L’habileté technique suffit-elle à définir l’artiste ?

3 février 2010 0 Par caroline-sarroul

 

I. un artiste est d’abord un artisan. Il se caractérise par l’habileté qui permet la belle imitation de la nature si on parle de l’art figuratif qui se doit d’être réaliste et fidèle, de donner l’illusion de l’apparence du réel (« le fini dans l’exécution » selon Aristote, la restitution du détail,..), qui est conforme aux règles de l’art ( perspective, couleurs qu’on apprend à l’école des Beaux-arts…), qui puisse ensuite permettre la matérialisation de l’idée et de laisser libre cours à l’imagination et l’inspiration, le moyen étant maîtrisé. En somme il faut maîtriser la technique pour qu’elle ne soit pas plus un problème et pouvoir se consacrer au problème de l’art. Donc pour faire de l’art, il faut de la technique, mais l’art n’est pas la technique.

II. un artiste n’est pas qu’un artisan et son art ne se réduit pas la technique acquise:

– « Le style pour l’écrivain, aussi bien que la couleur pour le peintre est une question non de technique mais de vision » écrit Marcel Proust. Ce qui fait l’artiste plus que la matérialisation, c’est l’idée qui est la manière de voir ( ex. Klee, « rendre visible, non rendre le visible » ou voir ce qui apparaît voilé aux autres [Bergson]  ou voir avec les yeux et non l’esprit : le cubisme de Picasso représente la vision telle qu’elle est [on ne voit jamais un visage en entier, on ne voit que des faces selon notre point de vue] ou retrouver un regard innocent, « revenir aux choses mêmes » telles qu’elles sont présentes à notre corps dans le rapport charnel, selon Merleau-Ponty), de penser ( les idées esthétiques du génie chez Kant)

– le génie n’est pas celui qui suit des règles déjà donné mais qui « donne ses règles à l’art »

– la copie de la nature réduit l’art à un « art mécanique » et à un pur exercice technique (Hegel)  et avec l’image, les médias, l’habileté technique est dévaluée, désuète.

III. avec l’art moderne et contemporain, un artiste n’est plus un artisan du beau, ni même un producteur d’objet.

– si on a longtemps exigé une habileté technique, c’est parce qu’on y voyait une manière académique de produire du beau, mais le beau ne se réduit pas à des critères objectifs qui ne peuvent au mieux que donner pour un temps « une beauté adhérente », et de plus l’art n’est plus aujourd’hui nécessairement une production du beau

– ce qui caractérise l’art moderne et contemporain, c’est d’avoir parfois renoncé à cette exigence limitative d’habileté (par exemple, le « tableau-objet » Portrait d’une danseuse de Miro constituée d’une épingle à chapeau, d’un bouchon en liège et d’une plume fixés sur un panneau de bois peint. Grande économie de moyens, « n’importe qui » pourrait le refaire, mais la valeur du geste artistique au moment où il l’accomplit, c’est qu’il a eu l’idée de ce dispositif et qu’il interroge sur les frontières de la peinture,et ceci ne peut être refait et avoir encore un intérêt) ou d’avoir renoncer démontrer cette habileté ou même à produire une œuvre ( « fin du régime d’objet » Michaud, performances)