TPE instructions officielles

là le lien pour trouver les instructions officielles…

http://eduscol.education.fr/cid48137/tpe-mode-d-emploi.html

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1.Les TPE constituent un enseignement obligatoire en classe de première.

Ils sont présentés au baccalauréat sous forme d’épreuve obligatoire anticipée
BO n°31du 1er septembre 2005 (arrêté du 29 juillet 2005)
BO n°41 du 10 novembre 2005 (Note de service n°2005-174 du 2 novembre 2005)

 

2.Les TPE sont réalisés par groupes d’élèves. Ils peuvent exceptionnellement être individuels.

Il est recommandé de constituer des équipes de trois élèves maximum.
BO n°39 du 27 octobre 2005 (Note de service n°2005-166 du 20 octobre 2005)

2.Deux heures inscrites dans l’emploi du temps des élèves pendant la durée du TPE (18 semaines maximum).

Ce volume horaire inclut la mise en place, le suivi et l’évaluation du TPE.
L’horaire de TPE est inscrit dans l’emploi du temps des enseignants.

4.Thèmes, sujets, productions

Le TPE associe au moins deux disciplines, et s’appuie prioritairement, quoique non exclusivement, sur les disciplines spécifiques de chaque série.
BO n°26 du 30 juin 2011 (Note de service n°2011-091 du 16 juin 2011)

Il est important de rappeler aux élèves que le TPE ne peut être monodisciplinaire.

Thèmes

Les thèmes des séries générales sont renouvelés par tiers tous les deux ans.
BO n°26 du 30 juin 2011 (note de service n°2011-087 du 17 juin 2011 relative aux travaux personnels encadrés en classe de première des séries générales : liste des thèmes en vigueur – année scolaire 2011-2012)

Des fiches pédagogiques sont mises en ligne sur le site ÉduSCOL.

5.Choix des sujets

Ils sont définis d’un commun accord entre les élèves et leurs professeurs en fonction d’exigences précises :

  • lien avec un des thèmes nationaux ;
  • l’adaptation aux connaissances et compétences incluses dans le programme des disciplines concernées doit être exigée par les enseignants ;
  • tout TPE doit partir d’un questionnement et tenter de dégager une problématique, afin d’éviter diverses dérives : compilation de documents restitution sans appropriation ni questionnement personnel.

Il est important de rappeler que les professeurs doivent veiller à ce que les sujets ne soient pas trop ambitieux mais adaptés aux connaissances et aux compétences des élèves : la réussite des TPE repose en grande partie sur le caractère réaliste des sujets et sur des problématiques bien définies, évitant des sujets trop vastes que les élèves ont du mal à cerner.

6.Production

Il est vivement recommandé de diversifier les formes de production choisies pour le TPE : recourir à la forme du « dossier » doit être justifié par la nature du sujet afin d’éviter les risques de compilation et de favoriser un effort de personnalisation des réalisations choisies.
BO n°26 du 30 juin 2011 (Note de service n°2011-091 du 16 juin 2011)

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il vous faut prendre conscience de l’urgence à choisir un sujet et à faire les équipes

 

 

 

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TPE tenue du carnet de bord

TENUE DU CARNET DE BORD (un par élève)

 

  • Le carnet de bord est un outil à créer et à utiliser tout au long de la démarche. Il a trois fonctions :
    • outil d’organisation : l’élève note la répartition des tâches décidée par l’équipe et les différentes échéances ;
    • outil de réflexion : l’élève note ses projets, ses idées, ses difficultés ;
    • mémoire de l’année de TPE : l’élève y conserve tous les travaux écrits qu’il a réalisés.

 

  • A remplir à chaque fois que vous travaillez sur les TPE (séances de TPE, mais aussi rencontre avec vos camarades, travail au CDI ou en bibliothèque). L’amener à chaque séance.

 

C’est la mémoire de votre travail. Y consigner :

  • La répartition des tâches à venir, les différentes échéances.
  • les difficultés rencontrées. Les difficultés rencontrées doivent être précisément décrites : recherche elle-même, problème de compréhension d’un document, difficultés à se procurer un document, contrainte pour organiser une rencontre ou une visite ;
  • organisation de l’équipe : problèmes pour se rencontrer, pour gérer le temps ;
  • les changements de sujet éventuels et leurs raisons ;
  • tout autre facteur gênant la réalisation des objectifs fixés ;
  • la manière dont vous avez résolu ces problèmes ;
  • les questions que vous vous posez ;
  • les étapes de votre recherche ;
  • les conseils de vos professeurs ;
  • des fiches de référence des documents non photocopiables ;
  • des compte-rendus de visites ou de rencontres ;
  • des notes libres : il s’agit de toutes les idées concernant le sujet (puis la problématique, puis la production), notées tout au long de l’année au fur et à mesure des progrès de la réflexion.
  • des fiches de lecture.

 

Ce sera un outil très important pour rédiger la synthèse.

 

 

 

 

 

 

CARNET DE BORD

 

 

Date  
Travail effectué
(travail en classe, au CDI, à domicile, lieux fréquentés, contacts…)

 

 
Moyens de recherche utilisés

(ouvrages, revues, internet…)

 

 

 
Documents pertinents trouvés
(articles, extraits d’ouvrage…)
avec précision de la source

(auteur, éditeur, date de publication)

 

 

 

 
But de ce travail

 

 

 
Degré d’avancement du sujet

 

 

 
Problèmes rencontrés

 

 

 
Objectifs et besoins pour la séance suivante

 

 

 

 

 

 

 

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TPE les fiches de synthèse

SYNTHESE

 

Une page recto-verso dactylographiée indiquant le cheminement de votre travail. Notée sur 2 points.

 

3 critères de notation :

–          cohérence de la construction (plan et enchaînements)

–          Qualité de l’expression (clarté et richesse du vocabulaire)

–          Restitution de l’ensemble de la démarche

 

Forme :

–          Synthèse recto-verso et dactylographiée (corps 12, évitez les interlignes 12-1Smilie: 8).

–          Utilisez l’icône « justifiez ».

–          Mettre en valeur le plan de la synthèse par sa typographie (alinéas, paragraphes, sauts de ligne…)

–          Thème et sujet exposés clairement en haut de votre synthèse. Noms des autres membres du groupe. Faites ressortir le vôtre (en le soulignant, en utilisant une autre couleur…)

 

Ce qu’elle n’est pas : un résumé de votre exposé ! Ce n’est pas le TPE, on indique juste le plan la problématique et la conclusion, mais pas de détail du contenu.

 

Objectif : relater votre démarche

  • La synthèse individuelle est destinée à donner votre vision personnelle du sujet de votre groupe et de la démarche mise en œuvre pour le traiter ; à donner votre vision personnelle également de la production réalisée (sa forme et son contenu) ; à présenter enfin un bilan de votre propre travail au sein du groupe et de ce que les TPE vous ont apporté cette année.

 

Elle justifie :

I) Historique de votre démarche, présentation de votre problématique et du plan de votre TPE, production, conclusion.

  • Justifier le choix du sujet : quelle est sa finalité, qu’avez-vous voulu montrer ?

–          les choix de l’équipe pour articuler le thème, le sujet, les recherches menées, la problématique, le plan (Pas de plan détaillé), la production finale. (récapituler les étapes de la démarche et en expliciter la cohérence et la finalité)

–          Deux dimensions SES et maths justifiées.

–          Les erreurs de parcours, les solutions trouvées.

–          Présenter et justifier le type de production retenu (journal, vidéo, diaporama, site etc.) Présenter les différentes parties qui la composent et leur contenu (courte présentation)

–          La conclusion de votre TPE doit être claire et précise (vous vous êtes posé une question, il faut y répondre !)

 

II) Bilan de votre expérience TPE

Bilan de la contribution au travail d’équipe : Contribution individuelle au travail d’équipe : points forts, difficultés, initiatives pour les résoudre, responsabilités prises, etc.

–          Les améliorations possibles pour un prochain travail de ce type.

–          L’aide reçue (apport des professeurs encadrant le TPE) sans citer leurs noms.

–          écart (ou non) entre ce qui était envisagé (hypothèses de départ) et le résultat obtenu (vérification des hypothèses ou au contraire infirmation, complète ou partielle).

–          Les connaissances et compétences disciplinaires mises en jeu et acquises grâce au TPE ou les savoirs-faire techniques ou liés aux SES et aux maths, les compétences en termes de recherches documentaires, votre première confrontation avec des ouvrages spécialisés.

–          Relations interpersonnelles (entre les membres du groupe, avec les profs ou autres interlocuteurs du lycée ou extérieurs au lycée …)

–          Méthodes de travail

 

La faire relire : le mieux est de fournir un premier jet à vos professeurs qu’ils corrigent les erreurs les plus flagrantes. Sinon, faites la lire par vos parents ou vos camarades (vérification de l’expression écrite et de l’orthographe).

 

 

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conseils pour l’oral de TPE

Conseils Oral de tpe

 

–         10 minutes par élève.

  • Première partie : exposé par le groupe du travail effectué (vous répartir la parole équitablement) où le jury n’intervient pas…sauf si vous êtes trop long (base de 5 minutes environ par élève). Vous entraînez en vous chronométrant. Les rôles et les temps de parole sont équitablement répartis entre les différents membres de l’équipe.
  • Deuxième partie : questionnement des membres du groupe par le jury (demande de précisions, d’approfondissement sur une partie de votre TPE, demande de justification de tel ou tel choix…)

–         Se présentez (éventuellement badge).

–         Bien préparer matériel. Préparez votre matériel avant de commencer (vérifiez magnétoscope par exemple, bien accrocher vos affiches…)

–         Commencez par annoncez votre thème, votre sujet.

–         Structurer rigoureusement l’exposé (introduction, développement, conclusion).

–         Dans l’intro, justifiez votre problématique et annoncez votre plan (éventuellement l’écrire au tableau).

–         Utilisez la production et justifiez le choix de celle-ci (il nous a paru intéressant de représenter… car…). Se servir de la production pour rendre votre intervention plus vivante. Il faut absolument l’utiliser au cours de l’oral (cela fait partie intégrante de l’évaluation de votre prestation).

–         Se détachez des notes (pas de cahier, juste un pense-bête).

–         Se préparez aux questions : tout ce que vous écrirez dans votre synthèse, dans votre production, tout ce que vous direz à l’oral (auteur, date, mécanismes…) pourra donner lieu à une question à l’oral. Ex : si vous parlez de Keynes, connaître sa principale œuvre, la période de ses principaux écrits, et le contenu (multiplicateur, importance de la demande effective…)

–         Si vous parlez d’un pays ou d’une région, présentez une carte dans la production permettant de situer géographiquement ceux-ci.

–         Chacun doit être capable de répondre sur l’ensemble du TPE, même si vous serez naturellement plus à l’aise sur les points que vous avez personnellement travaillés.

–         Une question difficile n’est pas forcément mauvais signe, le jury peut chercher à vous valoriser. Au contraire, lorsqu’il sent que les candidats sont faibles, les questions seront plus faciles pour essayer de les rattraper éventuellement.

–         Le jury a lu vos synthèses et votre production avant votre oral. Ne vous répétez pas trop (ne pas, par exemple, repasser un montage vidéo au cours de l’oral ou alors pour le commenter, apporter des précisions…)

 

Si le jury découvre la production au cours de cet oral, prévoir une présentation partielle mais donnant une idée précise de l’ensemble du travail effectué (cas des saynètes par exemple).

L’argumentation justifie de façon précise et convaincante le bien-fondé des différents choix de l’équipe : l’exposé résume la démarche suivie ; il justifie les liens entre le sujet, les recherches, la problématique ; il montre que la production finale est adaptée à cette problématique.

 

 

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revue de presse juillet aout

 

Jeudi 14 juillet

Les Etats-Unis sous la pression des agences de notation

L’avertissement de Moody’s, qui a dit mercredi envisager une dégradation de la note souveraine des Etats-Unis faute d’accord au Congrès sur le relèvement du plafond de la dette, a donné lieu à une séance de négociations houleuse à la Maison Blanche.
L’avis de Moody’s est tombé juste avant la quatrième entrevue en quatre jours entre Barack Obama et les chefs de file du Congrès, qui a été la plus tendue de toutes. Les discussions sont dans l’impasse et selon des propos rapportés par plusieurs membres de l’assistance, Barack Obama aurait signifié d’un « Ça suffit ! » son exaspération face aux exigences des républicains, qui conditionnent leur accord à des coupes budgétaires de 2 400 milliards de dollars.
Faute d’un relèvement du plafond de la dette, les Etats-Unis seront en cessation de paiements le 2 août. Les pouvoirs publics sont donc engagés dans une course contre la montre pour éviter une mise en défaut.

La Chine, soucieuse de défendre les intérêts des investisseurs étrangers, a demandé jeudi aux Etats-Unis de « prendre des mesures » en adoptant une « politique responsable ». Pékin détenait en avril 1 152,5 milliards de dollars de bons du Trésor américain, selon les derniers chiffres américains publiés en juin.

L’Europe dans l’impasse sur la Grèce

Au lendemain d’un sérieux avertissement adressé par l’agence Fitch à l’UE, les négociations sur un nouveau plan d’aide à la Grèce sont toujours dans les limbes. L’agence Fitch a annoncé mercredi soir la dégradation de la note de la dette souveraine grecque de B+ à CCC, alors que l’UE ne parvient pas à se mettre d’accord sur la date d’un sommet extraordinaire sur la crise grecque. L’Allemagne notamment ne veut pas se voir forcer la main sur un accord qu’elle juge prématuré. De son côté, le FMI a indiqué à l’UE qu’il attendait de nouveaux engagements financiers sur la Grèce, avant d’investir ses propres fonds.

La dette grecque devrait atteindre 161 % de son PIB en 2012  si le pays applique le programme de consolidation budgétaire voté, selon des projections de la BCE publiées jeudi. En 2020, elle redescendrait à 127 % de son PIB, ce qui sera encore très loin de l’exigence de 60 % du PIB fixée par le pacte de stabilité et de croissance de la zone euro.

 

La Grèce au bord du défaut partiel de paiement

La mort dans l’âme, après 18 mois d’une épuisante course contre la montre, la Grèce, acculée par l’ampleur de sa récession et la cacophonie de ses créanciers, est poussée vers la catégorie des pays dits en « défaut partiel » de paiement, une première dans la zone euro.

Mardi, certains pays européens partenaires et créanciers du pays ont brisé un tabou en laissant filtrer que l’option d’un « défaut partiel » de la Grèce sur sa dette de 350 milliards d’euros, était sur la table, en échange d’une poursuite de leur perfusion financière, ce qui poserait alors la question de son maintien dans la zone euro.

Officiellement, Athènes combat l’idée d’arrêter de payer une partie de sa dette, ce qui serait l’équivalent d’une faillite déclenchant une déflagration dans la zone euro et au-delà. La Banque Centrale européenne campe aussi sur la même ligne.

Créanciers

Certaines des solutions à l’étude associent les créanciers privés de la Grèce. Ceux-ci pourraient être soit appelés à échanger leurs obligations contre d’autres à échéances plus longue ou à réinvestir l’argent qu’ils ont prêté à Athènes dans de nouvelles obligations, lorsque leurs titres arrivent à échéance.

Mais l’une ou l’autre des agences de notation financière ont déjà averti qu’elles risquaient d’analyser ces solutions, comme des « événements de crédit ». Ce qui, dans leur jargon, signifie la rétrogradation du créditeur en fonds de classement, à « défaut partiel ».

Terrain inconnu

Athènes et Bruxelles les ont qualifiés de spéculateurs, attirés par l’encaissement de juteuses primes sur les CDS (assurances sur les défauts de paiement).

Le Premier ministre socialiste, Georges Papandréou, qui a reçu l’appui samedi des socialistes européens, explique depuis des mois dans le vide, aux autres gouvernements européens, souvent conservateurs, qu’il faut pour éviter un défaut tout en réglant la crise de la dette et de l’euro, souder l’ensemble de la zone, en lançant des euro-obligations.

A l’autre bout du spectre, la gauche radicale parie sur un défaut de paiement effectif: « Il n’y a plus de doute maintenant. La Grèce va faire défaut », a dit à l’AFP Costas Lapavitsas, professeur d’économie à l’Ecole orientale et africaine de l’Université de Londres.

Partisan d’un arrêt unilatéral des remboursements au nom de la défense du peuple contre l’hégémonie des marchés, il estime que la Grèce devrait effacer au moins 60% du total de sa dette pour relancer son économie réelle.

(Source AFP)

 

25/07 | 07:00 | Isabelle Couet

ANTON BRENDER DIRECTEUR DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES CHEZ DEXIA ASSET MANAGEMENT

Anton Brender juge positif le compromis européen trouvé jeudi. Mais les marchés risquent d’anticiper un nouveau recours au secteur privé si la situation se dégrade au Portugal ou en Irlande, prévient-il.

Le sommet européen est-il un succès selon vous ?

Oui. La réussite la plus claire est d’avoir trouvé un compromis dans lequel tout le monde a fait des concessions. L’Allemagne a finalement accepté que l’on prête aux pays en difficulté à des taux bas. Elle s’est aussi rangée à l’idée de laisser le Fonds de stabilité européen (FESF) acheter de la dette sur le marché secondaire. La Banque centrale européenne et ceux qui, comme la France, étaient réticents ont pour leur part accepté qu’on implique les créanciers privés dans le sauvetage grec. Par lui-même, ce compromis est un signal fort envoyé aux marchés : il traduit une volonté unanime de sauver l’euro. Les propositions du Sommet montrent aussi que la vision des problèmes à résoudre est devenue plus réaliste. Laisser la Grèce faire un énorme effort de rééquilibrage budgétaire sans l’aider à soutenir sa croissance était suicidaire. On va maintenant essayer de corriger le tir. De même, en prêtant aux taux les plus bas possibles non seulement à la Grèce, mais aussi au Portugal et à l’Irlande, on facilite le retour de ces pays vers une trajectoire d’endettement soutenable. Enfin, et c’est tout aussi important, on a pris conscience, après avoir vu les taux espagnols et italiens s’envoler, du fait qu’aider les pays en difficultés ne suffit pas : il faut aussi protéger les autres de la contagion. C’est un vrai revirement stratégique. Le problème d’un compromis est qu’on n’est jamais sûr de la détermination avec laquelle chaque pays va vouloir le mettre en oeuvre.

Pensez-vous que le Fonds de stabilité, qui va jouer un rôle majeur, doit être augmenté au-delà de 440 milliards d’euros ?

Dans un premier temps, ses capacités sont suffisantes. Elles ont été calibrées pour pouvoir financer les besoins du Portugal, de l’Irlande et de l’Espagne jusqu’en 2013. Dans la mesure où l’Espagne n’y fait pas appel, le FESF disposera, après prise en compte des besoins de la Grèce – qui n’était jusque-là pas financée par ce Fonds -d’une force de frappe de presque 300 milliards d’euros pour intervenir sur les marchés. Bien sûr, si Madrid devait demain faire appel au Fonds, la situation se tendrait. Mais penser que l’on pourrait augmenter les capacités du Fonds pour lui permettre de prendre en charge les besoins de l’Italie est illusoire. D’où l’importance d’une prévention qui permette d’éviter que l’on en arrive là. Or, sur la mission d’intervention du FESF sur le marché secondaire, tout reste à préciser et à mettre place.

Les dirigeants européens ont insisté sur le fait que les créanciers privés ne seraient mis à contribution que dans le cas de la Grèce. Est-ce crédible ?

Fitch vient déjà de dire que non. Les marchés financiers n’ont, eux non plus, aucune raison d’y croire. Depuis le début de la crise, les dirigeants européens n’ont-ils pas fait de nombreuses déclarations auxquelles ils ne se sont pas tenus ? Le Mécanisme de stabilité (MES) qui doit, mi-2013, succéder au FESF, n’a-t-il pas prévu, en mars dernier et à la demande de l’Allemagne, que tout programme d’aide devra s’accompagner d’une participation du secteur privé ? Si, demain, la croissance ou les finances publiques du Portugal ou de l’Irlande donnent des signes inquiétants, comment n’anticiperait-on pas que l’aide supplémentaire dont le pays risque d’avoir besoin ne comporte pas un appel à la participation des créanciers privés ? Sa prime de risque bondira.

Mais le FESF pourra intervenir pour calmer les tensions sur le marché ?

Oui, c’est vrai, il pourra acheter des titres sur le marché secondaire, à l’image de ce qu’a fait la Banque centrale européenne jusqu’en mars dernier. L’action peut être efficace pour contrer des mouvements de marché purement spéculatifs. Mais il ne faut pas non plus en attendre des miracles. Si, demain, un pays comme l’Italie, dont l’endettement est lourd et les perspectives de croissance basses, voit ses coûts de financement monter vers 7 %, le risque de voir soudain le mouvement s’emballer de façon incontrôlable deviendrait grand. Pour cette raison, je continue de penser que d’avoir décidé de faire participer les investisseurs privés au financement de la Grèce a été une erreur.

Pensez-vous qu’avec ce plan, le ratio dette/PIB de la Grèce va être suffisamment réduit ?

Si l’on met bout à bout la baisse du coût de financement, le soutien apporté à l’activité et la réduction d’endettement associée à la participation du privé, ce ratio, qui va dépasser 160 %, pourrait redescendre vers 100 % d’ici à 2020. Mais, pour les Grecs, le chemin va être long et douloureux. Que l’effort budgétaire se relâche, que la croissance ne soit pas au rendez-vous et le retour à la soutenabilité sera de nouveau menacé. On ne peut alors exclure qu’une restructuration plus forte de la dette grecque devienne nécessaire. Si d’autres pays sont toujours vulnérables, la seule façon d’éviter un véritable défaut sera pour les Etats européens d’accepter de renoncer à une partie de leurs créances. On entrerait alors vraiment dans ce que l’Allemagne a cherché à tout prix à éviter : une « union de transfert ».

Propos recueillis par Isabelle Couet, Les Echos

 

Comprendre la crise de la dette américaine

LEMONDE.FR | 26.07.11 | 20h04   •  Mis à jour le 27.07.11 | 14h19

 

Les négociations sont au point mort entre la Maison Blanche et les élus du Congrès américain, alors que les Etats-Unis disposent de moins d’une semaine, jusqu’au 2 août, pour relever le plafond de leur dette publique. Sans quoi, ils risquent le défaut de paiement. Mardi soir, la Maison Blanche a répété qu’elle restait « confiante », mais aucun compromis ne se dessinait à l’horizon.

La dette américaine atteint actuellement 14 300 milliards de dollars, soit 9 950 milliards d’euros, presque 100 % du produit intérieur brut. Faute d’accord, le gouvernement américain n’aura plus les moyens d’emprunter pour payer ses engagements : une situation inédite, dans laquelle on verrait la première économie du monde se placer volontairement en défaut de paiement.

Depuis plusieurs mois, les représentants des deux partis ne parviennent pas à s’accorder sur les contours du plan de réduction des déficits publiques qui doit immanquablement accompagner le relèvement du plafond de la dette. Explications en quatre points :

Pourquoi un plafond ? La loi américaine exige du Congrès qu’il autorise le gouvernement à s’endetter jusqu’à un certain seuil pour financer sa politique en cours. Lorsque le déficit cumulé du pays atteint ce « plafond », la somme est réévaluée au Congrès. Ainsi, depuis 1980, le plafond de la dette a été augmenté pas moins de trente-neuf fois.

La limite légale d’endettement de 14 300 milliards de dollars a été atteinte en mai dernier. A titre de comparaison, la dette publique française était de 1 646 milliards d’euros à la fin du premier trimestre 2011. De 11,5 millions de dollars en 1917, date de sa création, le plafond de la dette a ainsi été considérablement augmenté à la demande de la Maison Blanche. La dernière décennie a même vu son explosion, avec dix relèvements depuis 2001, qui ont fait passer le plafond de la dette de 5 950 milliards de dollars, il y a dix ans, à 14 294 milliards. Barack Obama lui-même a déjà obtenu trois fois du Congrès qu’il relève cette limite.

Sans un relèvement du plafond de la dette, les fonctionnaires américains ne seraient plus payés, les pensions de retraite des vétérans de l’armée ne seraient plus versées et de nombreuses aides sociales ne seraient plus financées.

Le gouvernement ne pourrait pas non plus rembourser ses créanciers étrangers, ce qui pourrait précipiter une dégradation de sa note par les agences de notation. Les taux d’intérêt exploseraient à leur tour, impliquant les perspectives de reprise économique.

Deux plans de réduction des dépenses similaires… Républicains et démocrates répètent depuis plusieurs semaines qu’ils parviendront à un accord avant la date fatidique du 2 août. Leurs propositions se sont progressivement rapprochées au fil des dernières semaines. C’est le Parti républicain, d’opposition, majoritaire à la Chambre des représentants, qui a refusé d’augmenter le plafond de la dette si le gouvernement démocrate n’engageait pas un plan de réduction drastique de ses dépenses.

Les deux partis ont identifié 1 200 milliards à effacer des dépenses de l’Etat, auxquels les démocrates ajoutent 1 000 milliards de dollars d’économies, en prévision du retrait progressif des troupes américaines d’Afghanistan et d’Irak. Le chef de file des démocrates au Sénat, Harry Reid, a détaillé, lundi, un plan prévoyant un relèvement du plafond de la dette suffisant jusqu’en 2013, accompagné d’une réduction des déficits de 2 700 milliards de dollars sur dix ans. Les démocrates seraient même prêts à renoncer à une hausse d’impôts pour les plus riches, voulue pourtant par le président Obama.

A noter que les deux plans de réduction, démocrate et républicain, sont prévus à dépenses constantes. Les deux camps s’accordent également pour mettre en place une commission bipartite au Congrès chargée d’identifier dans les prochains mois plus de coupes budgétaires, notamment dans les programmes d’assurance maladie réformés en mars 2010 par le gouvernement Obama.

… mais aux calendriers différents. Ces deux approches diffèrent cependant sur le calendrier, et c’est là que les négociations butent principalement. Les élus républicains refusent de fixer dès maintenant un plafond d’endettement qui permettrait aux Etats-Unis de financer leur politique jusqu’après l’élection présidentielle de novembre 2012, comme le souhaitent les démocrates. Les républicains souhaitent relever le plafond de la dette en deux temps, d’abord d’ici à février-mars 2012, puis d’ici à 2013. Le plan démocrate prévoit une hausse du plafond jusqu’en 2013, sans point intermédiaire.

Dans un discours à la nation retransmis lundi soir, Barack Obama a refusé le calendrier républicain, estimant qu’il conduirait à une répétition de la crise dans six mois : « Nous savons à quoi nous devrons nous attendre dans six mois, a-t-il dit. L’économie sera de nouveau retenue en otage si [les élus républicains] n’obtiennent pas ce qu’ils veulent. » « C’est un jeu dangereux auquel nous n’avons jamais joué auparavant et auquel nous ne pouvons nous permettre de jouer maintenant », a également lancé M. Obama. La constitution américaine autorise M. Obama à imposer une hausse du plafond de la dette pour éviter un défaut de paiement du pays, mais le président a pour l’instant rejeté cette option.

John Boehner, speaker républicain de la Chambre des représentants et principal interlocuteur de la Maison Blanche dans ce dossier, déclarait, lui, qu’il avait « tout donné » pour parvenir à un accord. « La triste vérité est que le président veut un chèque en blanc », a-t-il lancé, tout en promettant de soumettre au Sénat puis à M. Obama un texte de loi pour éviter un défaut. « Si le président le promulgue, l’ambiance de ‘crise’ qu’il a créée disparaîtra d’elle-même. »

Inquiétudes dans les milieux financiers. Ce débat fragilise considérablement les Etats-Unis sur les marchés financiers. Depuis lundi, Wall Street a commencé à prendre la possiblité d’un défaut de paiement américain au sérieux. Les trois grandes agences de notation – Moody’s, Fitch et Standard & Poor’s –  menacent de dégrader la note de la dette américaine. Celle-ci est établie à AAA, la note maximale, depuis près d’un siècle. Elle pourrait descendre à AA+, avec une perspective négative pour l’avenir. Les agences ont également annoncé que le plan républicain pourrait ne pas suffire à éviter cette dégradation.

Pis, Standard & Poor’s a indiqué qu’aucun des deux plans, républicain comme démocrate, ne propose les réductions de dépense publiques qu’elle juge nécessaires. Standard & Poor’s avance le chiffre de 4 000 milliards de dollars, quand la proposition républicaine, la plus haute, plafonne à 3 000 milliards.

Les banques états-uniennes, elles, commencent à prévoir des plans de secours en cas de dégradation de la note américaine. Ce sont elles qui en détiennent la plus large part (un dixième, ou 1 660 milliards de dollars en juin, selon la Fed), sous forme de bons du Trésor, considérés comme faisant partie des investissements les plus sûrs au monde. Les banques seraient donc les premières frappées par une baisse de valeur de ces bons, et elles disposent de peu d’options pour s’en prémunir.

Christine Lagarde, directrice générale du FMI, a prédit « des hausses de taux d’intérêt, des contrecoups énormes sur les Bourses et des conséquences véritablement déplorables, pas simplement pour les États-Unis, mais aussi pour l’économie mondiale dans son ensemble ».

« Ce serait plus important que la chute de Lehman Brothers, ce serait une crise cataclysmique, a affirmé au Monde.fr Christine Rifflart, économiste spécialiste des États-Unis à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Le secrétaire au Trésor américain, Timothy Geithner, a assuré au cours du week-end qu’un défaut de paiement des Etats-Unis « n’arrivera pas ». « Il est impensable que notre pays n’honore pas ses obligations en temps et en heure. »

Louis Imbert

 

Économie 29/07/2011 à 11h00 (mise à jour à 13h14)

Dette américaine: que peut-il se passer?

Il reste quatre jours aux responsables démocrates et républicains pour se mettre d’accord sur un scénario de sortie de crise. Passage en revue des différentes options.

Par ELODIE AUFFRAY

Et si la première puissance mondiale ne pouvait plus payer ses dettes? Le scénario paraît de moins en moins invraisemblable, à l’approche du 2 août. Au-delà de cette date, les Etats-Unis ne pourront plus faire face à leurs obligations financières. Ils sont coincés par le plafond de la dette, fixé par la loi à 14.294 milliards de dollars (9950 milliards d’euros). Voilà déjà deux mois qu’ils l’ont dépassé et qu’ils puisent dans les réserves pour financer les dépenses publiques et rembourser leurs créanciers.

Le plafond doit être relevé, mais républicains et démocrates s’écharpent sur le calendrier et sur le plan de réduction des déficits qui doit accompagner le relèvement du plafond.

A quelques jours de la date limite, passage en revue des différents scénarios possible.

Scénario républicain versus scénario démocrate

(Infographie IDE)

Le plan de réduction des déficits est un autre point d’accroche. Les républicains plaident pour des coupes massives dans les dépenses publiques, notamment dans les programmes sociaux. Et rejettent toute hausse d’impôt qui réclament les démocrates. Ces derniers, via le Sénat, ont présenté un autre plan : il prévoit 2700 milliards de dollars de réductions, tout en sauvegardant les grands programmes sociaux.

A l’heure actuelle, aucun compromis ne se dessine entre les deux camps.

 

Principaux pays créanciers des Etats-Unis

 

(Infographie IDE)

«Personne ne sait ce qui se passera si la première économie du monde cesse du jour au lendemain de payer les intérêts de sa dette. Cela n’est jamais arrivé. Cela mettrait sens dessus-dessous l’économie mondiale», a prévenu Klaus Regling, le chef du FESF, le Fonds de secours mis en place par la zone euro pour ses membres en difficulté. «Si nous faisons défaut le 2 août, cela ressemblera à ce qui s’est passé lors de la chute de Lehman, mais avec des stéroïdes. Ce sera une apocalypse financière», a lancé l’économiste Larry Summers lors d’une conférence. Ce serait «très, très, très grave», répète Christine Lagarde, la directrice du FMI.

Inna Mufteeva, économiste spécialiste des Etats-Unis à Natixis, relativise. Car il y a défaut et défaut, souligne-t-elle: «Un défaut américain, ce ne serait pas le défaut de l’Argentine. Les Etats-Unis restent solvables, car leur bons du Trésor trouvent toujours preneurs. Ils sont bloqués par un problème administratif. C’est un défaut purement technique.» Ainsi, même en cas de défaut de paiement, «les marchés financiers, s’ils sont raisonnables, peuvent considérer que c’est un événement temporaire, et non un vrai défaut», souligne Henri Sterdyniak, économiste à l’OFCE. «Les politiques vont vite comprendre, tranche Mufteeva, et relever le plafond pour au moins pour un mois ou deux».

Enfin, la banque centrale américaine, ainsi que les banques privées, «peuvent encore fournir des liquidités au gouvernement, en l’aidant à pomper à droite à gauche, comme cela se fait depuis deux mois», estime Henri Sterdyniak.

Sur les marchés, le véritable test sera, estime Natixis, le 15 août, échéance d’un «coupon» estimé à 25 milliards d’euros, à rembourser d’un coup. Le 2 août ne serait donc pas un véritable couperet.

Le défaut est jugé peu probable, mais les banques américaines sont en train d’échafauder des plans de secours, au cas où.

Incertitudes et dégradation, le vrai danger

-> Une visualisation des presque 15 milliards de dollars de la dette américaine, sur le site wtfnoway.com.

Le véritable risque, pour l’économie américaine et pour l’économie mondiale, ce serait que les agences de notation dégradent la note de la dette américaine (de AAA à AA+). Les trois grandes agences – Moody’s, Standard & Poor’s, Fitch – ont déjà menacé de le faire dans les semaines à venir. Pour cause de discorde sur le relèvement du plafond, mais surtout parce qu’elles exigent, à plus long terme, «un plan de réduction crédible et efficace des déficits publics», assène Inna Mufteeva.

Une telle dégradation serait inédite et «se traduirait par une très forte perturbation sur les marchés financiers, une instabilité, une situation tout à fait fragile à l’échelle mondiale», projette Henri Sterdyniak.

Les taux d’intérêt des obligations américaines ne manqueraient pas de s’envoler. Celles-ci perdraient aussi de leur stature, mais «qu’achèteraient les investisseurs, les fonds de pension, à la place de la dette américaine?», questionne Henri Sterdyniak. «Il n’y a pas tellement d’alternative», ajoute Inna Mufteeva.

Le dollar, lui, perdrait de sa valeur par rapport aux autres monnaies. «Va-t-il y avoir un mouvement de panique, les investisseurs vont-ils se défausser massivement de leurs dollars?», s’interroge Dominique Plihon, qui anticipe une baisse du billet vert et une «volatilité sur le marché des changes». «Pas une crise énorme sur le dollar», ni «l’effondrement total du système monétaire international», prédit-il. Mais cette instabilité serait «très embêtante pour la zone euro». «L’euro est la monnaie qui s’apprécierait le plus par rapport au dollar, cela va nuire à la compétitivité de l’Europe», s’inquiète l’économiste.

La réaction des marchés, très dure à prévoir, repose en partie sur celle de la Chine. «Heureusement, souligne Henri Sterdyniak, pour le moment, ils ne paniquent pas.»

 

Dette américaine : un accord et des concessions

| 01.08.11 | 11h15   •  Mis à jour le 02.08.11 | 07h24

New York, Correspondant – Si tout se déroule comme l’espèrent la Maison Blanche, les républicains, majoritaires à la Chambre des représentants, et leurs homologues démocrates au Sénat, les Etats-Unis éviteront un défaut de paiement mardi 2 août. L’accord passé sur le relèvement de la dette publique américaine, dimanche 31 juillet dans la nuit, à l’issue d’une négociation au cordeau, devrait être adopté par le Congrès. Cependant, bien plus que d’avoir sauvé la planète d’un nouveau séisme financier potentiellement dramatique, la première question qui préoccupait les commentateurs américains, une fois l’accord annoncé, consistait à déceler qui, politiquement, sort vainqueur.

Le deal apparaît en effet comme un pur produit de la politique washingtonienne. Avant même qu’il soit paraphé par le législateur, ce qui n’est pas encore acquis à la Chambre, et que ses termes définitifs soient précisés, chacun s’efforçait de présenter l’accord comme plus favorable à son camp qu’à l’adversaire, qu’il s’agisse du président, Barack Obama, du leader de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid, ou du président de la Chambre, le républicain John Boehner.

