Mensonge romantique et vérité romanesque, René Girard

L’anthropologue René Girard est mort mercredi 4 novembre, à Stanford, aux Etats-Unis. Il avait 91 ans. De nombreux médias le présentent comme fondateur de la « théorie mimétique » mais qu’en est-il exactement ? Comment l’aborder en cours de philosophie en particulier quand l’actualité rejoint notre programme puisque nous sommes en train de traiter du thème du désir ?
Voici un texte qui, d’après une analyse littéraire minutieuse de grands romans, affirme une distinction essentielle entre ce que l’auteur appelle « le mensonge romantique » et la « vérité romanesque ». Le premier consiste à faire passer le désir pour un phénomène spontané. La seconde, montre que l’on n’est bien moins libre qu’on ne le pense dans le choix des objets que l’on désire. Cette analyse permet également de comprendre l’origine de la haine comme retournement du sujet contre le médiateur : « Seul l’être qui nous empêche de satisfaire un désir qu’il nous a lui-même suggéré est vraiment objet de haine. »

 

Le héros de la médiation externe proclame bien haut la vraie nature de son désir. Il vénère ouvertement son modèle et s’en déclare le disciple. Nous avons vu Don Quichotte expliquer lui-même à Sancho le rôle privilégié que joue Amadis dans son existence. Mme Bovary et Léon confessent, eux aussi, la vérité de leurs désirs dans leurs confidences lyriques. Le parallèle entre Don Quichotte et Madame Bovary est devenu classique. Il est toujours facile de percevoir les analogies entre deux romans de la médiation externe.
Chez Stendhal, l’imitation paraît moins immédiatement ridicule car il n’y a plus, entre l’univers du disciple et celui du modèle, le décalage qui rendait grotesques un don Quichotte ou une Emma Bovary. L’imitation n’est pourtant pas moins étroite et littérale dans la médiation interne que dans la médiation externe. Si cette vérité nous paraît surprenante ce n’est pas seulement parce que l’imitation porte sur un modèle «rapproché»; c’est aussi parce que le héros de la médiation interne, loin de tirer gloire, cette fois, de son projet d’imitation, le dissimule soigneusement.
L’élan vers l’objet est au fond élan vers le médiateur; dans la médiation interne, cet élan est brisé par le médiateur lui-même puisque ce médiateur désire, ou peut-être possède, cet objet. Le disciple, fasciné par son modèle, voit forcément dans l’obstacle mécanique que ce dernier lui oppose la preuve d’une volonté perverse à son égard. Loin de se déclarer vassal fidèle, ce disciple ne songe qu’à répudier les liens de la médiation. Ces liens sont pourtant plus solides que jamais car l’hostilité apparente du médiateur, loin d’amoindrir le prestige de ce dernier ne peut guère que l’accroître. Le sujet est persuadé que son modèle s’estime trop supérieur à lui pour l’accepter comme disciple. Le sujet éprouve donc pour ce modèle un sentiment déchirant formé par l’union de ces deux contraires que sont la vénération la plus soumise et la rancune la plus intense. C’est là le sentiment que nous appelons haine.

 

René Girard, Mensonge romantique et vérité romanesque

Rene? Girard, philosophe et anthropologue _ « Ce qui se joue aujourd’hui est une rivalite? mime?tique a? l’e?chelle plane?taire »

L’homme n’est pas un empire dans un empire

imagesUne pierre reçoit d’une cause extérieure qui la pousse une certaine quantité de mouvement, par laquelle elle continuera nécessairement de se mouvoir après l’arrêt de l’impulsion externe. Cette permanence de la pierre dans son mouvement est une contrainte, non pas parce qu’elle est nécessaire, mais parce qu’elle doit être définie par l’impulsion des causes externes ; et ce qui est vrai de la pierre, l’est aussi de tout objet singulier, quelle qu’en soit la complexité, et quel que soit le nombre de ses possibilités : tout objet singulier, en effet, est nécessairement déterminé par quelque cause extérieure à exister et à agir selon une loi précise et déterminée.
Concevez maintenant, si vous le voulez bien, que la pierre, tandis qu’elle continue de se mouvoir, sache et pense qu’elle fait tout l’effort possible pour continuer de se mouvoir. Cette pierre, assurément, puisqu’elle n’est consciente que de son effort, croira être libre et ne persévérer dans son mouvement que par la seule raison qu’elle le désire.
Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d’avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent. Un enfant croit librement appéter le lait, un jeune garçon irrité vouloir se venger et, s’il est poltron, vouloir fuir. Un ivrogne croit dire par un libre décret de son âme ce qu’ensuite, revenu à la sobriété, il aurait voulu taire. ” (Spinoza , la Lettre à Schuler)

