pour tous: inflation change le comportement des consommateurs

L’inflation démoralise les consommateurs

Samedi 19 avril, magasin Auchan à Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Madly Darlis sort de l’hypermarché. Elle avoue avoir évité le rayon pâtisserie. Désormais, cette conductrice de bus à la RATP s’interdit les « petits plaisirs ». Même les pizzas, elle les prépare chez elle. Dans son chariot, il n’y a pas de produits alimentaires de base. Les conserves, les pâtes, les oeufs, elle les achète chez le maxi-discompteur Aldi ; elle prend le reste en grandes surfaces, Carrefour ou Auchan selon les promotions qu’elle pointe sur les catalogues. « Je fais comme tout le monde, j’en mets moins dans mon caddy et, pour ma voiture, je ne fais plus le plein », poursuit-elle.

Flambée des matières premières et du baril de pétrole, valse des étiquettes dans les rayons, augmentation du litre d’essence à la pompe… Les Français n’ont pas le moral et commencent à se serrer la ceinture, au moins sur certaines dépenses. Sur les trois premiers mois de l’année, les volumes de produits de grande consommation vendus dans les supers et les hypermarchés ont reculé. Le premier décrochage de ce genre depuis 2001.

Et cela ne devrait pas s’arrêter. Une enquête de la banque Robeco et de l’institut IFOP publiée en mars montre que 61 % des Français ont l’intention de réduire leurs dépenses au cours des prochains mois.

Comme César Branco, par exemple. Si ce Parisien employé dans le bâtiment n’a pas changé ses habitudes dans l’alimentaire, il ajoute : « Pour l’essence, je cherche le moins cher, il y a 20 centimes d’écart, et même parfois jusqu’à 40, selon les endroits. »

ALIMENTAIRE

Depuis le début de l’année, les Français remplissent moins leurs chariots dans les supers et les hypermarchés et fréquentent de plus en plus les magasins de maxidiscompte. Après avoir stagné ces deux dernières années, ce secteur est franchement reparti à la hausse en janvier, avec un gain de 0,5 point de part de marché. Le maxidiscompte représente désormais 14,2 % des dépenses alimentaires des Français, selon TNS Worldpanel.

Principale raison de cet engouement pour les bas prix : la flambée des prix alimentaires. Une hausse inédite de 4,9 % en mars, après 4,7 % en février et 4 % en janvier ! Sur un an, ce sont les pâtes (+17,42 %) et les oeufs (+14,45 %) qui ont le plus augmenté, selon les chiffres Nielsen publiés par le magazine LSA. Conséquence : les ventes de pâtes sont en chute libre : – 2 % en mars après – 3,7 % en février, – 3,2 % en janvier et – 3,4 % en décembre. « Pour l’instant les ventes d’oeufs restent stables, peut-être parce que l’oeuf standard reste la protéine la moins chère », relève Christian Marinoff, le directeur de l’interprofession du secteur.

« Aujourd’hui, la consommation ne s’inscrit plus dans le futur. On ne diffère pas un achat mais on fait des arbitrages : on remplit moins son chariot mais on s’achète un écran plat », indique Olivier Geradon de Vera, vice-président du cabinet Iri Secodip.

Lorsque les consommateurs font leurs courses, ils sont de plus en plus nombreux à privilégier les marques de distributeurs ou les produits premiers prix. «  C’est d’autant plus vrai lorsque le budget de nos clients est très contraint », confirme Nathalie Mesny, directrice du marketing chez Carrefour. Pour les marques nationales telles que Danone, Barilla ou encore Nestlé, cette situation pourrait devenir préoccupante si elle se poursuivait. « Nos volumes ont baissé mais il est encore trop tôt pour y voir l’effet direct de la hausse des prix », minimise-t-on chez Danone.

« On sait que pour l’alimentation, le décalage entre la hausse des prix et sa perception par le consommateur est plus grand que pour l’essence ou les téléphones portables, nous sommes donc plus exposés », estime néanmoins Jean-René Buisson, président de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania).

AUTOMOBILE

Les Français voient leur budget s’alourdir. Du coup, le nombre de kilomètres effectués ne cesse de diminuer. Selon le dernier relevé de l’Union française des industries pétrolières (UFIP), le prix de l’essence sans plomb 95 a atteint un record, à 1,38 euro, et le gazole à près de 1,28 euro. A la veille des vacances de printemps, les automobilistes se sont rués sur le comparateur de prix mis en ligne par le ministère des finances pour trouver les stations les moins chères.

Les immatriculations de voitures particulières devraient augmenter en 2008 de près de 2 % selon le cabinet Xerfi. Mais les Français se portent de plus en plus sur les petites cylindrées, moins chères à l’achat et moins gourmandes en carburant. Sur le premier trimestre de 2008, elles représentent un achat sur deux. Dans le même temps, les ventes de gamme moyenne ont reculé de 10 % sur un an, le haut de gamme chute, lui, de 34,2 %. L’instauration du bonus/malus écologique explique cette redistribution des cartes depuis le début de l’année. Il est peu probable que les Français se soient mués en écologistes purs et durs ? Pour Robert Rochefort, le président du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), la voiture ne fait plus partie des achats « fantasmes ». En témoigne le succès de la voiture à bas prix de Renault, la Logan dans l’Hexagone.

HABILLEMENT

Selon l’Institut français de la mode (IFM), en mars, les ventes ont reculé de 12 % en valeur pour les grands magasins et les commerces indépendants et de 8 % pour les chaînes spécialisées. « Il y a une vraie panne de la consommation. Les gens ont intégré la crise économique », explique Franck Delpal de l’IFM. Selon lui, le débat autour du pouvoir d’achat, de la hausse des produits alimentaires et de l’énergie a eu raison du budget consacré à l’achat de vêtements.

LOISIRS

La baisse du pouvoir d’achat touche aussi le budget vacances. Selon une étude menée par le cabinet Guy Raffour et le voyagiste en ligne Opodo.fr, en 2007, les Français étaient moins nombreux à partir qu’en 2006. Les ménages au pouvoir d’achat élevé continuent de partir. Les ménages modestes rognent sur leurs vacances au profit d’autres dépenses considérées comme incompressibles. En 2006, les foyers qui gagnaient entre 1 200 et 1 900 euros étaient 57 % à partir en vacances. Ils n’étaient plus que 49 % en 2007.

Avec un taux d’épargne parmi les plus élevés d’Europe (15,5 % en 2006), les Français pourraient être contraints de puiser dans leur bas de laine pour maintenir leur niveau de consommation. « Pour l’instant, il n’y a aucun signe dans ce sens mais il est encore un peu tôt. S’ils ne le faisaient pas cela signifierait qu’ils ont vraiment le moral dans les chaussettes », souligne M. Rochefort.

About GhjattaNera

prufessore di scienze economiche e suciale a u liceu san Paulu in Aiacciu

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