UN COMPROMIS AUX AMBITIONS PLUS MODESTES

M. Obama voulait un rehaussement de la dette suffisamment volumineux pour durer et lui éviter de devoir se soumettre à une nouvelle négociation en pleine campagne électorale. Il voulait, aussi, que des réductions massives de dépenses publiques (4 000 milliards de dollars, soit 2 800 milliards d’euros) soient compensées par un rétablissement de l’imposition des 2 % des Américains les plus fortunés au niveau où elle était avant la présidence Bush, pour générer de nouvelles recettes fiscales propres à préserver un peu la couverture sociale et les « grands chantiers de l’avenir » (éducation, recherche) des inéluctables coupes budgétaires que ces postes devront bientôt subir.

Les républicains, eux, entendaient « couper » beaucoup plus dans le train de vie de l’Etat (de 4 000 à 7 800 milliards en dix ans seulement selon les plans), sans augmenter d’un sou l’impôt sur le revenu de quiconque. Et ils préféraient un accord intérimaire permettant un relèvement minimal du plafond pour une courte période (jusqu’en mars 2012) et repoussant les échéances cruciales à plus tard, une tactique pour relancer le débat sur la dette à l’occasion d’une nouvelle inéluctable hausse de son plafond en mars, une fois la campagne électorale vraiment lancée.

Le « cadre » du compromis trouvé, aux ambitions plus modestes, serait le suivant : – le plafond de la dette serait relevé de 2 100 milliards de dollars au moins, de sorte que les engagements américains seront assurés jusqu’en 2013 (c’est ce que les marchés attendaient) ; – de 900 à 1 000 milliards de dollars de dépenses publiques agréées entre les négociateurs seraient coupés des budgets fédéraux sur les dix ans à venir, dont 350 milliards de baisse des dépenses de défense, un sujet jusqu’ici tabou aux yeux des républicains ; – une réduction supplémentaire des dépenses d’au moins 1 500 milliards de dollars sur la décennie (la somme de 1 800 milliards est aussi évoquée) devra être ensuite dégagée par une commission bipartisane du Congrès.

Elle remettra son rapport avant la fin novembre et le Congrès devra avoir approuvé ses recommandations, après amendements, avant la fin décembre ; – l’assurance-santé des retraités et des nécessiteux (dite Medicare) serait amputée de 4 %, mais sans affecter les droits des malades (médecins et laboratoires pharmaceutiques seraient seuls mis à contribution), et les plans de retraite et de soutien aux handicapés (Social Security) demeureraient inchangés. En cas d’échec, des mécanismes imposant des restrictions contraignantes seraient mis en œuvre.

L’IMPOSITION DES RICHES EN QUESTION

L’accord final donne au président ce qu’il souhaitait sur un point-clé : il est assez volumineux pour que le plafond de la dette n’ait plus besoin d’être relevé avant 2013, offrant ainsi aux marchés financiers les garanties qu’ils espéraient. Mais il permet aux républicains de l’emporter sur les conditions de la gestion future de la résorption de la dette – aucun Américain ne verra son impôt sur le revenu croître – et le gros du dossier n’est pas clos : il fera l’objet d’une négociation qui va encore se poursuivre plusieurs mois.

Cet accord comporte aussi les éléments de sa propre mise en échec. Rien de trop précis n’est spécifié au cas où la commission bipartisane ne parviendrait pas à se mettre d’accord. Or l’expérience de ce type de commission depuis l’accession de M. Obama à la présidence montre que la quasi-totalité d’entre elles n’ont pas abouti, faute d’accord républicain sur aucun compromis.

Le Congrès devrait vraisemblablement voter ce compromis, bien que sa validation à la Chambre ne soit pas acquise, à en croire les premiers commentaires. La gauche démocrate s’insurgera contre un plan où le président abandonne l’un de ses principes énoncés comme intangibles : l’imposition des riches. « En dépit de ce qu’ont avancé certains républicains, je crois que nous devons demander aux Américains les plus fortunés et aux plus grosses entreprises de payer leur juste contribution en renonçant à des déductions d’impôts et à des exonérations spéciales », a encore déclaré M. Obama dans son allocution.

PERSPECTIVES ÉLECTORALES

Ce tribut verbal à un principe auquel il renonce pour la seconde fois lui fera perdre encore plus d’un soutien déjà très entamé dans cette frange de l’électorat. La gauche dira que les vrais perdants s’appellent les salariés américains et accessoirement M. Obama, dont elle est convaincue que la stratégie de compromis avec l’opposition le mène à une défaite certaine lors du scrutin présidentiel, dans quinze mois.

Mais c’est du côté du Tea Party, qui a montré toute sa capacité à imposer son ordre du jour politique depuis le début du débat sur la dette, que l’on s’attend à ce que l’accord se heurte aux plus grandes difficultés, velléités d’obstruction incluses. Aux yeux des partisans du mouvement, le deal n’est pas seulement néfaste – les coupes dans les dépenses publiques restent très loin de leurs ambitions –, mais le compromis passé avec la Maison Blanche, dans la perspective de l’élection présidentielle, prive les républicains de l’argument efficace d’un « Obama dépensier » dilapidant les fonds publics.

Combien d’entre eux suivront une Michelle Bachman, candidate à la désignation républicaine à la présidentielle de novembre 2012, qui a énoncé son engagement irréductible à voter contre tout relèvement du plafond de la dette ? Certains commentateurs jugent que John Boehner, le président de la Chambre et homme fort de son parti, joue sa survie politique sur sa capacité à convaincre sa fraction Tea Party à se rallier à lui. Tactiquement, M. Obama peut un peu plus espérer, aujourd’hui, sortir bénéficiaire de futures divisions républicaines dans la perspective de sa réélection.

Sylvain Cypel Article paru dans l’édition du 02.08.11

 

Dette américaine: «le triomphe du Tea Party»

revue de presse

Qui est le vainqueur de l’accord sur le relèvement du plafond de la dette? C’est la question que se pose la presse américaine après l’accord qui devrait permettre d’éviter un défaut de paiement.

Margherita Nasi

La faillite devrait être évitée: si le Congrès adopte l’accord sur le relèvement de la dette publique américaine, les Etats-Unis éviteront un défaut de paiement. Mais les médias américains ne crient pas pour autant victoire: la plupart des journaux critique cet accord, qui marque une victoire du Tea Party.

«Pour éviter le chaos, un accord terrible», titre ainsi le New York Times. Pour le quotidien new-yorkais, le seul atout de cet accord, c’est «d’éviter un défaut catastrophique». Pour le reste, c’est «une capitulation totale aux pressions des plus extrémistes des républicains» qui «endommagera les programmes pour la classe moyenne et les pauvres, et entravera la reprise économique». Le quotidien déplore aussi l’attitude de Barack Obama qui «aurait pu être plus ferme dans les tractations avec les républicains, en utilisant ses pouvoirs constitutionnels pour ignorer le plafond de la dette (…). Mais cet épisode prouve l’efficacité du chantage. Les personnes raisonnables doivent céder face à celles qui sont prêtes à mettre en péril l’intérêt national».

Tea Party: le grand gagnant

Pour le Wall Street Journal, pas de doute sur le vrai gagnant de cet accord: il s’agit du Tea Party, et le quotidien d’actualité économique et financière titre «Le triomphe du Tea Party». «L’accord représente une victoire pour ceux qui prônent un gouvernement avec un moindre rôle», lit-on dans l’éditorial.

D’après le Washington Post aussi, les conservateurs du Tea Party sortent victorieux de cet accord. Le quotidien centriste dresse une liste des gagnants et des perdants du deal. Parmi les «winners» figure donc le Tea Party, mais aussi… Obama. «Le président avait besoin d’un accord pour prouver sa capacité à faire marcher le gouvernement.»

Si la gauche risque de peu apprécier cet accord, qui ne prévoit pas d’augmentation des impôts, les électeurs indépendants aiment ce genre de compromis. Or Obama cherche à s’attirer, pour 2012, les faveurs des électeurs modérés et indépendants, explique le journal. Parmi les perdants on trouve donc la gauche: avec la réduction de l’assurance-santé des retraités et des nécessiteux, elle n’a pas de quoi chanter victoire.

La démocratie en danger?

Mais pour Paul Krugman, qui s’exprime dans un tribune sur le New York Times, c’est la démocratie même qui pâtit de cet accord, un véritable «désastre», et pas seulement pour le président Obama et son parti. «Il détériorera une économie déjà déprimée, il empirera probablement le problème du déficit, et, surtout, en démontrant que la technique de l’extorsion marche, et ne comporte pas de coût politique, entraînera les Etats-Unis sur le chemin de la république bananière».

La démocratie en danger? C’est aussi ce qu’estiment, dans un autre éditorial du New York Times, Jacob S. Hacker, professeur de Sciences politiques à Yale, et Oona A. Hathaway, professeur de droit international à Yale, qui parlent d’une «crise de la démocratie». «Personne n’est gagnant quand le système constitutionnel fait défaut: ni le président, qui gagne en puissance mais perd un partenaire gouvernemental, ni le Congrès, qui parvient à blâmer le président, mais manque de pertinence, et certainement pas les Américains, qui doivent subir les dysfonctionnements qui en résultent».

 

 

Une mise en œuvre intégrale des réformes sera la clé de la réussite du programme de rigueur grec, selon l’OCDE

 

02/08/2011 – L’ambitieux programme  de la Grèce pour contrer sa crise économique peut rétablir la croissance, l’emploi et les niveaux de vie si les réformes sont mises en œuvre intégralement, selon un nouveau rapport de l’OCDE.

Présentant l’Étude économique de l’OCDE sur la Grèce à Athènes aujourd’hui, le Secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría, a salué  les décisions difficiles déjà prises par les autorités grecques. « Les réformes réalisées depuis un an sont impressionnantes, même si l’effort accompli ne semble pas toujours apprécié à sa juste valeur en Grèce ou à l’étranger. Avec une meilleure compétitivité, nous voyons les premiers signes indiquant que l’indispensable ajustement macroéconomique s’opère progressivement. »

Cependant, M. Gurria a ajouté que la réussite du programme dépendra de façon décisive de la puissance des réformes et du sérieux de leur mise en œuvre.  : « Il est tout aussi important que la charge de la réforme et les avantages procurés soient largement et équitablement partagés et perçus comme tels. »

recommandé, dans le rapport, de renforcer la réforme du marché du travail et des marchés de produits afin d’accroître la compétitivité et les revenus. En contribuant à une croissance plus vigoureuse, un cadre plus concurrentiel pour les entreprises aidera aussi à réduire la dette publique. L’OCDE montre que la croissance peut aussi être tirée par les exportations et l’investissement, soutenus par des réformes en profondeur visant à corriger les faiblesses du secteur public, par les privatisations et par les nouveaux financements provenant des Fonds structurels de l’UE. Tout bien considéré, ces réformes pourraient ramener la dette publique à moins de 60 % du PIB sur les deux prochaines décennies, contre 140 % en 2010.

Un meilleur suivi du progrès de la réforme sera aussi essentiel. Les décideurs doivent disposer  de données économiques de haute qualité et d’informations exactes sur la façon dont les mesures sont mises en œuvre. Cela devrait aider à convaincre le public et les marchés que les réformes avancent.
Le rapport indique que l’accord conclu par les dirigeants de l’Union européenne le 21 juillet 2011 donne au pays davantage de temps pour procéder aux améliorations fondamentales qui sont nécessaires pour revigorer l’économie et restaurer la confiance dans les années à venir.

Les journalistes peuvent se procurer un exemplaire de l’Etude complète sur le site de l’OCDE protégé par mot de passe ou auprès de la Division des médias (tél. + 33 1 45 24 97 00).

De plus amples renseignements sur l’Étude sont disponibles à l’adresse suivante : www.oecd.org/eco/etudes/grece.

04/08 | 14:57 | mis à jour à 16:18 | Isabelle Couet et Jean-Michel Cedro |

Crise : la BCE ne calme pas les marchés

La Banque centrale européenne a laissé son principal taux d’intérêt inchangé, et renoué avec son programme de rachat de dettes publiques,  irlandaise et portugaise.

La BCE n’a pas réussi, jeudi 4 août, à calmer les marchés. La Banque centrale européenne va pourtant prolonger sa politique de liquidités « accommodante », et son programme de rachats d’obligations publiques des pays en difficultés de la zone euro n’est « pas en sommeil », a indiqué Jean-Claude Trichet. Ce programme est toujours « en cours », et le patron de la BCE a dit qu’il ne serait « pas surpris » que l’on s’en aperçoive sur les marchés avant la fin de sa traditionnelle conférence de presse. De fait, des rachats de titres portugais et irlandais ont été très vite constatés, pendant même l’intervention du patron de la Banque européenne. L’ampleur de l’intervention ne sera connue que lundi au plus tôt, la BCE ne communiquant qu’une fois par semaine à ce sujet.

Le rendement de toutes les obligations des pays périphériques à 2 ans s’est détendu suite à ces déclarations. Les taux italiens à 10 ans sont repassés sous 6%, tandis que les taux espagnols à 10 ans se sont détendu de 6 points de base à 6,15%. En revanche, sur ces maturités, les rendements portugais et grecs ont continué de monter. Jusqu’ici la BCE n’a jamais acheté d’emprunts d’Etat des deux pays récemment en difficulté, Espagne et Italie, même si des hypothèses d’opération sur des titres italiens agitaient les marchés, jeudi après-midi. On sait seulement que, depuis mai 2010, la BCE a acquis des titres portugais, irlandais et grecs pour un total de 75 milliards d’euros environ. Le ministre italien de l’Economie, Giulio Tremonti, a d’ailleurs déclaré jeudi que les investisseurs asiatiques hésitaient à racheter des obligations italiennes parce qu’ils se demandaient pourquoi la Banque centrale européenne (BCE) ne le faisait pas. Les marchés d’actions, eux, se sont légèrement repris après les déclarations de la BCE, avant de s’enfoncer jeudi après-midi.

La Banque centrale européenne va donc en outre lancer une opération exceptionnelle de refinancement sur six mois dès 9 août, en réaction aux «tensions renouvelées sur certains marchés de la zone euro», a annoncé son président. L’allocation illimitée de crédits aux banques, à taux fixe et sur des périodes allant jusqu’à trois mois, est quant à elle prolongée d’un trimestre, jusqu’à janvier 2012, a ajouté Jean-Claude Trichet. « Des données récentes indiquent une certaine décélération dans le rythme de la croissance », a-t-il par ailleurs relevé, mais les risques pour l’économie restent « équilibrés dans l’ensemble», a-t-il estimé. La BCE a laissé ses taux d’intérêt inchangés ce jeudi.

Le rachat d’obligations européennes n’est donc « pas en sommeil », et « nous en discutons à chaque réunion », a précisé Jean-Claude Trichet. La BCE avait accepté, à contre-coeur, de s’acquitter de cette tâche au printemps 2010, pour tenter d’enrayer la crise de la dette grecque et éviter, déjà, un effondrement de la zone euro. Mais elle ne le met plus en application depuis 18 semaines, une manière de renvoyer les gouvernements à leurs responsabilités. Le 21 juillet, lors d’un sommet à Bruxelles pour adopter un nouveau plan de sauvetage d’Athènes, la BCE a obtenu que le Fonds européen de stabilité financière (FESF), mis en place pour prêter aux Etats en difficulté de la zone euro, puisse la relayer. Mais le FESF ne pourra sans doute pas intervenir avant fin septembre au plus tôt et sa taille -440 milliards d’euros de capacité de prêts -est jugée insuffisante par certains intervenants sur les marchés pour pouvoir s’adresser aux problèmes de l’Italie et de l’Espagne.

Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, a plaidé jeudi pour une réévaluation des mécanismes de soutien européen, y compris de la taille du Fonds, dans un courrier daté de mercredi adressé aux dirigeants de l’Union européenne.

Madrid a de son côté émis jeudi matin pour 3,311 milliards d’euros d’obligations à 3 et 4 ans, à des taux d’intérêt en forte hausse par rapport aux dernières émissions similaires, au lendemain d’une journée de crise. L’Espagne et l’Italie ont été la cible des attaques des marchés mardi et mercredi, contraignant leurs deux gouvernements à monter au créneau. Jeudi matin, les marchés européens avaient ouverts en hausse avant de refluer et de repasser dans le rouge.

JEAN-MICHEL CEDRO ET ISABELLE COUET

 

05/08 Isabelle Couet

Malgré le soutien réaffirmé de la BCE, la débâcle des marchés s’accélère

Le tableau s’assombrit chaque jour un peu plus. La BCE n’a pas réussi à modifier l’humeur des marchés. Les places européennes ont perdu plus de 3 % (- 3,9 % à Paris), suivies par Wall Street, où le Dow Jones a dévissé de 4,31 %.

 

 

Rien n’y fait. La débâcle des marchés s’est poursuivie hier, laissant craindre que, désormais, aucune annonce ne puisse enrayer la spirale à la baisse. Les places boursières ont fait face à un vent de panique. A Paris, le CAC 40 a abandonné 3,9 %, à 3.320,35  points, et retombe sur ses niveaux d’il y a deux ans. C’est la première fois depuis septembre 2002 que la Bourse de Paris enregistre neuf séances successives de baisse. Du côté des périphériques, la Bourse de Milan a perdu 3,21 % et a suspendu ses cotations « pour des raisons techniques », avant de finir en chute de 5,16 %, à 16.128,07 points. La Bourse madrilène a lâché 3,89 %. Outre-Atlantique, les indices ont fini en fort repli. Le Dow Jones a enfoncé son plancher annuel, dégringolant de 4,31 %, à 11.383,68 points, tout comme le S&P 500 (- 4,78 %), à 1.200,07 points. Quant à la monnaie unique, elle a dévissé. L’euro se négociait contre 1,4149 dollar, en baisse de 1,07 %, à la fin de la session européenne.

Rachat de titres de dette

Pourtant, le président de la Banque centrale européenne (BCE) a clairement fait savoir à la presse et aux marchés que l’institut d’émission était actif dans les marchés. Lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion du Conseil des gouverneurs, Jean-Claude Trichet a déclaré que la BCE était en train d’acheter des titres de dette périphériques, ce qu’elle n’avait pas fait depuis dix-huit semaines. Les rendements des obligations italiennes, espagnoles, mais aussi des titres portugais et irlandais ont alors connu des soubresauts. Le taux à 10 ans de l’Italie est passé brièvement sous la barre symbolique de 6 %. Mais le soulagement n’a pas duré. L’Italie et l’Espagne ont vu leur taux remonter. Dans l’après-midi, le Trésor espagnol a décidé d’annuler son émission de dette du 18 août, alors qu’il avait réussi à placer des titres dans la matinée.

Selon des sources de marché, la BCE n’a, de fait, pas acheté les titres de ces deux pays et s’est contentée de cibler la dette irlandaise et portugaise. « Elle est, en plus, intervenue sur de faibles montants », indique un intervenant. Depuis que le dispositif existe, la banque centrale n’a encore jamais acquis de titres espagnols et italiens. La décision de réactiver le programme d’achats n’était pas unanime au sein du Conseil des gouverneurs, rendant dès lors difficile de viser de nouveaux Etats. La banque centrale a appelé à un passage de relais aussi rapide que possible avec le Fonds européen de stabilité financière (FESF), qui doit un jour pouvoir intervenir sur le marché secondaire.

Les annonces de la BCE concernant le refinancement des banques n’ont pas non plus été couronnées de succès sur le marché interbancaire. Les tensions persistaient et seules les anticipations de hausse des taux directeurs ont été revues à la baisse. L’institution a pourtant offert une nouvelle soupape aux établissements qui peinent à trouver des liquidités auprès de leurs homologues. Ils vont pouvoir amener la dette périphérique qu’ils détiennent à la BCE pour six mois, en échange d’argent frais.

Les investisseurs, qui mettaient tous leurs espoirs dans la banque centrale, ne savent plus désormais vers qui se tourner. Les signes de faiblesse de l’économie américaine ajoutent à la déprime.

Isabelle Couet

 

05/08 | 07:00 | Frederic Schaeffer

 

Déficit commercial record au premier semestre : les raisons du plongeon

Le déficit commercial de la France pourrait avoisiner les 40 milliards d’euros sur les six premiers mois de l’année. Les Douanes publient aujourd’hui les chiffres de juin. L’an dernier à la même époque, le déficit s’établissait à « seulement » 24 milliards. En cause : la compétitivité de l’industrie.

Ecrit par Frederic SCHAEFFER

 

Les statistiques que publient les Douanes ce matin vont faire état d’un creusement sans précédent du déficit commercial de la France au cours des six premiers mois de l’année. A la fin du mois de mai, le déficit cumulé depuis le 1 er janvier atteignait déjà 33,4 milliards d’euros, avec deux mois consécutifs (avril et mai) marqués par des déficits supérieurs à 7 milliards, ce qui était sans précédent. Sur l’ensemble du premier semestre, le déficit pourrait ainsi approcher les 40 milliards d’euros.

L’an dernier à la même époque, il se « limitait » à 24,5 milliards d’euros. Et même, en 2008, année qui s’était soldée par un déficit inédit de 56,3 milliards, les six premiers mois n’avaient pas été aussi mauvais (26,9 milliards). A ce stade de l’année, il paraît donc certain que la balance commerciale établira un nouveau déficit record, très loin de la prévision du gouvernement dans son budget 2011 (48 milliards d’euros).

Facture énergétique renchérie

Sous le coup du ralentissement de la demande mondiale, les exportations ont été moins vigoureuses au cours des derniers mois. A l’inverse, les importations ont été gonflées par le renchérissement de la facture énergétique. Tirée par l’envolée du pétrole, celle-ci atteignait déjà 25 milliards d’euros sur les cinq premiers mois, soit un surcoût de 10 milliards par rapport à la même période de 2010.

Avec une consommation intérieure en berne (« Les Echos » du 1 er août), cette contre-performance constitue un autre coup dur pour la croissance du PIB. Après avoir pesé favorablement au premier trimestre, la contribution du commerce extérieur (biens et services) devrait être, au mieux, nulle au deuxième trimestre, l’Insee devant publier sa première estimation de croissance vendredi prochain.

Pour la suite de l’année, l’institut statistique s’attend à ce que les importations accélèrent avec le rebond de la demande intérieure tandis que les exportations suivraient un profil similaire dans le sillage du commerce mondial. Mais ce scénario est sujet à caution au vu, notamment, du ralentissement américain qui semble durable. Et, globalement, le commerce extérieur pèserait négativement sur la croissance de 2011, selon l’Insee (à hauteur de – 0,6 point). Marqué par une contribution légèrement positive, 2010 n’aura donc été qu’une courte parenthèse.

«  Les exportations souffrent à la fois du freinage de l’économie mondiale, de problèmes structurels propres (offre peu compétitive, marges à l’exportation serrées, marchés cibles peu porteurs) et du niveau élevé de l’euro  », constatent les économistes du Crédit Agricole.

L’agroalimentaire résiste

Car le creusement du déficit n’est pas seulement lié à la hausse du pétrole. En 2011 comme au cours des années précédentes. Depuis 2003, seule la moitié de la détérioration du solde commercial s’explique par l’alourdissement de la facture énergétique, ont calculé les Douanes. Le reste est lié à une perte de compétitivité de l’industrie tandis que l’agroalimentaire reste l’un des rares points forts du commerce extérieur (lire ci-dessous). La recherche des gains de compétitivité est pourtant avancée comme une priorité par le gouvernement, qui, après les réformes de la première partie du quinquennat (crédit d’impôt recherche, taxe professionnelle, etc.), mise sur les effets futurs, mais qui seront très progressifs, des investissements d’avenir.

FRÉDÉRIC SCHAEFFER

Pourquoi la menace de la récession refait surface

Par Guillaume Guichard Publié le 05/08/2011 à 14:46  Figaro.fr

La panique sur les marchés à travers le monde témoigne de l’angoisse des investisseurs : la croissance montre des signes de faiblesse alors que la question des dettes en Europe reste entière.

 

Et si l’économie plongeait à nouveau? Cette crainte refait surface aujourd’hui. Connu pour ses vues pessimistes sur la conjoncture mondiale, l’économiste Nouriel Roubini estime à 40% les risques de «double dip», c’est-à-dire d’un retour en récession. Si ce scénario, déjà évoqué l’année dernière, ne s’est pas réalisé, la situation actuelle présente des signes inquiétants. Les effets des plans de relance se sont estompés, et le moteur des économies américaine comme européennes semble avoir du mal à tourner de lui-même. La panne de croissance apparaît désormais comme une menace d’autant plus grande que les États occidentaux endettés n’ont plus les moyens de jouer les pompiers avec de nouveaux plans de relance en cas de coup dur.

Une succession de statistiques alarmantes

L’alerte a été donnée ces dernières semaines avec la publication d’indicateurs avancés en nette baisse. Ces statistiques permettent de prendre le pouls de l’activité économique avant la parution des statistiques officielles, toujours à contretemps. Le plus suivi de ces indices est le «PMI», qui mesure le sentiment des directeurs d’achat. Concrètement, les enquêteurs demandent chaque mois aux entreprises si elles ont plus ou moins acheté de fournitures industrielles, par exemple, que le mois précédent.

Les indices PMI aux États-Unis et en zone euro sont au bord du repli (50,9 points en juillet pour le premier, 51,1 pour le second en juin). Très inquiétant également, le même indicateur pour la Chine traduit un repli de l’activité, sous la barre des 50, à 49,3 points. La banque HSBC, qui réalise cet indice, relativise cependant la gravité de la situation: si un indicateur inférieur à 50 trahit une contraction d’un mois sur l’autre, la production reste en croissance de 11% à 13% sur un an en Chine.

Reste que la zone euro devrait dans les prochains mois rejoindre le géant asiatique sous cette barre fatidique des 50 points, craint BNP Paribas. L’activité en France et en Allemagne, principaux moteurs de la croissance européenne, a en effet ralenti, alors que dans les pays périphériques (Grèce, Portugal,…Smilie: ;), les indicateurs présentent déjà les signes d’une récession.

«La détérioration résulte de différents facteurs: une croissance mondiale affaiblie, un contexte rempli d’incertitudes et, surtout, des tensions renouvelées sur les marchés, analyse Ken Wattret, économiste chez BNP Paribas. Les crises passées nous enseignent à ce propos que les périodes de grande incertitude et de tensions sur les marchés s’accompagnent de très faibles investissements de la part des entreprises.»

La BCE optimiste, mais pas les marchés

Jean-Claude Trichet s’est malgré tout voulu optimiste, jeudi. Il estime que «nous pourrions assister à une croissance très robuste au quatrième trimestre» en zone euro. Et ce, même si «le deuxième trimestre est, bien sûr, nettement moins soutenu que le premier, qui était absolument exceptionnel», a-t-il ajouté. Les économistes voient en revanche un horizon beaucoup plus gris. En zone euro, BNP Paribas table sur une croissance divisée par deux au troisième trimestre, à 0,4%, puis un «modeste rebond» à 0,4% en fin d’année.

Les dernières statistiques publiées ce vendredi en zone euro donnent des signes contradictoires. La production industrielle allemande a baissé en juin de 1,1%. En Italie, l’activité, atone en début d’année, s’est redressée modestement au deuxième trimestre, à +0,3%. En revanche, la croissance espagnole a ralenti de 0,3% au premier trimestre à 0,2% au deuxième.

Standard & Poor’s retire la note «AAA» des États-Unis

Par Marine Rabreau Publié le 06/08/2011 à 12:49 Figaro.fr

Pour la première fois de son histoire, la première puissance économique du monde perd son tripe A. L’agence de notation pointe des «risques politiques» face aux enjeux du déficit budgétaire du pays.

 

La sanction était attendue mais elle sonne quand même comme un choc. Dans la nuit de vendredi à samedi, l’agence d’évaluation financière Standard and Poor’s (S&P) a osé abaisser la note attribuée à la dette publique des États-Unis, ainsi privés de leur «AAA» pour la première fois de leur histoire. S&P a annoncé dans un communiqué avoir dégradé d’un cran cette note, la meilleure possible, pour la porter à «AA+». Elle a par ailleurs ramené sa perspective à «négative», ce qui signifie que Standard and Poor’s pense que la prochaine fois que cette note changera, ce sera pour être dévaluée de nouveau. Les États-Unis étaient notés «AAA» par S&P depuis la création de cette agence en 1941. Ils le restent chez les deux autres grandes agences, la doyenne Moody’s (depuis 1917) et Fitch Ratings.

Standard and Poor’s, qui avait prévenu dès avril qu’elle envisageait cet abaissement, a justifié sa décision par «des risques politiques» de voir le pays prendre des mesures insuffisantes contre son déficit budgétaire. Pour elle, le débat politique sur ces questions n’est pas à la hauteur des problèmes causés par une dette publique de plus de 14.500 milliards de dollars. «Le plan de rééquilibrage du budget sur lequel le Congrès et l’exécutif se sont récemment mis d’accord est insuffisant par rapport à ce qui, de notre point de vue, serait nécessaire pour stabiliser la dynamique à moyen terme de la dette publique», a expliqué S&P, invoquant la loi dite de «contrôle du budget» votée mardi.

S&P est donc la deuxième agence de notation a dégrader la note américaine, après la chinoise – moins puissante – Dagong. Les autres – principalement l’américaine Moody’s et la française Fitch – restent pour l’instant au triple A.

La dette publique américaine à plus de 100% du PIB

La première puissance du monde n’est, ainsi, plus aussi sûre qu’avant. Les États-Unis rejoignent ainsi le Japon, l’Espagne et l’Irlande qui ont perdu ce statut envié. La perte de ce sceau d’excellence devrait avoir des répercussions brutales sur les marchés financiers , difficiles à imaginer dans l’immédiat. Mais alors que la planète finance est sens dessus-dessous, le risque de voir les marchés continuer à plonger est élevé. L’annonce de S&P intervient en effet alors que les marchés ont fermé pour le week-end, clôturant de part et d’autre de l’Atlantique une semaine noire.

La Chine, de loin le plus grand créancier mondial des États-Unis, a jugé qu’elle avait «désormais tous les droits d’exiger des États-Unis qu’ils s’attaquent à leur problème structurel de dette». Deuxième détenteur mondial de la dette américaine, Tokyo a assuré, lui, que sa confiance dans les bons du Trésor américain et sa stratégie d’achats de ces bons restaient inchangées. En France, le ministre de l’Économie François Baroin réaffirme sa «totale confiance dans la solidité de l’économie américaine

Il y a deux jours, la dette américaine a passé un cap symbolique. Elle a dépassé en effet le seuil de 100% du PIB, juste après le relèvement du plafond de la dette par le Congrès. Les États-Unis ont vu leurs finances publiques plombées par la dure récession qu’a traversée leur économie de fin 2007 à mi-2009. Depuis, la croissance économique est revenue mais ils ne sont pas parvenus à rétablir la santé de leurs finances publiques. Selon les estimations du Fonds monétaire international, ils devraient accuser cette année, avec environ 9% du produit intérieur brut, le déficit budgétaire le plus élevé des pays du G20, Japon mis à part. Il reste seize pays notés «AAA» chez Standard and Poor’s, dont quatre du G7: l’Allemagne, le Canada, la France et la Grande-Bretagne.

LE FIGARO.FR DU 6 AOUT

Standard and Poor’s dégrade la note de la dette américaine

LEMONDE.FR avec AFP | 06.08.11 | 08h19   •  Mis à jour le 06.08.11 | 20h23

L’agence d’évaluation financière Standard and Poor’s a abaissé vendredi la note attribuée à la dette publique des Etats-Unis, privés de leur « AAA » pour la première fois de leur histoire, citant les « risques politiques » face aux enjeux du déficit budgétaire.

S & P a annoncé dans un communiqué avoir abaissé d’un cran cette note, la meilleure possible, pour la porter à « AA+ ». Elle a par ailleurs abaissé la perspective à « négative », ce qui signifie que Standard and Poor’s pense que la prochaine fois que cette note changera, ce sera pour être abaissée de nouveau.

« NOUS DEVONS FAIRE MIEUX »

L’agence a justifié sa décision par « des risques politiques » de voir le pays prendre des mesures insuffisantes contre son déficit budgétaire. Pour elle, le débat politique sur ces questions n’est pas à la hauteur des problèmes causés par une dette publique de plus de 14 500 milliards de dollars. « Le plan de rééquilibrage du budget sur lequel le Congrès et l’exécutif se sont récemment mis d’accord est insuffisant par rapport à ce qui, de notre point de vue, serait nécessaire pour stabiliser la dynamique à moyen terme de la dette publique », a expliqué l’agence, invoquant la loi dite de « contrôle du budget » votée mardi.

Samedi, la Maison Blanche a d’ailleurs appelé à l’unité des partis démocrate et républicain pour rétablir la situation économique et budgétaire du pays. « Nous devons faire mieux pour montrer notre volonté, notre capacité et notre engagement à travailler ensemble pour faire face aux défis économiques et budgétaires », a affirmé le porte-parole de la Maison Blanche, Jay Carney, dans un communiqué.

Sous le feu des critiques, S & P a justifié une nouvelle fois sa décision, samedi : « Il ne s’agit pas d’une sanction, encore moins d’une punition. Nous ne sommes pas des maîtres d’école. Nous émettons des diagnostics qui permettent de comparer la qualité de crédit, autrement dit le niveau de risque des différents instruments qui sont mis sur le marché », a assuré Jean-Michel Six, l’économiste en chef pour l’Europe de Standard & Poor’s, sur la radio France Info.

Lors d’une conférence de presse téléphonique, le directeur des notations des Etats de S&P a quant à lui répété que l’aspect politique avait été déterminant dans la décision de son agence : « Les risques politiques pèsent d’un poids plus lourd que la partie budgétaire de l’équation », a déclaré  David Beers. Selon lui, « le gouvernement américain n’a pas la même capacité d’anticipation » que les Etats notés « AAA » pour « parvenir à des solutions de long terme qui assoient ses finances publiques sur un socle solide. »

UNE PREMIÈRE HISTORIQUE

Les Etats-Unis étaient notés « AAA » par Standard and Poor’s depuis la création de cette agence en 1941. Ils le sont toujours chez les deux autres grandes agences, la doyenne Moody’s (depuis 1917) et Fitch Ratings. Il reste seize pays notés « AAA » chez Standard and Poor’s, dont quatre du G7 – l’Allemagne, le Canada, la France et la Grande-Bretagne.

Dans les deux semaines précédant la signature aux forceps de l’accord politique sur le relèvement du plafond de la dette américaine, S & P avait par deux fois exprimé ses inquiétudes, prévenant qu’une dégradation avait « une chance sur deux de se produire » dans un proche avenir. John Chambers, président du comité d’évaluation de S & P, a souligné vendredi sur CNN que Washington aurait pu éviter l’abaissement de la note en relevant plus tôt ce plafond. Il a indiqué que les responsabilités étaient partagées et incombaient à l’administration Obama, mais également à « l’administration précédente ».

UNE « ERREUR DE CALCUL », SELON WASHINGTON

Le gouvernement américain a accusé S & P de fonder sa décision sur des erreurs graves de calculs. « Une appréciation entachée d’une erreur de 2 000 milliards de dollars parle d’elle-même », a affirmé à la presse un porte-parole du département du Trésor.

Lors d’une discussion avec l’agence de notation, le Trésor a affirmé que les chiffres cités concernant les dépenses publiques dites « discrétionnaires » (celles que le Congrès peut changer à chaque budget sans amender la loi) sur les dix années à venir, et le ratio de la dette par rapport au produit intérieur brut, étaient faux. Selon une source citée par l’AFP, Standard and Poor’s a alors choisi de supprimer certains de ces chiffres de l’analyse finalement publiée sur son site Internet dans la soirée, mais a maintenu sa dégradation de la note américaine.

UNE DÉCISION QUI « INTERVIENT AU PIRE MOMENT POUR L’EUROPE »

La perte de ce sceau d’excellence devrait avoir des répercussions brutales sur les marchés financiers. Les bons du Trésor américains sont une référence incontestée : un étalon du coût de l’argent, un instrument servant habituellement de « collateral » (garantie) dans une multitude de transactions, et un refuge pour les investisseurs dans les périodes troublées.