La dialectique de l’amour

Platon, Le Banquet

Dans le texte, Platon met en scène Diotime, une prêtresse, prophétesse qui aurait jadis instruit Socrate sur les choses de l’amour. Or, elle explique ce qu’est l’amour par la dialectique ascendante. Souvenons nous que dans le mythe de sa naissance, Éros nait le même jour qu’Aphrodite, déesse de la beauté. L’amant est sans cesse à la recherche du beau? Par une dialectique ascendante, en procédant par étape, il va trouver l’essence du beau. La dialectique est art du dialogue qui, d’hypothèse en d’hypothèse conduit à la manière des mathématiciens, à saisir l’idée ou définition d’une chose.

Voici le texte du Banquet. Discours de Diotime :

Celui qui veut atteindre à ce but par la vraie voie doit, dès son jeune âge, commencer par rechercher les beaux corps. Il doit, en outre, s’il est bien dirigé, n’en aimer qu’un seul, et dans celui qu’il aura choisi engendrer de beaux discours. Ensuite, il doit arriver à comprendre que la beauté qui se trouve dans un corps quelconque [210b] est soeur de la beauté qui se trouve dans tous les autres. En effet, s’il faut rechercher la beauté en général, ce serait une grande folie de ne pas croire que la beauté qui réside dans tous les corps est une et identique. Une fois pénétré de cette pensée, notre homme doit se montrer l’amant de tous les beaux corps et dépouiller, comme une petitesse méprisable, toute passion qui se concentrerait sur un seul. Après cela, il doit regarder la beauté de l’âme comme plus précieuse que celle du corps ; en sorte qu’une belle âme, même dans un corps dépourvu d’agréments, [210c] suffise pour attirer son amour et ses soins, et pour lui faire engendrer en elle les discours les plus propres à rendre la jeunesse meilleure. Par là il sera nécessairement amené à contempler la beauté qui se trouve dans les actions des hommes et dans les lois, à voir que cette beauté est partout identique à elle-même, et conséquemment à faire peu de cas de la beauté corporelle. Des actions des hommes il devra passer aux sciences, pour en contempler la beauté ; et alors, ayant une vue plus large du beau, il ne sera plus enchaîné comme un esclave [210d] dans l’étroit amour de la beauté d’un jeune garçon, d’un homme ou d’une seule action ; mais, lancé sur l’océan de la beauté, et repaissant ses yeux de ce spectacle, il enfantera avec une inépuisable fécondité les discours et les pensées les plus magnifiques de la philosophie, jusqu’à ce qu’ayant affermi et agrandi son esprit par cette sublime contemplation, il n’aperçoive plus qu’une science, celle du beau.

 

La dialectique se comprend ainsi

  • AMOUR d’un BEAU CORPS

Impressions sensibles, apparences, images, objets

  • AMOUR des BEAUX CORPS

Opinions droites (vraies mais non justifiées)

  • AMOUR d’une BELLE ÂME

Pensées discursives (raisonnements, démonstrations)

  • AMOUR des BELLES ÂMES : DU BEAU EN SOI

Intuition des essences, contemplation des Idées.

