Fiche révision: la matière et l’esprit

8 juin 2012 0 Par Caroline Sarroul

La matière et l’esprit

 Sur la question du rapport entre la matière et l’esprit, il y a deux grandes conceptions qui s’opposent.

– D’un côté le dualisme qui pose la matière et l’esprit comme étant 2 substances distinctes et irréductibles.

– De l’autre le monisme qui soutient qu’il n’y a qu’une seule substance : soit l’esprit, soit la matière, soit une substance dont l’esprit et la matière seraient deux modes d’existence.

  1. dualisme : 2 substances séparées, distinctes âme/corps est hérité de Platon ( qui pose le monde intelligible éternel , la  raison libre comme supérieurs au monde sensible soumis au temps ,  synonyme d’illusion et au corps, synonyme de  prison, de bas désirs, de soumission à la nécessité), renforcé par la religion (qui a besoin d’une âme immortelle à sauver (ou punir) , d’un  libre-arbitre face au déterminisme) et défendu par Descartes ( qui a besoin de réduire  le vivant sans âme à un mécanisme dont l’homme peut se prétendre « comme maître et possesseur » , qui a besoin de trouver un siège pour le libre arbitre)

Mais Descartes est obligé d’admettre que « nous ne sommes pas simplement logés dans notre corps comme un pilote en son navire ».

 On peut en effet dans une certaine mesure faire une analogie entre le rapport âme/corps et le rapport pilote/navire. Depuis PLATON, le corps est considéré comme l’enveloppe de l’âme, comme un contenant, comme le navire transporte le pilote. L’âme et le corps comme le pilote et le navire forment un tout fonctionnel, l’âme anime le corps, le corps offre un véhicule à l’âme, la possibilité d’un rapport au monde. De plus, l’âme peut être considérée comme le pilote du corps, elle commande, il dispose, même si parfois le corps peut déborder l’âme ou lui résister.

 Mais cette analogie a des limites évidentes même si le pilote est très attaché à son navire, le navire reste un avoir, une propriété extérieure à lui alors que nous considérons notre corps certes comme une propriété dont on peut disposer, qui ne peut être violée, mais c’est surtout ce que nous sommes ET  surtout l’âme et le corps sont dans un rapport d’intériorité. Lorsque l’âme est affectée par ce qui touche le corps, ce n’est pas du dehors dans un constat visuel ou intellectuel, mais c’est du dedans, dans un vécu, un ressenti très subjectif. Ceci semble souligner que l’âme n’est pas simplement unie au corps, elle est mêlée, confondue avec lui au point de ne former qu’un tout.

 Le problème est de savoir par où elle est unie et comment elle peut l’être alors que ce sont 2 substances distinctes et hétérogènes.

  La réponse de DESCARTES est la glande pinéale (l’épiphyse, au milieu du cerveau). Si DESCARTES a choisi cette glande comme « le principal siège de l’âme », c’est d’abord parce qu’elle se situe dans le cerveau. Or c’est là que par expérience on a tendance à situer la pensée parce qu’elle est située au centre, cette position étant parfaite pour commander. Et enfin parce qu’elle est le seul organe du cerveau qui n’ait pas de double. Son unicité la distingue donc de la matière divisible et semble être en accord avec l’unicité de la conscience. C’est par là, en l’inclinant que l’âme contrôlerait le mouvement des esprits animaux et l’ensemble du corps. Cette glande pinéale a été l’objet de multiples critiques car malgré les précautions que prend DESCARTES, il localise l’âme et même si ce n’est qu’en un point, il lui faut un minimum d’étendue pour avoir un impact sur cette glande.

  Finalement il est condamné à se contredire et à rompre le dualisme alors qu’il y avait d’autres stratégies possibles :

1) Avouer qu’on est ici aux limites de l’explication mécaniste, on ne peut expliquer comment l’âme dirige le corps même si il est évident qu’elle le fait.

2) Il aurait pu distinguer « présence localiter » et « présence virtualiter » selon Kant. On peut imaginer que sans contact, l’âme dirige le corps comme un prince dirige de son palais les confins de son royaume.