Outre les réactions immédiates sur les taux d’intérêt américains, le coût pour le budget de Washington ou la faiblesse du dollar, Georges Ugeux pointe une décision qui « intervient au pire moment pour l’Europe. Depuis aujourd’hui, la prime de risque sur la dette italienne est supérieure a celle de l’Espagne. Or l’Italie représente six fois le montant de la Grèce, proche de 2 000 milliards d’euros. A ces niveaux-là, l’Europe n’a pas la capacité d’organiser un plan de sauvetage. »

PÉKIN FUSTIGE « L’ONCLE SAM PERCLUS DE DETTES »

Les réactions venues d’Europe, justement, se veulent pour l’heure rassurantes. La France, par la voix de François Baroin, ministre de l’économie, a dit sa « totale confiance dans la solidité de l’économie américaine ».

« Ces gens ne sont certainement pas en position d’émettre un jugement », a de son côté brocardé le prix Nobel d’économie Paul Krugman, se souvenant des « AAA » distribués par S&P et ses concurrentes aux produits toxiques à l’origine du krach mondial de l’automne 2008.

Tout autre son de cloche pour la Chine, premier créancier des Etats-Unis. Pour Pékin, Standard & Poor’s n’a fait que confirmer une « horrible vérité ». Pékin, qui détenait en mai quelque 1 160 milliards de dollars de bons du Trésor américains, « a désormais tous les droits d’exiger des Etats-Unis qu’ils s’attaquent à leur problème structurel de dette », a affirmé samedi l’agence officielle Chine Nouvelle. Elle a rappelé que l’agence chinoise de notation Dagong avait déjà abaissé la note de la dette américaine mercredi. « Les jours où l’oncle Sam, perclus de dettes, pouvait facilement dilapider des quantités infinies d’emprunts de l’étranger semblent comptés », a ajouté l’agence.

 

 

Note des Etats-Unis : le Trésor remet en cause « l’intégrité » de S&P

Le Trésor des Etats-Unis a persisté samedi dans son opinion selon laquelle l’agence d’évaluation financière Standard and Poor’s avait commis une « erreur » en abaissant la note du pays vendredi, qui selon le ministère fait douter de son « intégrité ».

Le secrétaire adjoint au Trésor chargé de la politique économique, John Bellows, a détaillé sur le blog du ministère cette « erreur de 2.000 milliards de dollars » dans les projections de déficit budgétaire jusqu’en 2021.

« S&P a reconnu cette erreur », a rapporté M. Bellows, mais « n’a pas estimé qu’une méprise de cette ampleur suffisait pour justifier de réexaminer son jugement, ou même de se donner un jour supplémentaire pour réévaluer soigneusement l’analyse ».

« La taille de cette erreur, et la rapidité avec laquelle S&P a changé sa justification principale quand on lui a présenté cette erreur, soulèvent des questions fondamentales sur la crédibilité et l’intégrité de la décision prise par S&P sur cette note », a-t-il ajouté.

Selon des sources gouvernementales, dans une première version de son communiqué Standard and Poor’s évoquait d’abord les projections de déficit budgétaire et de dette publique. La version finale commence en revanche par les « risques politiques », et renvoie ces chiffres en fin de communiqué.

« Cette erreur mise à part, il n’y a pas de raisonnement justifiable pour abaisser la note attribuée à la dette des Etats-Unis », a souligné le secrétaire adjoint.

D’après lui, « il y a des millions des investisseurs dans le monde qui s’échangent des bons du Trésor. Ils évaluent notre fiabilité à chaque minute, tous les jours, et leur jugement collectif est que les Etats-Unis ont les moyens et la volonté politique d’honorer leurs obligations

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Crise: l’occasion ratée de 2008

MEDIAPART – 07 août 2011 | Par Martine Orange

Ils se sont parlé ! Cette seule information devrait rassurer. En pleines vacances estivales, les responsables des principaux gouvernements et des autorités monétaires occidentaux, les membres du G-7, ont réussi à trouver un téléphone. C’est dire l’importance du moment. Rien n’a filtré de leurs conversations et des moyens imaginés pour essayer de contrôler une crise grandissante et pour contrer l’effet de choc qui suit la dégradation américaine. Le porte-parole du gouvernement britannique a souligné la gravité de la situation. Nicolas Sarkozy, a-t-il expliqué, s’est entretenu par téléphone avec le premier ministre britannique David Cameron, pour évoquer «la zone euro et l’abaissement de la notation américaine». Ils sont convenus de «l’importance d’œuvrer ensemble, de surveiller de près la situation et de rester en contact dans les prochains jours».

Un des principaux sujets de conversation et de désaccords, si l’on comprend bien les indiscrétions, serait de savoir s’il convient ou non d’organiser dans l’urgence un sommet du G-7. Le premier ministre italien, Silvio Berlusconi, le réclame à cor et à cri. La chancelière allemande, Angela Merkel, le jugerait inopportun: personne n’étant d’accord sur rien, il est inutile d’exposer les différends sur la place publique, explique-t-on en substance à Berlin. Bref, une nouvelle fois, les politiques vont attendre de voir la réaction des marchés financiers pour définir leur attitude et bricoler dans l’urgence un énième replatrâge.

La dégradation de la note américaine est pourtant aussi la dégradation de leur politique. Ils paient aujourd’hui le fait de n’avoir pris aucune mesure adéquate au moment de la crise de 2008 et l’effondrement de Lehman Brothers. Par idéologie, par incompétence, par peur, les responsables politiques ont laissé passer ce moment unique pour reprendre le contrôle d’un système financier débridé. Le petit répit gagné en 2009-2010 leur a laissé penser que tout pouvait recommencer comme avant. Mais le déni de réalité ne fait jamais une politique.

Dans un éditorial particulièrement critique, le journal britannnique The Observer résume le tableau affligeant de nos politiques: «Les gouvernements auraient dû imposer une supervision adulte sur ce qui n’est, pour de nombreux acteurs financiers, rien de plus qu’un jeu sophistiqué de poker. Mais les gouvernements ont perdu la croyance dans le pouvoir public et dans leur capacité à agir. Ils n’ont  pas le moindre repère sur ce qu’ils devraient faire. A défaut, ils s’agenouillent devant la prétendue sagesse supérieure des marchés et se retirent dans le confort moral, en affirmant que la meilleure et la seule chose à faire est d’équilibrer les finances – précisément la plus mauvaise chose à faire dans la tourmente de la crise financière.» Les promesses de tous les responsables gouvernementaux, reprises en boucle ces dernières heures, de couper tous les déficits publics, de rembourser à toute vitesse leurs dettes, démontrent une nouvelle fois qu’ils n’ont rien compris, ou plutôt qu’ils ne veulent pas comprendre, tant cela heurte leurs certitudes et leurs convictions.

Il n’y a qu’un Alain Minc, notre chère boussole indiquant le Sud, pour nous expliquer doctement dans le JDD que «cette crise n’a rien à voir avec celle de 2008». Pour une écrasante majorité d’économistes, cette crise n’est pas une crise de la dette publique, des Etats dévergondés et dispendieux qui auraient fait n’importe quoi, mais une crise générale, les acteurs privés ayant transmis leurs maux à la sphère publique. Ce que les “économistes atterrés” clament depuis le début est en train de devenir un constat admis par les économistes les plus orthodoxes. Dans une tribune publiée dans Les Echos, l’économiste Kenneth Rogoff l’admet: «Le vrai problème n’est autre que l’endettement catastrophique qui touche l’économie à l’échelle mondiale.»

Un système monétaire déréglé

Quelques chiffres pour donner l’étendue des dégâts. Les actifs financiers dans le monde représentent environ 220.000 milliards de dollars, soit plus de quatre fois le PNB mondial. Près de 150.000 milliards de dollars sont de la dette sous toutes les formes.

Ces chiffres sont le produit d’un dérèglement du système monétaire, depuis l’abandon de l’étalon or le 15 août 1971. Quarante ans après, presque jour pour jour, nous pouvons mesurer les effets d’un système, ayant largué tout repère avec l’économie réelle, où la création monétaire a été abandonnée aux mains de la finance privée, déchargée de tout contrôle des Etats. L’Europe, en la matière, a poussé l’orthodoxie au rang de beaux-arts, en désignant une banque centrale privée de la capacité d’être prêteur en dernier ressort, c’est-à-dire de pouvoir acheter directement la dette émise par les Etats.

Libres de toutes entraves, les banques s’en sont donné à cœur joie pour créer sans cesse plus d’argent, plus de dettes, sans rapport avec le réel. La finance est devenue un objet en soi.

La responsabilité des banques centrales dans ce dérèglement est immense. Elles n’ont pas assumé leur responsabilité de gardien du temple de la monnaie et du système financier. Pire: elles ont entretenu le crime et le vice, à partir du 26 octobre 1987 précisément. Pour éviter les conséquences récessives du krach financier intervenu ce jour-là, le tout nouveau président de la FED (la réserve fédérale américaine), Alan Greenspan, encensé par la presse comme le génie de la finance, déversa des tombereaux de liquidités à taux zéro. A chaque menace de ralentissement, de coup de blues du monde financier, la même politique a été relancée: il fallait à tout prix éviter le moindre ralentissement de la machine. Des milliards de dollars à coût nul ont été déversés dans le système, alimentant la création de la dette.

Tandis que nos si vigilants banquiers centraux surveillaient à la loupe la moindre augmentation salariale, signe d’une dangereuse dérive inflationniste, ils n’ont vu ni la bulle internet, ni les bulles immobilières, ni les bulles des actifs (les rachats en LBO en sont la meilleure illustration), ni la création monétaire produite par les méga fusions-acquisitions, payées en papier – ce qui revenait à autoriser des entreprises privées à frapper monnaie. Tout cela était si euphorisant, le système était si parfait, que, dans les débuts des années 2000, la FED décida de ne plus tenir compte de l’indicateur M3 –celui de la création monétaire– dans sa surveillance. Tout cela était dépassé. Et puis, les banquiers privés, qui avaient en main le système, ne pouvaient pas mal faire.

La formidable performance des entreprises, des fameuses croissances annuelles à 15% dans une économie réelle mondiale qui ne progresse que de 3% par an, vient de là: d’un dopage généralisé par un excès monétaire et un excès de crédit. Les gouvernements en étaient-ils conscients? En tout cas, ils ont fermé les yeux. Le crédit, soit directement aux agents privés comme aux Etats-Unis, avec comme illustration ultime le scandale des subprimes, soit par transfert par les Etats et les systèmes sociaux comme en Europe, a permis de masquer le gigantesque transfert de production vers la Chine et les autres pays émergents, organisé au nom d’un profit immédiat, dans le cadre de la «mondialisation heureuse».

De bulle en bulle, de crise masquée en crise larvée, le système, totalement déconnecté de la réalité, a craqué en 2007. Au cours de cet été, le monde financier, au bord de l’apoplexie, a été obligé d’avouer une partie de ses turpitudes. Les non-initiés ont découvert les subprimes, la titrisation, les rehaussements de crédit, les CDS, les ABS et autres… L’imagination financière étant en ce domaine sans limite. La panique était telle que, dans un rare moment de franchise, des responsables de Wall Street ont reconnu que personne dans leur conseil d’administration ne comprenait à quels risques leur établissement était exposé.

La confusion a atteint son comble avec l’effondrement de Lehman Brothers en septembre 2008. Les engagements pris par la banque étaient si complexes et si obscurs, le système financier était si interconnecté que tout faillit s’écrouler. L’argent ne circulait plus, le monde financier et l’économie étaient à deux doigts de l’infarctus.

En urgence, les banques centrales ont redonné toutes les liquidités voulues et plus encore pour éviter l’écroulement. Les gouvernements se sont portés au secours de tous leurs établissements bancaires et ont cherché à sauver l’économie. Si les Etats se trouvent aujourd’hui en situation limite, c’est pour avoir joué leur bilan pour sauver le monde financier. Depuis 2008, l’endettement des Etats-Unis a augmenté de 2.000 milliards de dollars, celui de l’Italie de 300 milliards d’euros, celui de la France de 900 milliards – selon la version gouvernementale – ou 300 milliards – selon la version de la Cour des comptes –, rien que par les effets de la crise et des moyens mis en œuvre pour éviter l’effondrement du système financier.

Les mauvaises leçons de la chute de Lehman Brothers

Mais les gouvernements n’ont pas tiré les leçons de l’effondrement de Lehman Brothers, ou en tout cas pas les bonnes. Les conclusions générales, soufflées par le monde financier qui y avait tout intérêt, ont été qu’il ne fallait surtout pas toucher aux banques, sous peine de mettre le monde en faillite. L’aléa moral a été institué. Too big to fail, les banques ont acquis le droit d’un chantage permanent sur les gouvernements et un droit de tirage sans limite sur les finances publiques. Au nom, bien sûr, de la garantie des déposants, comme le petit porteur servant d’alibi à un marché boursier qui l’a depuis longtemps exclu.

En contrepartie? Rien. Pas un droit de regard, pas un compte à rendre, même pas une action. Les fameux actionnaires, censés assumer les risques, n’ont pas été sollicités à un seul moment. Seule la Grande-Bretagne, qui a sans doute plus de compréhension du système financier, a nationalisé ses principales banques. La France, à l’inverse, est allée en la matière jusqu’à la caricature, confiant à Michel Pébereau, PDG de BNP Paribas, l’écriture du plan de sauvetage bancaire français.

Il y avait pourtant des précédents dont les gouvernements auraient pu s’inspirer. Au début des années 1990, la Suède s’est aussi trouvée au bord de l’effondrement de son système bancaire. L’Etat a repris le contrôle de tout. Toutes ses banques ont été nationalisées. L’ensemble des bilans a été nettoyé. Les mauvaises créances mises de côté dans des structures permettant de temporiser, certaines ont été annulées avec le temps, d’autres remboursées plus ou moins bien. Certaines banques ont été fermées. Les autres ont été recapitalisées puis remises sur le marché, mais avec une surveillance accrue des autorités bancaires. Le champ d’action a été strictement encadré et contrôlé. Hasard? La Suède comme le Canada, qui a connu une mésaventure à peu près comparable, ont tous les deux échappé au séisme de 2008.

Les autorités bancaires américaines ont un peu fait le ménage. Elles ont obligé les banques à se recapitaliser. Des dizaines d’établissements bancaires ont été fermés, ou repris par d’autres. Dans la zone euro, rien de tel. Les banquiers savaient ce qu’ils faisaient. Il fallait juste leur donner le temps et l’argent nécessaire pour se réformer. Les tests de résistance ont tourné à la farce. Les normes prudentielles de Bâle III, supposées apporter un peu de sécurité, ont été repoussées à 2017 au mieux. Et encore, les milieux bancaires ont entrepris un lobbying intense pour dire combien elles menaçaient leur activité.

Il est significatif que les principaux contempteurs de la dérive du monde financier, et qui demandent des mesures énergiques, soient issus de ce milieu même. Parce qu’ils comprennent mieux que tout autre ce qui s’y passe, parce qu’ils ne sont pas dans la vénération absolue qui interdit toute critique: des responsables comme l’Américain Paul Volker, ancien président de la FED, comme Adair Turner, président de l’autorité de la sécurité financière britannique, ou le président de la banque centrale suisse, ont tous dit la même chose. Pour eux, la cupidité domine désormais la finance. Estimant que les Etats n’ont pas à se mettre en risque et à garantir les activités de casino des banques, ils ont préconisé les uns après les autres le retour à une stricte séparation des activités bancaires: d’un côté, les dépôts et les crédits avec la garantie de l’Etat; de l’autre, les activités de marché, qui devaient être aux risques et périls des actionnaires, pouvant faire faillite à tout moment.

Le conseil n’a été retenu par aucun gouvernement. Mais même les mesures annoncées dans la panique lors des sommets du G-20 fin 2008-début 2009 n’ont pas été appliquées. Souvenez-vous: «Les paradis fiscaux, c’est fini! Les agences de notation, c’est fini! La spéculation, c’est fini!»

Les paradis fiscaux prospèrent comme jamais, après la mascarade du retour dans le rang, couverte par l’OCDE. Les agences de notation, vouées à nouveau aux gémonies après la dégradation des Etats-Unis, n’ont pas été inquiétées une seconde. Elles sont toujours autant irresponsables. L’Europe n’a même pas créé sa propre agence, comme elle l’avait promis.

Quant à la spéculation, elle profite à vue d’œil. Aucune mesure n’a été prise, par exemple, pour interdire les ventes à découvert sur les dettes souveraines. Les CDS, arme de destruction massive du marché obligataire, restent un trou noir: les transactions échappent à tout contrôle. Les Européens n’ont même pas un moyen de savoir ce qui s’y passe: ils dépendent entièrement d’organismes privés américains pour obtenir la moindre information.

Casser la spéculation

La nouvelle réplique de la crise ne permet plus d’échappatoire. Le système est arrivé à épuisement. Mais que faire pour régler cette montagne de dettes héritée du dérèglement de l’ensemble du système monétaire et financier?

D’abord, il est urgent de casser la spéculation. Celle-ci ressemble désormais à une nuée de criquets en Afrique, dévastant tout sur leur passage et ne laissant derrière eux que misère et désolation. Les Etats ne peuvent laisser continuer une telle dévastation des économies, sous prétexte qu’il est malséant de toucher à la liberté de circulation des capitaux. Ils ont des armes, s’ils veulent bien s’en servir. Cela passe de l’interdiction des ventes à découvert sur les dettes souveraines à, peut-être, un contrôle momentané des capitaux, en passant par la mobilisation des banques centrales. «Savoir que les banques centrales des Etats-Unis, du Japon, de la zone euro, de la Grande-Bretagne, de la Suisse sont associées et sont prêtes à déverser autant d’argent qu’il le faut calmerait les esprits. Les spéculateurs savent qu’à ce jeu-là, ils ne peuvent jamais gagner, car les possibilités des banques centrales sont sans limite», souligne l’éditorial de l’Observer.

Dans un deuxième temps, l’Europe doit mettre en place des mesures pour éviter le tir au pigeon de la finance sur les dettes souveraines de la zone euro. Les uns après les autres, les responsables politiques français pensent avoir trouvé la solution miracle: le fédéralisme disent-ils, en sautant comme le cabri cher à de Gaulle. Cela passe, selon eux, par le renforcement du fonds de stabilité financière en attendant les euro-bonds. L’ennui est que l’Allemagne est contre. Et Berlin a raison: car cela revient ni plus ni moins qu’à jouer à nouveau avec le bilan de tous les Etats réunis, cette fois-ci, pour contenter la finance. La vraie solution passe par un changement de statut de la banque centrale européenne qui doit accepter d’être prêteur en dernier ressort des Etats de la zone.

Ensuite, il faut liquider petit à petit les dérèglements du système financier et de l’économie de la dette. Même s’il importe de remettre en ordre les finances publiques et de rétablir une fiscalité juste, la réduction des déficits budgétaires, unique politique préconisée par les gouvernements, ne peut être la réponse à l’immensité du problème posé. Elle ne peut que conduire à l’austérité, à la paupérisation et au final à tous les aventurismes politiques. L’économiste Paul Krugman rappelle cette leçon de l’histoire: «Il est souvent admis que l’hyperinflation a conduit au nazisme; c’est faux. L’hyperinflation a fini en 1923. L’économie et le système politique allemand ont parfaitement fonctionné jusqu’en 1929. La montée du nazisme a été précipitée par l’écroulement de l’économie qui a commencé en 1929 puis s’est intensifié en 1930 et 1931.»

Constatant le dérèglement total du système financier, l’économiste Kenneth Rogoff  ne cache pas que les mesures à adopter sont sans précédent et en dehors de tous les dogmes du libéralisme économique: «Il sera impossible de remédier rapidement (à la crise de la dette) sans la mise en place d’un système de transfert de la richesse des créanciers aux débiteurs, en recourant soit au choix du non-paiement, soit de la répression financière, soit de l’inflation.»

Sa préférence va à l’inflation. Tout en reconnaissant que la mesure est injuste et arbitraire, une inflation modérée de 4 à 6% lui semble la méthode la plus admissible pour dissoudre les dettes dans le temps. On imagine déjà la réponse du président de la BCE, Jean-Claude Trichet, lui qui a fait de l’inflation le mal absolu, à cette mesure iconoclaste.

La montagne de dettes est telle que, de toute façon, il n’y aura certainement pas un seul dispositif à adopter. Une partie des créances d’une façon ou d’une autre devront être annulées, ce qui repose à nouveau la question de la mise sous contrôle du système bancaire. Il faudra bien acter aussi par des dévaluations monétaires l’excès de liquidités créées et la perte de valeur que cela sous-tend. Enfin, il est impossible de continuer avec de tels déséquilibres industriels et commerciaux. Les pays occidentaux ne peuvent tout importer sans créer aucune richesse, sur fond de chômage massif. Une base de production digne de ce nom doit être reconstruite.

Des solutions existent donc. Mais elles sont si loin des dogmes et des a-priori des responsables politiques. Il leur faudra bien pourtant bouger. Gagner encore du temps, différer les choix, comme ils peuvent en avoir la tentation, risque de mener jusqu’au drame.

 

Samedi 8 août

« Si les pays développés, parmi lesquels les Etats-Unis et (ceux de) l’Europe, refusent d’assumer leur responsabilité, cela va avoir de graves conséquences sur la stabilité du développement de l’économie mondiale »

a accusé lundi le Quotidien du Peuple, organe officiel du Parti communiste chinois. Il a appelé les pays occidentaux « à prendre leur courage à deux mains pour trancher les liens qui ligotent leurs politiques et renforcer la coordination avec les pays en développement ». Depuis l’annonce du relèvement du plafond de la dette des Etats-Unis, Pékin et la presse officielle chinoise ont émis des commentaires très négatifs sur ce plan évitant un défaut de paiement américain, en jugeant qu’il ne réglait pas les problèmes de fond. La Chine, de loin le plus grand créancier des Etats-Unis, a exhorté Washington à cesser de vivre au-dessus de ses moyens et a averti que la Banque centrale chinoise continuerait à diversifier ses investissements en devises étrangères face aux menaces qui pèsent encore sur le dollar. Pékin, qui détenait en mai quelque 1 160 milliards de $ de bons du Trésor américains, « a désormais tous les droits d’exiger des Etats-Unis qu’ils s’attaquent à leur problème structurel de dette », a affirmé samedi l’agence officielle d’information Chine nouvelle.

 

daté du 10 août 2011

Débâcle boursière : un risque pour l’économie réelle

Les marchés continuent de perdre pied, compromettant la consommation et le financement des entreprises

Et si la chute des marchés financiers ne faisait qu’aggraver les problèmes de l' » économie réelle « … Mardi 9 août, après une mobilisation exceptionnelle du G7, du G20, une action coup-de-poing de la Banque centrale européenne (BCE) et onze séances de baisse, les Bourses en Europe ont encore ouvert dans un climat de tension dans le sillage de marchés asiatiques au bord du krach (à Séoul, la Bourse a perdu jusqu’à 10 % en séance avant de se redresser, pour terminer sur un recul de 3,64 %).

A 10 heures, le CAC 40, après avoir hésité, reculait de 2,62 %, après son plongeon de 4,68 % la veille. A Londres, le Footsie cédait 2,35 %, tandis que le DAX, à Francfort, perdait 2,07 %. Après la baisse spectaculaire des places américaines lundi soir, au Nord – où l’indice Dow Jones a chuté de 5,55 % et le S & P 500 de 6,66 % – comme au Sud – où l’indice brésilien Bovespa s’est écroulé de 8,08 % -, la nervosité reste donc palpable.

Depuis le 22 juillet, selon les données recensées par Aurel BGC, l’équivalent de 6 925 milliards de dollars (4 850 milliards d’euros) sont déjà partis en fumée sur les Bourses mondiales ! Quand s’arrêtera le dérapage des marchés ? Mardi, les espoirs d’un rebond résidaient dans l’action de la Réserve fédérale américaine (Fed) et l’annonce d’un hypothétique  » QE3 « . Une troisième version du  » quantitative easing « , le dispositif massif d’assouplissement monétaire de la Fed déjà employé au plus fort de la crise pour soulager les marchés et soutenir la croissance.

Mais, là encore, les opérateurs ne savent plus quoi penser. Si Ben Bernanke, le patron de la Fed, annonce ce  » QE3 « , les investisseurs pourraient aussi avoir le sentiment que la situation est grave. Aussi grave qu’en 2008.  » Le marché a le sentiment de vivre un « flash-back » « , atteste Bonnie Baha, gérante chez DoubleLine Capital, interrogée par l’agence Bloomberg.

Car, au-delà du surendettement de pays de la zone euro, c’est la fragilité de la reprise économique qui angoisse, aux Etats-Unis d’abord et dans toute l’économie mondiale ensuite. Les investisseurs redoutent une nouvelle récession.

Légitimes ou exagérées ces craintes ne font qu’entretenir une spirale dépressive et récessive qui peut in fine affecter l’économie réelle. Autrement dit, la débâcle boursière est à la fois un symptôme et une composante de la crise. Cette mécanique infernale décrite par l’économiste britannique Arthur Pigou (1877-1959) peut agir à la fois sur les entreprises et les ménages.

Du côté du consommateur d’abord. Celui qui détient des actions cotées observe leur valeur fondre. Il se sent alors moins riche et dépense moins. S’il observe une chute, par exemple, de 20 % de son portefeuille, il peut aussi être tenté de  » se refaire « . Et donc de consacrer son argent à reconstituer son épargne plutôt que de s’en servir pour consommer, explique Jean-Marc Daniel, professeur d’économie à l’ESCP-Europe. Cet  » effet richesse  » impalpable est, de l’avis des experts, plus marqué aux Etats-Unis qu’en Europe. De fait, sur le Vieux continent, 80 % des particuliers n’auraient aucune exposition directe au marché boursier alors qu’outre-Atlantique, un Américain sur deux est investi en actions.

Là-bas, les fluctuations des indices de Wall Street peuvent susciter des réactions épidermiques : dans un pays avec un système de retraite par capitalisation, un bon nombre de salariés voient dans la chute de la Bourse leur pension s’évaporer.  » En fin de semaine, la télévision américaine rapportait que le 401- k – le plan d’épargne retraite le plus courant aux Etats-Unis – avait perdu, en moyenne, en une semaine, 12 000 dollars « , raconte Gregori Volokhine, chez Meeschaert à New York. De quoi rendre nerveux…

Hausse du coût du crédit

En France, les ménages sont sans doute moins angoissés par la pente glissante du CAC 40, mais la chute des marchés participe à un environnement anxiogène.

Plus globalement, un plongeon prolongé de la Bourse se traduit par un renchérissement du coût du crédit. Une banque qui détient des titres financiers va voir ses fonds propres diminuer et devra se recapitaliser. Elle répercutera alors ce surcoût sur les crédits ou raréfiera les prêts octroyés aux ménages et aux entreprises. A cela s’ajoute une montée en flèche de l’aversion au risque traduite par une hausse des primes réclamées pour prêter aux PME ou aux ménages fragiles. En outre, les chefs d’entreprises, en voyant les cours de Bourses plonger, peuvent hésiter à investir et embaucher. D’autant que leurs capacités de financement sur le marché ou auprès des banques se réduisent et leur coûtent plus cher.

De la consommation à l’industrie, en passant par les crédits, si elle s’éternisait, la chute des places boursières pourrait concrétiser les milliers de milliards de dollars de pertes du marché jusqu’ici virtuelles.

Claire Gatinois

 

Très endettée, la France va devoir donner des gages aux marchés avec le budget 2012

Avec un déficit de 60 milliards d’euros et une croissance atone, l’Etat doit réduire au plus vite les dépenses. Un nouvel impôt est envisagé

Après les Etats-Unis, la France peut-elle à son tour être menacée de perdre son AAA, l’équivalent d’un 20/20 accordé à un crédit souverain et le sésame pour emprunter à bon compte sur les marchés ? La dégradation infligée, vendredi 5 août, par l’agence Standard & Poor’s (S & P) à la première économie mondiale fait réfléchir. La France, qui s’est elle aussi endettée avec la crise et n’a jamais présenté un budget équilibré depuis plus de trente ans, mérite-t-elle une meilleure note que les Etats-Unis ?

Lundi 8 août, l’institut économique de Berlin, le DIW, a mis en garde contre un abaissement de la note de la dette française qui pourrait provoquer une désintégration de la zone euro. Pas moins. Au même moment, S & P a tenté d’éviter tout amalgame mal venu en assurant que Paris disposait d’une  » politique budgétaire bien conçue «  justifiant son triple A. L’Etat a d’ailleurs émis, lundi, un peu plus de 8 milliards d’euros de bons du Trésor sans difficultés.

Mais les investisseurs – ou les spéculateurs – semblent douter. Lundi, les CDS français, ces contrats d’assurance censés protéger les détenteurs de dette contre le risque de défaut, ont atteint un niveau record. Quant aux emprunts d’Etat français à dix ans, ils ont vu leur taux légèrement progresser, lundi, en cours de séance. Autrement dit, si ce n’est de l’angoisse, les finances du pays commencent à susciter un brin d’inquiétude.

A juste raison ? Plusieurs économistes soulignent que le déficit public de la France, estimé à 5,8 % du produit intérieur brut (PIB) en 2011 par la Commission européenne, ne prend pas la  » bonne trajectoire « . Le pays consacre chaque année 50 milliards d’euros pour le seul paiement de ses intérêts, le troisième poste de dépenses de l’Etat. Avant de payer le service de sa dette, son déficit atteint 60 milliards d’euros, l’équivalent de 3 points de PIB, rappelle Jean-Luc Proutat, économiste chez BNP Paribas. Pour revenir au ratio acceptable d’un déficit à 3 % du PIB en 2013, comme promis par le gouvernement, la France doit donc trouver ces 60 milliards. Et  » il serait intéressant de dire comment on s’y prend « , note M. Proutat.

De fait, l’Etat ne peut pas miser sur la reprise et une hausse naturelle des rentrées fiscales pour éponger ses dettes. Car le pays, comme la plupart des autres membres du G7, n’est pas épargné par la rechute de l’activité. L’Insee publiera, vendredi 12 août, la première estimation de croissance pour le deuxième trimestre. Et les experts n’ont aucun doute : elle sera médiocre. Après + 0,9 % engrangé au cours des trois premiers mois de l’année, les économistes de Natixis, BNP Paribas, ou Asterès misent au mieux sur une progression de l’activité de 0,3 % ; au pire sur une chute de 0,1 %.

Cette croissance atone s’explique par la disparition des  » facteurs techniques « . Les dispositifs anti-crise mis en place par l’Etat ont disparu les uns après les autres, notamment la prime à la casse, qui avait dopé les ventes d’automobiles. Résultat, la consommation flanche sous le coup de la stagnation du pouvoir d’achat (hausse des prix à la pompe, stagnation des salaires…Smilie: ;).

Du côté des entreprises, le bon début d’année, dû en partie à la reconstitution des stocks, ne joue plus son effet mécanique. Quant au commerce extérieur, déjà déficitaire en temps  » normal « , il devrait s’enfoncer dans le rouge en raison de l’affaiblissement de la croissance mondiale et du recul de la demande extérieure. Fin juin, il s’était déjà creusé pour atteindre 37,5 milliards d’euros au premier semestre.

 » Le dynamisme du début de l’année était quelque chose de transitoire. On savait qu’on allait le payer au printemps « , résume Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis. Plus préoccupant, la Banque de France a indiqué, lundi, qu’elle misait sur une progression de 0,2 % de PIB au troisième trimestre. Et si, au final, la croissance française devrait avoisiner les 2 % en 2011, elle n’atteindra sans doute pas les 2,25 % attendus par le gouvernement en 2012.

Mesures douloureuses

Surendettée, la France devra donner plus de gages au marché pour éviter de connaître un sort identique à ceux de l’Italie et de l’Espagne. Suscitant la défiance des investisseurs, les coûts de financement de ces deux  » maillons faibles  » de la zone euro ont bondi à des niveaux jugés par beaucoup insoutenables. Pour éviter pareil destin, le gouvernement n’aura d’autre choix que de réduire les dépenses, voire d’augmenter les impôts. Les experts soulignent que l’Etat ne peut plus se contenter de  » petites mesures « , comme la suppression des niches fiscales (11 milliards d’économies) présentée en 2011.

Pour le budget 2012, François Baroin, le ministre des finances, compte aller plus loin en annonçant une réduction du nombre de fonctionnaires. Il espère grappiller plus de 3 milliards en rabotant davantage les niches fiscales et sociales. En outre, Gilles Carrez, rapporteur général (UMP) du budget à l’Assemblée nationale, a proposé à l’Elysée un nouvel impôt – de 1 % à 2 % – visant les contribuables disposant de plus d’un million d’euros de revenus. Enfin, le gouvernement s’interroge sur son projet de réforme de la prise en charge de la dépendance, qui doit coûter au moins un milliard d’euros. Une piste serait de faire des économies sur l’hospitalisation des personnes âgées dépendantes.

Mais Nicolas Bouzou, économiste chez Asterès, souligne que si l’Etat compte réellement revenir à un déficit de 3 % du PIB en 2013, «  il ne pourra faire autrement que d’augmenter, même à doses homéopathiques, la TVA – jusqu’à 20 % par exemple – ou la contribution sociale généralisée « . Des mesures douloureuses pour les contribuables… qui sont aussi des électeurs.

C. G.

daté du 10 août 2011

En rachetant des obligations d’Etat, la BCE joue serré

A force de venir en aide aux pays en détresse de la zone euro, la banque centrale européenne (BCE) ne risque-t-elle pas de se mettre elle-même en péril ? Une nouvelle fois, l’autorité monétaire a indiqué, dimanche 7 août, qu’elle s’apprêtait à racheter  » activement «  des obligations d’Etat sur le marché secondaire, là où les investisseurs s’échangent les titres déjà émis.

Les interventions de la BCE sur ce marché, lancées à reculons en mai 2010 pour venir en aide à la Grèce, permettent de compenser la raréfaction des acheteurs d’obligations et de ramener les taux d’emprunts des Etats à des niveaux  » gérables « . La BCE soulage ainsi certains pays qui ne se refinançaient plus qu’à des taux prohibitifs. Même si l’autorité monétaire ne précise pas sur quels titres elle intervient, dès lundi les taux à dix ans de l’Italie et de l’Espagne se sont fortement détendus, repassant sous les 6 % et tutoyant même les 5 % mardi matin.

Mais en agissant ainsi la BCE risque de déséquilibrer son bilan craignent certains. Voir, à son tour, de devenir une  » bad bank « , une institution financière gorgée d’actifs pourris comme il en a été créé au lendemain de la crise des subprimes. Les pays dont elle avait racheté les titres jusqu’ici – Grèce, Irlande, Portugal… – sont sous assistance financière de l’Europe. Depuis le début du programme, la BCE a déjà racheté un peu plus de 70 milliards d’euros d’obligations publiques.

Dans ce contexte, que se passerait-il si un Etat faisait défaut ?  » S’il y avait un trou dans le bilan de la BCE, les Etats restants paieraient la note, essentiellement la France et l’Allemagne « , ce qui poserait un problème politique, souligne Gilles Moëc, économiste à la Deutsche Bank. Fin 2010, le capital de la BCE avait déjà été renfloué, notamment pour financer ses multiples rachats d’obligations.

Autre point sensible : l’indépendance de l’institution.  » Il pourrait y avoir, à terme, une contradiction entre le rôle monétaire de la BCE et son rôle d’investisseur « , note M. Moëc. L’institution de Francfort prendrait-elle les mêmes décisions de politique monétaire si celles-ci venaient à pénaliser un Etat dont elle détient une grande partie de la dette ? Lors de sa mise en place en 2010, le programme de rachat d’emprunts d’Etat, appelé SMP (Securities Market Programme), avait provoqué des tensions au sein du conseil des gouverneurs.

Ne pas étendre ce dispositif

La BCE s’est toutefois assurée que les pays concernés avaient pris les mesures nécessaires pour redresser l’état de leur finance.  » Ce que nous attendons, a déclaré le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, mardi sur Europe 1, c’est que les gouvernements fassent ce que nous considérons être leur travail. « 

Pour l’institution de Francfort et son président, il n’est cependant pas question d’étendre ce dispositif à l’infini, même si, techniquement, il n’y aurait aucune limite. La BCE n’a en effet qu’un seul objectif : que le Fonds européen de stabilité financière (FESF), doté pour l’instant d’une capacité financière de 440 milliards d’euros, prenne le relais le plus rapidement possible.