L’attelage ailé

« Or, voici maintenant de quelle façon tombe aux mains de ce dernier celui qui  a été pris. Conformons-nous à la divisionfaite au début de cette histoire de chaque âme en trois parties, dont deux ont forme de cheval  et la troisième forme de cocher; ces déterminations, à présent encore, nous devrons les garder. Des deux chevaux,donc, I‘un, disons-nous, est bon, mais l’autre ne l’est pas.Or en quoi consiste le mérite de celui qui est bon, le vice de celui qui  est vicieux: c’est un point sur lequel nous ne nous sommes point expliqués et dont il y a lieu de parler à présent. L’un des deux, disons-le donc, qui est en plus belle condition qui est de proportions correctes et bien découplé, qui a l’encolure haute, un chanfrein d’une courbe légère, blanc de robe et les yeux noirs, amoureux d’une gloire dont ne se séparent pas sagesse et réserve, compagnon de l’opinion vraie [2], se laisse mener sans que le cocher le frappe, rien que par les encouragements de celui-ci et à la voix. L’autre, inversement,  qui est mal tourné, massif, charpenté on ne sait comment l’encolure lourde, la nuque courte; un masque camard[3]; noir de robe et les yeux clairs pas mal injectés de sang[4] compagnon de la démesure et de la vantardise; une toison dans les oreilles, sourd, à peine docile au fouet et aux pointes[5]. Or donc, quand le cocher, à la vue de l’amoureuse apparition, ayant, du fait de cette sensation, échauffé la totalité de l’âme, est déjà presque tout plein de chatouillements et de piqûres sous l’action du désir  à ce moment, celui des chevaux qui est parfaitement docile au cocher, qui, alors comme toujours, est sous l’impérieuse contrainte de sa réserve, se retient spontanément de bondir sur l’aimé; tandis que l’autre ne se laisse plus émouvoir, ni par les pointes du cocher, ni par son fouet, mais, d’un saut, il s’y porte, violemment, et, causant à son compagnon d’attelage, comme à son cocher, toutes les difficultés possibles, il les force à avancer dans la direction du mignon et à lui vanter le charme des plaisirs d’amour ! Tous deux[6] pour commencer, résistent avec force, indignés qu’on les oblige à des choses horribles et que condamne la loi ;  mais ils finissent, quand rien ne limite le mal, par se laisser mener sur cette route; ils ont cédé et consenti à faire ce à quoi on les invite !

« Ainsi, les voilà contre l’objet, ils ont devant les yeux la vision, la vision fulgurante du bien-aimé ! Mais, à cette vue, le souvenir du cocher s’est porté vers la nature de la Beauté absolue; de nouveau il l’a eue devant les yeux, fermement dressée sur son piédestal sacré, à coté de la Sagesse. Il l’a eue devant les yeux du souvenir, d’un souvenir mêlé de crainte et de vénération, qui le fait tomber à la renverse; du coup, il a été forcé de tirer les rênes en arrière, avec tant de vigueur qu’il a fait s’asseoir sur leur croupe les deux chevaux ensemble: l’un parce qu’il veut bien ne pas résister, l’autre, l’emporté, quoiqu’il veuille énergiquement le contraire. Or, tandis qu’ils continuent de s’éloigner, l’un, des sueurs que provoquent en lui la honte et la stupeur, a inondé l’âme tout entière;  mais l’autre, remis de la souffrance que lui ont causée, et le mors, et sa chute, attend à peine d’avoir repris son souffle, pour invectiver, tout en colère, à la fois le cocher et son compagnon d’attelage, leur reprochant sans relâche d’avoir, par lâcheté, par pusillanimité, déserté leur pose, trahi leur engagement. Et, tandis que, eux qui se refusent à avancer de nouveau, il les en presse, à grand-peine accède-t-il à leur prière de renvoyer à une autre fois ! Quand cependant est venue l’époque fixée entre eux, comme ils font semblant de l’avoir oubliée, il les en fait souvenir par ses violences, ses hennissements et, en les traînant, il les a, encore une fois, forcés à s’approcher du mignon pour lui parler le même langage. Dès qu’ils en ont été près, alors, penché vers lui, la queue déployée, le mors promené entre les dents, il tire sans vergogne.Mais le cocher, qui plus fortement encore a éprouvé la même impression[7], s’étant jeté à la renverse comme pour se détacher de la corde[8], ramenant en arrière, et  même avec une violence accrue, son mors des dents du cheval emporté, a ensanglanté sa langue impudente, ses mâchoires; et, après avoir fait appuyer fortement à la terre ses pattes de derrière et sa croupe, il l’a livré aux douleurs  [9]! Quand cependant, ayant plus d’une fois subi le même traitement, la bête mauvaise a renoncé à sa démesure, alors, humiliée, elle suit désormais la direction réfléchie du cocher et, quand elle voit le bel objet, elle est morte de peur ! aussi le résultat est-il alors que l’âme de l’amoureux est désormais réservée et craintive tandis qu’elle suit le bien-aimé.


