Nouvelle scène de l’Avare !
Cléante, Harpagon.
Harpagon : Eh ! Là, mon fils, où cours tu donc ?
Cléante :De grâce, mon père, écoutez moi ! Pour vous combler, voici un petit projet auquel j’ai pensé tantôt.
Harpagon : Que dis-tu, que mijotes tu ? Que va-t-il m’en coûter ?
Cléante : Que diable mon père, combien cette affaire va vous rapporter voulez vous dire !
Harpagon : Me rapporter dis-tu, combien ? Parle gredin, mais parle donc !
Cléante : C’est que l’affaire est d’importance, et…
Harpagon : …combien en est-il, dis vite !
Cléante : Eh bien…c’est que…
Harpagon : Parle, dis quelque chose ! Me rapporter disais-tu, combien ?
Cléante : Eh bien voilà. A vous parler franchement, je connais une dame dont la vertu n’a d’égal que sa richesse.
Harpagon : Que vaut-elle, combien…
Cléante : … de grâce, père ne m’interrompez plus. C’est que la mise est d’importance.
Harpagon : Parle donc !
Cléante : C’est une franche beauté dont les atouts sont naturels et n’exigent aucun attrait.
Harpagon : Fichtre, si c’est pour me parler du beau sexe et de ses fanfreluches, elles nous coûtent bien assez cher !
Cléante : Mais père, vous n’y songez point. Elle présente quelques douceurs, mais surtout (il devient mystérieux)quelques richesses.
Harpagon : Quelques richesses ! Combien peut me rapporter cette belle personne ?
Cléante : Je me suis laissé dire qu’elle recevait une rente de quelques milliers d’écus et que ses biens lui rapportaient plus de mille deniers.
Harpagon : Et quoi encore ! Qu’attendais tu pour me présenter…
Cléante : …des intérêts, des placements…Père, vous tressaillez !
Harpagon : Diantre ! Où est-elle ? Combien ? Où vais-je la voir ? Quand l’épousailler ? Parle, mon fils. Règle mes affaires nuptiales sur le champ !
Cléante : C’est que mon père, l’affaire est d’importance. Le contrat suppose une petite condition.
Harpagon : Laquelle ? Combien ? Que va-t-il m’en coûter ?
Cléante : Oh, presque rien rien de …(il hésite) disons monétaire.
Harpagon : Combien dis-tu ? (il se rapproche) Combien cela coûte-t-il ?
Cléante : Ce n’est presque rien, juste votre permission, pour combler votre bonheur et le mien, que j’épouse sa fille.
Harpagon : Qui ? De qui ? Combien ? Pourquoi me parles-tu de sa fille ? Deux créatures féminines, cela va me coûter cher !
Cléante : Mais non, mon père, la jeunesse a une grâce toute naturelle, et les égards de la mère n’iront que vers vous.
Harpagon : Hâte toi donc d’aller quérir le notaire et de prévenir cette belle personne. Nous serons mariés ce soir !
Librement inspiré de L’AVARE de Molière,
Marius Begel, 4° D