Le principe d’un fonds de soutien avait été décidé au plus fort de la crise grecque en 2010. Lors de l’adoption du nouveau plan d’aide à la Grèce le 21 juillet, ses prérogatives ont été élargies au rachat de dette sur le marché secondaire. Mais son activation dépend du vote des Parlements nationaux, qui n’auront pas lieu, pour la plupart, avant septembre.

Cécile de Corbière

 

Pékin n’est pas en position de faire pression sur Washington

Au lendemain de la dégradation de la note américaine, la diatribe lancée par la Chine sur la politique économique des Etats-Unis pourrait se retourner contre elle. En pointant du doigt les problèmes américains, les dirigeants chinois comptaient sans doute faire diversion après la catastrophe du 23 juillet, quand deux trains à grande vitesse étaient entrés en collision. Mais ils risquent d’en payer le prix sous forme de pressions accrues de la part des Etats-Unis sur des dossiers comme la monnaie et le commerce bilatéral.

Xinhua (Chine nouvelle), l’agence de presse considérée comme le porte-parole du Parti communiste chinois, a formulé deux exigences après que Standard & Poor’s eut privé les Etats-Unis de leur AAA. Elle a réclamé un contrôle international de la dette américaine et des garanties pour la Chine sur son exposition à ces emprunts ; on est là en terrain familier. Mais la deuxième demande – une réduction des dépenses militaires des Etats-Unis pour réduire leur déficit budgétaire – est nouvelle. Elle traduit les inquiétudes de Pékin, suscitées par les récentes manoeuvres militaires américaines en mer de Chine méridionale et de nouvelles ventes d’armes à Taïwan.

A l’évidence, la Chine a de bonnes raisons pour prendre de haut les Etats-Unis. Elle a beau laisser sa devise, le yuan, s’apprécier, certes lentement, face au billet vert, elle trouve quelques avantages au dollar faible, même si le ralentissement de la demande américaine finira par affecter ses exportations. Sa politique de change rigoureuse explique la hausse de 20 % du déséquilibre commercial avec les Etats-Unis, à 273 milliards de dollars (192 milliards d’euros) en 2010. Alors que la reprise de l’économie mondiale est plus que jamais douteuse, Pékin sera plus enclin à contrôler sa monnaie pour soutenir ses exportations.

Gare à la réaction

Mais ses mises en garde tombent à plat. La Chine est en effet le principal détenteur étranger de bons du Trésor américain, et elle n’a pas d’autre solution que… de continuer à en acheter. Car il n’existe aucun autre marché assez important pour y investir la majorité de ses 3 200 milliards de dollars de réserves.

Les autorités chinoises espéreront, en vain, que Washington leur prêtera une oreille attentive sur la question des dépenses militaires. Mais la prétention des médias chinois à dicter aux Etats-Unis la conduite de leur politique militaire apporteront de l’eau au moulin des parlementaires américains qui voudraient présenter la Chine comme une menace pour l’Amérique. En réaction, les législateurs pourraient proposer des sanctions commerciales et intensifier leurs critiques à l’encontre de la  » rigidité  » du yuan. Les enjeux sont tels pour la Chine qu’elle a intérêt à peser ses mots.

Wei Gu

daté du 10 août 2011

La crise de la dette américaine exacerbe les tensions politiques

La crise de la dette publique américaine a été traitée en France comme un blocage politique provoqué par des républicains radicaux et faisant obstacle à une solution technique simple. Si le blocage est réel, la solution n’est pas simple ; et le blocage n’est pas de ceux qui pourront se résoudre rapidement.

La situation de la dette publique américaine est beaucoup plus sérieuse que celle des grands pays européens : le déficit reste considérable cette année, à près de 9 % du produit national brut (PNB), soit près d’un tiers des dépenses fédérales. Si l’on ajoute à la dette fédérale les dettes des Etats et des collectivités locales (comme on le fait en Europe dans la dette au sens du traité de Maastricht), on dépasse désormais largement les 100 % du PNB, avec une tendance rapidement croissante.

Mais il y a plus grave : la structure de la dette et le niveau actuel des taux d’intérêt masquent des coûts qui risquent d’exploser. Les taux d’intérêt sur la dette publique américaine sont les plus bas jamais enregistrés pour aucun emprunteur à aucun moment de l’histoire : jamais les taux à court terme n’étaient descendus en dessous de 1 %, ce qui est le cas constamment depuis trois ans, et ce jusqu’à des maturités proches de cinq ans.

La maturité moyenne de la dette américaine étant courte – environ cinq ans en théorie, quatre si l’on considère la dette à long terme rachetée par la Banque centrale des Etats-Unis (Fed) dans le cadre du programme  » Quantitative Easing 2  » ou  » QE2  » – second plan monétaire de relance, de 600 milliards de dollars (413 milliards d’euros) – -, le budget profite pleinement désormais d’une dette presque gratuite. Le revers de la chose est que le service des intérêts explosera dès que les taux remonteront, ce qui affecterait significativement le budget.

La brièveté de la maturité de la dette présente un autre inconvénient majeur : il met les Etats-Unis à la merci d’une crise de confiance. En cas de blocage du débat budgétaire ou plus largement de crise politique, qu’elle soit interne ou internationale, la simple absence de renouvellement des bons du Trésor peut conduire à une crise de trésorerie.

Cette situation peut en particulier se présenter si la Fed continuait de racheter massivement de la dette publique au-delà de ce que la situation économique requiert, et donc était soupçonnée de monétiser volontairement la dette.

Les anticipations d’inflation (actuellement minimes, en tout cas telles que mesurées par les obligations indexées qui les évaluent à 2,2 % par an pour les dix prochaines années) et les anticipations de dépréciation du dollar pourraient alors augmenter brutalement, et les créanciers (spécialement étrangers) refuser de renouveler les bons du Trésor, sauf à des taux prohibitifs.

Les rentiers américains auraient alors sans doute le choix entre une taxe inflationniste et une augmentation des impôts. Cette situation a été connue dans beaucoup de pays très endettés au lendemain des deux guerres mondiales, et ces expériences montrent qu’il est difficile de stabiliser une situation d’emballement inflationniste dans des situations de conflit politique interne aigu.

Or les tensions politiques exacerbées par le Tea Party sont susceptibles de durer, car elles ont des racines profondes et pas de solution simple. Selon nombre d’analystes, la division politique des Etats-Unis n’a pas été si forte depuis la fin de la guerre de Sécession, en 1865. Celle-ci, qui commençait voici juste cent cinquante ans, opposait deux sociétés qui avaient peu à peu divergé. L’esclavage constituait évidemment le principal motif du conflit, mais il n’était qu’un révélateur.

Au Nord, une alliance entre industriels et fermiers individuels reposait sur des hauts salaires permis par l’investissement industriel, l’éducation de masse et la distribution des terres  » vierges  » de l’Ouest aux pionniers. L’industrialisation s’appuyait sur le progrès technique, les ressources naturelles et le protectionnisme.

Au Sud, une société dominée par des aristocrates esclavagistes refusait l’éducation et le soutien à l’industrialisation au profit d’une agriculture dont la profitabilité dépendait de l’esclavage et du libre-échange.

Aujourd’hui, les fronts ont changé : les élites culturelles des côtes Atlantique et Pacifique (ainsi que des grands lacs), mondialisées, innovantes et postindustrielles, s’opposent aux classes moyennes du centre et du sud du pays. Celles-ci sont bloquées dans des spécialisations obsolètes ou une agriculture dont le modèle intensif s’épuise ; leur insularité culturelle et une vague de renouveau évangélique conservateur les conduisent à se rebeller contre la mondialisation et contre l’Etat fédéral.

Cette tension est plus profonde qu’en Europe, et ses effets sont accrus par son caractère fortement régionalisé, qui peut conduire à de vrais blocages au Congrès.

Ces vraies difficultés financières comme ces tensions politiques justifient sans doute la dégradation de la note des Etats-Unis par Standard & Poor’s, dont on peut espérer qu’elle conduise à un sursaut. Les solutions sont connues (restriction de dépenses de santé exagérées et inefficaces ainsi que des programmes militaires, et taxation accrue des hauts revenus actuellement sous-imposés). Mais les lobbies les plus puissants s’y opposent pour l’instant avec succès.

On espère qu’ils comprendront que, avant même la répartition des coûts, le maintien de la stabilité économique et politique des Etats-Unis est leur premier intérêt.

Pierre-Cyrille Hautcoeur

Directeur d’études à l’EHESS et professeur à l’Ecole d’économie de Paris

 

Retour sur image : la première crise de la dette américaine

CAMBRIDGE – L’Occident n’arrive pas à se dépêtrer de la crise de la dette. Ainsi que tout le monde le sait, les USA ont été proches de la faillite le 2 août et l’agence de notation Standard & Poor leur a retiré leur note AAA le 5 août. En Europe, le gouverneur sortant de la Banque centrale européenne préconise une autorité budgétaire européenne davantage centralisée pour faire face à un défaut possible de la Grèce, du Portugal ou de l’Espagne.

L’Europe et l’Amérique pourraient tirer profit d’un épisode oublié de l’Histoire américaine, car dans le brouillard de vénération patriotique des pères fondateurs de l’Amérique, on oublie qu’ils ont créé un pays neuf pendant une épouvantable crise de la dette – et en grande partie à cause d’elle. Espérons que nous réussirons nous aussi à transformer les crises d’aujourd’hui en un moment de créativité politique.

Après avoir arraché leur indépendance à la Grande-Bretagne en 1783, les Etats américains ont refusé de rembourser leurs dettes de la guerre d’indépendance. Certains ne le pouvaient pas, d’autres s’y refusaient tout bonnement. Le pays dans son ensemble fonctionnait comme une vague confédération qui, à l’image de l’Union européenne aujourd’hui, manquait d’une autorité fiscale ainsi que d’une autorité suffisamment centralisée. Il ne pouvait résoudre ses problèmes financiers, essentiellement des défauts récurrents, ce qui a finalement catalysé la Convention de Philadelphie, un événement fondateur des USA.

Ce fut alors, en 1790-1791, qu’Alexander Hamilton, le premier secrétaire au Trésor américain, a résolu la crise dans ce qui est l’un des succès historiques de la construction d’une nation. Il a réussi à utiliser le naufrage financier des années 1780 pour lancer le pays sur la voie de la prospérité et de la cohérence politique dans les années 1790.

Pour comprendre le succès d’Hamilton – et pour en tirer la leçon, il faut avoir une idée de l’étendue de la crise de la dette issue de la guerre d’indépendance. Certains Etats n’avaient pas les moyens de rembourser, tandis que d’autres le voulaient bien, mais se refusaient à lever des impôts pour cela. Certains Etats comme le Massachusetts ont bien tenté de créer une taxe, mais les citoyens refusèrent de la payer.

Les percepteurs ont été attaqués. Des paysans endettés ont bloqué physiquement l’organisation du prélèvement fiscal, ce fut notamment le case avec la révolte de Shay dans le Massachusetts.

Même le système de remboursement de dettes par l’intermédiaire des tribunaux ne fonctionnait pas. James Madison qui allait devenir l’un des principaux artisans de la Constitution des USA ne pouvait emprunter pour acheter des terres en Virginie parce que les prêteurs craignaient que les tribunaux de cet Etat ne puissent imposer le remboursement. Georges Washington se plaignait de ce que l’Amérique n’était pas un « pays respectable ». Il trouvait la révolte de Shay si préoccupante que bien que s’étant éloigné une première fois de la vie politique, il est revenu présider la Convention de 1787.

Aujourd’hui la Constitution des USA est surtout connue pour la répartition des pouvoirs entre le président et le Congrès et la garantie des libertés individuels prévue par ses dix premiers amendements. Mais à cette époque sa fonction principale était de garantir un mécanisme de remboursement des dettes par le gouvernement. Elle allait instituer un nouveau gouvernement national qui pourrait frapper une monnaie stable, emprunter et rembourser les dettes, dont celles datant de la guerre d’indépendance de certains Etats.

Une fois la Constitution ratifiée en 1789, Washington est devenu président et a nommé Hamilton, alors âgé d’une trentaine d’année, à la tête du Trésor. Ce dernier n’était guère versé en matière de finance. Il avait été chef d’état major de Washington durant la guerre d’indépendance et il apprenait rapidement : quand il lui a fallu connaître les tactiques du champ de bataille, il s’est plongé dans des manuels militaires ; quand l’heure est venue pour lui de devenir un responsable politique apte à traiter des questions financières, il s’est plongé dans des manuels de finance.

Ce n’est pas un hasard si ce sont deux militaires, Washington et Hamilton, qui ont joué un rôle clé pour faire des USA une « nation respectable » financièrement parlant. Ils pensaient que seule une politique budgétaire saine permettrait aux USA d’acquérir la capacité militaire voulue pour se défendre contre les puissances européennes qui risquaient selon eux de revenir sur le sol américain.

Mais il ne leur a pas été facile d’obtenir les dollars nécessaires au remboursement de la dette. Il n’était pas question d’une restructuration ou de fonds gouvernementaux dans lesquels puiser. Hamilton savait qu’un impôt mal conçu affaiblirait une économie fragilisée. Aussi il a voulu taxer les importations et les biens non essentiels comme le whisky.

Il lui fallait l’approbation du Congrès pour que le gouvernement fédéral prenne en charge la dette des différents Etats. Or son feu vert semblait initialement difficile à obtenir. Certains Etats comme la Virginie avaient déjà remboursé une grande partie de leur dette et d’autres constataient que leur dette était devenue l’objet d’un jeu financier pour les spéculateurs de New-York. Aussi beaucoup d’Etats craignaient que si l’Etat fédéral prenait en charge leur dette, leurs impôts ne tombent dans les poches des spéculateurs nordistes ou ne servent à alléger la dette de gros emprunteurs comme le Massachusetts.

La Virginie et quelques autres Etats sudistes dont la dette était faible ou qui l’avaient déjà remboursé ont voté contre le premier projet de loi d’Hamilton destiné à faire prendre en charge la dette des Etats par le gouvernement fédéral et ils l’ont bloqué. On s’attendait à ce qu’ils se montrent intransigeants – ce qui aurait pu signifier la mort de la jeune nation.

Jefferson et Madison, les dirigeants sudistes, s’opposaient au plan d’Hamilton et Madison devait jouer un rôle clé pour le bloquer au Congrès. Mais les trois hommes se sont alors réunis au cours d’un repas et ont trouvé un accord. Jefferson et Madison ne voulaient pas que la capitale fédérale soit dans le nord et Hamilton a accepté à contre-cour de l’installer sur un terrain qui serait cédé par la Virginie ou le Maryland. Jefferson et Madison se sont engagés de leur coté à réunir les votes nécessaires pour approuver la prise en charge des dettes des différents Etats par le gouvernement fédéral.

Ce grand compromis a permis l’émergence d’un Etat responsable sur le plan budgétaire. Malgré son énorme coût (plus de la moitié des dépenses du nouveau gouvernement dans les premières années a été consacrée au service de la dette), l’économie a réussi à s’extraire de la dépression des années 1780 et à entamer une période de croissance faste.

La tâche d’Hamilton a été à la fois plus facile et plus difficile que la notre aujourd’hui. Elle était plus facile parce qu’il n’avait pas véritablement de choix : pas de taux d’imposition à ajuster ou de restructuration envisageable. Mais elle était plus difficile parce qu’il n’y avait guère de raison de faire confiance aux USA qui étaient alors une entité inconnue qui n’apparaissait pas encore comme une nation.

Maintenant la situation est à l’inverse de celle des années 1780 et 1790. Il est difficile aujourd’hui pour l’Amérique de s’imaginer en faillite (et jusqu’à il y a peu il en était de même pour le reste du monde) parce que depuis les années 1790 il n’y avait plus de motif sérieux de l’envisager.

Les Américains savent aujourd’hui ce qu’il faut faire : restructurer la dette et augmenter les impôts. Les Européens eux aussi savent qu’il leur faut rechercher un nouvel équilibre. Mais en attendant que l’Europe et les USA trouvent les dirigeants qui aient l’autorité et la volonté nécessaires pour parvenir à une version moderne de l’accord auquel sont parvenus Hamilton, Jefferson et Madison il y a 200 ans, la crise de la dette continuera à affaiblir leurs fondations.

Mark Roe est professeur à la faculté de droit de Harvard.

Copyright: Project Syndicate, 2011.
www.project-syndicate.org
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

JEUDI 11 AOUT

La folle rumeur qui a fait chuter le cours de la Société générale

LEMONDE.FR | 10.08.11 | 21h13   •  Mis à jour le 10.08.11 | 22h27

Signe de la fébrilité qui s’empare des investisseurs, une série de rumeurs sur les valeurs bancaires et la note de la France – pourtant démenties – ont hanté les salles de marchés, mercredi 10 août, précipitant la chute des Bourses européennes.

A la clôture de la séance, les pertes du secteur bancaire de la place parisienne, particulièrement attaqué, étaient considérables. Les banques françaises, comme BNP Paribas et le Crédit agricole, ont perdu entre 9 % et 12 %. Mais c’est la Société générale, particulièrement exposée à la dette grecque, qui était la cible privilégiée des spéculateurs. Après avoir perdu jusqu’à 22,5 % en séance, le titre de la banque a fini en recul de 14,74 % à 22,18 euros, dans un marché en baisse de 5,45 %.

En quelques minutes, la chute vertigineuse du titre de la banque affole médias et investisseurs. Le Wall Street Journal se fend d’un article sur son édition en ligne, et sur son compte Twitter, le Guardian redoute même un scénario à la Lehman Brothers :

Le tweet du Guardian.DR

LA RUMEUR

Certes, le titre de la Société générale est en chute libre depuis fin juillet. En l’espace de deux semaines et demie, il a perdu 45 %, et le 3 août, la banque a annoncé un bénéfice net en baisse de 31 %. Mais en ce mercredi 10 août, c’est une simple rumeur qui a failli porter le coup de grâce à la deuxième banque française par la capitalisation boursière (derrière la BNP).

La banque a même dû sortir de son silence, par le biais d’un communiqué, pour « démentir catégoriquement toutes les rumeurs de marché », selon lesquelles le groupe était proche d’une faillite ou avait besoin d’un plan d’aide.

Selon un trader parisien, tout est parti d’un article du Daily Mail daté du dimanche 7 août. Le journal britannique a semblé confirmer cette hypothèse en présentant mercredi des excuses « sans réserve » à la banque française. Le quotidien reconnaît qu’un de ses articles assurant que la banque était « au bord du désastre » est sans fondement.

« REGRETTABLE INCIDENT »

Dans cet article, « il était mentionné que, selon les sources du Mail on Sunday, la Société générale, l’une des banques les plus importantes en Europe, se trouvait dans un état ‘périlleux‘ et potentiellement ‘au bord du désastre‘ », rappelle le tabloïd sur son site Internet.

« Nous reconnaissons aujourd’hui que cela n’est pas vrai et nous présentons, sans réserve, nos excuses à la Société générale pour les désagréments que cela a causé », ajoute le texte.

LES TROIS RUMEURS DU JOUR

La Société générale a pris acte des excuses du journal, estimant dans un communiqué que leur publication mettait « un terme à ce regrettable incident ». La banque a néanmoins formulé une demande d’enquête auprès du gendarme de la Bourse, une procédure classique dans le cadre de mouvements de cours anormaux, importants et nourris par des rumeurs.

Interrogé par l’agence Reuters, Alban Tourrade, gérant chez Aviva Investors, résume la journée de mercredi : « Il y a trois rumeurs aujourd’hui, dont deux ont été démenties : il y a tout d’abord la dégradation de la note souveraine de la France, démentie par les trois agences. Deuxièmement, le plan d’aide à la Grèce pourrait être étendu aux obligations à échéance 2024, ce qui alourdirait les pertes des banques françaises et de la Société générale en particulier (…Smilie: ;) Enfin, et c’est la pire de toute, il se préparerait un plan de sauvetage de la Société générale avec une nationalisation de la banque, une rumeur également démentie par la banque. »

Le Monde.fr

Crise: l’impromptu de l’Elysée

10 août 2011 | Par Martine Orange

L’impromptu de l’Elysée, censé rassurer population et marchés, aura eu l’effet inverse de celui recherché. Car dès la matinée, les questions se multipliaient sur cette réunion extraordinaire, décidée dans la précipitation. Qu’y avait-il donc de si urgent pour que Nicolas Sarkozy –qui n’avait pas estimé nécessaire d’interrompre ses vacances jusque-là malgré la crise aiguë des marchés financiers– rentre en vitesse à Paris et convoque les ministres des finances et du budget ainsi que le gouverneur de la Banque de France? Officiellement, peu de choses. Cette réunion s’est terminée par un vague communiqué annonçant la détermination du gouvernement à respecter ses engagements budgétaires et à réduire le déficit.
Tout cela pour ça? Personne n’y a cru. Cette communication minimale, accentuant l’opacité dans laquelle l’Elysée et le gouvernement gèrent la crise financière depuis des mois, les Français étant tenus pour quantité négligeable sur ces questions censées les dépasser, a relancé la machine à rumeurs dans des marchés boursiers déjà au bord de la crise de nerf. La panique et la spéculation ont pris les manettes. Paris a connu sa pire journée depuis 2008 avec une chute de 5,45%, tandis que Francfort chutait de 5,1% et Londres de 3,05%. Le krach rampant s’installe.

Réalité ou supposition? C’est un bruit tenace sur l’imminence d’une dégradation de la note française, aujourd’hui AAA, qui a nourri la spéculation. Cela fait plusieurs mois que la qualité de la signature française est mise en doute et l’agence de notation chinoise l’a déjà dégradée à AA-. Mais les doutes ont repris de plus belle depuis la dégradation des Etats-Unis. La France, en comparaison, n’est pas en meilleure position, compte tenu de la gestion calamiteuse des finances publiques depuis 2007.
Dans la journée, Bercy a fait un communiqué assurant que la note française était confirmée par les trois agences de notation Standard & Poor’s, Fitch et Moody’s. De leur côté, celles-ci ont confirmé maintenir leur appréciation sur la France. Mais le doute n’a pas été levé, pour autant. Il était déjà là avant même la dégradation de la note américaine.

cds sur dette française à cinq ans

Depuis une dizaine de jours, les credit default swap (les fameuses assurances opaques censées couvrir les risques des créanciers) de la note français ne cessent de monter. Mercredi soir, ils ont encore bondi de plus de 20 points pour terminer à 172 points. Un niveau jamais atteint sur la signature française.

Ce doute sur le crédit de la France a affolé les marchés et alimenté la spéculation à la baisse. Qu’adviendrait-il de la zone euro, si la France, après l’Espagne et l’Italie, était attaquée? C’est tout le système financier international qui est sous la menace.

Par contrecoup, toutes les valeurs bancaires, en première ligne, se sont effondrées sur toutes les places boursières, y compris à Wall Street. Mais c’est à Paris et à Milan que la chute a été la plus rude. La banque italienne Intesa a dû être suspendue après avoir perdu plus de 15%. BNP Paribas a chuté de 9,47%, le Crédit agricole de 11,81%. Des chiffres comparables à ceux du lendemain de l’écroulement de Lehman Brothers.

Chantage sur l’Europe

Mais c’est la Société générale, maillon faible du monde bancaire français car la plus petite mais aussi la plus présente sur les activités spéculatives, qui a été la plus malmenée. Après avoir perdu jusqu’à 23% en séance, elle a terminé à 14,74%. Selon des rumeurs insistantes, elle serait en grande difficulté. Et c’est cela qui aurait provoqué la réunion en urgence à l’Elysée. Ce bruit circule depuis la parution d’un article dans le Daily on Sunday de dimanche dernier, qui mentionnait les difficultés de la banque, en raison de son exposition à la dette grecque et des autres dettes souveraines. La Société générale a démenti la teneur de l’article. Comme elle a démenti ce mercredi la moindre difficulté, rappelant qu’elle avait réalisé plus d’un milliard de bénéfices au premier semestre. Mais le soupçon n’a pas été dissipé. Sur le marché des CDS, la dette de la Société générale a pris 29 points dans la journée pour atteindre 299 points. Même si les autorités bancaires françaises assurent qu’il n’y a aucun problème sur la Société générale, ce n’est pas le signe d’une grande confiance en cette banque, première au monde sur les marchés des dérivés d’actions.

De toute façon, la confiance est en train de s’envoler sur l’ensemble du secteur. Significativement, les banques, qui savent mieux que tout autre, ce qu’elles ont dans leurs livres et ce qui se passe chez les autres, veulent de moins en moins se faire crédit. Cela prouve une nouvelle fois combien le problème bancaire n’a pas été traité à temps. Le marché interbancaire n’en est pas au point de l’automne 2008, mais il se tarit à vue d’œil. Un membre de la BCE s’est même inquiété de l’augmentation du nombre de dépôts faits par les banques auprès de la banque centrale en quelques semaines. Ceux-ci représentent plus de 135 milliards d’euros. Plutôt que de le prêter à d’autres établissements, les banques préfèrent mettre leur argent en sûreté à la banque centrale à un taux quasi nul (0,5%).

Si l’inquiétude des milieux financiers est réelle, elle n’est pas dénuée de calculs. La panique est pour eux une excellente méthode pour arracher tout ce qu’ils veulent aux politiques. Comment résister quand on vous menace de la fin du monde? Dans le cas présent, le but recherché par le monde financier est précis: ils veulent faire pression sur l’Europe pour obtenir une révision de ce qui a été négocié lors du sommet européen du 21 juillet. Les conclusions de ce sommet ne satisfont pas les financiers. D’abord, ils ne veulent pas être associés aux pertes sur les dettes souveraines, comme il a été prévu. Ils commencent à faire la démonstration de ce qu’on veut leur imposer, en mettant sous le nez des gouvernements des prévisions catastrophiques qui pourraient conduire à l’écroulement d’une ou plusieurs banques.

Ensuite, ils veulent obtenir une augmentation du fonds de stabilité financière pour le porter de 440 à au moins de 2.000 milliards d’euros afin que celui-ci puisse leur racheter leurs dettes et porter les risques à leur place. L’ennui est que l’Allemagne, soutenue par les Pays-Bas et la Finlande, met un veto absolu à toute augmentation. Mais les marchés financiers ne désespèrent pas que la panique, surtout si l’on s’attaque à la France, finira par être bonne conseillère et que l’Allemagne entendra raison.

Enfin, ils exigent une gouvernance, selon leurs termes, identique de l’Europe. La lettre de la BCE, s’érigeant en autorité politique supranationale, au gouvernement italien en a donné les termes: austérité sur toute la société, coupes sombres dans toutes les dépenses publiques, privatisation par pans entiers des biens publics, flexibilité sans limites du marché du travail. Toutes les richesses du pays doivent être mobilisées au seul profit du secteur financier.

Le communiqué de l’Elysée, après la réunion de travail, ne dit rien de tout cela. Il rappelle juste son attachement à la “règle d’or” et à la stricte réduction des déficits. Mais entre les lignes, on a déjà compris: le gouvernement français est prêt à accepter toutes les conditions posées par le monde financier. Il a déjà capitulé.

 

 

La crise financière – ENTRETIEN – La Fed prête à voler encore au secours des Etats-Unis

Jacques Attali : « La France est explicitement désignée pour perdre son AAA »

Article paru dans l’édition du 11.08.11

L’économiste et essayiste estime que les Etats se comportent comme l’escroc Bernard Madoff

rise de surendettement en zone euro, dégradation de la note américaine par l’agence Standard & Poor’s (S & P), craintes pour la reprise mondiale : les investisseurs déboussolés font vaciller les marchés depuis une quinzaine de jours. L’action de la Réserve fédérale américaine (Fed) a fait revenir un semblant de calme. Mais pour l’économiste Jacques Attali, auteur de Tous ruinés dans dix ans (Fayard, 2010), l’Europe doit aussi agir et adopter plus de fédéralisme pour sortir du marasme.

La nervosité des marchés est-elle justifiée ?

L’amplitude des mouvements boursiers est exagérée, mais i l y a des raisons fondamentales à cette baisse : la crise n’est absolument pas réglée. Ni celle de la dette publique et privée aux Etats-Unis ni celle de sa gouvernance, pas plus que la crise des dettes publiques et privées et de la gouvernance en Europe. Le système est surendetté et les marchés savent qu’un jour il faudra bien payer. Qui réglera la facture ? Ce sera vraisemblablement les prêteurs, en perdant une partie de la valeur de leurs actifs au profit des débiteurs dont la dette sera nécessairement rééchelonnée.

Que voulez-vous dire ?

Des moratoires sur les dettes privées ont déjà commencé en Espagne et aux Etats-Unis pour les créances immobilières. Ils se poursuivront, notamment aux Etats-Unis, pour tout un ensemble d’autres créances. Les banques en souffriront.

En ce qui concerne les dettes publiques, internes et externes, il en ira de même. Aux Etats-Unis, il n’y a aucun risque de faillite – grâce à la planche à billets -, mais il existe un risque d’inflation et il reste une incapacité à gouverner. L’accord [obtenu le 31 juillet pour relever le plafond de la dette] n’est pas une solution durable : dans seize mois au plus, il faudra tout recommencer. Tout se passe comme dans une réunion d’alcooliques anonymes qui décident de ne plus boire et se disent : « Buvons un dernier verre pour fêter notre accord !

Quant à l’Europe, l’accord du 21 juillet a jeté les bases d’un plan et la création d’un Fonds de stabilisation financière [FESF]. Mais il faut attendre fin septembre pour que les parlements se réunissent et votent pour que cela soit opérationnel. Or, les marchés vont très vite. Les politiques qui ne prennent pas les devants sont condamnés à perdre. On ne construit pas une barrière contre les envahisseurs quand ils ont déjà franchi la frontière.

Vous expliquiez que les Etats se sont comportés comme l’escroc américain Bernard Madoff…

Le maître à penser des Etats n’est ni Keynes ni Schumpeter, c’est Madoff et sa capacité à construire des pyramides de dettes. Les dettes ne sont pas mauvaises en soi, surtout quand elles servent à investir. Mais lorsque la dette publique dépasse 50 % à 60 % du produit intérieur brut [PIB] et n’est pas génératrice de croissance, elle devient un cercle vicieux. Or, depuis 2008, la seule réaction de l’Occident face à la crise n’a pas été d’apporter des réponses structurelles mais d’augmenter les dettes publiques de 30 % du PIB.

Ces dettes ont justement été rendues nécessaires par la crise…

On ne sauve pas l’économie en reportant le problème. C’est dire : « Encore un instant M. le Bourreau. » La seule chose qui aurait pu résoudre le problème de la dette, l’histoire économique nous l’a appris, c’est ou la guerre, ou l’inflation, ou la croissance. Les deux premières solutions ne sont pas souhaitables. Il faut donc tout faire pour rétablir les conditions de la croissance et, en attendant, réduire la dette.

Le problème est donc davantage lié à la croissance ?

Oui. Et cela passe par l’éducation, les grands projets… C’est aussi crucial aux Etats-Unis qu’en Europe. Il faut recréer l’économie de la connaissance. En Europe, cela passe par un grand emprunt.

Un grand emprunt européen pour régler le problème des dettes ?

L’Europe en tant qu’Union n’a pas de dettes. Un grand emprunt mutualisera l’endettement et permettra d’investir.

L’inflation peut-elle aussi aider à éponger les dettes ?

L’inflation, si elle est faible, n’est pas l’ennemi absolu. Mais dans un contexte de globalisation très forte, de chômage et de concurrence accrue, une inflation par les salaires n’est pas possible.

Quelles conséquences le surendettement des Etats a-t-il sur les ménages ?

Lorsqu’il y a surendettement des Etats, les ménages s’attendent à des hausses d’impôts et consomment moins. Ils vont aussi se rendre compte que la réduction de l’endettement fera payer ceux qui ont prêté. C’est-à-dire les très riches, mais aussi tous ceux qui ont une épargne comme des produits d’assurance-vie. In fine, il y aura une baisse de la valeur des patrimoines.

La France peut-elle perdre son AAA ?

Oui. S & P a glissé dans son rapport sur les Etats-Unis une phrase passée inaperçue : un seul pays noté AAA aura en 2015 une dette égale à celle des Etats-Unis en ratio ; c’est la France. Contrairement à ce que tout le monde dit, nous sommes explicitement désignés ! Il faut donc à tout prix faire redescendre la dette sous 85 % du PIB fin 2013, puis revenir à 70 % dans la décennie. Ce n’est pas gagné.

Une vraie inflexion budgétaire est nécessaire, ainsi qu’une vraie « règle d’or » (pas celle qu’on nous propose) : une règle stricte mais assez flexible, qui force chaque Parlement à ne pas augmenter la dette à la fin d’un quinquennat et oblige la dette publique à ne pas dépasser cinq à six années de recettes fiscales, contre sept aujourd’hui.

A court terme, comment sortir du marasme ?

Il n’y a pas de solution saine à court terme. Aux Etats-Unis, il faut mettre en place une vraie réforme de la gouvernance pour éviter les blocages politiques.

En Europe, j’enrage de voir que la solution qui s’impose – plus de fédéralisme budgétaire – n’a pas été décidée. Le risque n’est pas de voir la Grèce sortir de la zone euro par le bas, mais de voir l’Allemagne sortir par le haut. Pour l’éviter, il faut créer les conditions d’un vrai fédéralisme. Il appartient à la France de convaincre l’Allemagne qu’elle a tout à y gagner.

Les pays émergents peuvent-ils sauver la planète ?

Une réévaluation de la monnaie chinoise fait partie de la solution. Mais la part des pays en développement dans l’économie planétaire est encore trop faible pour être une locomotive mondiale.

Propos recueillis par Claire Gatinois

Le Japon, pays le plus endetté du monde, parvient à gérer la situation grâce à l’énorme épargne de la population

| 10.08.11 | 16h03  •  Mis à jour le 10.08.11 | 17h26

Alors que les dettes américaine et européenne contribuent à l’effondrement des marchés financiers, celle du Japon continue de grossir sans susciter de mouvement de panique. C’est pourtant la plus grosse du monde, puisqu’elle représente 200 % du produit intérieur brut (PIB) et pourrait atteindre 892 000 milliards de yens (8 100 milliards d’euros) à la fin de l’exercice en cours.

Le coût de la reconstruction des dommages causés par la catastrophe du 11 mars contribue à sa hausse, même si le financement des deux premiers budgets qui lui sont consacrés, d’un total de 54 milliards d’euros, ne se fait pas par de nouvelle émission de bons mais par des prélèvements dans différentes réserves. Ces ressources ne sont pas inépuisables et les problèmes économiques causés par le séisme et le tsunami réduisent les rentrées fiscales.

En outre, le gouvernement reste englué dans de difficiles négociations avec l’opposition, majoritaire à la Chambre haute du Parlement, sur les textes permettant l’émission de bons nécessaires au financement de 40 % du budget de l’exercice 2011 qui a débuté le 1er avril. Dans ce contexte, les trois agences de notation Standard & Poor’s (S & P) Moody’s et Fitch ont abaissé en mai à « négatives » les perspectives sur les bons japonais. Ces bons sont évalués à Aa2 par Fitch et AA – par ses homologues.

La situation du Japon n’apparaît pas totalement négative et le pays a pour l’instant peu de chance de se retrouver dans la situation de la Grèce, avec une brusque hausse des taux d’intérêts des bons. Plus de 90 % de la dette est détenue par les investisseurs de l’Archipel, à commencer par les banques et la Japan Post, qui financent l’achat des bons avec l’importante épargne de la population – en lent déclin mais toujours à plus de 12 600 milliards d’euros, soit trois fois le PIB.

Réformer la fiscalité

Et puis le Japon reste l’un des principaux créanciers de la planète, notamment des Etats-Unis, avec des réserves de change de 1 151 milliards de dollars (806 milliards d’euros) fin juillet 2011.

En outre, si le gouvernement ne peut compter sur l’inflation, il a toujours la possibilité de réformer la fiscalité d’un pays où le poids de l’impôt ne dépasse pas 25,1 % du revenu national et où la taxe sur la consommation, dont la hausse est évoquée depuis plusieurs années, se situe à 5 %.

L’option fiscale, la plus souvent évoquée pour tenter d’améliorer la situation budgétaire japonaise, apparaît pourtant comme la plus difficile à mettre en oeuvre. Ainsi le gouvernement prévoit autour de 117 milliards d’euros de nouvelles dépenses pour la reconstruction. Leur financement fait l’objet d’âpres débats car, à la différence des deux premiers plans, il pourrait passer par un recours à la dette. Le projet évoque également « des augmentations d’impôts pour une période limitée » mais reste vague à ce sujet. De fait, la cote de popularité du gouvernement ne dépasse pas les 20 % et des élections législatives anticipées pourraient intervenir dans les mois qui viennent.