[1]Ou « position », s’il s’agit de sa place à droite. Mais quel rapport ceci a-t-il avec les déterminations suivantes qui toutes concernent les caractéristiques du cheval lui-même?

[2]Qui est entre l’ignorance et la vérité, mais du côté de celle-ci (cf. Banquet, 202a), comme il est lui-même pris entre les emportements de la passion (l’autre cheval), et l’obéissance à l’intelligence(le cocher): Il correspond au THYMOS du IV e livre de la République, à cette ardeur généreuse qui capable de sage obéissance, l’est aussi d’égarements, et est la caractéristique dominante de l’âme des guerriers, classe moyenne dans l’État

[3]C’est à dire qu’il a les naseaux aplatis

[4]A moins que cette sanguinité ne s’applique à tout son tempérament

[5]Le pluriel semble indiquer un aiguillon dont la pointe est une sorte d’éperon

[6]le bon cheval et le cocher

[7]la même que celle de 254bc

[8]La corde qui ferme l’entrée de la piste, sur laquelle les chevaux sont impatients de s’élancer. L’image est la même que dans un fameux passage de Lucrèce, II, 263-265

[9]Formule homérique, comportant diverses variantes; celle-ci est dans l’odyssée, XVII, 567. Comparer République, IX, 574c.

Le désir, la passion

l'avare de funès« Rien de grand ne s’est fait dans le monde sans passion » Hegel

Méthode :

Il y a deux pôles d’interprétation du désir en littérature, en art :

-Le pôle rationaliste (souvent contre les passions)

-Le pôle romantique (encourage une passion)

On peut pour ce thème puiser dans nos références culturelles.

Problématique :

Le lien raison / passion pose problème car lorsque on juge  nos désirs ou lorsque l’on condamne nos passions, on juge l’objet du désir et non le désir lui-même. Il faut analyser le désir avant de le condamner.

Intérêts :

La connaissance de soi, la maîtrise de soi, la nature humaine (anthropologie).

Références :

Un lien utile pour comprendre la problématique du désir amoureux, en particulier la vidéo en référence de bas de page…

http://lewebpedagogique.com/philoflo/le-banquet/

Dans le manuel Hatier terminale :

Spinoza p. 78 et  http://lewebpedagogique.com/philo-bac/2010/01/12/spinoza-le-conatus-dans-lethique/

Hegel p.79, Platon, p.81, Épicure, p.82, Descartes,p. 84,

et les stoïciens

Épicure:

http://lewebpedagogique.com/philo-bac/2009/12/25/782/

René Girard

http://lewebpedagogique.com/philo-bac/2009/12/20/732/

Vocabulaire :

Passion, pathos, souffrance, manque, force, imagination, morale, idéal, besoin, corps et âme, conatus, volonté, générosité, plaisir, envie, bonheur, volupté, luxe, sagesse, jouissance, conscience, autrui, matière et esprit, satisfaction, tempérance.

Exercices :

http://lewebpedagogique.com/philo-bac/2009/12/18/642/

Corrigés :

Texte de Hume merci aux ts2 de le mettre en ligne !

Révisions : nos citations

NOS CITATIONS PAR THÈME

L’art

“L’art se distingue de la nature comme faire (facere) d’agir… A vrai dire on ne devrait nommer art que le produit de la liberté, c’est à dire d’un vouloir qui fonde ses actes sur la raison.” Kant. (Comprendre que le travail des abeilles n’est pas une œuvre d’art)

“L’art d’imiter est donc bien éloigné du vrai, et, s’il peut tout exécuter, c’est, semble-t-il, qu’il ne touche qu’une petite partie de chaque chose, et cette partie n’est qu’un fantôme.” Platon La République, X.

“D’une façon générale, il faut dire que l’art, quand il se borne à imiter, ne peut rivaliser avec la nature, et qu’il ressemble à un ver qui s’efforce en rampant d’imiter un éléphant”. Hegel, Esthétique.

