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3 ans ont passé depuis la rédaction de notre premier article dédié au droit à l’oubli. Si les choses n’ont pas vraiment évolué depuis, de nombreuses procédures en cours pourraient bien faire changer les choses ces prochains mois. Tout d’abord, la Cours de Justice de l’Union Européenne doit se prononcer après avoir été saisie par des Français qui demandent purement et simplement la suppression de contenus contenant des données personnelles. Une telle loi permettrait en théorie à quiconque de supprimer de Google tous les résultats comprenant des informations personnelles, même s’il s’agit d’informations pouvant être utiles à la société (par exemple des crimes commis, des condamnations, etc.). Une date d’audience devrait être fixée ces prochaines semaines et nous vous tiendrons au courant de cette affaire vitale pour l’avenir des données personnelles en Europe.

Par ailleurs, Google a communiqué ses chiffres sur les 3 dernières années d’activité liées au droit à l’oubli. Sur l’ensemble des demandes de droit à l’oubli qu’il a reçue, soit 720’000, c’est 43% des 2 millions de liens demandés qui ont été supprimés de l’index Google. Le taux reste assez élevé, même si de nombreuses personnalités publiques n’ont pas eu gain de cause étant donné le caractère à « utilité publique » des conteus. Dans ces cas, une partie importante d’entre elles ont recours à une agence d’e-réputation pour les aider à communiquer de façon plus positive. Dans ces cas également, rien n’est garanti, et souvent une mauvaise réputation sur internet – qu’elle soit justifiée ou pas – va rester visible pendant de longues années. Les questions d’oubli, de réputation et de droit à la vie privée sont complexes et les outils à notre disposition insuffisants. Gageons que l’avenir nous donnera de meilleurs outils pour nous protéger tout en continuant à informer.

Cette semaine, nous reviendrons sur les faits marquants liés à l’e-réputation en Suisse et dans le monde. Dans l’intervalle, voici notre revue de presse pour avril 2017 avec d’excellents articles sur le sujet:

Les marques face aux scandales de l’e-réputation en 2017

Anticiper une crise sur les réseaux sociaux

Bien réagir à un Bad Buzz

Protéger l’e-réputation de sa marque avec un blog d’entreprise

Le lancement du formulaire de droit à l’oubli par Google cet été (suivi par Bing il y a quelques semaines) a fait couler beaucoup d’encre dans la presse spécialisée. Suite à la décision de justice de l’Union Européenne, je me demandais si les moteurs de recherche allaient inclure la Suisse dans leurs mesures. Certes, la Confédération Helvétique est au coeur de l’Europe, mais n’a jamais fait partie de l’UE… c’est donc avec une certaine surprise que j’ai pu constater que Google.ch serait également impacté. Le droit suisse ne s’est pourtant pas prononcé à ce sujet – et même si cela avait été le cas, je doute que l’impact aurait été suffisant pour faire bouger un colosse comme Google.

Il est donc possible de demander le retrait de contenus tombant sous le coup de cette directive européenne, en Suisse et ailleurs en Europe (au Royaume-Uni également). Cela concerne avant tout des articles relatant des faits anciens ayant un impact négatif sur la réputation d’une personne. Les règles sont relativement floues, mais on pourrait les résumer ainsi: pour autant que cette information ne soit pas d’utilité publique, et qu’un laps de temps suffisant se soit écoulé, une demande aura de bonnes chances d’aboutir. Que l’article soit véridique et fondé n’a aucune influence. Quant à savoir ce qui constitue une information d’utilité publique et un délai suffisant, l’UE laisse Google seul juge de le déterminer.

Avec le recul, il semble que le géant de Mountain View ne soit pas trop regardant pour retirer des contenus de son index. Mais avant de sauter sur l’occasion et de tenter de nettoyer son e-reputation par ce biais, il faut prendre en compte 3 facteurs:

  1. Le lien ne sera pas supprimé du web
    Même si le lien n’est plus visible sur Google, cela ne veut pas dire que la page « disparaît » du web. Le lien ne s’affichera plus pour des requêtes bien spécifiques visant le nom et le prénom de la personne. Jusqu’à quel niveau de précision l’affichage sera bloqué reste mystérieux. Si « Pierre Dupont » n’affichera pas le lien, une requête comme « Scandale international de Pierre Dupont » pourrait bien le retourner.
  2. Le lien ne disparaîtra pas de Google.com
    Toute personne effectuant une recherche sur la version internationale du moteur verra toujours les résultats non-altérés. En cas de doute sur la disparition d’un article, une simple vérification sur Google.com révélera sans doute le pot aux roses.
  3. Le site impacté sera notifié par Google
    Vous espériez que la page allait disparaître de l’index de Google sans faire de bruit? Préparez-vous à un bel effet Streisand: chaque lien retiré de l’index de Google entraîne l’envoi d’une notification au site visé. Et rien n’empêche un journal de relater vos efforts pour nettoyer votre e-reputation. Le Guardian a d’ailleurs relaté une telle affaire dans ses colonnes [EN].

Pour ces raisons et bien d’autres, il faut donc bien réfléchir avant d’avoir recours à ce formulaire, au-delà des questions éthiques et de la pertinence de ce mécanisme qui s’apparente souvent à de la censure pure et simple. En voulant donner moins de pouvoir à Google, la Cour Européenne l’a placé en position de décider de la pertinence d’une décision de justice compliquée.  Pas sûr que la diligence soit à l’ordre du jour quand des dizaines de milliers de demandes doivent être traitées chaque semaine.