« Le royaume de la liberté commence seulement là où l’on cesse de travailler par nécessité », Karl Marx

17 mai 2012 0 Par Caroline Sarroul

« En fait, le royaume de la liberté commence seulement là où l’on cesse de travailler par nécessité et opportunité imposée de l’extérieur ; il se situe donc, par nature, au-delà de la sphère de la production matérielle proprement dite. De même que l’homme primitif doit lutter contre la nature pour pourvoir à ses besoins, se maintenir en vie et se reproduire, l’homme civilisé est forcé, lui aussi, de le faire et de le faire quels que soient la structure de société et le mode de production. Avec son développement s’étend également le domaine de la nécessité naturelle, parce que les besoins augmentent ; mais en même temps s’élargissent les forces productives pour les satisfaire. En ce domaine, la seule liberté possible est que l’homme social, les producteurs associés, règlent rationnellement leurs échanges avec la nature, qu’ils la contrôlent ensemble au lieu d’être dominés par sa puissance aveugle et qu’ils accomplissent ces échanges en dépensant le minimum de force et dans les conditions les plus dignes, les plus conformes à leur nature humaine. Mais cette activité constituera toujours le royaume de la nécessité. C’est au-delà que commence le développement des forces humaines comme fin en soi, le véritable royaume de la liberté qui ne peut s’épanouir qu’en se fondant sur l’autre royaume, sur l’autre base, celle de la nécessité. La condition essentielle de cet épanouissement est la réduction de la journée de travail. »

  Marx, Le Capital, 1867, livre III, chap. 48

1. Quelle est la thèse de ce texte ?

2. Expliquez :

a) « Avec son développement (celui de la production) s’étend également le domaine de la nécessité naturelle »

b) pourquoi « le royaume de la liberté » ne peut exister « qu’en se fondant sur » le royaume de la nécessité ?

3. ESSAI : Le progrès technique accroît-il notre liberté ?

Eléments de correction:

Thèse : la liberté s’oppose à la contrainte, à la nécessité. Dans ce texte, Marx reprend cette opposition pour démontrer que la liberté ne peut se trouver dans le travail. Car on travaille par nécessité, pour répondre à nos besoins naturels, vitaux. Donc travailler est une nécessité, qui prouve qu’on est soumis aux nécessités naturelles (les besoins qui sans cesse renaissent et notre nature humaine : en tant qu’homme, on ne peut se contenter de puiser dans la nature, on doit transformer ( animal laborieux) et donc travailler ; en tant qu’homme, on ne peut se contenter de ce qui est ( homo faber), on veut toujours plus, donc si on peut plus, on voudra  plus). Donc quelque soit la raison, c’est toujours contraints par la nature, notre nature que nous travaillons. Et si la liberté est opposée à la nécessité, on ne peut être libre qu’en dehors du travail (donc dans le temps libre), car même si on prend le contrôle de la nécessité dans le travail, on reste dans la nécessité.

a) on peut croire qu’un homme d’aujourd’hui est moins soumis à la nature qu’un homme primitif, c’est-à-dire du début de l’humanité ou qui n’a pas encore toutes les machines, techniques que nous avons, nous. On peut avoir l’illusion qu’avec nos machines, on est moins soumis. Mais ce n’est pas le cas, car si nous pouvons produire plus vite, plus facilement, on a aussi plus de besoin que l’homme primitif. Et ces besoins découlent du travail (qui est naturel), de nos désirs, de la société ( qui sont naturels), donc on est dans la même situation : il a des besoins à la mesure de ces capacités, comme nous, pour qui le superflu est devenu nécessaire. On peut même penser que les sociétés primitives sont des sociétés d’abondance et que nos sociétés de consommation sont des sociétés de pénurie. On n’a jamais assez, même si tout est à disposition

b) pour avoir du temps libre, vivre librement, il faut d’abord travailler et répondre à nos besoins pour survivre. Donc le royaume de la liberté commence où le royaume de la nécessité cesse, mais sans lui, pas de liberté possible.

Essai :

I. si liberté= indépendance, absence de contraintes, pouvoir faire ce qu’on a envie de faire, alors le progrès technique augmente notre liberté, car :

– avec lui, le travail est moins contraignant, plus vite fait, donc moins de contrainte et plus de temps libre , on devrait avoir besoin de moins travailler et comme le dit Marx, « la condition essentielle de cet épanouissement ( de l’homme et de la liberté), c’est la réduction de la journée de travail)

– le progrès technique nous donne aussi des capacités qu’on n’avait pas avant, donc on a plus de possibilités et donc plus de libertés.

II. mais le progrès technique nous met dans une situation d’hétéronomie. Être libre, ce n’est pas être seulement indépendant, mais être autonome, se donner à soi-même ses propres lois, être maître de soi et des choses. Or :

le progrès technique crée des besoins de plus en plus nombreux et des dépendances

– il semble qu’on ne puisse plus arrêter le progrès technique, une sorte d’auto-croissance

– le progrès technique a entraîné une aliénation du travail (exploitation)

– et même du temps libre ( on consomme ce qu’on produit, on vit avec le chronomètre, il faut être rentable). On est soumis aux valeurs techniques.

(ouverture possible : le progrès technique, ce n’est que le progrès des moyens, en lui-même, il n’accroît pas, ni ne réduit pas la liberté ; cela dépend l’usage que l’on en fait)