“Le goût est la faculté de juger d’un objet ou d’une représentation par une satisfaction dégagée de tout intérêt…”

“Le beau est ce qui est représenté, sans concept, comme l’objet d’une satisfaction universelle…”

“Lorsque je donne une chose pour belle, j’exige des autres le même sentiment; je ne juge pas seulement pour moi, mais pour tout le monde, je parle de la beauté comme si c’était une qualité des choses, je dis que la chose est belle… “


“La beauté est la forme de la finalité d’un objet, en tant qu’elle est perçue sans représentation d’une fin.” Kant, Critique du jugement.

La conscience et l’inconscient psychique

“… cette proposition: je suis, j’existe est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce ou que je la conçois en mon esprit” Descartes, Méditations métaphysiques,Méditation seconde.

“La nature m’enseigne aussi, par ces sentiments de douleur, de faim, de soif… que je ne suis pas seulement logé dans mon corps ainsi qu’un pilote en son navire mais, outre cela, que je lui suis conjoint très étroitement et tellement confondu et mêlé que je compose comme un seul tout avec lui.” Descartes,Méditation sixième.

“Par le mot de penser, j’entends tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l’apercevons immédiatement par nous même; c’est pourquoi non seulement entendre, vouloir, imaginer, mais aussi sentir, est la même chose ici que penser.” Descartes, Principes de la philosophie.

“Qu’est-ce qu’une chose qui pense? C’est à dire une chose qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent.” Descartes, Deuxième méditation.

“Le fait que l’homme puisse avoir le Je dans sa représentation, l’élève infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivant sur la terre. Par là, il est une personne et, grâce à l’unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui arriver, il est une seule et même personne, c’est à dire un être entièrement différent, par le rang et la dignité de choses telles que les animaux sans raison…” Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique.

“Le je pense doit pouvoir accompagner toutes mes représentations.” Kant , Critique de la Raison pure.

“Tout état de conscience en général est en lui-même, conscience de quelque chose… Par conséquent, il faudra élargir le contenu de l’ego cogito transcendantal, lui ajouter un élément nouveau et dire que tout cogito ou encore tout état de conscience “vise” quelque chose et, qu’il porte en lui-même, en tant “visé” ( en tant qu’objet d’une intention), son cogitatum (= objet de pensée) respectif.” Husserl, Méditations cartésiennes, Vrin, page 28.

“L’hypothèse de l’inconscient est nécessaire et légitime, et …. nous possédons de multiples preuves de l’existence de l’inconscient.”

“Un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose de montrer au moi qu’il n’est seulement pas maître dans sa propre maison, qu’il en est réduit à se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience, dans sa vie psychique.” Freud, Introduction à la psychanalyse, Payot, page 266.

Le droit, la justice, l’État

“Par Droit et Institution de la Nature, je n’entends autre chose que les règles de la nature de chaque individu, règles suivant lesquelles nous concevons chaque être comme déterminé à exister et à se comporter d’une certaine manière;” Spinoza, Traité théologico-politique. 1670.

“Il est évident qu’il est parfaitement censé et parfois même nécessaire de parler de lois… injustes. En passant de tels jugements, nous impliquons qu’il y a un étalon du juste et de l’injuste qui est indépendant du Droit positif et lui est supérieur: un étalon grâce auquel nous sommes capables de juger le droit positif”. Léo Strauss, Droit naturel et histoire.

“Mais la nature elle même, selon moi, nous prouve qu’en bonne justice, celui qui vaut plus doit l’emporter sur celui qui vaut moins, le capable sur l’incapable.” Platon, Gorgias, (C’est Calliclès, un sophiste, qui parle).

“Convenons donc que la force ne fait pas le droit et qu’on n’est obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes.” Rousseau, du Contrat social.

“Se dessaisir de son droit sur une chose, c’est se dépouiller de la liberté d’empêcher autrui de profiter de son propre droit sur la même chose… La transmission mutuelle du droit est ce qu’on nomme contrat.” Hobbes, Léviathan.

Déclaration de 1789.
-Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit.
-Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.
-La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme.

“Je dis donc que la souveraineté, n’étant que l’exercice de la volonté générale, ne peut jamais s’aliéner, et que le souverain qui n’est qu’un être collectif, ne peut être représenté que par lui même.” Rousseau, Du contrat social.

