une croissance sans emploi et sans hausse de salaire

paru dans le monde

Que la reprise soit ou non au rendez-vous, les entreprises risquent fort de poursuivre leurs politiques de réduction des coûts et, en particulier, de compression de leur masse salariale en 2010. Telle est l’une des conclusions qui apparaît à la lecture de l’enquête sur les rémunérations en France, publiée lundi 5 octobre, par la filiale française du cabinet américain de conseil Mercer. Près du quart des 313 sociétés interrogées, qui couvrent tous les secteurs d’activité, prévoient de geler les salaires en 2010. Un gel qui intervient après une année 2009 drastique à cet égard, puisque, selon ce cabinet, plus de 30 % des entreprises auront déjà gelé les salaires de leurs cadres, en 2009, et près d’une sur deux (47 %) ceux de leurs cadres dirigeants.

En 2010, quand des augmentations seront accordées, elles resteront peu élevées. Seul un quart des firmes comptent donner plus de 3 % d’augmentation salariale. Les ouvriers devraient connaître la plus faible progression (+ 2 %). Alors que cette catégorie aura déjà été durement affectée en 2009, avec le plus faible taux d’augmentation du salaire médian (+ 1,6 %). En revanche, les cadres dirigeants, dont les salaires médians auront connu la plus faible progression en 2009 (+ 1,3 %), seront un peu moins affectés en 2010 (+ 2,5 %).

Ces faibles progressions surviennent après une année 2009, durant laquelle les augmentations auront été historiquement basses, de 2,2 % pour les salaires médians, selon Mercer. « Les taux d’augmentation n’ont jamais été aussi faibles depuis une trentaine d’années », observe-t-on chez Hewitt, autre cabinet de conseil en ressources humaines.

Certes, le taux d’inflation aura aussi été bas – soit + 0,3 % en 2009 selon le Fonds monétaire international (FMI). Mais il est prévu qu’il se redresse, ce qui réduit d’autant l’augmentation affichée pour 2010. En France, la progression réelle des salaires médians (c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation) n’atteindra en 2010 que 1,4 % soit moins qu’en 2009. La progression des salaires sera un peu meilleure en Allemagne (+ 2,3 %). Elle sera du même ordre de grandeur au Royaume-Uni (+ 1,3 %), et plus faible aux Etats-Unis (+ 0,9 %).

Ces consignes budgétaires dans les entreprises auront très vraisemblablement des répercussions importantes en termes d’emploi. « L’enveloppe d’augmentations qui m’est accordée par ma direction pour mes équipes est inférieure aux augmentations annuelles obligatoires prévues par les conventions collectives », constate ce responsable de filiale. « La seule solution est donc de licencier », conclut-il. « Nous ne pouvons remettre en cause des dispositifs conventionnels du jour au lendemain », explique Philippe Fontaine, secrétaire national de la CFDT Cadres. Ce qui effectivement peut, dans certains cas, provoquer des réductions d’emplois, quand les départs naturels ne sont pas suffisants.

Certes, ces dispositifs d’augmentations systématiques (augmentations générales ou à l’ancienneté) sont de plus en plus rares. Dans l’ingénierie et les bureaux d’études, par exemple, il n’y a plus ni l’un ni l’autre. Pour geler la masse salariale, beaucoup d’entreprises n’auront qu’à décider de ne pas accorder d’augmentations individuelles. Certaines ne pourront néanmoins s’y résoudre de crainte de voir partir leurs meilleurs éléments. Ce qui les obligera donc, aussi, à tailler dans leurs effectifs. « Pour fidéliser les talents, les entreprises vont accorder des augmentations de façon sélective. C’est la fin du saupoudrage. La France rattrape son retard en la matière. Cette tendance de fond va s’accélérer en 2010. Ce sera vrai pour l’ensemble des catégories de personnel, les cadres et les non-cadres », indique Bruno Rocquemont, responsable des enquêtes de rémunération chez Mercer en France.

La nouvelle loi en faveur de l’emploi des seniors, applicable à partir du mois de janvier, complique encore la situation. « Un directeur des ressources humaines ne pourra plus se séparer des seniors, sinon il risque d’avoir à payer des pénalités. S’il lui reste un peu de marge, elle ne remplacera pas les partants, ne donnera pas d’augmentations individuelles ou générales. Dans le cas contraire, elle n’évitera pas le plan social », estime Michel Yahiel, président de l’Association nationale des directeurs de ressources humaines (Andrh).

Certaines entreprises pourraient même être amenées à adopter les deux stratégies à la fois, gel des salaires et licenciements, redoute la CGT des sociétés d’études. Dans le secteur de l’automobile, en particulier, où les salariés ont déjà subi un long chômage partiel en 2009. A l’inverse, les salariés de certains secteurs en plein développement, comme le nucléaire, l’énergie ou encore l’environnement, et qui ont besoin de recruter, seront épargnés, précise-t-on chez Syntec-Ingénierie.

Pour les autres, et en France, comme ailleurs dans le monde, la reprise pourrait bien être « sans emploi s », présage le FMI. D’autant qu’à l’exception du Canada, du Royaume-Uni, et des Etats-Unis la plupart des pays (développés ou émergents) semblent avoir certes réduit leurs effectifs, mais moins que ce que la réduction de la production aurait pu laisser supposer. Jusqu’à présent, « une partie de l’ajustement s’est opérée par la réduction du nombre d’heures travaillées. Cela ne fera que retarder les pertes d’emploi inévitables, sauf au cas où la reprise serait plus forte que prévu », indique le FMI.

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About GhjattaNera

prufessore di scienze economiche e suciale a u liceu san Paulu in Aiacciu

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