Philippe Mesmer

 

L’Italie va taxer davantage les revenus de la finance

Le ministre des Fiances Giulio Tremonti a dévoilé jeudi de nouvelles mesures envisagées pour redresser les finances publiques du pays.

L’Italie s’apprête à taxer davantage les « gains financiers ». Ces revenus (il n’a pas été précisé s’il s’agissait de plus-values ou de l’ensemble des revenus financiers), pourront être taxés jusqu’à 20 %, a annoncé jeudi 11 août Giulio Tremonti au cours de son audition au Parlement sur la crise. «A part les titres d’Etat, tous les titres financiers seraient taxés de 12,5% à 20%», a-t-il précisé.

La décision fait partie d’une série de mesures envisagées par le gouvernement pour tenter de redresser les finances publiques du pays, l’un des tout premiers visés dans la tourmente actuelle des marchés. L’Italie, a fait savoir le ministre des Finances italien, est prête à accéder aux demandes européennes en la matière. Cette semaine, les exigences de la BCE envers l’Italie, en échange d’un soutien de la zone euro, avaient fait polémique en Italie, certains membres de l’opposition à Silvio Berlusconi accusant le chef du gouvernement de livrer le pays à un diktat venant de l’étranger.

«Nous devrons réduire quasi de moitié le déficit que nous aurons cette année qui sera de 3,8/3,9%», a expliqué le ministre. M. Tremonti est certain que le gouvernement «interviendra sur la libéralisation de l’économie et la privatisation des sociétés municipales» (transport, électricité, déchets). Il a cité comme une idée possible pour «augmenter la productivité» le regroupement des fêtes religieuses sur le dimanche. Il a annoncé des coupes dans les aides sociales et retraites mais sans les détailler et a été tout aussi vague sur la réduction des coûts de la politique (salaires des députés, nombre de circonscriptions….). Le ministre a accepté l’idée d’une réforme du droit du travail pour «introduire davantage de flexibilité». Mais, sur la possibilité de licenciements assouplis, il a indiqué qu’«il n’est pas dit que le gouvernement fasse tout ce qui lui est suggéré». Le renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale est également prévu et, du côté des recettes, M. Tremonti n’a pas exclu «des contributions de solidarité». Ces hypothèses sur lesquelles travaille le gouvernement devraient être adoptées au plus tard le 18 août.

Les partenaires européens de l’Italie lui ont notamment demandé de libéraliser entièrement ses services publics locaux et d’effectuer des privatisations, et Rome est prête à agir en ce sens, a déclaré jeudi Giulio Tremonti devant le parlement. La Banque centrale européenne, elle, a en particulier souhaité également une plus grande flexibilité de code du travail, ainsi qu’une réforme du système des retraites avec une intervention sur l’âge des départs, a dévoilé le ministre.

Un peu partout dans la zone de la monnaie unique, les gouvernements s’apprêtent à serrer la vis à leurs dépenses et à mettre de l’ordre dans les budgets, afin, à moyen terme, d’améliorer leurs finances publiques et, dans l’immédiat, afin de tenter de briser rapidement la spirale de défiance qui s’installe sur les marchés et dans les esprits, face à un ralentissement économique mondial avéré, mais dont on ne mesure pas encore l’importance.

LES ECHOS

Tumulte, doutes et plongeon boursier : la France à son tour mise à l’épreuve des marchés

Mercredi, de fausses informations sur la note de la dette souveraine ont circulé sur les places financières. Le signe d’une instabilité qui perdure

Les démentis les plus formels, l’indignation de Bercy, la colère de l’Elysée… rien n’est parvenu à faire taire la folle rumeur. Les salles de marché de Paris, Londres et New York bruissaient, mercredi 10 août, de la perte du AAA de la France, la meilleure note possible accordée à un crédit souverain. Les agences Fitch, Moody’s et Standard & Poor’s (S & P), qui ont eu beau confirmer que le pays conservait son sésame pour emprunter à bon compte sur les marchés, les chaînes d’information financière anglo-saxonnes n’ont pu s’empêcher de relayer le bruit, même avec précaution.

 » Toute la journée, on n’a parlé que de la France et de la contagion de la crise des dettes souveraines européennes « , confirme Gregori Volokhine, président de la société de gestion Meeschaert à New York. Les opérateurs se rappellent soudain que S & P, dans son commentaire accompagnant la dégradation des Etats-Unis, affirme que la dette de la France atteindra 83 % du produit intérieur brut (PIB) en 2015, contre 79 % pour la dette de la première économie mondiale.

Après la Grèce, ce n’est donc plus l’Espagne ou l’Italie, mais bien la France qui est devenue la cible des marchés – et sans doute de quelques spéculateurs. Pour preuve, les CDS français (contrats d’assurance contre le risque de défaut d’un pays) ont progressé jusqu’à 174 points de base, mercredi. Cela signifierait que le pays a 14 % de chance de faire défaut dans les cinq ans à venir. Un seuil supérieur aux CDS de la Slovaquie, qui est pourtant moins bien notée, souligne René Defossez, stratège sur le marché de taux chez Natixis.  » C’est un peu étonnant « , note-t-il.  » C’est du délire, renchérit Christian Parisot, économiste chez Aurel BGC. Et surtout le signe que les investisseurs sont complètement perdus.  »

Peu importe, en effet, que l’information concernant la France soit inexacte : les investisseurs prennent prétexte de ces pressions s’exerçant sur Paris pour rappeler que l’accord du 21 juillet, scellé à Bruxelles entre chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro pour sauver la Grèce et éviter la contagion de la crise de la dette, n’a pas réglé les problèmes de l’union monétaire.  » C’est comme un cancer caché qui vient de l’Europe, refait surface et vient vous mordre à nouveau « , a commenté Jim Cramer, l’un des animateurs vedettes de la chaîne américaine CNBC, jamais avare de provocations.

Ce profond désarroi a contribué à faire replonger les Bourses de plus de 5 % en Europe (- 5,45 % à Paris) et d’à peine moins aux Etats-Unis, où l’indice Dow Jones de New York a reculé de 4,62 %. Les banques, en particulier françaises, ont encaissé les plus gros chocs, à l’image de Société générale (- 14,74 %) ou de BNP Paribas (- 9,47 %). Si la situation s’envenime, le secteur financier sera, de fait, en première ligne pour absorber les pertes.

Le calme semblait revenu jeudi matin : à l’ouverture, les marchés européens rebondissaient de 2 % à 3 %. Mais le répit sera peut-être de courte durée, car plus personne ne mise sur une remontée durable des indices boursiers. Depuis la fin juillet, les marchés ne font que s’enfoncer dans le rouge sans que s’esquisse le moindre  » rebond technique « . Une situation inédite.

Certains tentent une explication. Le mois d’août, disent-ils, est déserté par les opérateurs au profit de logiciels, des  » robots traders  » qui vendent quand le marché baisse et amplifient les mouvements. Autrement dit, il n’y aurait plus personne aux commandes. Mais tous reconnaissent que la débâcle des marchés n’est pas sans fondement, même si elle est exagérée.

Depuis deux semaines, les investisseurs passent d’un problème à l’autre. L’Europe occupe les esprits tandis que l’état de santé de l’économie américaine et le risque d’une rechute dans la récession restent présents. Bien que la Réserve fédérale ait promis, mardi, de maintenir les taux d’intérêt directeurs proches de 0 % pour soutenir l’économie et d’agir plus fermement pour relancer la machine si nécessaire, le marché ne croit plus à une reprise solide. De part et d’autre de l’Atlantique, les autorités politiques et monétaires ont, pensent les investisseurs, épuisé leurs cartouches. Les caisses sont vides, l’heure est à la rigueur. Le marché semble se faire brutalement à cette idée.

Claire Gatinois

daté du 12 août 2011

La France peut-elle encore échapper à un scénario grec ?

Les marchés ont raison de s’inquiéter de notre vertu

La machine infernale est en train de s’enclencher. Il est désormais possible que la France suive la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Italie et l’Espagne dans le club peu enviable des pays dont la dette publique est considérée comme toxique par les marchés financiers. Le scénario est bien rodé. La pression monte lentement mais inexorablement, la notation par les agences est abaissée, la panique s’installe et, au bout du chemin, il faut se résoudre à aller quémander de l’aide au FMI, aux partenaires européens et à la BCE, qui prennent le contrôle de la politique économique. La purge exigée en contrepartie des prêts est sévère. C’est le grand traumatisme national.

Ce processus est lent. Il a duré six mois pour la Grèce, l’Irlande et le Portugal. Il durera sans doute moins longtemps pour l’Italie et l’Espagne. Pour la France, le point de non-retour n’est pas encore franchi, mais les prémices sont là. Une fois le point de non-retour franchi, le gouvernement ne peut plus rien faire pour empêcher le rouleau compresseur d’avancer.

Les marchés sont-ils fous et méchants ? La réaction de la classe politique est toujours la même : dénégation des risques et propos vengeurs à l’égard des spéculateurs et autres financiers sataniques qui veulent faire fortune sur le dos de la mère patrie. Mais les marchés ne sont ni fous ni méchants. Ils détiennent une grosse part de la dette publique de la France, quelque 1 700 milliards d’euros, soit 85 % de notre PIB, et ils sont effrayés de perdre une partie de leurs patrimoines. La panique n’est pas bonne conseillère, mais elle est très humaine. Faut-il leur en vouloir, voire les cadenasser ? Il fallait y penser plus tôt, avant de leur demander de nous prêter ces sommes colossales. Nous avons eu besoin d’eux et nous en aurons encore besoin, quoi que nous fassions. Les insulter et les attaquer peuvent nous soulager, mais cela ne changera rien à la situation.

Car la France est impardonnable. Nos budgets ont été en déficit chaque année depuis 1974. En 2006, avant la crise, la dette publique représentait déjà 64 % du PIB. Tous les gouvernements qui se sont succédé depuis presque quarante ans ont superbement ignoré la notion de discipline budgétaire. Tous. Les déficits sont devenus une routine, une facilité pour dépenser plus que ce dont ils disposaient, et personne n’y a trouvé à redire. Ils sont tous coupables et nous, les électeurs, le sommes tout autant. Les marchés, par contre, n’y sont pour rien. La sagesse, dont nous allons avoir besoin dans les années qui viennent, doit commencer par un grand mea culpa national.

Au lieu de cela, nous allons assister à des accusations réciproques. La gauche va répéter que la dette a augmenté de 20 % du PIB depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir ? C’est exact, mais 2007 est aussi le début de la plus grave crise depuis les années 1930. S’il y a de bons déficits, ce sont ceux tolérés durant les années de crise, car ils servent à en atténuer la sévérité. On aurait pu se passer du Grand Emprunt. Comme toujours, les objectifs étaient nobles, mais ils auraient du être financés sans recours à l’emprunt. La droite va noter que la dette s’est accrue sous tous les gouvernements de gauche. Certes, il y a aussi eu de mauvaises passes sous les gouvernements de gauche, qui justifiaient elles aussi des déficits. Mais ces déficits auraient dû être temporaires, compensés par des surplus les bonnes années, ce qui ne s’est jamais produit. Nous ne gagnerons rien à ces récriminations, c’est toute la classe politique qui s’est fourvoyée.

Ces erreurs répétées ne sont pas l’apanage de la France. La plupart des démocraties les ont commises, à un moment ou à un autre. Avant la crise, en 2006, les dettes publiques des pays de l’OCDE s’élevaient déjà à 74 % de leurs PIB. Partout on retrouve le même mécanisme. Chacun veut recevoir la manne de l’Etat, et chacun s’imagine que ce sont les autres qui paieront les impôts, mais personne ne veut payer plus d’impôts. Pour être élus, ou réélus, les gouvernements payent sans lever les impôts correspondants. Toutes ces dépenses sont présentées comme indispensables : santé, défense, éducation, justice, culture, aides aux démunis, transports. Rien que des bonnes causes auxquelles il serait politiquement suicidaire de s’opposer. C’est ainsi qu’aujourd’hui l’Etat dépense la moitié du PIB de la France. C’est ce qu’on appelle vivre au-dessus de ses moyens, et ça ne peut que mal se finir. Nous y sommes.

Est-il trop tard ? Probablement, mais pas nécessairement. Car, contrairement à une opinion bien ancrée, les marchés financiers ne fonctionnent pas à courte vue. Ils ne pensent pas que les Etats sont en faillite irrémédiable, un pays ne peut pas être vraiment en faillite. Par contre, ils se demandent si les Etats rembourseront leurs dettes, pas cette année ni l’année prochaine, mais dans dix ou vingt ans. Ils sont prêts à attendre, mais ils veulent des preuves solides que les budgets seront en surplus dans les années qui viennent, lorsque tout ira mieux. Ce sont les gouvernements qui sont coupables de courte vue, eux qui font des déficits chaque année parce que chaque année est spéciale et qu’on verra plus tard pour les surplus.

La seule chance, et elle est maigre, qui reste à la France d’échapper au couperet est de s’engager sur la voie de la vertu budgétaire. L’Allemagne l’a fait il y a deux ans en inscrivant dans sa Constitution non seulement le principe que le budget doit être en équilibre, mais une date butoir (2016) et un mécanisme clair, net et précis pour s’en assurer. De manière à préserver de la souplesse et éviter que la politique budgétaire ne soit contractionniste dans les mauvaises années, le mécanisme allemand comporte un compte qui enregistre les déficits et les surplus. Lorsque le compte est déficitaire, le gouvernement est tenu de combler le trou en quelques années. Plus l’Etat accumule de surplus, plus il a de marge de manoeuvre pour les mauvaises années.

La commission Camdessus, dont j’ai fait partie, a été chargée l’an passé par le président de la République de proposer d’inscrire l’équilibre budgétaire dans la Constitution (la règle d’or). A la quasi-unanimité, elle a rejeté la règle allemande, parce que  » nous ne sommes pas des Allemands « , comme si la discipline budgétaire était une affaire de culture nationale.

Politiques et hauts fonctionnaires ont préféré une usine à gaz non contraignante, sans objectif précis, et sans date butoir. Apparemment, même cette règle flasque ne convient pas à la gauche, parce qu’elle veut avoir les mains libres si elle devait arriver au pouvoir en 2012. La droite n’est pas plus vertueuse. Visiblement, députés et sénateurs veulent aussi se garder d’être enfermés dans une règle vertueuse, sans doute parce que la vertu implique d’arrêter de se voter chaque année l’autorisation de distribuer des cadeaux impayés. Les marchés ont bien raison de s’inquiéter.

Charles Wyplosz , Professeur d’économie internationale au Graduate Institute de Genève

 

daté du 14 août 2011

2008, 2011 : ressemblances et dissemblances des crises

Si les tensions interbancaires sont bien moindres, les Etats ont aussi nettement moins de capacités pour intervenir

Des marchés boursiers au bord du krach, irrationnels, guidés par la peur et les rumeurs les plus insensées… Ces dernières semaines, à Paris, Londres et New York, les opérateurs ont eu un étrange sentiment de  » déjà-vu « . L’Europe et les Etats-Unis sont-ils en train de vivre une redite de la crise de 2008 ?

La tempête financière qui avait suivi la faillite de la banque d’affaires américaine Lehman Brothers reste dans les esprits. Mais si les similitudes sont troublantes, la situation et les réponses sont, de l’avis des experts, bien différentes.

Une perte de confiance Comme en 2008, les turbulences financières de cet été sont nées d’une certitude ébranlée. Il y a trois ans, personne n’imaginait qu’une banque puisse faire faillite. Mais à partir de l’été 2007, la dangerosité des crédits hypothécaires américains – les subprimes – nichés dans les bilans des établissements bancaires du monde entier, avait commencé à faire redouter le pire.

Aujourd’hui, les investisseurs se mettent à douter des Etats. Pas moins. Le surendettement des pays de la zone euro fait en effet craindre un défaut souverain. Cette peur auto-entretenue provoque de grands désordres sur le marché des emprunts publics. Les taux de ces dettes s’envolent et deviennent vite ingérables.

En Bourse, cet environnement anxiogène contribue, comme en 2008, à rendre inaudibles les bonnes nouvelles comme les démentis de fausses rumeurs. Depuis le 1er juillet, l’indice CAC 40 a cédé 19,8 %, malgré un gain de 4,02 % vendredi 12 août à la suite de la suspension temporaire de la vente à découvert (short selling) sur les valeurs financières en France, en Italie, en Espagne et en Belgique.

La grande peur des marchés se cristallise aussi sur la capacité des Etats-Unis à continuer à jouer leur rôle de leader mondial. Pourront-ils faire redémarrer leur économie comme les investisseurs l’espéraient ? La perte de leur note de crédit AAA par l’agence Standard & Poor’s, le 5 août, a créé un choc et amplifié les craintes, sans toutefois donner lieu à un séisme comparable à la chute de Lehman Brothers.

Un secteur bancaire dans la tourmenteActions qui plongent en Bourse, craintes de faillite… Les banques inquiètent à nouveau. Comme en 2008, les interrogations sur leur capacité à faire face à des chocs importants et à prendre en compte le risque réel se posent. La défiance s’installe et les établissements n’osent plus se prêter entre eux…

Aux yeux de la plupart des observateurs, ce schéma n’est pas sans rappeler la période  » post-Lehman « . A une nuance près : les subprimes d’alors ont désormais été  » remplacés  » par des crédits souverains européens qui ne revêtent pas la même toxicité.

En outre, les niveaux de tension observés sur le marché interbancaire – celui où les banques se prêtent entre elles – sont bien moindres. D’autant que la Banque centrale européenne (BCE) a lancé un programme de prêts illimités à l’attention des établissements bancaires qui rend quasiment impossible un blocage total.

Mais, tout comme en 2008, les marchés remettent en question la capitalisation des banques. Détiennent-elles assez de fonds propres pour faire face à d’importantes pertes ? Même si un vaste mouvement de recapitalisation a été lancé à travers l’Europe,  » les marchés n’ont pas l’air de le juger suffisant « , note Gilles Moëc, économiste chez Deutsche Bank. Notamment en France, et surtout dans le nouvel environnement réglementaire, plus exigeant en capital.

La question du surendettement Aujourd’hui comme hier, la dette est le problème numéro un. Mais en 2008, le surendettement minait la sphère privée. Les ménages, les entreprises, les fonds d’investissement et les banques d’affaires avaient usé et abusé du crédit pas cher. Les créances de faible qualité s’étaient ainsi développées et répandues dans tout le système financier international via le mécanisme de titrisation. Cette méthode permettait de transformer un crédit en un produit financier à l’exemple des subprimes. A l’origine, ces crédits immobiliers subprimes représentaient l’équivalent de 1 200 milliards de dollars (850 milliards d’euros), mais en fait bien plus par le biais de la titrisation.

Pour débarrasser le secteur privé de ses mauvaises dettes, on a alors surendetté… le secteur public.  » C’était la seule chose à faire mais on a déplacé le problème « , commente Jean-Paul Pollin, professeur à l’université d’Orléans.

A fin 2010, l’endettement public des pays développés représentait 92 % de leur produit intérieur brut (PIB), contre 78 % avant la crise, explique-t-il. Aujourd’hui il faut désendetter les Etats mais sans la croissance, l’équation est difficile à résoudre.

Des autorités réactives mais… Le 8 octobre 2008, après le choc de la faillite de Lehman Brothers, sept banques centrales dont la Réserve fédérale américaine (Fed) et la BCE s’étaient unies face à la crise, en réduisant de concert le coût de l’argent pour relancer la machine économique. Dans la foulée un G7 avait été organisé en urgence. Il fut suivi d’une kyrielle de G20 et de plans massifs de sauvetage du secteur financier en Europe et aux Etats-Unis. Et pour redresser l’économie des plans de relance comparables au New Deal de Franklin Roosevelt de 1933 furent également déployés.

En 2011, les discours des autorités monétaires et politiques sont restés sur la même ligne : la mobilisation extrême. Mais les actions, pourtant innovantes, semblent plus laborieuses. En Europe le Fonds de stabilité financière (FESF) lancé en 201 0 représentait un espoir. Mais les dissensions entre les capitales freinent l’extension de ses outils et toute solution pérenne, capable de rassurer les marchés sur la solidité de la zone euro. Quant aux Etats-Unis, le blocage politique complique aussi la tâche : entre keynésianisme et rigueur, démocrates et républicains s’opposent sur les remèdes à adopter.

Enfin, et surtout, de part et d’autre de l’Atlantique, les autorités monétaires et politiques ont épuisé leurs cartouches. Les taux d’intérêts directeurs sont au plus bas et les caisses des Etats sont vides.  » La grande différence avec 2008, c’est qu’il n’y a plus de marge de manoeuvre « , conclut Philippe Waechter, économiste chez Natixis AM.

Cécile de Corbière et Claire Gatinois

Euro-obligations : à Berlin, le tabou se lève peu à peu

Mardi, la réunion entre M. Sarkozy et Mme Merkel ne devrait pas aborder la mutualisation des dettes. Mais l’idée chemine
Berlin Correspondant

La création d’obligations européennes ( » eurobonds  » en anglais) ne devrait pas être à l’ordre du jour de la rencontre entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, mardi 16 août, à l’Elysée. Malgré tout, le sujet est dans l’air…

La chancelière allemande et le président de la République devraient plutôt discuter du rôle de l’Eurogroupe, la réunion mensuelle des ministres de l’économie et des finances de la zone euro, ainsi que de l’organisation du travail et du partage des responsabilités entre autorités européennes, adaptée en  » temps de paix, moins en temps de guerre « , fait remarquer un proche de l’Elysée.

Depuis le début de la crise, le duo franco-allemand, épaulé par la Banque centrale européenne (BCE), estime avoir fait avancer les choses. Un remodelage de la gouvernance européenne donnant plus de pouvoir aux gouvernements nationaux – au détriment, de façon implicite, de la Commission européenne – pourrait être évoqué, tout comme une accélération de la mise en place des outils du Fonds européen de stabilité financière (FESF).

Si la création d’obligations européennes ne sera pas discutée lors de la réunion franco-allemande de mardi, elle reste au coeur du débat outre-Rhin. Dimanche 14 août, citant une source gouvernementale anonyme, le quotidien conservateur Die Welt affirmait que Berlin  » n’exclut plus, en dernier ressort, un transfert des moyens financiers avec des emprunts publics en commun « . Selon cette source,  » le maintien de la zone euro avec tous ses membres constitue pour – l’Allemagne – l’absolue priorité « .

Une façon de répondre au milliardaire américain George Soros, qui suggère, dans le Spiegel du 14 août, que la Grèce et le Portugal sortent de la zone euro. Dans le Handelsblatt de samedi, M. Soros estime que les tergiversations allemandes sont en partie responsables de l’aggravation de la crise européenne.  » L’Allemagne et les autres pays notés AAA doivent, d’une façon ou d’une autre, créer un système d’euro-obligations. Sinon, l’euro va s’écrouler « , dit-il. Et comme Olli Rehn, le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, et Jean-Claude Juncker, président de l’Eurogroupe, Giulio Tremonti, le ministre italien de l’économie, s’est à nouveau déclaré, samedi, en faveur des eurobonds.

Jusqu’ici, Berlin ne voulait pas en entendre parler. La mise en commun de dettes des pays de la zone euro et l’émission d’obligations européennes comportent, aux yeux des Allemands comme des Français, trois défauts majeurs : elles accroîtraient le coût du crédit des pays les mieux notés ; elles risqueraient de dissuader les pays les plus mal notés d’entreprendre les réformes nécessaires ; elles nécessiteraient un droit de regard de l’Union européenne (UE) sur les budgets nationaux, auquel ni Paris ni Berlin ne sont prêts.

Pourtant, l’aggravation de la crise en Europe amène certains responsables allemands à briser le tabou et à se déclarer en faveur des euro-obligations. C’est le cas depuis plusieurs mois du principal mouvement d’opposition, le Parti social-démocrate allemand (SPD), qui plaide à la fois pour la création d’eurobonds et, en contrepartie, pour un droit de regard accru de l’Europe sur les budgets nationaux. Le SPD fait remarquer que l’aide à la Grèce ressemble déjà à des eurobonds. Les pays finançant le FESF – qui vient en aide à la Grèce, au Portugal et à l’Irlande – n’empruntent-ils pas eux-mêmes sur les marchés ?

 » Voie intermédiaire  »

C’est aussi l’argument des Verts, désormais très en pointe sur ce sujet. Jürgen Trittin, coprésident du groupe parlementaire des Verts au Bundestag, juge que l’Allemagne ferait mieux d’accepter de payer des taux d’intérêt plus élevés en participant à des émissions d’eurobonds qui mettraient fin à la crise financière actuelle que verser des dizaines de milliards au FESF sans que cela ne calme les marchés. Reprochant à Mme Merkel son manque de passion pour l’Europe, Cem Özdemir, président des Verts, suggère, dans le Rheinische Post de samedi, que la zone euro mette en commun les dettes des pays jusqu’au niveau de 60 % du PIB. Au-delà de ce montant, chacun resterait responsable de sa dette qui serait rémunérée à un taux supérieur. Une solution proposée – avant l’aggravation de la crise – par le centre de réflexion bruxellois Bruegel.

Mais avant d’évoquer la mise en commun de dettes, il faut se pencher sur l’ harmonisation budgétaire et fiscale, explique l’entourage de M. Sarkozy. Des efforts importants restent à faire. L’Irlande, par exemple, conserve une fiscalité plus avantageuse pour attirer les sociétés. Dans le Spiegel du lundi 15 août, Wolfgang Schäuble, le ministre des finances allemand, se dit hostile aux obligations européennes  » tant que les Etats membres pratiqueront leur propre politique budgétaire « .

Alors que l’élargissement des missions du FESF, annoncé au sommet européen du 21 juillet, provoque des débats en Allemagne – le président du Bundestag, Norbert Lammert, ne souhaite pas un examen rapide de cette décision -, les esprits ne sont sans doute pas mûrs, dans la majorité, pour des eurobonds. Mais le sujet n’est plus tabou. Pour l’Elysée, entre la situation d’avant la crise où n’existait aucune intégration économique et celle d’une union monétaire, budgétaire et fiscale, il existe,  » sans doute, une voie intermédiaire « . On a connu l’Elysée plus affirmatif.

Frédéric Lemaître avec Claire Gatinois

Un outil mettant fin aux divergences de taux d’emprunt

SOLUTION nécessaire, indispensable, inéluctable ? La mise en place d’euro-obligations est défendue depuis des mois par nombre d’économistes comme une réponse à la crise de l’euro. Elle introduirait à marche forcée, une solidarité économique et financière entre ses membres.

Dans le détail, la création d’euro-obligations gommerait bien des divergences puisqu’elle consisterait à émettre une dette commune à tous les Etats de l’Union monétaire sans que l’on puisse faire de distinction, comme aujourd’hui, entre un emprunt issu de l’Italie, de l’Espagne, de la France ou de l’Allemagne.

Conséquence, le prix des eurobonds et leur taux d’intérêt – la rémunération qu’un créancier exige en contrepartie du risque qu’il prend – seraient uniformes. Aujourd’hui, sur le marché de la dette, les taux du  » bund « , l’emprunt à dix ans allemand, pays modèle, sont les plus faibles de la zone euro, avoisinant, lundi 15 août, 2,3 % contre 4,9 % pour l’Espagne et 14,8 % pour la Grèce !

En mutualisant les dettes entre pays, on peut imaginer que le rendement de l’emprunt-euro serait  » une moyenne arithmétique entre ces taux « , estime Christian de Boissieu, professeur d’économie à l’université Paris-1. Un reflet du poids économique et de la dette de chacun des pays de la zone. Soit plus élevé pour l’Allemagne et bien plus faible pour la Grèce. Autre avantage, ce nouvel emprunt-euro, plus fort et plus solide pourrait être considéré comme une véritable alternative aux bons du Trésor américains.

Mais quelle entité émettrait cette dette et à quelle hauteur ? Pour l’heure, l’Union monétaire n’est pas dotée de l’équivalent d’un Trésor et encore moins d’un ministère de l’économie. Il faudrait donc créer une agence européenne de la dette. Faute de mieux, le Fonds européen de stabilité financière, mis en place en 2010, pourrait jouer ce rôle en bénéficiant de la garantie des Etats.

Reste ensuite à déterminer l’ampleur de la dette émise sous la forme d’euro-obligations. De l’avis des experts, on peut viser entre 40 % et 60 % des emprunts de la zone. Un moyen de relâcher la pression des marchés sur les pays les plus fragiles tout en maintenant, sur eux, une incitation à mieux faire. Pour M. de Boissieu, la mise en place d’eurobonds ne peut en effet s’exonérer de contraintes budgétaires renforcées –  » une surveillance ex ante et des sanctions ex post « , dit-il – afin d’éviter tout dérapage.

C. G.

daté du 17 août 2011

L’inflation peut-elle résorber les dettes publiques ?

En France, la hausse des prix a soutenu l’activité de 1950 à 1980. Pas l’hyperinflation en Allemagne et au Zimbabwe

L’accumulation d’énormes dettes publiques des deux côtés de l’Atlantique est la principale cause des paniques boursières vécues au cours des mois de juillet et d’août. Nombreux sont les analystes à juger ce fardeau insupportable et à pronostiquer l’impossibilité de le rembourser, autrement dit, le défaut. D’autres proposent une forme plus  » douce  » pour le réduire : l’inflation, c’est-à-dire la hausse des prix.

Ainsi, Kenneth Rogoff, professeur à l’université d’Harvard, a-t-il relancé le débat dans deux articles parus le 4 août dans Les Echos et le 9 août dans Libération. Parce que la dette  » est le problème no 1, no 2 et no 3 «  aux Etats-Unis comme en Europe et  » le principal obstacle à la croissance « , dit-il,  » il faudrait une inflation de 4 % à 6 % pendant plusieurs années « , afin de transférer la richesse des créanciers vers les débiteurs et d’écourter le purgatoire.

Cette thèse contredit une  » vache sacrée « , le dogme des banques centrales fixant à 2 % le taux d’inflation à ne pas dépasser. Elle est séduisante : sans décider une mesure spoliatrice, ce serait un moyen de récupérer auprès des créanciers une partie de ce qu’ils ont gagné, la fameuse  » euthanasie des rentiers «  applaudie par Keynes (1883-1946), qui y voyait le moyen de relancer la consommation ; la hausse des prix augmenterait les revenus de l’Etat par le biais des impôts indirects, lui permettant de rembourser plus aisément des emprunts par ailleurs dévalués.

Les rois comme la Révolution française ont eu recours à la planche à billets ou à la dévalorisation des pièces métalliques, ce qui déclencha des poussées d’inflation et réduisit à pas grand-chose les dettes publiques d’alors.

Les Français sexagénaires et salariés dans les années 1970 se souviennent avec nostalgie de cette époque où les prix galopaient entre 9 % et 13 % et où les salaires étaient indexés sur le taux d’inflation. Jeunes emprunteurs à taux fixe, ils voyaient s’éroder leur dette à toute allure. C’est ainsi que le partage de la valeur de l’économie a évolué en faveur des salaires et au détriment du capital. Jusqu’aux années 1980.

D’un autre côté, quelques exemples douloureux rappellent que le phénomène est périlleux. L’hyperinflation de 1921-1923 hante encore l’esprit des Allemands. Ils avaient vu leur monnaie s’effondrer : 1 dollar valait 4 marks en 1918, mais 4 200 milliards de marks à la fin de 1923.

Les prix des repas changeaient d’heure en heure dans les restaurants et des ménagères faisaient leurs courses avec un landau bourré de billets de banques. Hitler y trouva l’un de ses meilleurs arguments de propagande contre la démocratie.

Plus près de nous, le Zimbabwe a vu son économie totalement désorganisée par une inflation phénoménale. Les experts discutent encore pour savoir si, en juillet 2008, l’inflation était de 231 millions pour cent par an, comme officiellement reconnu, ou de l’ordre de 80 milliards pour cent par mois, comme certains économistes l’affirmaient.

Plusieurs millions de Zimbabwéens ont fui leur pays où l’activité s’asphyxiait faute de devises pour importer des produits énergétiques. Seule la mise au rancart de la monnaie nationale au profit des devises étrangères (rand sud-africain et dollar américain) a arrêté le phénomène et permis une reprise de la croissance.

Rappelons aussi qu’une inflation annuelle de 6,5 % – mais de 14,6 % pour les prix alimentaires – effraie les autorités chinoises, en raison des troubles qu’elle provoque inévitablement.

Jouer sur les prix en vaudrait-il la chandelle aujourd’hui ? Pourrait-on contenir l’inflation à 4 % ou 5 %, dans les limites du raisonnable ? La dette s’en trouverait-elle allégée ? Quels seraient les perdants et les gagnants ? Une accélération de la hausse des prix serait-elle acceptable par les Français comme par les autres Européens ? Voici le point de vue de six personnalités du monde de l’économie et de la politique.

Alain Faujas

 

daté du 17 août 2011

Aux Etats-Unis, la Fed est poussée à injecter des liquidités dans l’économie

Certains politiques et des financiers plaident pour un plan  » QE3  » afin de relancer l’activité
New York Correspondant

QE3 : on risque de beaucoup entendre évoquer ce sigle aux Etats-Unis dans les proches semaines. C’est l’acronyme de quantitative easing number 3, un  » troisième assouplissement quantitatif « , dans le jargon de la Réserve fédérale (Fed, banque centrale américaine). Prosaïquement : une injection  » en quantité  » de liquidités dans l’économie pour relancer l’activité, et surtout la consommation.

Cumulés, les deux premiers plans (QE1 et QE2) ont vu la Fed investir 1 700 milliards de dollars (1 180 milliards d’euros) dans le rachat de titres toxiques de dette entre décembre 2008 et mars 2010, puis 600 milliards de dollars dans l’acquisition de produits financiers du même type et de bons du Trésor entre novembre 2010 et juin 2011.

Un QE3 se justifierait par l’état de l’économie et par l’ampleur de la récession qu’ont connue les Etats-Unis à la charnière 2008-2009. Celle-ci leur a coûté au moins 2 points de produit intérieur brut (PIB) de plus que ce qui fut initialement estimé. Remonter la pente sera plus long et plus difficile que prévu.

Certains économistes récusent un tel procédé : déjà utilisé à deux reprises, il a échoué à relancer l’économie, avancent-ils ; pourquoi réussirait-il mieux une troisième fois ? Faute d’offrir des remèdes immédiats, ces mesures, il est vrai, n’ont pas permis de préserver l’emploi. Mais la plupart estiment qu’elles ont contribué à juguler l’impact de la récession et ils créditent Ben Bernanke, le président de la Fed, d’avoir maîtrisé les menaces inflationnistes de ce procédé (qui a accessoirement subventionné implicitement les exportations en faisant baisser le dollar).

Alors que la cote de popularité du président Barack Obama est retombée à son plus bas, les indices se multiplient de l’existence d’un débat au sein même de son administration sur la façon dont il doit se positionner. Les stratèges de sa campagne de réélection – son principal conseiller, David Plouffe, et son chef de cabinet, William Daley – prônent le maintien d’une attitude conciliatrice envers ses opposants. Elle vise à placer les républicains devant un choix cornélien : accepter un compromis  » responsable  » dont M. Obama serait crédité, ou le refuser et voir le centre de l’échiquier politique les abandonner dans quatorze mois.

Face à ces realpoliticians, Gene Sperling, le principal conseiller économique du président, et des membres éminents de l’appareil démocrate, dont Nancy Pelosi, l’ex-présidente de la Chambre, opposent une autre conviction : si rien n’est entrepris pour répondre aux attentes des Américains sur l’emploi, pis, si l’activité se dégrade encore, M. Obama pourrait être battu.

Cette tendance s’appuie sur des indicateurs inquiétants. Le chômage, complet ou partiel, touche 25 millions d’Américains (un actif sur six). Et l’économie n’ajoute que 72 000 emplois par mois depuis mai, ce qui est insuffisant pour compenser l’accroissement naturel de la population. Or la Fed a abaissé ses perspectives de croissance. La confiance des consommateurs mesurée par l’agence Thomson Reuters avec l’université de Chicago est redescendue sous son plus bas du début de la récession, en novembre 2008.

