peut-il librement interpréter ce qui relève de l’absolu, du sacré dans la religion ?

« Si chacun avait la liberté d’interpréter à sa guise les lois de l’Etat, la société ne pourrait subsister, elle tomberait aussitôt en dissolution, le droit public devenant droit privé. Il en va tout autrement dans la religion. Puisqu’elle consiste non dans des actions extérieures, mais dans la simplicité et la candeur de l’âme, elle n’est soumise à aucun canon, à aucune autorité publique et nul absolument ne peut être contraint par la force ou par les lois à posséder la béatitude : ce qui est requis pour cela est un enseignement pieux et fraternel, une bonne éducation et par-dessus tout un jugement propre et libre. Puisque donc un droit souverain de penser librement, même en matière de religion, appartient à chacun, et qu’on ne peut concevoir que qui que ce soit en soit déchu, chacun aura aussi un droit souverain et une souveraine autorité pour juger de la religion et pour se l’expliquer à lui-même et pour l’interpréter. La seule raison pour laquelle en effet les magistrats ont une souveraine autorité pour interpréter les lois et un souverain pouvoir de juger des choses d’ordre public, c’est qu’il s’agit d’ordre public; pour la même raison donc une souveraine autorité pour expliquer la religion et pour en juger appartient à chacun, je veux dire, parce qu’elle est de droit privé. »
Spinoza, Traité théologico-politique, VII :

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