relances européennes

relances européennes : une catastrophe par A Parienty

Les plans de relance concoctés par les divers pays européens sont désormais connus. Ils procèdent manifestement de philosophies très différentes d’un pays à l’autre et tiennent compte de situations, des finances publiques notamment, diamétralement opposées. Il vaut la peine de s’attarder un moment à essayer de décrypter ces logiques et de comparer les chances des uns et des autres.
C’est la première fois depuis le premier choc pétrolier, il y a 35 ans, que tous les pays s’accordent sur la nécessité de mesures budgétaires de relance de l’activité économique. Ces mesures sont motivées par une récession très profonde, devant laquelle la politique monétaire s’avère inefficace, à la fois parce que la baisse des taux d’intérêt ne peut compenser le pessimisme radical des anticipations et parce qu’il ne faut pas compter sur la BCE, toujours en retard d’une baisse, pour mesurer la gravité de la situation.
A quoi sert une politique budgétaire de relance ? Pour les économistes orthodoxes, il faut le rappeler, elle ne sert à rien. Elle est inutile, car les mécanismes du marché suffiront à remettre l’économie sur sa trajectoire de croissance. Elle n’accroît pas la demande, car les agents privés, sachant que les dépenses publiques d’aujourd’hui sont les impôts de demain, réduisent leur consommation pour faire face à l’inévitable hausse des impôts. Elle arrive après la bataille, car les délais de mise en œuvre de cette politique sont longs et variables. Fermez le ban.
Une politique de relance ne peut donc se concevoir que si on préfère à la loi de Say, selon laquelle il ne peut exister d’insuffisance de la demande, la vision keynésienne, qui voit dans l’insuffisance des investissements l’origine d’une croissance durablement insuffisante pour absorber la main-d’œuvre disponible et éviter le chômage. Pour y remédier, des dépenses publiques doivent se substituer aux dépenses privées qui manquent et accroître la demande anticipée par les entrepreneurs.
Conformément à cette philosophie, le Royaume-Uni a fait le choix de distribuer directement de l’argent aux ménages, sous forme de diminution de la TVA, en faisant l’hypothèse que les ménages augmenteront leurs dépenses et que les entreprises ajusteront leurs plans de production à cette demande accrue. La Commission européenne proposait exactement la même chose à l’échelle européenne, mais cette suggestion a été rejetée par l’Allemagne. Celle-ci s’oppose en effet violemment à toute stimulation de la consommation des ménages et plaide pour un maintien des contraintes du pacte de stabilité.
La position allemande s’explique par une vieille hostilité au keynésianisme, mais aussi par le mécanisme très particulier de la croissance allemande. L’Allemagne n’a pas besoin d’une croissance aussi rapide que la France ou le Royaume-Uni du fait de sa faiblesse démographique (sa population active stagne). D’autre part, l’Allemagne, premier exportateur mondial, s’appuie beaucoup sur la demande extérieure pour tirer la croissance. Il est donc logique qu’elle cherche d’abord à améliorer la situation de ses entreprises, dans le but d’accroître ses parts de marché. Pour ce faire, elle insiste sur la maîtrise des prix et l’équilibre des finances publiques, qui lui permet d’emprunter à des taux d’intérêt faibles. Cependant, cette stratégie n’est pas coopérative : les parts de marché ne peuvent se gagner qu’au détriment des autres. Si chacun adoptait la même attitude, tout le monde serait perdant.
Confrontée à cette situation, que peut faire la France ? Une relance de la demande intérieure s’impose. Elle ne peut venir que de mesures augmentant le pouvoir d’achat des ménages, car les investissements publics n’agissent qu’après un délai assez long. Le plan dévoilé le 4 décembre par le président Sarkozy ne répond pas du tout à cette nécessité, ce dont le gouvernement est certainement conscient. L’essentiel des mesures annoncées visent à améliorer la situation des entreprises (constructeurs automobiles, promoteurs immobiliers, PME). On peut également s’interroger sur l’utilité économique d’investissements publics tels que la construction de prisons.
Le tableau brossé ci-dessus permet en partie de comprendre pourquoi : une relance de la demande française servirait d’abord les entreprises allemandes, tout en creusant le déficit budgétaire et le déficit commercial. Le gouvernement a donc choisi une stratégie à l’allemande : aider d’abord les entreprises et doper un peu les investissements publics. Si ce plan réussit, la France connaîtra donc une situation catastrophique en 2009 (les instituts de conjoncture prévoyaient une évolution du PIB comprise entre -1,2% et -0,1% avant de connaître les détails du plan de relance ; on doute que ce dernier les fasse changer d’avis) et une lente amélioration à partir de 2010-2011, dont l’ampleur dépendra essentiellement de la croissance mondiale. La seule consolation pour le gouvernement est que la situation pourrait être bonne au seul moment qui compte pour lui, à savoir la campagne électorale de 2012.
Etait-il possible de faire mieux ? Evidemment. Il est anormal que la première puissance économique mondiale attende sa croissance des marchés extérieurs et s’appuie sur les mesures de relance décidées par les autres. Au contraire, une Europe consciente de ses responsabilités devrait prendre le relais des Etats-Unis, exsangues, comme locomotive de la croissance mondiale. Une relance européenne combinant investissement et consommation, financée par des emprunts européens sur les marchés, serait la solution la plus efficace. Le crédit de l’Europe, globalement à l’équilibre et s’appuyant sur une économie diversifiée et puissante, est excellent. Sa monnaie est solide.
Ce qui empêche la mise en œuvre d’une telle solution coopérative n’est pas la faiblesse institutionnelle de l’Europe, mais la divergence des intérêts nationaux et des visions du monde de ses dirigeants ; pour le plus grand malheur des peuples

About GhjattaNera

prufessore di scienze economiche e suciale a u liceu san Paulu in Aiacciu

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