Les Américains hésitent désormais à emprunter pour consommer, ce qui est bon pour résorber la dette des ménages, mais catastrophique pour l’activité dans un pays où la consommation est le premier facteur de croissance. Les demandes de prêts immobiliers sont au plus bas depuis dix ans. Et malgré des taux directeurs de la Fed à 0 %, le crédit ne se desserre pas : les petits emprunteurs sont recalés faute de garanties. Les prêts deviennent  » une affaire de vieux et de Blancs « , dit Guy Cecala, éditeur de la publication Inside Mortgage Finance.

Comment relancer ? Prôner des  » grands chantiers  » – ce qu’exige le New York Times et pas seulement la gauche démocrate – impliquerait un retour au pugilat politique. M. Obama pense que ses adversaires s’en délecteraient et que les marchés lui feraient payer cher un nouveau  » blocage « .

M. Bernanke a épuisé les moyens usuels à sa disposition en s’engageant à maintenir ses taux directeurs proches de 0 % jusqu’à la mi-2013.  » La boite à outils de l’Etat est moins fournie qu’il y a quelques années « , selon Larry Summers, l’ex-conseiller économique de M. Obama. Un QE3 offrirait à la Maison Blanche une option pour soutenir l’activité sans passer sous les fourches Caudines des républicains majoritaires à la Chambre.

Banques et fonds semblent plébisciter cette solution. Leurs craintes : si la plongée vers une nouvelle récession n’est pas enrayée, les Bourses risquent de plonger encore plus intensément que ces jours derniers. Pour Jan Hatzius, économiste en chef de Goldman Sachs, un QE3 constitue le  » cas le plus vraisemblable «  en l’état. Keith Skeoch, président du fonds Standard Life Investments, jugeait, lundi 15 août, que  » les signes que les décideurs politiques se préparent à prendre des mesures se multiplient, – … augmentant – la perspective d’un QE3 « .

Selon Randall Kroszner, professeur à la Business School de l’université de Chicago,  » M. Bernanke a une couenne d’éléphant, il fera ce qu’il juge bon quoi qu’en disent les gens «  – autrement dit l’opposition républicaine et le Tea Party, dont la frange  » libertarienne  » tient la Fed pour une émanation du Diable. L’échéance ? M. Bernanke pourrait faire une  » annonce  » lors de la conférence de la division de Kansas City de la Fed, le 26 août.

Sylvain Cypel

daté du 18 août 2011

Euro : Paris et Berlin se font architectes, pas pompiers

La France et l’Allemagne veulent instaurer un gouvernement économique et misent sur l’austérité

Mission impossible à l’Elysée. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel s’étaient donné deux heures, mardi 16 août, pour éteindre l’incendie qui ravage la zone euro depuis près de deux ans. Incapables de jouer les pompiers, le président de la République et la chancelière allemande ont préféré endosser le rôle d’architectes…

Mardi, le chef de l’Etat a explicitement placé son action, et celle de la chancelière, dans le droit-fil des grands couples franco-allemands. Après Adenauer-de Gaulle (la paix), Schmidt-Giscard d’Estaing (l’Europe) et Kohl-Mitterrand (l’euro), le président entend rester dans l’Histoire comme celui qui, avec Mme Merkel, aura jeté les bases de l’intégration économique au sein de la zone euro. Il a d’ailleurs ironisé sur ses prédécesseurs qui ont lancé la monnaie unique sans en prévoir toutes les conséquences.

Face aux attaques des marchés, le président et la chancelière estiment en avoir déjà fait beaucoup : d’abord en créant, en 2010, le Fonds européen de stabilité financière (FESF, qualifié pour la première fois, mardi, par la chancelière de  » Fonds monétaire européen « ) ; ensuite, en élargissant le rôle du FESF le 21 juillet, et en demandant, le 1er août, à la Banque centrale européenne (BCE), de racheter des obligations italiennes et espagnoles.

Ne voulant ou ne pouvant faire plus – Berlin ne veut, pour le moment, pas entendre parler des euro-obligations ni d’un renforcement des moyens financiers du FESF -, le président et la chancelière ont de nouveau jeté les bases d’une intégration économique renforcée au sein de la zone euro. C’est le sens des trois propositions qu’ils font dans une lettre adressée, mercredi, à Herman van Rompuy, président du Conseil européen, chargé de présenter une réforme du fonctionnement de l’Union européenne (UE) en octobre.

Première proposition : la mise en place d’un  » gouvernement économique  » avec un président  » élu  » pour deux ans et demi, mais dont M. Sarkozy a déjà donné le nom : Herman van Rompuy. Ce  » gouvernement économique « , un terme repris à satiété par le chef de l’Etat, pas par la chancelière, se réunira  » au moins deux fois par an « . La France est donc parvenue à renforcer le rôle de cette institution qui rassemble les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE. Une révolution ?  » Il n’y a pas de ministre européen de l’économie et des finances « , relevait un Allemand, dans la soirée.

Deuxième proposition : M. Sarkozy et Mme Merkel entendent que, d’ici à l’été 2012, les dix-sept Etats de la zone euro inscrivent dans leur Constitution la  » règle d’or « , selon laquelle ils se fixent comme objectif un retour à l’équilibre budgétaire.

Un choix inspiré par l’Allemagne qui s’est engagée, en 2009, à limiter son déficit structurel fédéral à 0,35 % de son produit intérieur brut (PIB) à partir de 2016, et à imposer aux Etats-régions de présenter des budgets équilibrés à partir de 2020. Si, à l’avenir, Bruxelles critique un projet de budget préparé par un Parlement national, celui-ci devra  » s’engager à mettre en oeuvre les recommandations de la Commission « , a précisé la chancelière.  » Cette règle d’or n’est pas optionnelle. Elle est obligatoire « , a renchéri le président français, qui tenait manifestement à ce qu’il n’y ait pas l’ombre d’une divergence entre la chancelière et lui.

Cet équilibre des comptes publics cher à l’Allemagne présente pour l’Elysée l’avantage de mettre le Parti socialiste en difficulté.  » Si un consensus est possible, il y aura une réunion du Congrès ; s’il n’est pas possible, les Français seront juges lors de l’élection présidentielle « , a déclaré le chef de l’Etat.

 » Un pas en avant  »

La troisième proposition – la taxe européenne sur les transactions financières – verra-t-elle le jour ? Cette fois, les vingt-sept pays sont concernés. La Grande-Bretagne y étant opposée, le dossier n’a jusqu’à présent pas avancé. La France et l’Allemagne pourraient-elles se contenter de lancer cette taxe avec quelques pays seulement ? Paris ne semble pas l’exclure, Berlin semble plus réservé.

A l’issue de la journée, les deux délégations estimaient avoir rempli leur mission : cette rencontre a permis au couple franco-allemand de montrer aux marchés qu’il parlait d’une seule voix et avait la ferme volonté de faire progresser l’intégration économique au sein d’une Europe décidée à être vertueuse. Le duo a-t-il convaincu ? Pas si l’on se fie aux réactions immédiates des marchés.  » Normal, ils espéraient pouvoir échanger leurs obligations portugaises contre des obligations franco-allemandes « , commente-t-on, un brin résigné, à l’Elysée.

A Bruxelles, José Manuel Barroso et Olli Rehn, président de la Commission et commissaire aux affaires économiques et monétaires, ont tenté, eux aussi, de sauver les apparences. Ils ont salué  » le pas en avant «  effectué par M. Sarkozy et Mme Merkel, et se sont réjouis de l’instauration d’un  » leadership politique stable et plus fort pour la zone euro « .

A l’heure où un nouveau glissement vers les procédures intergouvernementales s’opère, la Commission tente de préserver sa zone de compétences face à un Herman Van Rompuy en passe de devenir le  » M. Euro  » de l’Union. Le communiqué rappelle au passage que c’est Bruxelles qui a proposé un renforcement des règles du pacte de stabilité et de croissance. Les sanctions contre les Etats laxistes existent mais n’ont jamais été appliquées, suite aux réticences de différentes capitales, dont Paris.

Frédéric Lemaître avec Jean-Pierre Stroobants (à Bruxelles)

Les propositions

Un gouvernement de la zone euro Paris et Berlin veulent un  » gouvernement économique « , avec une réunion deux fois par an des chefs d’Etat ou de gouvernement des pays de la zone euro. Herman Van Rompuy en sera le premier président.

La  » règle d’or  » dans les Constitutions Mme Merkel et M. Sarkozy demandent que le principe de l’équilibre budgétaire soit inscrit dans la Constitution des 17 Etats ayant adopté l’euro.

Une taxe sur les transactions financières Paris et Berlin veulent soumettre aux Vingt-Sept un tel projet, débattu à intervalles très réguliers.

Taux unique d’impôt sur les sociétés Ils souhaitent que le taux et l’assiette de l’impôt sur les sociétés soient identiques en France et en Allemagne.

Pas d’euro-obligations, pas plus de moyens pour le FESF Ils ont rejeté l’idée de mutualiser dans l’immédiat la dette européenne. Et estiment suffisant l’enveloppe de 440 milliards d’euros accordée au Fonds de stabilité

 

daté du 19 août 2011

Paris et Berlin menacent de priver les pays  » laxistes  » des fonds structurels européens

La disposition n’avait pas été évoquée après la réunion franco-allemande. Le projet d’une taxe sur les transactions financières fait son chemin

Après la mobilisation, les sanctions ? Le sommet franco-allemand du mardi 16 août n’a pas seulement visé à démontrer l’unité des pays de la zone euro face à la crise, il cherche aussi à punir les  » mauvais élèves  » qui laisseraient déraper leurs déficits au-delà du raisonnable.

Economistes, analystes, opérateurs ont ainsi découvert un brin perplexe, dans la lettre adressée par Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel, mercredi, au président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, une proposition visant à couper certaines subventions européennes – les fonds structurels et de cohésion – aux pays qui se laisseraient trop aller à la dépense.  » A l’avenir, les paiements issus de ces fonds, écrivent-ils, devraient être suspendus dans les pays de la zone euro qui ne se conformeraient pas aux recommandations de la procédure de déficits excessifs. « 

Créés dans les années 1990, ces fonds structurels sont un instrument de solidarité entre Européens. Ils visent à financer des dépenses d’infrastructures, transports, équipements, rénovations d’universités… La Commission prévoit d’allouer 347 milliards d’euros, soit près d’un tiers du budget total de l’Union européenne (UE), entre 2007 et 2013 à ces dépenses. Au sein de la zone euro, le Portugal, la Grèce, l’Espagne et l’Italie comptent parmi les premiers bénéficiaires de ces fonds.

Dépenses  » d’avenir  » ou gouffre financier ? Au sein de la communauté économique et financière, la requête de M. Sarkozy et de Mme Merkel semble dangereuse. «  Cela ne ferait qu’aggraver la situation des pays en difficultés « , estime notamment Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel BGC.

 » Un tabou se lève  »

 » La Grèce, par exemple, est dans une spirale déflationniste. Elle n’a pas de croissance, ses investissements s’effondrent. Il faut se poser des questions sur le degré de la cure d’austérité qui lui est imposée, ajoute Jesus Castillo, économiste spécialiste de la zone euro chez Natixis. Si, en plus, on lui retire les financements européens, on la prive d’un des derniers moyens qu’il lui reste pour retrouver de la croissance à moyen terme… «  Au Portugal, les transferts financiers européens qui ont suivi l’entrée du pays dans l’UE avaient contribué au  » miracle portugais « . En les coupant, ne risque-t-on pas d’enfoncer le pays dans la récession ?

Dans un environnement de dégradation évidente de la situation économique au sein de la zone euro, les méfaits d’une telle initiative au sein des  » maillons faibles  » de l’union monétaire sont donc redoutés. De quoi alarmer les investisseurs ?  » Ce n’est qu’une proposition « , relativise M. Mourier.

Ce qui affole davantage les opérateurs, c’est plutôt le projet de taxe sur les transactions financières réclamée aussi par le couple franco-allemand. Un temps baptisée  » taxe Robin des bois « , elle viserait à ponctionner une part minime des flux financiers auprès des acteurs du marché, pour abonder le budget de l’Europe. Déjà évoquée à de multiples reprises, cette idée n’a jamais abouti. «  C’est un vieux réflexe « , dénigre Taxand, une organisation de conseil aux multinationales.

Mais à force de ressurgir, elle commence à faire peur. D’autant que Bruxelles aurait un projet de directive en ce sens pour octobre, indiquent Les Echos du jeudi 18 août.  » On sent qu’un tabou se lève « , estime un opérateur. Aussi, même si ni l’assiette ni le taux de cette taxe n’ont été dévoilés, les lobbies financiers se déchaînent, en particulier à la City de Londres, pour alerter sur ses effets potentiellement dévastateurs. Au lieu de faire rentrer des milliards d’euros dans les caisses de l’UE, elle pourrait ruiner et faire s’expatrier les acteurs du secteur financier, alertent-ils.

Ces inquiétudes quant aux initiatives franco-allemandes ont contribué à la poursuite de la dégringolade en Bourse des titres des banques tels Société générale, BNP Paribas ou UniCredit. Et surtout des opérateurs boursiers. Après son plongeon de 7,35 %, mercredi à Francfort, le titre de la Bourse allemande Deutsche Börse reculait encore de 3,23 % jeudi matin.

Claire Gatinois

daté du 20 août 2011

La menace d’une récession aux Etats-Unis fait replonger les Bourses mondiales

La publication de mauvais indicateurs, jeudi, confirme la dégradation de l’économie américaine

Les signes de faiblesse de l’économie américaine virent à la dépression et ses conséquences sur l’économie mondiale affolent les investisseurs. Les Bourses en Europe et aux Etats-Unis ont à nouveau traversé, jeudi 18 août, de fortes turbulences. La baisse n’en a épargné aucune : à Paris, le CAC a chuté de 5,48 %, le Dax à Francfort de 5,82 %, tandis que le FTSE MIB à Milan plongeait de 6,15 %. A Wall Street, même cause, mêmes effets : l’indice Dow Jones a cédé 3,68 % et le Nasdaq 5,22 %.

Les opérateurs ont peur et se défont de leurs actifs risqués comme les actions, sensibles à la conjoncture, pour se jeter sur l’or, dont le cours dépasse 1 800 dollars l’once. Et le calme n’était toujours pas revenu, vendredi matin, sur les places boursières : l’agitation a gagné les marchés asiatiques – Tokyo reculait de 2,5 % et Séoul de 6,22 % – et se prolongeait à Paris, Londres et Francfort.

Après un bref répit, les marchés ont donc repris leur glissade. Les réponses politiques et monétaires à la crise se font toujours attendre de part et d’autre de l’Atlantique, tandis que les indicateurs confirment jour après jour la dégradation de la santé de la première économie mondiale. C’est la publication aux Etats-Unis, jeudi, de l’indicateur  » Philly Fed  » mesurant l’activité industrielle dans la région de Philadelphie qui a fait monter d’un cran les inquiétudes. L’indice est en effet retombé en août à – 30,7, au plus bas depuis 2009 quand l’activité économique américaine se contractait sous l’effet de la crise.

Pour les experts, la probabilité d’une rechute de l’économie américaine dans la récession (ou  » double dip « ) dans les six à neufs mois se précise. «  Subjectivement, nous la situerions maintenant autour de 50 % « , estime Bruno Cavalier économiste chez Oddo. Et même si les Etats-Unis échappent à ce scénario cauchemardesque, la situation reste précaire :  » Pile c’est la récession – Face : c’est une croissance molle « , poursuit-il.

Cette perspective est d’autant moins réjouissante qu’elle s’accompagne d’une poussée inflationniste. Le département américain du Travail a indiqué, jeudi, que les prix à la consommation avaient bondi de 0,5 % sur un mois en juillet. Sur un an, la hausse des prix affiche ainsi 3,6 %, son niveau le plus élevé depuis octobre 2008.

Et  » si on met les deux données dans un robot mixeur, cela donne un mot que tout le monde déteste : stagflation : une combinaison d’inflation et de croissance médiocre « , indique Gregori Volokhine, président de la société de gestion Meeschaert à New York.

Mauvaise passe

Cet environnement économique propre aux années 1970 réveille une forte inquiétude car il réduirait un peu plus la marge de manoeuvre de la Réserve fédérale américaine (Fed) pour relancer l’économie. Autrement dit, la perspective attendue et espérée d’un  » QE3  » – un troisième assouplissement monétaire, comme la Fed y en a usé au cours des trois dernières années – s’éloigne. Le principal défaut de ce dispositif anti-crise est, en effet, d’entretenir la hausse des prix. Quant à un éventuel plan de relance orchestré par l’Etat, le marché sait qu’il ne faut pas trop y compter : les Etats-Unis traînent une dette pesant 100 % du produit intérieur brut (PIB) et l’opposition républicaine est arc-boutée sur la réduction des déficits publics.

L’Amérique traverse donc une mauvaise passe. Une situation qui ne fait que qu’accentuer les problèmes propres à l’Europe. Privée du moteur américain, l’économie du Vieux Continent flanche. Les experts de la banque américaine Morgan Stanley ont ainsi à nouveau baissé leurs prévisions de croissance en zone euro. Ils misent désormais sur une hausse du PIB de seulement 1,7 % cette année contre 2 % auparavant et bien pire en 2012 : + 0,5 % au lieu de 1,2 %.

Mais à court terme le stress des opérateurs n’est pas tant lié à la croissance atone dans les pays de l’Union monétaire qu’au surendettement de ses  » maillons faibles « . Le mini-sommet franco-allemand, mardi 16 août, n’a pas fait avancer les choses. Le président français et la chancelière allemande ont, notamment, proposé de mettre sur pieds un véritable gouvernement économique en zone euro. Mais  » on demande à voir « , indique Philippe Waechter, responsable de la recherche économique chez Natixis AM.

Dans l’attente, les investisseurs envisagent le pire : le défaut d’un pays, voire l’implosion de l’Union monétaire. Des peurs qui alimentent une sorte de phobie autour du système bancaire européen gorgé de dettes souveraines potentiellement toxiques. Les banques, déjà affaiblies par le contexte économique et financier turbulent, pourront-elles tenir le choc ? Les plus pessimistes en doutent. En Bourse, le secteur plonge. Notamment la Société générale qui, après avoir dégringolé de 12,34 % jeudi, perdait encore plus de 4 %, vendredi matin, une heure après l’ouverture de la Bourse de Paris.

Claire Gatinois

 

Les Echos – 22/08 – Catherine Chatignoux

Les perspectives économiques plombées par les craintes de rechute

Le monde occidental est-il proche de la récession, comme l’affirment de nombreux analystes ? Le doute en tout cas s’est emparé des investisseurs, qui voient un risque que la faible croissance des économies occidentales et la crise boursière ne s’alimentent mutuellement en un cercle vicieux.

Des Bourses qui dévissent dangereusement, une croissance léthargique de part et d’autre de l’Atlantique, des banques affaiblies et de premiers signes de grippage du marché interbancaire : il y a comme un air de déjà-vu dans le panorama économique et financier de cette fin de mois d’août. Un air vicié qui rappelle aux investisseurs anxieux les prémices de la grande crise de 2008.

Depuis quelques jours, le spectre de la récession, américaine d’abord, européenne ensuite, refait surface, attisé par de mauvais indicateurs de conjoncture aux Etats-Unis. De fait, l’économie a connu des jours plus flamboyants… Au deuxième trimestre, l’Union européenne a renoué avec une quasi-stagnation après un premier trimestre prometteur. Aux Etats-Unis, l’économie vit au ralenti depuis le début de l’année, comme l’ont montré les chiffres révisés du département du Commerce. Depuis quelques jours, les économistes ont revu en baisse leurs prévisions pour 2011 et 2012 et évoquent à nouveau un risque de rechute de l’économie mondiale. La banque gestionnaire d’actifs néerlandaise, ING, évalue désormais ce risque entre 30 % et 40 %. La banque américaine Morgan Stanley estime que les Etats-Unis et la zone euro vont flirter « dangereusement avec la récession dans les six à douze mois », même si elle ne retient pas ce pronostic comme scénario principal. Elle évoque plutôt « un chemin plus chaotique, plus lent et plus fragile qu’anticipé ».

Tous les analystes ne sont pas aussi pessimistes. « Les marchés ont cru que la reprise serait forte et durable, explique Cédric Thellier, économiste chez Natixis, oubliant trop vite les nombreuses hypothèses de sortie de crise en W évoquées à l’époque, intégrant des risques de rechute. Ils sont donc logiquement surpris par le ralentissement actuel, qui n’a rien d’étonnant : les plans de relance de l’activité lancés en 2008 et 2009 ont été retirés et dans la plupart des pays concernés ils ont été remplacés par des plans de consolidation budgétaire exigeants. » Les tours de vis supplémentaires décidés en Italie, en Espagne et bientôt en France assombrissent encore l’horizon et font douter de la capacité de l’Europe à sortir par le haut de son endettement excessif.

Ce que redoutent désormais les analystes, c’est la mise en place d’un cercle vicieux entre faible croissance et chute des marchés boursiers. Avec, dans le scénario le plus noir, les banques prises en étau : « Avec, cette fois, l’exposition à la dette des pays périphériques dans le rôle des produits toxiques », explique-t-on chez Natixis. Depuis quelques jours, d’ailleurs, « on note des tensions interbancaires en Europe et aux Etats-Unis » qui pourraient, si elles se confirmaient, provoquer une paralysie du financement de l’économie. Pour éviter une escalade de la méfiance et rassurer les marchés sur leur détermination à gérer solidairement cette sortie de crise, la balle est dans le camp des gouvernements. Or, d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique, c’est plutôt à un manque criant de leadership politique que l’on assiste. Jamais depuis le début de la crise de la dette en Europe, le risque d’une « crise systémique » n’a été aussi grand : le sommet Sarkozy-Merkel du 21 juillet n’a pas suffi à calmer les inquiétudes. Depuis des mois, les réponses apportées à la crise et à la menace de contagion sont perçues comme tardives et insuffisantes. Aux Etats-Unis, ce qui est désormais couramment qualifié de « farce budgétaire », en référence à l’accord douloureux négocié entre la Maison-Blanche et le Congrès à la veille du 2 août, risque de se révéler contre-productif : « Le débat sur le plafond de la dette s’est soldé par un compromis qui va renforcer la restriction budgétaire à court terme sans donner de véritable crédibilité sur les ajustements ultérieurs, estime Bruno Cavalier chez Oddo Securities. Or, il aurait fallu faire exactement le contraire : maintenir des soutiens à court terme et s’engager de manière crédible dans une réduction des déficits dans la durée. » Ces « erreurs politiques ont, selon Morgan Stanley, pesé négativement sur les marchés financiers et érodé la confiance des ménages et des entreprises ».

CATHERINE CHATIGNOUX, Les Echos

 

22/08 | 07:00 | Catherine Chatignoux

Ralentissement dans les pays occidentaux, inquiétudes grandissantes dans les émergents

Etats-Unis : la croissance en berne

Malgré le «  coup de semonce » de Morgan Stanley qui a estimé dans une note du 17 août que les Etats-Unis et la zone euro sont « dangereusement proches d’une récession », tous les stratégistes ne sont pas aussi pessimistes sur la croissance américaine. Certains jugent les craintes d’une rechute exagérées. « La croissance économique est lente et ne montre aucun signe d’accélération », a estimé vendredi le Conference Board. Mais, « malgré l’instabilité qui gagne, les indicateurs avancés présagent toujours d’une progression lente de l’activité économique jusqu’à la fin de l’année », estime-t-il. La plupart des économistes ont cependant révisé à la baisse leur prévision de croissance, de 3,3 % à 2,3 % pour le second semestre et de 3,4 % à 2,4 % pour 2012 (selon le panel des 53 économistes sondés par Bloomberg). Morgan Stanley table même sur une croissance limitée à 2,25 % en 2012, mais avec une chance de récession estimée désormais à 30 %. Malgré l’impact négatif du mauvais indice de l’activité manufacturière de Philadelphie, mesure clef de l’activité industrielle tombée à son plus bas niveau depuis mars 2009, certains analystes relèvent encore de bons indicateurs sur le front des dépenses de détail et de la production industrielle.

Europe : un trou d’air prévisible

Le ralentissement de la croissance dans l’Union européenne au deuxième trimestre a surpris. Pas tant celui des pays endettés de la périphérie, durablement installés dans la stagnation, comme l’Espagne (0,2 %), le Portugal (0 %) et l’Italie (0,3 %). Mais plutôt le coup de frein à l’activité en Allemagne, principale locomotive de la zone euro depuis le début de la reprise. La progression du PIB y a été très faible, 0,1 %, au lieu de 0,5 % attendu, après un exceptionnel résultat de 1,3 % au cours des trois premiers mois de l’année. Principales explications : de moindres exportations et une consommation privée anémique, notamment à cause du rebond de l’inflation. La veille, la France avait annoncé que son PIB avait stagné sur la même période (0 %) après un très bon premier trimestre (0,9 %). Il n’en a pas fallu plus pour ranimer les inquiétudes autour d’une stagnation, voire d’une récession en Europe, puisque privés du moteur allemand, les pays européens sont condamnés à marquer le pas, comme le montre déjà le ralentissement de l’activité aux Pays-Bas (0,1 %), en Hongrie (0 %) et en République tchèque (0,2 %). Au total, l’ensemble de la zone euro – comme l’Union européenne -a enregistré une croissance de 0,2 % selon l’estimation d’Eurostat. S’ils sont un peu moins optimistes, les économistes continuent à miser sur une croissance proche de 3 % pour l’Allemagne cette année et de 2 % l’an prochain. Quant à la zone euro, son PIB devrait progresser cette année de 1,7 % à 1,8 % selon Natixis, Barclays et Morgan Stanley, et de 1,5 % à 1,6 % l’an prochain (0,5 % seulement selon Morgan Stanley). Pas de récession donc, mais un ralentissement que l’on peut considérer comme cohérent avec la stratégie d’assainissement des dépenses publiques lancée par les gouvernements européens sous la pression des marchés.

Asie : doutes sur le rempart chinois

Lee Hsien Loong n’a pas encore « pressé le bouton de panique » mais se dit « vigilant parce qu’il est tout à fait possible que le monde connaisse une nouvelle récession ». Pour le Premier ministre de Singapour, ce n’est pas parce que la Chine, l’Inde et les autres pays émergents s’en sortent « tout à fait bien » pour l’instant que l’Asie a l’esprit tranquille. « Si l’Amérique et l’Europe connaissent une nouvelle récession, je pense que [ces pays] seront affectés [et] vulnérables », a-t-il prévenu, jugeant le déficit budgétaire américain « insupportable ». Les dix ministres de l’Economie de l’Association des pays du Sud-Est asiatique (Asean) ont indiqué quant à eux que la zone pourrait ne pas atteindre 6 % de croissance cette année, après 7,5 % en 2010. Si le dynamisme de la Chine constitue leur meilleur rempart contre le ralentissement économique mondial, des doutes sont apparus quant à son rôle de moteur. Pékin tente par tous les moyens de juguler l’inflation, au plus haut depuis trois ans. La Chine ne devrait donc pas revenir à la politique de relance de 2008, qui avait protégé ses voisins de la crise économique mondiale. Quant au Japon, il pourrait se voir priver de débouchés à l’export, compliquant la donne pour ses entreprises déjà pénalisées par un yen cher.

La nervosité n’épargne pas les autres émergents

La Russie table sur une croissance vigoureuse cette année, malgré le repli des cours des hydrocarbures, principales sources de ses revenus à l’exportation. Elle a enregistré une croissance de 3,9 % au premier semestre 2011 et le FMI a revu à la hausse ses prévisions pour l’année à 4,8 %, mieux que l’an dernier. Une croissance qui ne s’accompagne pas de signes de surchauffe, même si l’inflation russe, à 8 % en glissement, demeure plus élevée que chez nombre de ses partenaires. Devant le risque de récession européenne, les opérateurs russes demeurent toutefois nerveux, comme l’illustre la chute de la Bourse de 20 % depuis début août.

Grand exportateur de matières premières, le Brésil a de quoi se préoccuper du marasme occidental. D’autant que la surévaluation du real, due à la politique de très hauts taux d’intérêt suivie par la banque centrale pour lutter contre l’inflation (7 %), nuit à la compétitivité du pays. D’ailleurs, il pourrait enregistrer la plus faible croissance d’Amérique du Sud cette année, devant le Venezuela, à 4,5 %, un chiffre qui baisserait à 3,6 % l’année prochaine selon le FMI. Près de la moitié de la performance de 2010 ! Ce ralentissement pourrait toutefois lui être bénéfique, calmant la surchauffe permanente de son économie. Rançon du succès, le Brésil demeure une des destinations préférées des investisseurs (et spéculateurs attirés par des taux d’intérêt de 12 % à 20 %), au 10 e rang mondial en termes de flux d’investissements.

SERVICE INTERNATIONAL, Les Echos

Le ralentissement de la croissance dans l’Union européenne au deuxième trimestre a surpris. Pas tant celui des pays endettés de la périphérie , durablement installés dans la stagnation , comme l’Espagne (0,2 %) le Portugal (0 %) et l’Italie (0,3 %). Mais plutôt le coup de frein à l’activité en Allemagne, principale locomotive de la zone euro depuis le début de la reprise. La progression du PIB y a été très faible, 0,1%, au lieu de 0,5 % attendus, après une exceptionnel résultat de 1,3 % au cours des trois premiers mois de l’année. Principales explications : de moindres exportations dans le monde et une consommation privée en berne, notamment à cause du rebond de l’inflation.   La veille la France avait annoncé que son PIB avait stagné sur la même période ( 0 %) après un très bon premier trimestre (0,9 %). Il n’en fallait pas plus pour ranimer les inquiétudes autour d’une stagnation voir d’une récession en Europe puisque privés du moteur allemand, les pays européens sont condamnés à marquer le pas comme le montre déjà le  ralentissement de l’activité aux Pays-bas ( 0,1 %) en Hongrie (0 %) et République tchèque (0,2 % ).  Au total, l’ensemble de la zone euro -comme l’Union européenne-a enregistré une croissance de 0,2 % selon l’estimation d’Eurostat. S’ils sont un peu moins optimistes, les économistes continuent à miser sur une croissance proche de 3 % pour l’Allemagne cette année et de 2 % l’an prochain Quant à la zone euro, son PIB devrait progresser de 1,7 % à 1,8 % selon Natixis et de 1,5 % l’an prochain. Pas de récession donc, mais un ralentissement que l’on peut considérer comme cohérent avec la stratégie d’assainissement des dépenses publiques lancée par les gouvernement européens sous la pression des marchés..

Le ralentissement de la croissance dans l’Union européenne au deuxième trimestre a surpris. Pas tant celui des pays endettés de la périphérie , durablement installés dans la stagnation , comme l’Espagne (0,2 %) le Portugal (0 %) et l’Italie (0,3 %). Mais plutôt le coup de frein à l’activité en Allemagne, principale locomotive de la zone euro depuis le début de la reprise. La progression du PIB y a été très faible, 0,1%, au lieu de 0,5 % attendus, après une exceptionnel résultat de 1,3 % au cours des trois premiers mois de l’année. Principales explications : de moindres exportations dans le monde et une consommation privée en berne, notamment à cause du rebond de l’inflation.   La veille la France avait annoncé que son PIB avait stagné sur la même période ( 0 %) après un très bon premier trimestre (0,9 %). Il n’en fallait pas plus pour ranimer les inquiétudes autour d’une stagnation voir d’une récession en Europe puisque privés du moteur allemand, les pays européens sont condamnés à marquer le pas comme le montre déjà le  ralentissement de l’activité aux Pays-bas ( 0,1 %) en Hongrie (0 %) et République tchèque (0,2 % ).  Au total, l’ensemble de la zone euro -comme l’Union européenne-a enregistré une croissance de 0,2 % selon l’estimation d’Eurostat. S’ils sont un peu moins optimistes, les économistes continuent à miser sur une croissance proche de 3 % pour l’Allemagne cette année et de 2 % l’an prochain Quant à la zone euro, son PIB devrait progresser de 1,7 % à 1,8 % selon Natixis et de 1,5 % l’an prochain. Pas de récession donc, mais un ralentissement que l’on peut considérer comme cohérent avec la stratégie d’assainissement des dépenses publiques lancée par les gouvernement européens sous la pression des marchés..

Le ralentissement de la croissance dans l’Union européenne au deuxième trimestre a surpris. Pas tant celui des pays endettés de la périphérie , durablement installés dans la stagnation , comme l’Espagne (0,2 %) le Portugal (0 %) et l’Italie (0,3 %). Mais plutôt le coup de frein à l’activité en Allemagne, principale locomotive de la zone euro depuis le début de la reprise. La progression du PIB y a été très faible, 0,1%, au lieu de 0,5 % attendus, après une exceptionnel résultat de 1,3 % au cours des trois premiers mois de l’année. Principales explications : de moindres exportations dans le monde et une consommation privée en berne, notamment à cause du rebond de l’inflation.   La veille la France avait annoncé que son PIB avait stagné sur la même période ( 0 %) après un très bon premier trimestre (0,9 %). Il n’en fallait pas plus pour ranimer les inquiétudes autour d’une stagnation voir d’une récession en Europe puisque privés du moteur allemand, les pays européens sont condamnés à marquer le pas comme le montre déjà le  ralentissement de l’activité aux Pays-bas ( 0,1 %) en Hongrie (0 %) et République tchèque (0,2 % ).  Au total, l’ensemble de la zone euro -comme l’Union européenne-a enregistré une croissance de 0,2 % selon l’estimation d’Eurostat. S’ils sont un peu moins optimistes, les économistes continuent à miser sur une croissance proche de 3 % pour l’Allemagne cette année et de 2 % l’an prochain Quant à la zone euro, son PIB devrait progresser de 1,7 % à 1,8 % selon Natixis et de 1,5 % l’an prochain. Pas de récession donc, mais un ralentissement que l’on peut considérer comme cohérent avec la stratégie d’assainissement des dépenses publiques lancée par les gouvernement européens sous la pression des marchés..

Europe : un coup de barre prévisible :

Le ralentissement de la croissance dans l’Union européenne au deuxième trimestre a surpris. Pas tant celui des pays endettés de la périphérie , durablement installés dans la stagnation , comme l’Espagne (0,2 %) le Portugal (0 %) et l’Italie (0,3 %). Mais plutôt le coup de frein à l’activité en Allemagne, principale locomotive de la zone euro depuis le début de la reprise. La progression du PIB y a été très faible, 0,1%, au lieu de 0,5 % attendus, après une exceptionnel résultat de 1,3 % au cours des trois premiers mois de l’année. Principales explications : de moindres exportations dans le monde et une consommation privée en berne, notamment à cause du rebond de l’inflation.   La veille la France avait annoncé que son PIB avait stagné sur la même période ( 0 %) après un très bon premier trimestre (0,9 %). Il n’en fallait pas plus pour ranimer les inquiétudes autour d’une stagnation voir d’une récession en Europe puisque privés du moteur allemand, les pays européens sont condamnés à marquer le pas comme le montre déjà le  ralentissement de l’activité aux Pays-bas ( 0,1 %) en Hongrie (0 %) et République tchèque (0,2 % ).  Au total, l’ensemble de la zone euro -comme l’Union européenne-a enregistré une croissance de 0,2 % selon l’estimation d’Eurostat. S’ils sont un peu moins optimistes, les économistes continuent à miser sur une croissance proche de 3 % pour l’Allemagne cette année et de 2 % l’an prochain Quant à la zone euro, son PIB devrait progresser de 1,7 % à 1,8 % selon Natixis et de 1,5 % l’an prochain. Pas de récession donc, mais un ralentissement que l’on peut considérer comme cohérent avec la stratégie d’assainissement des dépenses publiques lancée par les gouvernement européens sous la pression des marchés..

Economie mondiale: Le ministre allemand des Finances promet «7 ans de vaches maigres»

20 Minutes Mis à jour le 27.08.11 à 16h59

Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a estimé ce samedi que l’économie mondiale devait s’attendre à traverser «sept années de vaches maigres» en raison des politiques de rigueur fiscale mises en oeuvre à travers le monde.

Dans un discours prononcé lors d’une réunion de lauréats du prix Nobel, à l’université de Saint-Gall en Suisse, le ministre a estimé aussi qu’il faudrait probablement plusieurs années avant que les mesures d’austérité portent leurs fruits.