“En vérité le but de l’État c’est la liberté”. Spinoza, Traité théologico-politique, 20.
– Dans cet État, en effet, nul ne transfère son droit naturel à un autre de telle sorte qu’il n’est plus ensuite à être consulté, il le transfère à la majorité de la Société dont lui même fait partie; et dans ces conditions tous demeurent égaux.” Spinoza,
Traité théologico-politique, 20.

“Hors de la société, chacun a tellement droit sur toute chose qu’il ne s’en peut prévaloir et n’a la possession d’aucune; mais dans La République, chacun jouit paisiblement de son droit particulier.”. Hobbes, Le citoyen.

“Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas; il a des chefs et non pas des maîtres; il obéit aux Lois, mais il n’obéit qu’aux Lois et c’est par la force des Lois qu’il n’obéit pas aux hommes”. Rousseau, Lettres écrites de la Montagne, huitième.

« Ce passage de l’état de nature à l’état civil produit dans l’homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l’instinct » … Rousseau, Du contrat social.

“Les maux ne cesseront pas pour les humains avant que la race des purs et authentiques philosophes n’arrive au pouvoir ou que les chefs des cités, par une grâce divine, ne se mettent à philosopher véritablement.” Platon, Lettre VII.
“Maintenant si nous disions que nous avons trouvé ce qu’est l’homme juste, la cité juste, et en quoi consiste la justice dans l’un et dans l’autre, nous ne passerions pas, je pense, pour nous tromper beaucoup.”  Platon, La République, IV

“Les êtres raisonnables sont appelés des personnes, parce que leur nature les désigne déjà comme des fins en soi, c’est à dire comme quelque chose qui ne peut pas être employé simplement comme moyen, quelque chose qui, par suite, limite d’autant toute faculté d’agir comme bon nous semble (et qui est un objet de respect).” Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs

“La justice et l’injustice entendues en toute rigueur, ne sauraient se concevoir que dans un État.” Spinoza, Traité politique, II §23.

“Il existe deux manières d’obtenir ce pouvoir souverain. La première est la force naturelle… l’autre manière apparaît quand les hommes s’entendent entre eux pour se soumettre à tel homme ou à telle assemblée, volontairement, parce qu’ils leur font confiance pour les protéger contre tous les autres. Dans ce deuxième cas, on peut parler de République politique politique ou de République d’institution.” Hobbes, Leviathan, chapitre XII.

“Le pouvoir veut de l’ordre, le savoir lui en donne.” M. Serres, Hermès, IV

La liberté et le bonheur

« La Nature commande à tout animal et la bête obéit. l’homme éprouve la même impression, mais il se reconnaît libre d’acquiescer, ou de résister, et c’est surtout dans la conscience de cette liberté que se montre la spiritualité de son âme .» Rousseau

« l’homme est né libre, et partout il est dans les fers » Rousseau

“Renoncer à sa liberté c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs. Il n’y a nul dédommagement possibles pour quiconque renonce à tout. Une telle renonciation est incompatible avec la nature de l’homme, et c’est ôter toute moralité à ses actions que d’ôter cette liberté à sa volonté .” Rousseau


“L’homme libre, c’est à dire qui vit selon le seul commandement de la Raison.” Spinoza

“Conçois-tu maintenant que quelqu’un puisse être supérieur au sage, qui a sur les dieux des opinions pieuses, qui ne craint pas la mort, qui est arrivé à comprendre quel est le but de la nature, qui sait que le souverain bien est à notre portée et facile…” Épicure, Lettre à Ménécée.

“Le Sage, au contraire, considéré en cette qualité, ne connaît guère le trouble intérieur, mais ayant, par une certaine nécessité éternelle conscience de lui même, de Dieu et des choses, ne cesse jamais d’être et possède le vrai contentement.” Spinoza, Ethique V° partie, Scolie prop. XLI

“Le concept du bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu’a tout homme d’arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il veut et il désire… Le bonheur est un idéal, non de la raison, mais de l’imagination.” Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, deuxième section.

“Une hirondelle ne fait pas le printemps, non plus qu’une seule journée de soleil; de même ce n’est ni un seul jour ni un court intervalle de temps qui font la félicité et le bonheur.” Aristote, Éthique de Nicomaque, I, VII, 16

à suivre… à compléter aussi avec vos révisions des cours et vos manuels…merci de publier pour tous !

