Pour les terminales ES la relance version Keynes

suite du cours ..et un clin d’oeil à  JPD…voila article en entier et le lien là

Tout comme il y a un rêve libéral d’une société harmonieuse dans la concurrence, il y a un rêve keynésien d’une politique de relance permettant d’éviter les crises et qui, en plus, ne creuse pas les déficits. Ce rêve repose sur un effet un peu magique, l’effet dit “multiplicateur” de la dépense publique. Grâce à cet effet, 1 € de dépense publique permet une hausse du PIB de plus de 1 €.

Pourquoi cela ? Parce que l’argent reçu est à son tour dépensé. Lorsque l’Etat investit dans des grands projets, il permet à des entreprises d’embaucher des travailleurs qui reçoivent un salaire. Ces personnes dépensent à leur tour leur salaire, ce qui stimule l’activité économique (ainsi que cela est bien connu depuis les “villes champignons” qui poussaient autour des chantiers de construction des lignes de chemin de fer, je sais que c’est vrai, je l’ai lu dans Lucky Luke).

Pour poursuivre avec la métaphore du chantier, les commerçants et restaurateurs qui bénéficient de ces revenus accrus vont à se tour dépenser cet argent. Par exemple, ils vont à leur tour embaucher pour faire face à l’afflux de la demande. Ils vont acheter de nouveaux produits à leurs fournisseurs, et les entrepreneurs dont les revenus augmentent pourront acheter plus de biens de consommation (une nouvelle voiture, une télévision à écran plat, etc.).

Ces flux de dépenses s’additionnent les uns aux autres. C’est pour cela que, même si une partie de l’argent reçu par chacun est épargné, il y a, au final, un effet plus grand sur l’activité que l’impulsion qui a été initialement donnée par le gouvernement.

Si l’effet multiplicateur est suffisamment fort, on entre dans le rêve keynésien : non seulement l’économie est relancée, le chômage est évité, et le dirigeant politique jouit d’une popularité qui lui assure un sommeil paisible. Mais, cerise sur le gâteau, la relance ne coûte rien : le surcroît d’activité est tellement fort qu’il permet d’accroître les recettes de l’Etat à hauteur de ce qui a été dépensé initialement. Il ne faut en effet pas oublier que l’Etat perçoit des recettes à chaque nouveau tour de dépenses, ne serait-ce que, dans le cas des biens de consommation, grâce à la TVA. Mais les revenus de l’Etat augmentent également à proportion des hausses de revenus des ménages (hausse des rentrées de l’impôt sur le revenu) et des entreprises (hausse des recettes de l’impôt sur les sociétés).

Tout dépend finalement de l’ampleur de l’effet multiplicateur. Et c’est là que ça se gâte. Comme le démontre Olivier Bouba-Olga, le multiplicateur n’est pas très élevé en France : il n’atteint que 1,23. Pour 1 € dépensé par l’Etat, le PIB augmente de 1,23 €. C’est certes plus que 1, mais ce n’est pas beaucoup plus. C’est en tous cas très insuffisant pour permettre à la relance de s’auto-financer.

La relance va donc creuser le déficit, ce qui ne manquera pas d’alimenter plus tard les critiques à l’égard de l’Etat dépensier qui creuse les déficits, et on nous fera encore une fois pleurer sur les pauvres petits enfants français qui naissent endettés (alors qu’ils naissent riches, puisqu’ils ont à leur disposition, gratuitement, du fait du travail des générations passées, non seulement des institutions qui garantissent la paix et la justice, mais aussi des écoles, des hôpitaux avec des médecins dedans, des routes, et une montagne de capital productif accumulé dans les entreprises).

Par ailleurs, comme le montre mon voisin de bureau Arnaud Parienty, les dépenses engagées par le gouvernement français dans le cadre de son plan de relance sont très insuffisantes pour lutter contre la récession actuelle et éviter la hausse du chômage.

Pourquoi le multiplicateur n’est-il pas plus fort ? Comme l’indique Olivier Bouba-Olga, à cause de trois fuites :

– les consommateurs ne dépensent que 80% de leur revenu, et non pas 100%

– le revenu des consommateurs est ponctionné par les taxes à hauteur de 45%

– une part de l’argent dépensé profite à des producteurs étrangers de biens et services

Ces trois fuites nous indiquent comment on pourrait accroître le multiplicateur.

D’abord en notant que plus un ménage est pauvre, plus son taux d’épargne est faible (dans le jargon, on dit que sa “propension à consommer” est élevée). Il y a ici une justification en faveur de politiques fiscales redistribuant les revenus vers les plus pauvres, ainsi qu’en faveur d’une hausse des minima sociaux, puisque les personnes recevant ces revenus en dépensent la quasi-totalité.

Ensuite en baissant les impôts. C’est ce qu’a fait Bush avec son chèque de 1200$ aux ménages américains, et c’est ce que se propose de faire Obama. (A mon sens, la priorité n’est pas tant de diminuer les impôts sur les classes moyennes que de les accroître sur les personnes aisées et de redistribuer vers les plus modestes. Toute la question est évidemment de savoir où l’on met la barre permettant de définir ce que sont les personnes aisées.)

Enfin, on voit que plus un pays est ouvert, plus une part important de l’argent dépensé par l’Etat de ce pays profite non pas à ses producteurs, mais à des producteurs étrangers. C’est notamment à cause de cette fuite que la politique de relance de la gauche en 1981, même si elle n’a pas échoué à relancer l’activité comme on le répète trop souvent, a été problématique parce qu’elle a creusé le déficit commercial, les consommateurs français se tournant vers les produits allemands de meilleure qualité. (On se rappelle de la blague de Coluche à l’époque : “Comment reconnaître un produit français ? C’est facile, c’est le plus cher” – je cite de mémoire).

A l’inverse, un pays peu ouvert souffre moins de cette perte. Ce pays existe, il s’appelle l’Europe. Si tous les pays européens stimulent simultanément leur activité, certes des consommateurs français vont acheter plus de biens allemands ou espagnols, mais à leur tour les Anglais et les Italiens vont acheter plus de biens français. L’effet multiplicateur au niveau européen sera plus fort, et donc également au niveau de chaque pays. C’est pour cela que tous les regards se tournent vers l’Allemagne.

Autrement dit, si l’Europe fonctionnait et se coordonnait, on se rapprocherait un peu du rêve keynésien évanoui en Europe depuis “l’échec” de la relance Mauroy de 1982. Certes on ne serait pas dans la félicité keynésienne où la rareté et les crises sont abolies, mais on en serait un peu moins loin. C’est pourquoi les keynésiens (il paraît qu’il y en a à Alternatives Economiques) soutiennent la construction européenne.

Sinon, il reste évidemment l’alternative protectionnisme. En un sens, un keynésien est protectionniste, afin de maximiser l’effet multiplicateur de la dépense publique nationale. (Je dois dire que cette mesure ne me semble pas souhaitable, sauf au cas par cas pour sauvegarder certains secteurs : il est important de préserver le libre-échange entre pays européens, afin de préserver la construction européenne. Mais cela est discutable)

Au final, on retiendra que le cocktail idéal pour un effet multiplicateur maximal, c’est donc :
– la baisse des taxes ;
– des mesures qui accroissent les revenus des plus modestes ;
– et la coordination au niveau européen (ou le protectionnisme).

About GhjattaNera

prufessore di scienze economiche e suciale a u liceu san Paulu in Aiacciu

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