 

29/08 | 07:00 | Les Echos

FINANCE  POUR COUPER LA « CHAÎNE DE LA CONTAGION »

Christine Lagarde presse les banques de se recapitaliser

Lors de la conférence de Jackson Hole, la nouvelle patronne du Fonds monétaire international a estimé que les banques européennes « ont besoin d’une recapitalisation urgente ». Inquiète d’une économie mondiale fragile et des risques de diffusion de la crise de la dette, elle y voit la « clef pour couper la chaîne de contagion ». C’est un nouveau coup de tonnerre pour un secteur déjà sévèrement chahuté en Bourse cet été. A l’urgence de trouver une solution à la crise de la dette, s’ajoutent pour les banques trois grands défis : leur solidité financière, une conjoncture morose et la préservation de leur efficacité opérationnelle.

 

La Tribune – 30/08/2011 | 07:23 – 337 mots

Réactions britannique et allemande à l’appel de Lagarde sur banques

Les banquiers britanniques soutiennent Lagarde tandis que les Allemand adressent une fin de non recevoir.

Les banquiers britanniques soutiennent Lagarde

L’Association des banquiers britanniques (BBA) soutient l’appel de Christine Lagarde à recapitaliser les banques européennes… étant entendu que cela exclut les banques britanniques. « Je pense qu’elle (Christine Lagarde) a raison : certaines banques européennes devraient avoir plus de fonds propres, estime Angela Knight, sa directrice. Une action urgente est nécessaire pour stabiliser la situation dans la zone euro. » En prenant cette définition réduite de l’Europe, elle exclut les banques britanniques, qui « se sont déjà recapitalisées en 2009 et 2010 ». De plus, les difficultés bancaires sont « plus apparentes sur le continent qu’ici », ajoute-t-elle. Elle reconnaît cependant que les banques britanniques ne seront pas à l’abri d’une éventuelle tempête, si les économies européennes et américaine rentraient en récession. Par ailleurs, Angela Knight avertit que les nouvelles régulations à venir, particulièrement la séparation partielle des banques de détail et d’investissement en Grande-Bretagne, risquent de faire dérailler la reprise économique.

Par Éric Albert, à Londres

 

Les Allemand adressent une fin de non recevoir

En Allemagne, les propos de Christine Lagarde ont fait réagir le gouvernement fédéral. « Nous constatons la demande de Madame Lagarde, mais nous avons déjà pris des mesures », a ainsi relevé froidement un porte-parole du ministère des Finances. Berlin estime que le retour au calme sur le front de la dette européenne et les nouvelles règles prudentielles prises dans le cadre des accords de Bâle III devraient permettre aux banques de retrouver rapidement un accès normal aux liquidités, sans avoir besoin de recapitalisation. De toute façon, ajoute-t-on à Berlin, si de nouvelles mesures se révélaient nécessaires, le Fonds européen de stabilisation financière a les moyens d’agir. Quant au secteur bancaire, il n’a pas caché sa colère. La Fédération des banques publiques VÖB ne veut « rien retenir » de ces propos, tandis que Gerhard Hofmann, le président de la BVR, la Fédération des banques mutualistes les a jugés « pas appropriés et peu aptes à créer plus de confiance dans le système financier international ».

Par Romaric Godin, à Francfort

Éric Albert, à Londres – 30/08/2011, 07:23

 

Banques: Parisot critique Lagarde

lefigaro.fr Mis à jour le 30/08/2011 à 08:27 | publié le 30/08/2011 à 08:27 Réagir

La présidente du Medef, Laurence Parisot, a critiqué vivement mardi l’appel de la directrice générale du Fonds monétaire internationale Christine Lagarde à recapitaliser les banques européennes avec des fonds publics.

Selon la présidente du Medef, la déclaration de Lagarde, qui appelle à une récapitalisation des banques européennes est « incompréhensible », a-t-elle estimé mardi dans un entretien sur la radio Europe 1.

« Les banques européennes sont solides (…Smilie: ;) et pour les banques françaises, il faut bien avoir à l’esprit que nous avons les banques parmi les plus solides du monde », a dit la patronne des patrons français.

Elle juge particulièrement mauvaise l’idée d’injecter des fonds publics dans des banques qui, selon elle, se portent bien. « Je ne connais pas les circonstances qui l’ont amenée à prononcer ces paroles, mais en tous cas ce qui est dit n’a pas de sens », a-t-elle dit.

« Les banques françaises sont suffisamment capitalisées, elles sont très solides. N’oublions jamais que la crise de 2008, elle vient des banques américaines, certainement pas des banques européennes », a-t-elle conclu.

Christine Lagarde a appelé samedi les économies développées à agir au plus vite contre le risque d’une nouvelle récession et à renforcer les fonds propres des banques européennes.

« Les banques ont besoin d’une recapitalisation urgente », a déclaré la directrice générale du FMI. « La solution la plus efficace serait une recapitalisation substantielle obligatoire – d’abord en recherchant des ressources privées, mais en recourant si nécessaire aux fonds publics.

« Cette déclaration est tout à fait incompréhensible », a-t-elle déclaré en ajoutant que « les banques europeénnes sont suffisamment solides ».

 

Parisot dénonce un complot américain contre l’Europe

Par Gaëtan De Capèle, Olivier Auguste, Cyrille Lachèvre, Marc Landré Mis à jour le 29/08/2011 à

INTERVIEW – La présidente du Medef estime par ailleurs que l’Etat doit accélerer la baisse de ses dépenses pour résorber ses dettes.

 

LE FIGARO. – L’activité économique semble connaître un coup de frein brutal. Comment l’expliquez-vous?

Laurence PARISOT. – Le ralentissement est dû à la rencontre de deux séries de causes: aux États-Unis, une situation économique et politique qui se dégradait; en Europe, des États qui franchissaient la ligne rouge en terme d’endettement. Une fois ces difficultés surmontées, nous retrouverons une croissance vive et créatrice d’emplois mais il ne faut pas se tromper dans l’analyse de ce que nous avons vécu cet été. La situation s’est tendue quand la Chine a commencé à faire la leçon aux États-Unis sur leur dette. Les Américains ont sans doute voulu alors repasser le mistigri à l’Europe. On a assisté à une sorte de guerre psychologique et à une tentative de déstabilisation de la zone euro. Les marchés ont surréagi, étant par nature très sensibles aux rumeurs, même organisées. La morale de l’histoire, c’est que nous ne devons pas être naïfs et tomber dans le panneau de l’autodisqualification: si l’Europe a été attaquée, ce n’est pas parce qu’elle est faible mais parce qu’elle est forte, et si elle est enviée, c’est parce qu’elle est enviable.

Qui serait à l’origine de ce complot?

Je parlerais plutôt d’une «orchestration» outre-Atlantique des difficultés de l’Europe. Voyez les rumeurs sur les banques françaises, qui se sont diffusées immédiatement alors qu’elles étaient absolument infondées. Nos banques sont parmi les plus solides au monde. Des unes de médias américains an­­­nonçaient pourtant la mort de telle ou telle et même la fin de la zone euro. Nous sommes passés d’attaques sur l’Espagne à des attaques sur l’Italie, puis sur la France, jusqu’à des rumeurs de dégradation de l’Allemagne la semaine dernière! Quand des publications américaines très lues par les investisseurs et les analystes financiers titrent sur de fausses annonces dramatiques, des questions se posent.

L’accumulation des dettes des États est pourtant une réalité…

Certes. Les dettes ne sont plus tenables. Elles doivent être résorbées au plus vite. Comme le montrent les mesures prises la semaine dernière, le gouvernement n’a pas tardé à entendre l’avertissement.

Vous êtes donc favorable à la règle d’or de retour à l’équilibre budgétaire?

Le principe d’une règle d’or consoliderait la réputation de notre pays et faciliterait le travail de n’importe quel gouvernement. De nombreux pays s’y engagent, il serait étrange que nous Français n’en soyons pas capables.

Dix milliards de prélèvements supplémentaires pour un milliard d’économies de dépenses, est-ce la meilleure façon de lutter contre les déficits?

Il fallait ajuster rapidement la situation, le gouvernement l’a fait. Mais vous avez raison, cela ne suffira pas, et l’État doit aussi accélérer la baisse de ses dépenses. L’idéal serait un ratio de 1 à 2: deux fois plus d’économies sur les dépenses que de hausse sur les recettes sociales et fiscales. Des mesures comme la réforme des retraites et le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux vont dans ce sens. Aller plus loin suppose d’autres réformes structurelles: se concentrer sur les collectivités locales et y décliner la RGPP; travailler aussi sur la santé, notamment l’hôpital public (pourquoi facture-t-il plus à l’assurance-maladie que le secteur privé pour les mêmes prestations?); enfin, développer partout les partenariats public-privé et les délégations de service public. Ces voies ont l’immense avantage de ne pas toucher à notre modèle social.

François Fillon a-t-il eu la «PME attitude» que vous ne cessez de prôner dans son plan antidéficit?

Il s’est en effet montré attentif aux petites entreprises mais on doit faire encore plus. Parmi les TPE-PME-ETI d’aujourd’hui se trouvent des entreprises du CAC 40 de 2030: elles doivent bénéficier du meilleur environnement possible pour pouvoir grandir. C’est pourquoi nous appelons à un vaste programme pour délégiférer et déréglementer le système juridique qui enserre jusqu’au cou les petites et moyennes entreprises. Il faut aussi alléger leur fiscalité. Il est choquant que l’impôt sur les sociétés (IS) acquitté effectivement par les TPE-PME soit (par rapport à l’excédent d’exploitation) de l’ordre de 39% contre 19% pour les grandes entreprises. Entre autres raisons, ces dernières déduisent de leur résultat les intérêts d’emprunts, tandis que les TPE-PME le font peu du fait de leur moindre capacité à emprunter. C’est la double peine! Il existe aussi un taux réduit d’impôt sur les sociétés (15%) pour les entreprises dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 7,6 millions d’euros. Le Medef demande que ce plafond soit relevé à 10 millions.

Seize grands patrons se sont dits prêts la semaine dernière à être taxés plus. Approuvez-vous la taxe exceptionnelle sur les hauts revenus qui va être instituée?

On voit des revenus très élevés chez les sportifs, les acteurs, les professions libérales: ce n’est pas un sujet spécifique à quelques chefs d’entreprise. Je comprends le principe d’une taxe particulière à un moment exceptionnel, mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt et faire oublier la nécessaire modération des rémunérations des dirigeants. Par ailleurs, ne confondons pas tout. Il y aurait de la démagogie à comparer l’incomparable et à mettre dans le même sac des revenus annuels de 250 000 euros et de 2,5 millions d’euros. Veillons à ce qu’à l’avenir une évolution du seuil n’affecte pas les classes moyennes, y compris les classes moyennes supérieures, qui sont le moteur de l’économie.

L’intégration des heures supplémentaires dans le calcul des allégements de charges sur les bas salaires ne risque-t-elle pas de renchérir le coût du travail et de détruire des emplois peu qualifiés?

Il y a bien sûr dans ce plan des mesures qui nous plaisent moins que d’autres. Nous déplorons aussi le passage du forfait social de 6 à 8%: il pénalise l’intéressement et la participation que nous voulons encourager. Mais l’ensemble s’inscrit dans une claire logique de désendettement et cela, nous le saluons.

Êtes-vous inquiète de l’évolution du chômage dans les mois à venir?

Nous pouvons enrayer la récente dégradation. En comprenant que dans les TPE-PME réside le plus grand potentiel d’emplois et en le favorisant. En travaillant sur la meilleure employabilité des demandeurs d’emploi, en intégrant les fortes mutations des métiers, en adaptant en temps réel les formations.

L’emploi se précarise avec la multiplication des temps partiels, des CDD… Comment y remédier?

Dans le cadre de l’accord sur l’assurance-chômage signé en début d’année, nous allons créer avec les organisations syndicales un groupe de travail sur les évolutions des modes d’indemnisation. Nous avons aussi prévu une délibération sociale sur le marché du travail. Je souhaite faire converger ces réflexions pour améliorer l’ensemble emploi-assurance-chômage-formation. Les procédures qui entourent le contrat de travail doivent encore progresser: telles quelles, elles sont bloquantes par leur longueur et leur juridisme excessif. La peur de l’embauche est le problème numéro un des entreprises. Il faudrait réaliser avec les ruptures collectives le travail que l’on a accompli avec les ruptures individuelles. On ne dit pas assez que la rupture conventionnelle a installé pour la première fois en France la «flexisécurité» et que tout le monde y gagne.

Quel est le menu de vos négociations avec les syndicats au second semestre?

La priorité dans les jours qui viennent est de mettre en œuvre les accords patronat-syndicats du premier semestre sur l’emploi des jeunes. Nous poursuivrons aussi les négociations sur la valeur ajoutée et la modernisation du paritarisme. Nous lancerons également des délibérations sociales sur le bien-être au travail et l’égalité professionnelle homme-femme, dans laquelle nous inclurons le congé paternité.

Quelle sera votre stratégie pour faire passer vos idées pendant la campagne présidentielle?

En 2007, nous avions publié un livre, Besoin d’air, qui a marqué la campagne. Nous préparons «Besoin d’air 2» qui sortira début janvier. «Besoin d’air 2» proposera des réformes structurelles mais surtout portera un grand projet européen. Il y a quelque temps encore, il arrivait que je rencontre des chefs d’entreprise qui reconnaissaient avoir voté non au traité de Maastricht; aujourd’hui, je vois ces mêmes chefs d’entreprise convaincus, enthousiastes et prêts à avancer résolument vers un fédéralisme européen économique et social. La France restera la France si, et seulement si, l’Europe est solidaire, unie et puissante.

 

merci à mes collègues

 

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Des profs en galère Flora Yacine paru dans SH

Des profs en galère

Flora Yacine

Souffrance, stress, désengagement, crise des vocations… ?À quoi est due cette crise de motivation ?que l’on observe chez beaucoup d’enseignants??

«?Ce qui me motive, confie Laurence, professeure en collège, c’est le contact avec les jeunes, et le sentiment, quand un cours a bien marché, de voir des petites lumières qui s’allument dans leurs yeux, de leur avoir transmis des connaissances, des valeurs, et de les sentir progresser. Ce qui me démotive, c’est d’avoir à en abandonner certains au bord de la route, parce qu’il faut faire un programme… et leur imposer souvent d’aborder des questions qu’ils ne se posent pas. Ce décalage induit une démotivation chez les élèves, une sorte de résignation à faire un “métier d’élève” qui ne les intéresse pas.

Les enseignants sont en souffrance?: c’est ce que montrent nombre d’études, de sondages, de témoignages de jeunes profs, qui décident de jeter l’éponge et de se réorienter. Scandalisés par ce que certains voient comme une déliquescence de l’école et de la société tout entière, leur déchirement est d’autant plus grand que beaucoup témoignent d’un profond attachement à la noble tâche de transmettre des savoirs, chèrement acquis durant leurs études, dont ils se sentent empêchés (1).

Depuis quelques années, sociologues et psychologues de l’éducation analysent cette question. Qu’est-ce qui crée ce sentiment de malaise et de démotivation chez les enseignants??

?

Entre emprise et déprise?

Pour Françoise Lantheaume et Christophe Hélou, l’école et ses professionnels seraient aujourd’hui confrontés à «?une période de redéfinition des repères et d’adaptation à des univers sociaux en perpétuel changement (2)?». Dans leur enquête, ces deux sociologues décrivent trois postures du métier?: la prise, l’emprise et la déprise. En situation de prise, le plaisir de faire un métier que l’on aime domine?: un cours bien réussi par exemple, «?qui a marché?», donne une sensation jubilatoire de maîtrise de la situation. Mais la multiplicité et l’enchevêtrement des tâches, la difficulté à toutes les gérer de manière satisfaisante, peuvent engendrer l’emprise, sentiment d’être submergé par les sollicitations et la diversité des registres d’action, et où l’enseignant se sent débordé. C’est alors un mécanisme de déprise qui s’enclenche, se traduisant par un désengagement, le désir «?d’aller voir ailleurs?» résultant d’un sentiment d’impuissance, produisant doute, incertitude, tout en diminuant la satisfaction au travail.

?

Une accumulation ?de missions?

Le nouveau management qui s’est introduit dans l’Éducation nationale – à l’instar de toutes les organisations – demande à chacun une démarche d’analyse et d’évaluations diverses et variées (niveaux CM2-sixième, résultats au brevet et au bac…), ainsi que la réalisation de projets d’école et d’établissements. À la gestion de la classe au quotidien, aux corrections et à la préparation des cours, au suivi individualisé des élèves viennent s’ajouter les livrets d’évaluations annuels destinés à l’administration, la tenue de réunions diverses et variées avec les collègues et les autres personnels de l’éducation (santé, orientation, etc.)

Il leur faut aussi répondre aux demandes de plus en plus exigeantes de familles elles aussi stressées et inquiètes du destin scolaire de leur progéniture et souvent suspicieuses vis-à-vis de l’école. Loin de l’attitude réservée qui était la règle lorsque l’école était considérée comme un sanctuaire quasiment impénétrable, les parents exigent aujourd’hui des comptes, demandent des explications sur les devoirs ou le suivi des programmes…

En définitive, les enseignants doivent faire face à de nouvelles exigences de polyvalence, de polycompétence, de participation aux équipes pédagogiques et au travail collectif, et de satisfaction de leurs usagers que sont les élèves en manifestant une réflexivité qui leur permette de s’adapter à des demandes sans cesse nouvelles.

?

Une autorité contestée?

Depuis une trentaine d’années, les évolutions de la société ont contraint les enseignants à transformer leurs pratiques. Les élèves ont changé et ont acquis un droit d’expression parfois difficile à gérer?: les profs doivent faire face à ces petites incivilités ou plus grandes violences qui sont entrées dans les murs de l’école, éduquer à la citoyenneté, à la démocratie, au respect d’autrui. Des élèves qui s’interpellent à haute voix, d’autres qui se cachent à peine pour jouer avec leur portable en classe, d’autres encore qui viennent accaparer l’attention du prof pour protester sur une note estimée injuste…

Il leur faut prendre en compte aussi la variété des publics, la diversité des cultures, la connaissance des religions et des modes de socialisation familiale. Sans compter que, dans une société où l’échec scolaire est considéré comme une grave injustice, ils se doivent d’obtenir de meilleurs résultats avec des élèves dont le niveau, les capacités et les goûts sont de plus en plus hétérogènes. La remise en cause de l’autorité est surtout sensible dans les collèges, qui accueillent des élèves en pleine adolescence, moment où la motivation scolaire est la plus faible, selon les psychologues. Mais elle atteint de plein fouet de jeunes enseignants, nommés pour leur premier poste dans les établissements «?difficiles?», souvent sans aucune préparation à ces difficultés.

 

Une profession ?dévalorisée?

Dans un sondage du CSA datant de 2008 (3), 93?% des enseignants – davantage dans le secondaire que dans le primaire – jugeaient leur profession dévalorisée et près de la moitié désirait changer de métier (tout en restant au sein de la fonction publique). Aujourd’hui, les candidats à la profession sont devenus moins nombreux que le nombre de postes offerts (4).

En somme, le «?malaise au travail?», observé aujourd’hui dans de nombreuses professions, fait de déprises et de déprimes, de burnout, d’épuisement physique et moral (5), n’épargne pas les enseignants, et prend pour eux des caractéristiques bien spécifiques.

Le paradoxe est que la pénibilité du métier semble niée par la société, qui considère souvent que les profs ont des conditions de travail privilégiées (vacances, horaires), alors qu’une méconnaissance de la réalité quotidienne des classes rend difficile la reconnaissance de la complexité de leurs tâches. C’est ce que constatent Laurence Janot-Bergugnat et Nicole Rascle, estimant que les enseignants sont pris dans une injonction contradictoire?: «?On dévalorise leur rôle en même temps qu’on leur en demande toujours plus (6).?» Ce manque de reconnaissance est source de culpabilité chez les enseignants. Se sentant peu soutenus par la société, soupçonnés d’être responsables des problèmes de l’école, ils doivent en outre aujourd’hui affronter une pluralité d’exigences, venues des changements sociaux et des transformations de l’institution.

 

NOTES

(1) Voir Aymeric PatricotAutoportrait du professeur en territoire difficile, Gallimard, 2011.
?(2) Françoise Lantheaume et Christophe Hélou, ?La Souffrance des enseignants. Une sociologie pragmatique du travail enseignant, Puf, 2008.
(3) Sondage CSA/Snes réalisé en mars 2008 auprès de 503 enseignants du second degré de l’enseignement public.
(4) Voir www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/07/22072011Accueil.aspx
(5) Jean-François Dortier (coord.), «?Malaise au travail?», Les Grands Dossiers des sciences humaines, n° 12, septembre-octobre-novembre 2008.
(6) Laurence Janot-Bergugnat et Nicole Rascle, ?Le Stress des enseignants, Armand Colin, 2008.

 

À LIRE

• Le Travail enseignant. Le visible et l’invisible
Yves Baunay, Marylène Cahouet, Gérard Grosse, Michelle Olivier et Daniel Rallet (dir.), Syllepse, 2010.
• «?Les mille visages de la souffrance à l’école?»
Lisa Friedmann, www.le-cercle-psy.fr/les-mille-visages-de-la-souffrance-a-l-rsquoecole_sh_26234
?• «?France?: la formation pratique sacrifiée?» 
Entretien avec Gilles Baillat, Sciences Humaines, n° 227, juin 2011. À consulter aussi en ligne sur ?www.scienceshumaines.com/profs-la-formation-pratique-sacrifiee-entretien-avec-gilles-baillat_fr_27253.html

 

Les agents stressants

 

• L’intensité et la surcharge de travail?: en cours, il faut répondre, écouter, se déplacer, écrire, maintenir l’ordre, gérer la dynamique de groupe. À la maison, corrections, préparations de cours sans cesse actualisés…

• Le conflit de rôles?: éduquer et instruire, par exemple.

• Le manque de reconnaissance? de la part d’une société prompte ?à tenir l’école responsable de ?ses dysfonctionnements.

• Le manque d’appétence des élèves pour nombre d’apprentissages.

• Le climat des classes.?

• L’inadéquation de la formation.?

Flora

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Professeur dans un quartier nord de Marseille Martine Fournier

Professeur dans un quartier nord de Marseille

Martine Fournier

Dans une chronique pleine d’humour, un enseignant raconte ?son quotidien dans un lycée de quartier sensible. ?Une manière rafraîchissante de mettre à distance les difficultés du métier…

«?Prof, c’est pas un vrai métier. C’est une discipline sportive. Une épreuve d’endurance.?» C’est presque devenu un rituel depuis plusieurs années. Chaque rentrée scolaire livre son lot d’essais ou de témoignages sur la difficulté du métier d’enseignant.

Des jeunes profs surtout, parachutés en début de carrière dans des établissements réputés «?difficiles?», désarçonnés par la violence, les incivilités, les insultes et le manque de motivation des élèves.

En cette rentrée, c’est un vent de philosophie et d’humour, servi par un vrai talent d’écrivain, que nous apporte la chronique d’un enseignant en lycée technique d’un quartier nord de Marseille (1).

Professeur de français, d’histoire-géographie et d’éducation civique, Dominique Resch enseigne depuis vingt ans à des Tonio, Nadir, Moktar ou Jeremy, ces élèves en section de plomberie, maintenance électricité ou maçonnerie dont nul n’ignore le peu d’attrait pour la chose scolaire. Et il paraît y avoir pris goût?: «?En un mot, pour mon plus grand bonheur, leur vie m’a envahi?», peut-on lire dans la dédicace qu’il fait d’entrée à «?ses chers élèves?».

En vingt ans donc, il a eu le temps de cerner les ressorts de la motivation de son public. «?À huit heures, quand je parle, je sens bien que je dérange.?» Surtout le lundi matin quand, le samedi soir, l’OM a perdu?: «?J’ai beau faire tout ce que je peux, c’est foutu d’avance. Mes troupes ont le moral dans les chaussettes et on se traînera toute la journée?». Si en revanche l’OM a gagné, alors là tout est possible.

 

«?Quand l’OM perd, les résultats scolaires s’en ressentent?»

Les registres de langue (le langage coloré des supporters, les parlers marseillais du Vieux-Port ou de la Belle-de-Mai), les textes descriptifs ou explicatifs de l’entraîneur, ceux injonctifs du président du club… «?Quand on perd, les résultats scolaires s’en ressentent.?»Idem quand il pleut plus de trois jours sur la cité phocéenne?: «?On dirait que le PSG a gagné?», s’exclame un élève en regardant le ciel.

À travers des anecdotes tout aussi rocambolesques que parfois dramatiques, il serait abusif, et cela apparaît en filigrane, de nier la rugosité du quotidien. Notamment lorsqu’un élève se tire involontairement une balle dans la cuisse avec le revolver qu’il tenait caché dans sa poche?; ou une sortie en VTT qui n’est pas loin de tourner au cauchemar. «?Une nouvelle fois de ma carrière, je me demande pourquoi je n’ai pas fait autre chose dans ma vie?», confie-t-il au détour d’un chapitre.

Mais cet optimiste invétéré ne paraît pas doué pour le désespoir. «?La fin du Ramadan, c’est la fête et le renouveau pour tout le monde. Allah n’est pas mesquin. Et c’est la raison pour laquelle je reste en poste dans ce quartier difficile depuis vingt ans au lieu de demander mon transfert vers des coins plus tranquilles. Chaque année, au moment des mutations, mon stylo se fige en l’air?: je ne parviens pas à signer ma demande de changement de poste. Elle me tend les bras, pourtant… J’ai suffisamment d’ancienneté, de “points” pour prétendre aller enseigner dans des contrées paisibles (…). Rien à faire, mon stylo ne s’abaisse pas. Avant tout autre appel des sirènes, tout autre appel du grand large, je réponds à l’appel du miel d’acacia. (…) L’année prochaine quelle mère d’élève m’enverra ses bons gâteaux?? Cette question-là surpasse toutes les autres et donne du sens à ma vie professionnelle.?»

«?Quelques baklavas particulièrement goûteux ont même déjà valu, je l’avoue, deux points de plus à certains de mes élèves en grande difficulté.?» On ne mesurera jamais assez le rôle de ce «?trafic d’influence?» pour restaurer la confiance de ces jeunes et leur motivation à aller passer le BEP.

 

«?Un prof qui doute, ?c’est une cible

D. Resch s’affiche comme un pragmatique et ne craint pas de provoquer. Sur la discipline par exemple, lorsqu’il évoque les vols, le manque de respect, la violence?: «?Ce qu’il nous faudrait pour remettre de l’ordre là-dedans, c’est une vraie poigne. Un type en béton armé, avec des angles vifs et des mandats d’arrêt plein les mains. Pas un conseiller d’éducation à l’écoute des élèves, ouvert à la discussion, attentif et compréhensif. Non. On aurait besoin d’un bon vieux surveillant général comme dans le temps. Un type qui en a dans le pantalon.?» Il raconte alors comment, un matin, est arrivé un surveillant de cette veine («?un ancien militaire reconverti dans le dressage de la jeunesse pour arrondir ses fins de mois?») qui a démissionné au bout d’une semaine. Et de saluer au passage sa jolie collègue d’anglais Émilie («?un bon mètre cinquante-cinq quand elle a cinq centimètres de talons?»), dont les élèves – «?CAP maçonnerie, option gros bras grande gueule?» – attendent dans le calme absolu qu’elle leur dise de sortir quand survient la dernière sonnerie avant le week-end, et que tous les élèves des autres classes se ruent bruyamment dans les couloirs pour atteindre plus vite la sortie.

La question de l’autorité est omniprésente tout au long de ces chroniques entamées par une succulente entrée en matière dont voici quelques extraits?:

«?Je connais tout?: la superficie du Groenland au centimètre carré près, le poids de l’armature de Bayard au gramme près et le temps de digestion de la loutre des Pyrénées à la seconde près… Normal, je suis prof. Si le prof doute, sortez les sarbacanes et envoyez les boulettes. Un prof qui doute, c’est une cible. On raconte n’importe quoi aux apprentis profs quand ils apprennent le métier?: quelqu’un qui enseigne aurait le droit de douter, voire de se tromper comme tout le monde… Bien sûr que non?! (…) Le prof doit parler comme un livre ouvert parce qu’il a la science infuse. C’est simple. En classe, en cas de doute, je préfère mille fois inventer n’importe quoi que vérifier ma réponse par une aide extérieure. Le prof qui pompe, c’est zéro. Déjà qu’il lui arrive d’être noté par un inspecteur (ça, c’est pas clair), s’il se met à tricher, ce n’est plus possible. Le prof sait. (…) Je suis une évidence qui marche entre les rangées de tables, une évidence debout et eux, les élèves, ils sont assis. Tout ce que j’écris au tableau est vérité. L’exacte vérité. Pratiquement aussi vrai que ce que l’on voit à la télé.?»

 

«?Rien n’est plus dangereux ?que d’enseigner?»

Il y a pourtant des questions houleuses, des dangers que l’on ne peut éviter, admet l’auteur. «?M’sieur, pourquoi il y a des gens qui ne croient pas en Dieu???» Les discussions sur la religion, l’apprentissage de la tolérance et de l’ouverture d’esprit sont toujours scabreuses. «?Je tente de revenir à la page 27 du manuel, mais à partir de là, je vois mon autorité qui s’effrite.?»

Mais, pour lui, le plus grand danger du métier reste de blesser un élève. «?Rien n’est plus dangereux que d’enseigner?»?: lorsque s’abordent les questions des Noirs, des Blancs, du racisme, du port du voile, des inégalités dans le monde, il y aura toujours un élève pour comprendre de travers ce qu’il a voulu dire. Un qui repartira chez lui désappointé, voire blessé. Tout comme lui a subi les vexations de ses propres maîtres, restées gravées dans sa mémoire.

Car ce qui sous-tend ce livre, c’est l’affection et l’empathie de ce professeur vis-à-vis de ces jeunes, aussi pénibles soient-ils. ?Une sorte de chaleur humaine que les potaches lui rendent bien, même si c’est avec leur manière à eux. En se tenant (trop) impeccablement par exemple lorsque survient un inspecteur, ou en se réjouissant de son succès lorsqu’un éditeur l’appelle pour publier son livre.

Aussi dure soit la tâche, beaucoup d’enseignants s’y retrouveront, qui connaissent bien le paradoxe d’une profession aussi usante qu’attachante.

 

 

(1) Dominique ReschLes Mots de tête. Chronique d’un prof, Autrement, 2011.

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Parcours de réussite en milieu populaire Benjamin Castets-Fontaine paru dans SH

Les jeunes de milieux populaires? accédant à Polytechnique, Sciences Po, Normale Sup… Quels sont ?les ingrédients de ces scolarités en forme de «?randonnées vertueuses?»??

Pourquoi, avec un minimum de capitaux culturels et économiques, certains élèves issus de «?milieux populaires?» connaissent un maximum de réussite et échappent ainsi aux mécanismes de reproduction scolaire et sociale?? De telles réussites «?paradoxales?» affolent les plus séduisantes théories explicatives de la réussite scolaire, qui avancent pour la plupart que le milieu social et familial est déterminant pour accéder aux meilleures études et, notamment en France, aux grandes écoles.

Dès lors comment expliquer sociologiquement de telles exceptions?? Cette recherche est fondée sur des entretiens réalisés auprès de 45 élèves issus de milieux populaires ayant accédé par les voies classiques aux plus grandes écoles françaises (Polytechnique, HEC, ENS, Ena…). Elle montre que ces parcours ne tiennent pas du miracle ni ne se résument à des résidus statistiques?! Ils ne se réduisent pas non plus à une simple affaire de famille. Ils sont plutôt la conséquence d’un cercle vertueux de la réussite scolaire combinant facteurs familiaux et extrafamiliaux. Au sein de ce cercle vertueux, plusieurs niveaux de déterminismes agissent sans qu’aucun d’eux détermine l’ensemble. Trois dimensions structurent leurs parcours scolaires?: l’information et l’orientation, le statut de «?bon élève?» et l’engagement.

 

Profs ou proches?: ?le rôle des bons aiguilleurs ?

C’est sur les conseils de ses professeurs du lycée que Mathieu, fils d’ouvrier, a suivi une classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) et intégré HEC. Ce sont aussi des enseignants de lycée qui ont guidé Laura (Essec), fille d’un ouvrier et d’une employée immigrés portugais, vers la CPGE. Ces élèves ne possèdent pas véritablement au départ d’informations sur l’orientation, leur famille ayant une faible connaissance du système scolaire. Ils profitent, en revanche, la plupart du temps, de circonstances et de rencontres avec des acteurs extérieurs à la famille pour s’informer et confirmer leurs orientations. La figure de l’enseignant comme aiguilleur scolaire est récurrente et patente. Si les conseils d’orientation peuvent être ponctuels pour certains, ils jalonnent, pour d’autres, l’ensemble de la scolarité. Erwan (qui fait Polytechnique) déclare avoir eu des professeurs décisifs dans ses choix d’orientation tout au long de son parcours scolaire?: à l’école primaire, une institutrice l’oriente vers un collège doté d’une classe européenne?; au collège, un professeur lui déconseille de prendre une option technologique tandis qu’un autre l’encourage notamment à s’inscrire dans un lycée renommé?; au lycée, il apprendra l’existence des CPGE?; enfin en CPGE, un enseignant lui donnera des conseils stratégiques pour augmenter ses chances d’atteindre l’X.

Les orientations successives engagent inexorablement en fermant et en ouvrant des portes. Les enseignants éclairent le chemin vers la riuscita, la «?bonne issue?». S’ils forment et informent, d’autres acteurs guident ces élèves de milieux populaires dans les carrefours de l’orientation scolaire. Par exemple, Stéphanie, normalienne, fille d’employés non diplômés, bénéficiera de l’intervention dans son orientation du père de sa meilleure amie?: «?Il m’a déjà fait part de l’existence des classes préparatoires, qu’évidement je ne connaissais pas, et que je n’aurais, sans doute pas, connues sans lui (…), il m’a dit qu’il fallait que j’aille à Henri IV.?» Certes, le rôle d’aiguilleur joué par des acteurs extérieurs à la famille a probablement d’autres effets que celui de la simple orientation – effet de socialisation, effet Pygmalion. Mais ces élèves, en se saisissant des informations absentes de leur cercle familial, maintiennent voire renforcent leur excellence au fil des épreuves scolaires.

 

Croire en ses capacités et être reconnu?

Ces parcours d’excellence scandés par des informations favorables à l’orientation sont aussi alimentés par le statut de «?bon élève?». Celui-ci se caractérise par des croyances en des capacités. Les élèves affirment massivement et spontanément avoir des «?facilités?». Qu’elles soient vraies ou fausses, de telles croyances sont susceptibles de fonctionner comme des prédictions créatrices. Elles nourrissent le terreau de l’excellence d’autant plus que l’idéologie du don n’entre pas en contradiction avec l’idée que la réussite découle du travail. Ainsi, Mohamed (à Polytechnique), fils d’une famille très modeste originaire de Kabylie habitant une cité de Sarcelles, explique qu’il a «?plus de facilités que les autres?». Néanmoins, ses capacités proclamées ne l’empêchent pas de fournir un travail scolaire à la hauteur des enjeux. Ne doutant pas de sa réussite, il avouera sacrifier son temps libre pour la CPGE?: «?Je ne doutais pas qu’en prépa j’allais réussir, même si c’était dur. Je me suis dit?: “?Je vais y arriver?”. (…) Faut avoir un peu confiance en soi pour réussir.?» Pour lui, il s’agit tout autant de vivre pour réussir que de réussir pour vivre?: «?Je me suis dit que j’allais réussir, même si je n’étais pas trop de cet univers. Et puis en prépa, le poids des différences d’origine est assez faible vu qu’en fait, tout le monde est là pour travailler, tous sont de très bons élèves au lycée et la seule valeur qui compte, c’est le travail et la note en prépa. Donc, en gros, les meilleurs sont adulés et les derniers sont déprimés. Tu vis que pour ça… Oui, pour les maths, oui, pour réussir. Pour avoir une spé avec étoile. Chaque semaine, y a des devoirs. Il faut passer quatre heures pour les faire en maths et en physique. Ça demande vraiment beaucoup de temps. Aussi pour tout assimiler, il faut sacrifier beaucoup de son temps libre.?» De telles convictions témoignent d’une forte estime de soi et plus encore d’une profonde confiance en ses capacités. Or les psychologues ont bien montré, ces dernières années, que l’estime de soi et la confiance en ses capacités sont des éléments essentiels pour la performance.