D comme désir

Parus en 1996 (éd. Montparnasse), les entretiens de Gilles Deleuze avec Claire Parnet ont été enregistrés en 1988-1989. Conformément au souhait de Deleuze, le document vidéo posthume n’a été diffusé qu’après son décès, survenu le 4 novembre 1995.

Gilles Deleuze est un philosophe contemporain très souvent compris comme le philosophe du désir. Son œuvre L’Anti-Oedipe (1972) écrit avec le psychanalyste Félix Guattari marque une rupture dans l’histoire de la psychanalyse en particulier et des idées en général. Ils y dénoncent une vision concentrationnaire des analyses de l’individu. L’homme est un être de désir affirmait déjà Spinoza, mais on ne désire pas quelque chose ou quelqu’un, ce que l’on désire c’est un agencement de choses, d’états de choses, de modalités de choses par lesquels s’opère une réorganisation de son être au monde. Le désir crée, il est toujours multiple, il est promesse d’un projet ou d’une transformation. Le désir reterritorialise l’être, dans un nouveau monde…

 

http://youtu.be/03YWWrKoI5A

Le désir des songes


© 2006 Salvador Dali, Gala-Salvador Dali Foundation / Artists Rights Society (ARS), New York » height= »500″ border= »0″ width= »492″ />

Salvador Dali – Le Rêve –

Parmi les plaisirs et les désirs non nécessaires, certains me semblent illégitimes (609) ; ils sont probablement innés en chacun de nous, mais réprimés par les lois et les désirs meilleurs, avec l’aide de la raison, ils peuvent, chez quelques-uns, être totalement extirpés ou ne rester qu’en petit nombre et affaiblis, tandis que chez les autres ils subsistent plus forts et plus nombreux. [571c]

Mais de quels désirs parles-tu?

De ceux, répondis-je, qui s’éveillent pendant le sommeil, lorsque repose cette partie de l’âme qui est raisonnable, douce, et faite pour commander à l’autre, et que la partie bestiale et sauvage, gorgée de nourriture ou de vin, tressaille, et après avoir secoué le sommeil, part en quête de satisfactions à donner à ses appétits. Tu sais qu’en pareil cas elle ose tout, comme si elle était délivrée et affranchie de toute honte et de toute prudence. Elle ne [571d] craint point d’essayer, en imagination, de s’unir à sa mère (610), où à qui que ce soit, homme, dieu ou bête, de se souiller de n’importe quel meurtre, et de ne s’abstenir d’aucune sorte de nourriture (611); en un mot, il n’est point de folie, point d’impudence dont elle ne soit capable.

Tu dis très vrai.

Mais lorsqu’un homme, sain de corps et tempérant, se livre au sommeil après avoir éveillé l’élément raisonnable de son âme, et l’avoir nourri de belles pensées et de nobles spéculations en méditant sur lui-même; [571e] lorsqu’il a évité d’affamer aussi bien que de rassasier l’élément concupiscible, afin qu’il se tienne en repos et n’apporte point de trouble, par ses joies ou par ses [572a] tristesses, au principe meilleur, mais le laisse, seul avec soi-même et dégagé, examiner et s’efforcer de percevoir ce qu’il ignore du passé, du présent et de l’avenir; lorsque cet homme a pareillement adouci l’élément irascible, et qu’il ne s’endort point le cœur agité de colère contre quelqu’un; lorsqu’il a donc calmé ces deux éléments de l’âme et stimulé le troisième, en qui réside la sagesse, et qu’enfin il repose, alors, tu le sais, il prend contact [572b] avec la vérité mieux que jamais, et les visions de ses songes ne sont nullement déréglées (612).

J’en suis tout à fait persuadé, dit-il.

Mais nous nous sommes trop étendus sur ce point; ce que nous voulions constater c’est qu’il y a en chacun de nous, même chez ceux qui paraissent tout à fait réglés, une espèce de désirs terribles, sauvages, sans lois, et que cela est mis en évidence par les songes. Regarde si ce que je dis te semble vrai, et si tu en conviens avec moi.

Platon, République, livre IX, trad. Baccou