Une histoire de fake

Après les attentats de 2015, chacun s’est accordé à dire qu’il était impérieux d’éduquer plus finement nos élèves à l’utilisation d’Internet. Les fake et autres théories du complot s’immisçant insidieusement sur les murs Facebook et les fils Twitter des ados doivent nous amener à réagir sur le terrain de la pédagogie. Réagir oui, mais comment ? Un cours théorique, aussi documenté et solide que possible, ne suffit plus. Si une large partie des enseignants s’est emparée des réseaux sociaux à des fins personnelles ou professionnelles, il reste des collègues rétifs à ces outils. Méconnaître les sources d’information des élèves s’avère pénalisant quand il faut entrer avec eux dans la boîte noire d’Internet : qui fournit le contenu ? comment ce contenu est-il arrivé jusqu’à moi ? comment une fausse information fait-elle boule de neige ?

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C’est autant de questions qu’il faut poser aux élèves à partir de situations et d’exercices pratiques pour démêler le vrai du fake, l’info de l’intox. Et une séance labellisée « Éducation aux médias » ne suffira pas : faire coller de plus près nos cours à l’actualité pour répondre aux questionnements des élèves, c’est aussi une exigence pour éviter que tout s’emmêle chez les ados. Face à des informations qui tombent en rafales, il faut les aider à faire le tri et à forger des outils efficaces pour ne pas tomber dans le piège du partage irréfléchi de rumeurs et autres fake. La construction de l’esprit critique et de nuances chez les jeunes est un cheminement long que nous devons jalonner par des cours explicites et pratiques. C’est ce qu’a réalisé au cours de l’année 2015 une collègue du primaire, Rose-Marie Farinella Elkabbach, avec un atelier destiné à ses élèves de CM2 intitulé : « Info ou intox sur internet : comment faire la différence ? ». Son retour d’expérience est en ligne sur le site du Nouvel Obs montre qu’un travail ambitieux peut commencer dès le cycle 3.

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Le complotisme pointe (encore) le bout de son nez par Fabrice Erre, enseignant et auteur de BD (source : http://uneanneeaulycee.blog.lemonde.fr/2015/01/12/le-complotisme-pointe-encore-le-bout-de-son-nez/)

En 2010, j’avais pour ma part monté un IDD avec mon collègue d’Anglais intitulé « Les Décodeurs de l’information ». Le travail en lien avec les cours d’Éducation civique et d’Arts plastiques avait débouché sur la publication d’articles et d’une vidéo sur le blog du projet.  Cinq ans après, la vidéo paraît bien artisanale mais l’essentiel était là puisque le travail mêlait savoirs, savoir-faire et savoir-être. C’est dans ce sens que nous conduirons l’année prochaine un EPI sur le même thème. Pour le préparer, j’ai fait évolué ma séquence sur le rôle et la diversité des médias. J’ai défini trois objectifs.

  1. Comprendre comment se diffuse l’information au XXIe siècle.
  2. Savoir déjouer les pièges d’Internet (fake, buzz, théories du complot).
  3. Passer de la théorie à la pratique avec des exercices et des réalisations personnelles.

-> lien vers la séquence <-

Dans un premier temps, une sélection de vidéos et de documents vient soutenir mon propos, me permettant de discuter avec les élèves et de les mettre au travail par écrit. Pour accrocher une classe et leur faire comprendre combien il est facile d’être manipulé sur Internet, j’ai utilisé un superbe fake réalisé en 2010 par des infographistes. En guise de CV, ils avaient envoyé un montage frappant d’un accident de bus à Lyon sur leur chaîne Youtube (bossdu69crew) et des médias locaux étaient tombés dans le panneau relayant le montage pour une réalité.

Un tutoriel sur l’utilisation de Google image pour dater et sourcer une image donnera aux élèves un outil simple et efficace pour lever les doutes.

Pour aborder la théorie du complot, j’utilise aussi des vidéos (France 24/Datagueule) pour leur faire comprendre ce que c’est. Comme premier jalon dans ce travail, les élèves devront voir s’ils peuvent authentifier les ou l’auteur(s) d’un site complotiste (Wikistrike) à partir de ce tutoriel.

Donner le réflexe de chercher la source ne suffit pas et nous discuterons aussi des moyens utilisés et des finalités poursuivies par les complotistes. Pour aller plus loin, j’ai demandé aux élèves de venir avec des exemples d’informations qu’ils trouvent douteuses pour que nous puissions travailler dessus. Enfin, je souhaite faire appel à un journaliste de la réserve citoyenne de l’Académie de Lyon pour parler de ces sujets, de déontologie et de la crédibilité du métier. Work in progress.

Une chronique d’Emmanuel Grange

 

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