Fiche de révision: égalité et inégalité

28 mai 2011 0 Par Caroline Sarroul

  JUSTICE ET EGALITE 

  • Spontanément l’égalité nous apparaît juste. D’où le symbole pour la justice de la balance et ses plateaux équilibrés. L’égalité paraît juste car :

parce que nous vivons dans une démocratie qui est elle-même un principe d’égalité. En effet, la règle démocratique de base (un homme = une voix) est une règle égalitaire, qui dit que, dans le processus de la décision publique, chacun dispose du même pouvoir, du même poids. Le principe égalitaire de la démocratie devient alors forcément une norme politique.

– parce que nous considérons qu’en tant qu’homme, bien que différents, nous sommes des semblables. Nous sommes tous des sujets pensants et libres, et en tant que tels nous avons tous une valeur absolue, une dignité qui nous place au-dessus des objets qui ont un prix, une valeur relative. Du coup, on ne peut dire qu’un homme vaut plus qu’un autre, chacun vaut autant car chacun a une valeur inestimable, incommensurable. Cela oblige donc à considérer chacun de la même manière, de le traiter à égalité avec les autres.

– tout le monde s’accorde aujourd’hui sur l’égalité des citoyens devant la loi et face aux droits et devoirs. Et cette égalité est pensée comme une stricte égalité arithmétique ( 1 citoyen =1 citoyen ). Ce qui est juste, c’est donc ici la stricte égalité. Ici, c’est-à-dire, selon ARISTOTE  le domaine de la justice commutative, celle qui concerne les échanges, des contrats politiques mais aussi économiques. Il est juste que le vendeur et l’acheteur soient égaux dans une transaction, que deux acheteurs soient égaux et traités de la même manière, que lorsque deux personnes passent un contrat , les 2 parties soient traitées comme égales, pas d’avantage pour l’une ou l’autre sinon le contrat est nul, une partie est lésée.

  •  Mais cette stricte égalité est-elle toujours juste, cet idéal égalitaire est-il le plus juste ?

1.  Traiter également tout le monde, c’est traiter tout le monde de la même manière, mais cela ne veut pas dire amener tout le monde à la même situation par là. En effet, du fait des différences entre les individus, il y a une inégalité de départ, une inégalité de conditions. Et un même traitement appliqué à des situations différentes ne donnent pas les mêmes effets. Exemple : apprendre à lire de la même manière à tous les enfants, à égalité de traitement, sans prendre en compte les inégalités initiales, par exemple sur la maîtrise de la langue française (vocabulaire, structures de la langue), débouche sur une encore plus grande inégalité. Pourtant, dans ce cas, il y aurait égalité de traitement, mais c’est cette égalité de traitement qui est inégalitaire. D’où l’idée que traiter différemment les gens différents pour  compenser les inégalités de positions initiales est juste. La justice sociale s’obtient là paradoxalement en traitant les individus de façon inégale. On est là dans le domaine de l’équité. Ce qui est équitable est juste, mais peut passer par des inégalités de traitement.  Et donner la même chose à tout le monde quel que soit le revenu, par exemple, reviendrait à augmenter de la même façon les revenus des plus riches et des plus pauvres, ce qui ne réduirait pas les inégalités. C’est ce que disait déjà ARISTOTE pour qui dans le domaine de la justice distributive, celle qui concerne la répartition des charges, des revenus et des aides, il convient d’appliquer une égalité géométrique, c’est-à-dire proportionnelle par rapport à un élément de comparaison : il est juste que celui qui a le plus besoin reçoive plus, que celui qui est le plus méritant ait plus, que celui qui est le plus qualifié ait plus de responsabilité, etc.. D’où des politiques d’aide sociale de plus en plus individualisées, des politiques de « discrimination positive « , c’est-à -dire des politiques qui, explicitement, accordent plus à certains individus qu’à d’autres, du fait de leur inégalité de situation initiale.