La conviction d’être «?doué?» chez ces élèves s’articule avec la place de «?leader?» que beaucoup d’entre eux occupent. Ils déclarent fréquemment être placés sur un piédestal autant par la famille que par d’autres personnes comme les enseignants. Si ces derniers enseignent et renseignent, ils connaissent et reconnaissent également. Tous ces excellents élèves sont étiquetés comme tels par leurs enseignants. Ils sont présentés à des concours, récompensés par des prix. Pour certains, de véritables complicités, voire amitiés, avec des professeurs se construisent, au-delà du temps scolaire.

La reconnaissance peut passer également par les camarades. On joue «?au prof?» en aidant des amis en difficulté. On cultive comme Laura l’image d’intello de la classe?: «?Mes amis de l’époque sont tous partis en BEP (…). Ils m’appelaient l’intello du groupe?: “De toute façon, toi, tu préfères travailler.” Je rigolais avec eux mais j’étais en même temps l’intello. Ils me demandaient mes devoirs, ils venaient toujours copier sur moi.?»La reconnaissance a lieu aussi dans la famille. Des élèves se décrivent alors investis d’une fonction indispensable. La famille compte sur eux. Laura, l’«?intello?», devient une personne responsable aux yeux de ses parents lorsqu’elle acquiert les connaissances scolaires de lecture et d’écriture. Au-delà des responsabilités, son savoir lui confère une légitimité au sein du foyer. Elle s’occupe ainsi des démarches administratives dès son plus jeune âge?: «?Les démarches administratives, ils ne comprenaient pas… Ben ça a été moi (…), à partir du moment où j’ai commencé à lire, à écrire…?»

Les élèves s’inscrivent et sont inscrits clairement dans une hiérarchie scolaire et familiale. Meneurs et sollicités dans leur parcours, ils multiplient les tâches cognitives (aider par exemple un grand frère à faire ses devoirs scolaires), développent des compétences (participer à des démarches administratives, organiser les vacances familiales, etc.) et s’ouvrent à la culture. Les croyances et la position de leaderfavorisent une bonne image d’eux-mêmes et leur permettent de s’engager un peu plus dans la réussite.

L’engagement apparaît comme la clé de voûte du cercle vertueux. Ces excellences atypiques relèvent d’abord d’une soumission librement consentie. Les élèves se sentent pris dans un «?engrenage?». Le travail scolaire devient un impératif – au point parfois de devenir une véritable obsession où la leçon apprise par cœur continue d’être étudiée. Erwan raconte?: «?Si je n’avais pas fait mes devoirs, c’était la fin du monde. C’était quelque chose que je ne pouvais pas imaginer, si jamais ça arrivait, il fallait que je me lève la nuit pour les faire, ça m’empêchait de dormir (…). J’avais fini par acquérir une sorte de rôle dans la classe et finalement j’étais un peu prisonnier du rôle, je me devais d’avoir fait mes devoirs.?» Tout comme lui, Laura s’exécute?: «?J’ai jamais voulu aller à l’école sans avoir fait mes devoirs parce que je me sentais mal.?»Par ailleurs, certains des élèves iront jusqu’à décrire des «?effets de gel?» étudiés par la psychologie sociale. Autrement dit, une fois la décision prise, il convient dès lors de s’accrocher, d’aller au bout des efforts même si les risques et les coûts s’avèrent élevés.

 

Être à la hauteur des espérances?: un contrat tacite?

L’engagement est en même temps un «?marcher ensemble?». L’excellence s’étaye sur des engagements réciproques, sur des contrats faits d’obligations et devoirs se réalisant entre enfant et parents, entre élève et enseignants. Erwan évoque une «?loi tacite?» entre lui et ses parents?: «?Je pense qu’ils nous faisaient confiance. Ils avaient peut-être réussi à instaurer une espèce de loi tacite qui était?: “Faut faire ton travail avant de faire autre chose…”?». Laura est prise dans un contrat moral s’enracinant dans le projet migratoire parental. Elle lie sa réussite à une dette à l’égard de sa mère?: «?Je me dis qu’au moins pour ma mère qui travaille (…), elle fait toujours le ménage. Je me dis qu’elle fait ça pour moi. Si je ne me donne pas les moyens de faire le meilleur, bien, qui pourra le faire pour moi?? Personne. Donc je me suis dit, ma mère est venue en France, ce n’est pas pour rien. Elle m’a donné l’opportunité de faire des choses que je n’aurais pas pu faire ailleurs, en tous les cas pas au Portugal. Donc il faut vraiment que j’y arrive.?» Pour Stéphanie, un sentiment de dette s’exprime à l’égard de son grand-père. Il lui a appris à lire et à écrire avant d’entrer au CP. Au-delà d’une socialisation vertueuse, de ce goût que son grand-père lui transmet pour l’étude et de son avance scolaire, il s’établit entre eux un contrat moral dans le sens où elle a l’impression de tout lui devoir.

L’engagement se révèle aussi dans la peur de décevoir. Si Mathieu émet quelques doutes sur son orientation les premiers jours en CPGE, il ne peut pas abandonner. Il est engagé à poursuivre. Il a contracté un engagement auprès de ses parents mais aussi auprès de certains de ses enseignants?: «?Je ne voulais pas décevoir mes parents, ça, c’est sûr. Mes profs aussi. Je ne voulais pas abandonner tout de suite, je sais que j’adorais parler aux profs (…). Ce sont eux qui m’avaient convaincu d’y aller.?»

Ici, l’excellence ne semble pas provenir d’une congruence des capitaux entre famille et école mais plutôt d’une adéquation entre les engagements de l’élève avec sa famille et ses engagements avec l’école.

 

Un jeu subtil entre la nécessité et la contingence?

Recevoir les bonnes informations, maintenir son statut de bon élève et les bénéfices qu’il apporte, ne pas décevoir les attentes que l’on a suscitées?: ces trois dimensions participent de l’excellence et de l’engagement dans des carrières scolaires brillantes de jeunes de milieux populaires. Au sein de ce cercle vertueux, «?toutes choses (sont)causées et causantes, aidées et aidantes?», comme l’écrivait Pascal.

Plus les élèves sèment de bons résultats, plus ils sont certains d’être doués. Plus ils en sont convaincus, plus ils sont reconnus comme brillants et récoltent alors encouragements, aides, conseils, informations de la part leur entourage familial et scolaire. Toutes ces preuves renforcent leur estime de soi, les engageant toujours un peu plus vers la voie du succès. Au final, leur excellence est le produit d’un jeu subtil entre la nécessité et la contingence, puisque pris dans des contrats, des engagements, ils bénéficient également de connaissances, d’événements, de petites interactions glissantes de la vie quotidienne qui apparaissent comme des faiseurs de réussites. Tout un enchaînement de mécanismes qui s’imbriquent dans ce processus que constituent les randonnées vertueuses de la réussite scolaire.

 

Les complicités de l’intérieur

 

Aux yeux de sa famille, Loulou est une enfant rebelle qui «?n’arrivera jamais à rien?». Alors qu’elle est placée dans un institut rural de travail féminin après une scolarité chaotique, son moniteur lui signifie que sa place n’est pas ici et l’invite à avoir plus d’ambition… La suite du parcours de la jeune fille ressort presque de la fiction. Devenue auxiliaire de puériculture, elle saisit une opportunité pour partir au Canada où elle trouve du travail chez un pâtissier québécois. Puis elle apprend l’anglais à Toronto, est recrutée pour enseigner le français aux anglophones, passe ensuite avec succès des tests pour s’inscrire à l’université d’York en littérature française et anglaise. Tout en travaillant toujours dans son école de langues pour payer ses études, ses appréciations passent de «?hors sujet?» à une copie de niveau A, et sa professeure lui conseille de passer en maîtrise?: «?Vous en êtes capable.?»?

«?C’est une femme qui m’a marquée au sens où elle était très exigeante, très dure, très directe et, je pense, très juste?», se souvient Loulou. De fil en aiguille, elle soutient avec succès sa thèse de doctorat en 1995 à Toronto.

La Revanche scolaire offre nombre d’exemples de ces parcours atypiques de jeunes de milieux populaires, souvent multi-redoublants, qui ont profité à un moment de leur scolarité de ce que les auteurs nomment des «?complicités de l’intérieur?».

Des enseignants ou des éducateurs le plus souvent, qui les renseignent, les aident à se repérer dans leur orientation, leur donnent des tuyaux, les introduisent ou même les imposent dans une classe où ils n’étaient en principe pas acceptés. Et une connaissance de l’intérieur ne permet pas seulement de frapper aux bonnes portes au bon moment. Elle apporte aussi une complicité bienveillante faite de prophéties valorisantes, d’encouragements à poursuivre?; en fait d’une reconnaissance des capacités propre à stimuler la motivation.

À LIRE

La Revanche scolaire.
?Des élèves multi-redoublants, relégués, devenus superdiplômés
Bertrand Bergier et Ginette Francequin, Érès, 2005.

Martine Fournier

 

 

Benjamin Castets-Fontaine
Sociologue de l’éducation, université Bordeaux-II, chargé d’études pour le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) et chercheur associé au centre Émile-Durkheim.

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Les théories de la motivation

• Une pulsion ?pour apprendre

Saint Augustin affirmait l’existence d’une libido sciendi (désir d’apprendre). Pour Freud, celle libido sciendi n’est que l’expression d’une libido sexuelle sublimée dans le désir d’études.?Ce qu’il nommait « l’épistémophilie ». Cette idée d’un désir d’apprendre naturel est reprise aujourd’hui par un courant de recherche sur la «?curiosité?», dont Jordan Litman, de l’université de South Florida) est l’un des chefs de file, et qui suppose que le désir d’apprendre est une pulsion fondamentale de l’être humain.

 

• Récompense, sanction et conditionnements

Pour l’approche behavioriste en psychologie, la motivation à apprendre est boostée par les réussites et récompenses et le dégoût provient des échecs et sanctions. Burrhus F. Skinner, le grand manitou du bebaviorisme dans les années 1960, est l’inventeur de l’enseignement programmé?: une méthode d’apprentissage sur ordinateur où l’élève apprend et progresse à travers un parcours personnel jalonné de questions/réponses sanctionnées par des encouragements, «?bravo continue?» ou «?Recommence, tu peux faire mieux?».

• La psychologie humaniste ?et le «?besoin d’accomplissement?»

Dans les années 1950, aux États-Unis, la psychologie humaniste (Abraham Maslow)?mettait le «?besoin de réalisation de soi?» au sommet de la pyramide des besoins, la base de cette pyramide comprenant les besoins physiologiques (comme se nourrir, se protéger) suivis des besoins de sécurité matérielle (le confort), puis d’affection et d’acceptation par l’autre, ensuite des «?besoins cognitifs, esthétiques?». À la même époque, des psychologues américains (Henry Murray, David McClelland et John W. Atkinson) faisaient du «?besoin d’accomplissement?» (need for achievement) le pivot des motivations humaines. Selon D. McClelland, l’accomplissement correspond à la volonté de réussir le mieux possible dans un domaine d’excellence (scolaire, professionnel, sportif, etc.) valorisé socialement. Ce besoin vise une satisfaction personnelle, mais intègre aussi la reconnaissance sociale.

 

• Raison et émotions

Les approches dites « sociogognitives » de la motivation sont apparues dans les années 1980. Elles s’inscrivent dans une perspective intégratrice visant à prendre en compte à la fois les théories dimensions affectives?de la motivation (pulsions, émotions, motivation) et de la cognition (buts et représentations du sujet). En fait ces théories sont principalement focalisées sur les représentations et interprétations que l’élève se fait de la situation, de sa confiance ou de son estime de soi, censées être une déterminante essentielle de la réussite scolaire.

 

• Motivation intrinsèque et extrinsèque

La théorie de l’autodétermination (TAD) d’Edward Deci et Richard Ryan souligne qu’on agit pour une chose avec d’autant plus d’intérêt que cette action est autodéterminée, c’est-à-dire qu’elle vient de soi et non de sollicitations extérieures. Autrement dit, une personne sera d’autant plus impliquée qu’elle aura décidé d’elle-même de s’engager dans une activité.

La distinction entre motivation intrinsèque (ou interne) et motivation extinsèque (buts dérivés) est un autre aspect important de cette théorie. Ainsi, dans le travail scolaire, n’est plus motivé qu’un élève qui s’intéresse à une matière en soi et pour soi et non pas pour des motifs autres (une récompense ou la peur de l’échec). Cette distinction entre motivation intrinsèque et extrinsèque est devenue un classique des théories de la motivation (scolaire, ou au travail, ou dans la lutte contre les addictions).

 

• Des buts et des valeurs

Les théories de la motivation en terme de «?buts?» (goal setting)?sont issues de l’approche cognitive. Elles se situent du point de vue de l’élève ou de l’étudiant, de ses buts conscients, de ses interprétations de la situation et de l’estimation de ses chances de réussite. Les buts peuvent être multiples (la maîtrise d’une activité, la réussite au regard des autres, l’évitement des désagréments), et se décomposer entre buts généraux?et sous buts à court, moyen ou long terme. Ces théories débouchent sur une classe de théories des buts comme la théorie hiérarchiques?des buts de Andrew J. Eliott.

 

• Réflexivité et auto-efficacité

Une fois accomplie une tâche, l’individu compare les résultats à ses objectifs, et ce sera une source supplémentaire de motivation ou de démotivation.?Le psychologue Albert Bandura fait du sentiment d’auto-efficacité un facteur essentiel de la réussite.?Il correspond à l’appréciation qu’a un individu de sa capacité à réussir une tâche donnée. Ce sentiment comporte donc à la fois une dimension liée à l’estime de soi et une dimension proprement réflexive,?liée à sa capacité d’action, de contrôle de la situation. Plus globalement, les théories psychologiques de la réflexivité accordent une place importante au contrôle conscient, à l’auto-analyse et à l’autodiscipline, et à la métacognition dans le processus d’apprentissage.

 

• La neuropédagogie

L’approche «?neuropédagogique?» vise à s’appuyer sur les capacités cognitives et le fonctionnement du cerveau pour en tirer des pratiques pédagogiques adéquates (en matière de lecture, d’apprentissage des mathématiques, etc.). Ainsi l’apprentissage mobilise les fonctions de représentation, de planification, de réflexivité, de confiance en soi, de mémoire, qui doivent êtreutilisées au mieux pour apprendre. À ce jour, la neuropédagogie reste pour l’essentiel un programme de recherche et un label plus qu’une réalité tangible…

 

À LIRE

Traité de psychologie de la motivation?
Philippe Carré et Fabien Fenouillet (dir.), Dunod, 2008.

??Se motiver à apprendre?
Étienne Bourgeois et Benoît Galand, Puf, 2006.

??Cessons de démotiver les élèves?
Daniel Favre, Dunod, 2010.

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Comment je suis devenu un élève (presque) modèle par Jean-François Dortier dans SH

Quelles sont les raisons qui poussent un ex-cancre à se muer en bon élève?? Elles ne se résument pas à une potion magique – la motivation – ?mais à une alchimie de motifs, facteurs et circonstances que ?les psychologues s’attachent désormais à démêler avec précision…?

J’avais 16 ans et j’étais dégoûté de l’école. Dégoûté, fâché et en révolte. D’abord parce que je n’y comprenais rien. Les mathématiques?? «?ax + b = 0 donc x = – b/a?», pour moi, c’était de l’hébreu. Et l’inflexible prof de maths, Mme Chapuis – un robot d’acier portant un chignon – ne me paraissait pas un être humain comme les autres. Le français?? Je n’avais jamais pu assimiler la règle d’accord du complément d’objet direct ni celle des verbes intransitifs (elles me sont toujours étrangères), en plus, je frisais la dysorthographie (c’est toujours le cas). Autant dire que ma moyenne en dictée avait toujours avoisiné zéro.

L’anglais?? Les listes de vocabulaire et la règle du prétérit m’ennuyaient à mourir. J’étais prêt à faire un effort pour le jour où j’irais vivre en Amérique – mon rêve d’alors – ou pour comprendre les chansons des Beatles – mais même les traductions de «?Beatles?», «?rock ‘n roll?» ou «?Rolling Stones?» ne me paraissaient pas claires. Restaient quelques cours d’histoire qui m’intéressaient parfois. Et surtout l’éducation physique, mon vrai domaine d’excellence. Mais c’était bien insuffisant pour assurer une moyenne générale. Du coup, j’avais redoublé la sixième puis de nouveau la quatrième. Résultat?: deux ans de retard dès la quatrième. Autant dire que j’avais pris l’école en grippe.

C’était l’âge de l’adolescence, celle de l’affirmation de soi. Et quand on subit des échecs répétés, il ne reste plus d’autre issue que la fuite (mais c’était impossible), le repli (pas mon genre) ou l’affrontement?: un mécanisme de défense courant chez les exclus et qui consiste à rejeter ceux qui vous oppriment. Résister et affronter?: c’était une question d’orgueil. J’avais donc rejoint fièrement la petite communauté des cancres qui ricanaient au fond de la classe et harcelaient les profs à longueur de journée. La guérilla antiprofs était devenue mon combat.

 

Les éléments déclencheurs ?du miracle?

Puis il y eut un miracle. À quoi était-il dû?? Il y eut plusieurs éléments déclencheurs, difficiles à départager. D’abord, la grande frousse que me fit mon père?: «?Jean-François, tu auras 16 ans dans trois mois, c’est la fin de l’obligation scolaire, tu vas venir travailler à l’usine avec moi.?» Ce fut un électrochoc. Puis il y eut Marion, cette jeune prof de mathématiques d’une vingtaine d’années, venue pour aider les redoublants dans des cours de soutien scolaire (j’en étais tombé éperdument amoureux). Y a-t-il eu d’autres déclencheurs dont je ne me souviens plus?? Toujours est–il qu’en trois mois ce fut une métamorphose. Grâce aux explications patientes et limpides de Marion, l’algèbre a commencé à percer ses mystères. «?ax + b = 0 donc x = – b/a?»?: mais bien sûr?! Ce n’est pas si compliqué, j’ai compris?! C’est magique. Il suffisait de se concentrer un peu et l’énigme pouvait se résoudre. Ce fut ma pierre de Rosette. Comme Champollion avec les hiéroglyphes (en plus, il s’appelait Jean-François, c’était un signe?!).

Ce fut une révélation. Puis un défi. Au contrôle sur table suivant, j’obtins un inoubliable 16/20 en maths?: le premier de ma carrière d’élève – une note qui reste aussi présente à l’esprit que le premier baiser qui soit dit en passant, date de la même époque. J’avais même fait mieux que Pierre-Éric R., le premier de la classe. Moi devant Pierre-Éric, vous vous rendez compte?? Comment est-ce possible?? Cela voulait dire qu’on pouvait, en partant du bon pied, en se concentrant et en s’entraînant, réussir une épreuve d’algèbre. Pourquoi ne pas continuer?? Se fixer des objectifs et progresser. Puis en recueillir tous les bénéfices?: l’excitation intellectuelle, la récompense concrète d’une bonne note, le plaisir de battre Pierre-Éric, la disparition de l’épée de Damoclès que représentait l’usine. Et bonus supplémentaire, j’ai même décroché les félicitations du robot à chignon?: «?Eh bien, Jean-François, tu as mangé du lion?? Bravo?», avait dit Mme Chapuis avec un large sourire en me rendant la copie. J’étais heureux.

Ce fut le déclic. Je me suis lancé dans un entraînement scolaire intensif?: le même que je m’imposais alors pour la course à pied. Je me rappelle être allé au collège avec une sensation nouvelle?: non plus seulement pour voir les copains et me moquer des profs mais pour suivre les cours, me faire féliciter, récolter des bonnes notes. Seul désagrément?: j’éprouvais un peu de honte à l’égard de mon clan. J’avais trahi la cause. J’étais en train de rejoindre le groupe honni des Pierre-Éric, l’élève modèle (on ne disait pas encore un «?nerd?» à l’époque, mais Pierre Éric était pareil?: petit, avec des lunettes, fort en thème et nul en sport).

Ensuite, les succès se sont enchaînés, je suis passé en classe de seconde?; les années lycées furent un bonheur (en plus, j’avais une belle copine). J’ai eu le bac scientifique avec mention. Tout s’est bien passé jusqu’en fac de sciences, où j’ai décroché à nouveau.

Des histoires comme la mienne, celles d’élèves qui décrochent puis retrouvent le goût des études, ne sont pas si exceptionnelles (1)?: certains redécouvrent le plaisir d’apprendre en changeant d’orientation, en allant dans une section professionnelle, en reprenant des études plus tard, ou en s’initiant à l’informatique en autodidacte.

Que retenir de ces quelques exemples?? À peu près tout ce que l’on veut. Car chaque théorie de la motivation ou de la pédagogie peut se targuer de succès exemplaires à exhiber comme des trophées. Les tenants de l’enseignement républicain trouveront mille exemples d’enfants de milieux défavorisés arrachés à leur milieu grâce à l’enseignement classique et sa formule d’excellence, ou des élèves décrocheurs qui ont retrouvé le goût des études dans un établissement expérimental, fondant ses principes d’instruction sur les pédagogies actives.

?

Un tour d’horizon des théories de la motivation scolaire?

Avant donc de tirer quelques conclusions générales sur les raisons du bonheur et l’ennui à l’école, il est bon de faire un tour d’horizon de ce qu’ont découvert les théoriciens de la motivation scolaire au terme de cinquante années d’études.

Première question à poser au préalable?: le goût d’apprendre est-il naturel?? Il semble que oui si l’on en croit les psychologues de l’enfance, qui présentent aujourd’hui les enfants comme des chercheurs en herbe, avides de savoir et de découvertes (2).

Apprendre est à la fois une disposition, et une envie spontanée présente chez tous les enfants, qui apprennent spontanément à marcher, à parler, mais qui prennent aussi plaisir à découvrir la nature, les animaux, se passionnent pour les fourmis ou les dinosaures, questionnent leurs parents sur tout et n’importe quoi (le fameux stade du «?Dis, pourquoi???»). Beaucoup d’enfants veulent apprendre à lire et cherchent à deviner le sens des lettres avant l’âge (3), tout simplement par jeu. Les enfants aiment apprendre comme ils aiment jouer.?Aristote affirmait déjà que «?l’homme a naturellement la passion de connaître?» (4), Saint Augustin appellera libido sciendi le désir de connaître, l’un des trois désirs fondamentaux, avec le désir de dominer (libido dominandi) et le désir sensuel (libido sentiendi). Sigmund Freud, lui, fera du désir de connaître, qu’il appelle «?épistémophilie?», l’expression détournée et sublimée de la pulsion sexuelle. Épistémophilie, presque le nom d’une perversion sexuelle…

 

Pourquoi les élèves s’ennuient ?à l’école?

Le goût pour les études ne s’éteint pas après l’enfance. L’adolescence, âge de l’acné, des poussées libidinales et des copains, est aussi l’âge d’une véritable poussée intellectuelle qui conduit les uns à se plonger dans les romans, les autres à se passionner pour la science ou la métaphysique et les jeux de l’esprit. Jean Piaget voyait dans l’adolescence l’âge des «?opérations formelles?». C’est aussi l’âge des passions, de l’idéalisme par excellence. Si à l’âge adulte le goût pour les études est mis en sommeil par les contraintes de la vie, il se réveille chez beaucoup au troisième âge, âge auquel les seniors occupent les chaises dans les conférences publiques et assistent aux «?universités pour tous?».

S’il existe un goût spontané pour la connaissance, le savoir, la découverte, l’apprentissage, comment se fait-il que tant d’élèves se morfondent en classe, se désolent devant la liste des devoirs à faire chaque soir et éprouvent le blues du dimanche soir??

Une première raison est structurelle et implacable. Beaucoup d’élèves s’ennuient parce qu’ils sont vivants. Quand vous êtes un enfant, un adolescent, vous êtes plein de vie?: vous avez envie de bouger, de courir, de rire, de jouer, de bavarder avec les copains et bien d’autres choses encore. Et le fait d’être assigné sept heures par jour sur une chaise en classe ou devant des cahiers et des livres est contradictoire avec l’énergie bouillonnante qui est en vous. Le désir de connaître existe mais ne peut pas s’accorder spontanément avec les logiques de l’institution scolaire. Même dans un monde idéal, avec des programmes passionnants, des professeurs exemplaires et des enfants épanouis et bien formatés pour l’école, il y aurait tout de même de l’ennui, l’échec des uns et la réussite des autres.

L’institution scolaire a été forgée au cours du temps autour de disciplines, de programmes, d’horaires, d’épreuves et d’examens successifs. Elle n’est pas faite pour l’épanouissement des élèves.

Dans un livre témoignage publié il y a une dizaine d’années déjà, Pourquoi vos enfants s’ennuient en classe, Marie-Danièle Pierrelée (qui sait de quoi elle parle, elle qui a été enseignante puis directrice d’un collège en zone d’éducation prioritaire) partait de ce constat sévère?: les élèves s’ennuient. Pas simplement ceux qui sont en échec scolaire, mais aussi la majorité silencieuse qui travaille consciencieusement et parvient bon an mal an à franchir les étapes.

À travers le portrait de ces élèves ordinaires, ni cancres, ni élèves modèles, elle dressait un constat assez pessimiste?: celui de profs désabusés et d’élèves sans enthousiasme, chacun attelé à être le moins mauvais possible. Depuis, le constat s’est aggravé?: selon une étude de l’association de la fondation étudiante pour la ville (Afev) de 2010 (5) sur les enfants issus de quartiers populaires, à la question «?Aimes-tu aller à l’école???», près des trois quarts (73,3?%) des écoliers interrogés répondent «?un peu, pas trop ou pas du tout?». Le taux d’élèves peu motivés passe à 82,5?% chez les collégiens. Pire, d’après la même étude, plus d’un tiers des élèves de milieux défavorisés a mal au ventre avant d’aller à l’école. Si les enseignants souffrent au travail, les élèves aussi.

À la question de la motivation des élèves s’ajoute depuis quelques décennies ce que l’on a appelé une «?crise?» de l’école, qui recouvre une «?crise de sens?», liée à une construction quelque peu kafkaïenne des programmes, mais aussi à la course au diplôme rendant les parcours éducatifs de plus en plus longs, tortueux et aux résultats incertains. Même les diplômés de l’enseignement supérieur ne sont plus vaccinés contre le chômage.

Des enseignements peu adaptés aux envies des élèves, des parcours scolaires de plus en plus longs, une compétition plus rude, un avenir plus incertain?: la démotivation des élèves tient beaucoup à cela.

Face à la crise de sens de l’école, face à l’échec d’une partie des élèves, enseignants et parents rêveraient de pouvoir les «?remobiliser?». Mais comment?? Faut-il revoir de fond en comble les programmes?? Changer la pédagogie?? Assister chaque élève dès la première défaillance, trouver dans les tréfonds de son cerveau les zones sensibles susceptibles d’éveiller son intérêt?? (6)?

Depuis plusieurs décennies déjà, les psychologues de l’éducation se penchent sur les ressorts de la motivation à apprendre. Longtemps, les théories reposaient sur quelques motivations essentielles – le désir d’apprendre, le besoin d’accomplissement, les habitus familiaux, les systèmes de récompense et sanction.

 

Le goût des études ?est-il naturel???

Puis, à partir des années 1960-1970, il s’est produit une «?révolution conceptuelle?» dans l’approche de la motivation (7). Des modèles nouveaux sont apparus. Ceux-ci ont mis en avant la diversité des «?buts?» et des «?valeurs?» de l’élève (plutôt que des pulsions ou des conditionnements) qui le poussent à s’engager ou non. L’accent a aussi été mis sur les mécanismes psychologiques d’autoévaluation de ses compétences.

L’un des points de départ de ces nouvelles approches a été la théorie d’autodétermination (TAD) du psychologue Edward Deci et de son compère Richard Ryan. Leur modèle est l’un des plus connus dans le domaine. Il part d’une distinction entre «?motivation intrinsèque?» et «?extrinsèque?». La motivation intrinsèque est ce que l’on fait de son propre chef. La motivation extrinsèque est ce que l’on fait pour obtenir une récompense (ou pour ne pas subir une déconvenue). Ainsi, à l’école, je peux travailler la physique soit parce que je suis passionné par les électrons, les planètes, les lois de la nature (motivation intrinsèque), soit parce que c’est une matière à fort coefficient que je ne peux me permettre de délaisser (motivation extrinsèque).

 

Il faudrait interdire la lecture de Balzac aux élèves?

Le résultat paradoxal de cette dichotomie est que la motivation extrinsèque est parfois un frein à la motivation intrinsèque. Des expériences ont montré que le plaisir d’apprendre pouvait perdre de son intérêt propre si on y surajoutait une récompense?! Autrement dit, j’aime d’autant mieux lire des romans qui ne sont pas inscrits au programme. À la limite, m’a suggéré un jour un esprit malicieux, «?il faudrait interdire la lecture de Balzac ou de Rimbaud aux élèves?: ce serait un bon moyen pour leur donner envie d’aller lire ces auteurs?!?»

Le rêve des parents et des éducateurs serait bien sûr de pouvoir inoculer aux enfants cette «?motivation intrinsèque?» qui donne le plaisir de travailler sans avoir le sentiment de le faire – c’est le propre de toute passion. Les parents lisent des histoires à leurs enfants, les amènent à la bibliothèque dans le secret espoir qu’ils vont déclencher un amour pour la lecture. Ce n’est d’ailleurs pas le plus mauvais moyen.

Mais la motivation ne serait pas «?intrinsèque?» (c’est-à-dire «?autodéterminée?») si les parents ou éducateurs pouvaient l’inculquer à leur gré. Le «?rapport au savoir?» ou le «?sens?» qu’un élève peut donner à un enseignement est un phénomène complexe et très singulier. Par quel cheminement Juliette s’est-elle découverte une passion pour le droit?? Elle a voulu devenir juge pour enfants après avoir vu une série télévisée dont l’héroïne exerçait ce métier. Charlotte a eu une révélation pour l’histoire après avoir vu le film Il faut sauver le soldat Ryan.

Les approches en termes de «?buts?» (goal setting) et «?valeurs?» ont mis les psychologues sur la piste de motifs très divers intervenant dans l’engagement des élèves. Ainsi, la théorie de John Carew Eccles suppose que les motivations pour s’intéresser à un sujet d’étude peuvent relever de quatre types de valeurs?: la motivation intrinsèque (le goût pour la littérature par exemple), la motivation externe (la récompense attendue qu’est le diplôme), mais aussi l’image de soi (être dans une section prestigieuse) ou encore l’aisance que l’on a dans ce domaine (on choisit souvent ce qui est le plus facile pour soi). Les élèves peuvent donc travailler pour de multiples raisons?: pour le plaisir, pour la note, pour faire plaisir aux parents, pour la compétition. Ils peuvent se mobiliser en fonction d’un objectif à long terme (un projet professionnel), à moyen terme (un diplôme), ou à court terme (le prochain contrôle). Mais ce n’est pas tout?: les élèves agissent aussi de façon stratégique, en estimant (plus ou moins bien) leur propre capacité à réussir.

La théorie d’Albert Bandura est un autre «?hit?» des théories de la motivation scolaire. A. Bandura a proposé une théorie qui considère l’élève (et l’individu en général) comme un «?agent?», c’est-à-dire un acteur de sa propre vie. Cet agent est attentionnel (il se fixe des buts), mobilise une pensée anticipatrice (il se projette dans l’avenir) et est «?autoréactif?» (il analyse sa situation, s’évalue lui-même et se corrige) (Smilie: 8).

L’un des concepts en vogue dont il est le promoteur est le «?sentiment d’auto-efficacité?». Cela signifie tout simplement que l’élève évalue son investissement en fonction de ses chances de réussite (qu’il évalue plus ou moins valablement). Évidemment, une morale édifiante s’ensuit?: celle de l’enfant à qui l’on parvient à montrer qu’il est capable de réussir une épreuve dont il se croyait incapable. Il suffirait donc de tout reprendre patiemment pour supprimer «?l’illusion d’incompétence?»* (9)qui serait un motif d’échec. L’illusion d’incompétence est exactement ce que j’avais vécu avec l’algèbre jusqu’en quatrième quand je pensais «?je suis nul en maths, ce n’est pas fait pour moi?»?; grâce à Marion je m’en suis sorti. Ne nous attardons pas sur le mécanisme inverse, «?l’illusion de compétence?», que j’ai connu par la suite en fac de sciences. Cette illusion de compétence fut suivie d’une cruelle désillusion, lorsque je fus confronté à de vrais caïds des maths.

La motivation est ?une construction permanente?

Toutes les théories actuelles de la motivation arrivent peu ou prou à un même constat. La motivation est une construction et reconstruction où interviennent plusieurs composantes?: des buts et valeurs diverses, des modèles, des influ­ences, des stratégies réflexives. Ces théories, une fois dépouillées de leur jargon abstrait et de leur carapace conceptuelle, se résument à un constat assez unanime?: la motivation n’est pas ce carburant magique qui ferait tout à coup rebondir l’élève grâce à la restauration de l’estime de soi, au sentiment d’auto-efficacité ou à la baguette magique de l’effet Pygmalion*, un ressort qui pousserait tout à coup l’élève à s’intéresser, à travailler, à y croire, à réussir et à être récompensé, selon un merveilleux cycle positif.

La psychologie et la sociologie de l’éducation se sont beaucoup intéressées aux cas extrêmes?: aux élèves en échec et plus récemment à ceux qui réussissent (malgré les handicaps). La plupart des élèves d’une classe ne sont ni bons, ni mauvais, ils sont «?moyens?». La majorité des élèves n’échoue ni ne réussit. Tout au long de leur scolarité, ils s’accrochent?: ils s’en sortent bien dans une ou deux matières, surnagent dans la plupart des autres, et touchent le fond dans une ou deux autres. Certains font de leur mieux, d’autres travaillent à l’économie. On ne peut pas dire qu’ils «?s’ennuient?» ou qu’ils sont «?motivés?» pour les études. Pour la plupart, la motivation oscille en fonction des cours, des professeurs, de l’humeur du moment, de la difficulté de la tâche. Avant un diplôme important, on s’implique massivement, comme pendant les dernières semaines avant le bac.

La psychosociologue Claude Lévy-Leboyer résume son approche constructive de la motivation de cette façon?: «?Le processus motivationnel repère, sous forme de boucle, les six étapes suivantes?: j’accepte un objectif, je pense que je suis capable de l’atteindre, je sais quels résultats je vais recevoir en retour, je passe de l’intention à l’action, je reçois des informations utiles sur ma performance en cours de route, je confirme ou je révise mes objectifs (10).

Quelle conclusion en tirer?? Une bonne et une mauvaise nouvelle. Commençons par la mauvaise. Il n’y a pas de recette miracle qui permettrait de remotiver les élèves, car il n’y a pas un ressort unique caché dans le cerveau des élèves ou dans l’organisation idéale des études. La bonne nouvelle, c’est que rien n’est à désespérer?: si la motivation est une construction permanente, tout ce qui a été détruit peut se reconstruire. C’est ce qui m’est arrivé.

 

NOTES

(1) Bernard Bergier et Ginette FrancequinLa Revanche scolaire. Des élèves multiredoublants, relégués, devenus superdiplômés, Érès, 2005.
?(2) Voir le dossier «?À quoi pensent les enfants???», Sciences Humaines, n° 219, octobre 2010.
(3) Françoise BoulangerÀ la découverte de la lecture, Éditions Sciences Humaines, 2010.
(4) AristoteMétaphysique, Flammarion, 2008.
(5) Étude Baromètre Trajectoires/Afev sur le rapport à l’école des enfants de quartiers populaires, réalisée auprès de 760 élèves de primaire et collège en 2010.
(6) «?Comment motiver les élèves???», titrait le magazine Cerveau & Psycho en septembre 2010, en suggérant que «?l’étude du cerveau?» apportait aux sciences de l’éducation quelques recettes pédagogiques propres à redynamiser les élèves.
(7) Philippe Carré et Fabien FenouilletTraité de psychologie de la motivation, Dunod, 2008.
(Smilie: 8) Albert BanduraAuto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle, De Boeck, 2007.
(9) Étienne Bourgeois et Benoît Galand(Se) Motiver à apprendre, Puf, 2006.
(10) Claude Lévy-LeboyerLa Motivation au travail. Modèles et stratégie, éd. d’Organisation, 2006.

 

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