La Révolution française, un beau terrain de jeu

La découverte récente d’une proposition de jeu de rôle pédagogique sur la Révolution française, sur le blog de « Petite Luciole » a confirmé une vieille intuition : la Révolution française est une période idéale pour qui souhaiterait se lancer dans un jeu en classe.

L’exemple cité est d’ailleurs davantage une version théâtralisée d’un épisode de 1789 (en l’occurrence l’ouverture des Etats Généraux et la procédure du vote) qu’un véritable jeu : ce n’est pas l’absence de règle qui l’en éloigne, mais plutôt l’absence d’enjeu pour les élèves qui doivent se couler dans des rôles historiques. La mise en situation doit leur faire comprendre l’inégalité et l’injustice du point de départ, préalable à l’explosion de l’Ancien Régime durant l’été 1789. C’est donc bien là une simulation convergente, même si les élèves semblent avoir une certaine latitude pour interpréter le rôle qu’ils auront tiré au sort. Avec toute la prudence et le respect que l’on doit à ce collègue qui a fourni cet important travail, nous serions enclins à l’encourager à pousser davantage la logique de jeu : laisser les élèves négocier librement jusqu’à ce qu’ils se mettent d’accord sur une compromis (ou pas !), à la fois sur le vote mais aussi sur le contenu (la réforme fiscale). Puis de comparer avec la réalité historique pour en dégager points communs et différences (l’excellent « Les années Lumière » de R. Enrico rend des services irremplaçables dans ce domaine pour aider le plus grand nombre à visualiser les événements, en attendant éventuellement Marc Lesggy sur ce même sujet). Ce travail de comparaison entre ce que les élèves ont produit et la réalité historique est à la fois simple à mener et d’une très grande richesse. Il est à la base de la pratique sociale de l’histoire.

Rappelons que la Révolution française, par sa cascade d’événements, sa galerie de personnages, son caractère global et la radicalités des changements qu’elle engendre, en fait une période propice à l’imagination pédago-ludique. Quelques exemples :

  • le réseau Ludus a lui-même proposé un « jeu de rôles » adapté pour couvrir toute la période 1789-1799 : J’ai vécu la Révolution française, inspiré par l’excellent logiciel de Dominique Natanson « J’ai vécu au XVIIIe s. ». C’est un des rares moments dans la carrière d’un enseignant où la correction des dossiers d’élèves est un vrai plaisir…
  • d’autres collègues comme Caroile Jouneau-Sion ont produit leurs versions. Même des mémoires des ex-IUFM se sont penchés sur la question…
  • des livres dont vous êtes le héros se sont risqués dans ce domaine comme « 1789. Qui seriez-vous ? Que feriez-vous ? » (hélas buggé, ce qui le rend inutilisable), « L’ombre de la guillotine » (Gallimard) ou encore « Complot sous la terreur » (Pocket). Je me suis permis de mettre les liens vers un distributeur bien connu du net, pour les amateurs qui souhaiteraient les acquérir à vil prix sans avoir à se lever un dimanche matin d’été à 06h du mat pour aller au vide-grenier du coin. Un collègue a tenté un mix de la proposition du réseau et du premier livre.
  • un vrai jeu de rôles ouvert, avec meneur de jeu, personnages à incarner et scénarios a été publié il y a longtemps : Aux armes citoyens ! (pas pratiqué). Rappelons qu’un livret de règles n’est pas obligatoire pour faire du jeu de rôles, en particulier en classe. Il suffit en effet que les élèves répondent à la question du prof : « et maintenant que fait votre personnage ? » après avoir exposé ou fait découvrir une situation de départ.
  • le bicentenaire de 1989 a donné lieu à production de moult jeux éducatifs, clonés sur Trivial Pursuit : intérêt pédagogique limité mais banque de questions éventuelles toutes faites !
  • il existe peu de vrais jeux de plateau commerciaux malgré la richesse de la période qui se prête bien à une belle simulation : Guillotine (Avril et Floréal, hélas quasi introuvable), très bon jeu pour simuler les luttes entre factions à la Convention, à ne pas confondre avec le jeu de cartes fort léger du même nom (et sans intérêt en classe), La Patrie en danger (Azure Wish) nettement plus complexe (et très cher), Liberté du génial auteur Martin Wallace (qui est beaucoup plus moderne dans ses règles mais qui peut s’éloigner notablement de l’histoire), Levée en masse proche du wargame (sur les guerres révolutionnaires).
  • rappelons enfin la polémique récente autour du jeu vidéo Assassin Creed : unity, que nous avions nous-même évoquée.

Ajout postérieur : le Café Pédagogique a publié « Peut-on enseigner l’histoire avec Assassin’s Creed Unity ? » où la démarche intelligente de Julien Yenni, enseignant d’histoire, repose sur la comparaison entre ce que le jeu véhicule et ce qu’on sait de la réalité historique.

Ce court panorama de jeux somme toute peu nombreux sur la période trahit quand même l’obsession pour la guillotine comme image emblématique de la Révolution (comme quoi, JP, fallait pas t’énerver contre un jeu vidéo, ça fait 20 ans que ça dure dans le monde ludique). En revanche, c’est bel et bien un jeu pédagogique, ie conçu et mené par l’enseignant, qui pourra aider les élèves à comprendre que la Révolution ne se réduit pas à ça, que cette décennie est bien plus subtile et que son importance ne se réduit pas à des clichés.

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