Dans la justice corrective, c’est-à-dire le judiciaire, tous les crimes ne se valent pas. Cela dépend de la victime, de la situation, du criminel même si tout crime doit être puni. Donc là il ne faut pas un traitement égal, mais un traitement au cas par cas. D’où le rôle important du juge qui doit non pas appliquer la loi à la lettre, mais veiller à rester fidèle à son esprit. D’où l’importance de la jurisprudence. Il doit donc éviter une égalité parfaite qui aurait des effets injustes en examinant le cas particulier dans sa particularité. Il peut donc préférer à l’application systématique de la loi, par définition générale et parfois inadaptée, l’équité qui préfère l’esprit de la loi à sa lettre. L’équité qui est une justice au cas par cas peut vouloir l’égalité ou l’inégalité , et parfois même la transgression de la lettre de la loi si  son observation est par exemple « préjudiciable au bien commun » , comme l’illustre Saint Thomas d’Aquin.

2. l’idéal égalitaire n’est pas le même pour tous : pour certains, il est réalisé s’il y a  l’égalité des droits, c’est-à -dire l’égalité devant la loi. Elle consiste à garantir à chacun le même ensemble de droits, ce qui est légalement possible pour un doit l’être également pour tous les autres. Et c’est tout.  D’autres plus exigeants aspirent à une égalité des chances. D’autres enfin veulent une égalité des positions, une  égalité réelle. Et on entre alors dans des débats idéologiques. Il peut sembler que chaque conception corresponde aux intérêts des uns et des autres. On peut alors comprendre que certains privilégiés  (les forts, riches, compétents,…) considèrent  que l’égalité en droits suffit et que certains désavantagés (les faibles, les pauvres, les « incompétents »,..) y voient une justice insuffisante et même une injustice profonde, rappelant que la justice doit corriger la nature, pas la ratifier et que l’inégalité est injuste et qu’ils défendent par contre l’idée que ce qui est juste, c’est de donner à tous la même chance, en donnant plus à ceux qui au départ ont le moins reçus, donc à chacun selon ses besoins. D’où l’idée de droits sociaux inégalement distribués.

 Mais on se trouve là face à un conflit d’intérêt, l’égalité étant la revendication des faibles plein de ressentiment pour les forts (« la revendication des droits égaux est anti-aristocratique » selon Nietzsche et prouve l’individualisme et l’égoïsme des faibles, incapables de s’effacer devant la Cité et l’intérêt de tous)  et l’inégalité étant l’argument des forts dans l’intérêt de tous ( et surtout favorable à la conservation de leur privilège, belle manipulation idéologique). Cela signifie-t-il que la justice n’est que la défense de nos intérêts ? et relative ? La théorie du voile d’ignorance de J . RAWLS  (1971) permet peut-être de sortir de cette impasse :

– son présupposé de départ, c’est que ce qui est juste, ce n’est pas ce qui correspond à une idée de la justice (car comme nous venons de le voir, il y opposition d’opinions différentes), mais ce qui est le résultat d’ une juste procédure. D’où sa théorie de la justice procédurale. Ex. une loterie : il n’est en soi pas juste qu’un gagne tout et les autres rien, sauf si tout le monde est d’accord avec la règle et si la chance de gagner est la même pour tous. (La procédure du voile d’ignorance consiste à poser des individus dans une position purement hypothétique : imaginons qu’ils sont ignorants de leur place dans la société, de leurs dons naturels et donc de leur conception du Bien et du juste (fonction de leur intérêts qu’ils ignorent ou de leur mode de pensée qu’ils ignorent aussi) et qu’ils soient chargés par une négociation rationnelle d’établir dans un accord commun ce qui est juste, sachant que chacun pense d’abord à soi, à son intérêt sans savoir quel est cet intérêt. RAWLS dit qu’ils vont s’accorder :sur une égale distribution des droits et devoirs de base ET sur une inégalité socio-économique si elle avantage chacun et en particulier les plus défavorisés : en somme, il n’est pas juste que certains possèdent moins pour que d’autres possèdent plus, mais si un petit groupe possède plus, et que ceux qui possèdent moins y gagnent, alors ils peuvent même aider ceux qui possèdent plus.Mais, il faut ajouter à cela : des mesures redistributives pour une égalité équitable des chances et pour laisser à chacun sa liberté ( un revenu minimum pour éviter la servitude, financement des élections par l’Etat pour éviter les fonds privés et l’exclusion de certains). En somme, Rawls prétend qu’il y a, par delà les conflits d’intérêts et de classe, un accord sur « un idéal socialiste démocrate dans un cadre libéral »)