3) d’imaginer une interaction entre l’esprit et la matière selon un principe d’harmonie mais sans lien physique. Cela va donner l’occasionnalisme de MALEBRANCHE qui présuppose qu’à chaque occasion, c’est Dieu qui assure la synchronisation entre le corps et l’esprit. Ou la théorie de l’harmonie préétablie de LEIBNIZ où Dieu aurait réglé au départ de manière parfaite cette synchronisation. Ce qui est selon lui une solution moins complexe, plus économique et qui laisse la place à de véritables miracles. Mais à vouloir sauver le dualisme on est contraint d’accepter la théologie (Dieu).

 D’où la dernière stratégie : renoncer au dualisme pour un monisme

  1. monisme : 1 seule substance.

 

Il y a 2 monismes

a)      il n’y a que l’esprit et  la matière est un épiphénomène de l’esprit (BERKELEY) « être c’est percevoir et être perçu » : critique de Descartes, de son analyse du morceau de cire et de sa distinction entre qualités secondes ( vues, senties par soi) et qualités premières ( pensées et posées comme étant en soi). Pour Berkeley , le monde n’est pas une illusion, ni un rêve ( il sait faire la différence entre rêve et réalité), il ne dépend pas non plus de moi ( à la différence du r^ve que je me fais) . Berkeley ne doute pas que le monde est ( je ne peux pas ne pas le percevoir, même si je ne le veux pas, il a son cours régulier, sa vivacité dans ma perception, ses détails qui ne trompent pas ) , il conteste simplement que le monde existe en soi , extérieurement à notre perception.

b)      il n’y a que la matière et  l’esprit est  un épiphénomène de la matière,

– EPICURE considérait l’âme comme un composé d’atomes ( sphériques et extrêmement mobiles) et donc mortelle

– MARX  voit la conscience comme un produit de l’action des hommes, c’est l’existence matérielle des hommes qui détermine leur pensée

 

 

 

Le monisme matérialiste tend à s’imposer,  « les théories de l’esprit doivent être matérialistes ou insuffisantes » J.P Changeux, car :

– il permet l’économie de Dieu et les problèmes du dualisme « Le dualisme se vautre dans son mystère » Denett

– il est dans la logique actuelle où on explique le supérieur par l’inférieur ( marxisme, freudisme, neurologie..)

– il va dans le sens des découvertes scientifiques ( 1861 : les aires de Broca ; Wernicke( cerveau gauche, aire du langage ; épilepsie expliquant le mysticisme selon  Patricia Churchland ; intelligence artificielle..)

Mais il y a différents matérialismes :

– les réductionnistes pensent qu’à chaque état mental correspond un état neuronal localisable (Changeux, Chuchland)

– les fonctionnalistes pensent que le cerveau est un système ( Denett)

– les émergentistes s’opposent aux précédents éliminativistes, et soutiennent que le tout est plus grand que la somme de ses parties et qu’on ne peut réduire la vie mentale à la vie neuronale, un esprit conscient ne peut être dès lors comparable à un ordinateur quel qu’il soit ( Searle)

ü  la question de la signification sémantique ( test de la chambre chinoise, 1980,  contre test de Türing, 1950 – faire la différence entre une machine et un homme)

ü  intentionalité

ü  problème des qualias – ce que cela fait d’avoir tel état mental, ? entre état conscient et conscience de cet état conscient : Jackson Ce que Marie ne savait pas ( peut-on par la connaissance théorique des couleurs acquise dans une chambre noire, savoir ce que cela fait de voir les couleurs ?

Le matérialisme séduisant pose différents problèmes :

– il remet en question la morale et le libre-arbitre ; il s’oppose à notre attachement émotif à l’idée de liberté.

– il pourrait servir de caution à un matérialisme vulgaire, permettre le triomphe total de la rationalité scientifique en autorisant à traiter tout comme de la matière.

– ultime blessure narcissique après avoir perdu sa position centrale ( Copernic), sa place réservée dans la nature ( Darwin) et en lui-même ( Freud) , il perd à présent son âme.

 (NB : il y a une autre alternative : le  parallélisme de  SPINOZA : une seule substance qui se manifeste sous 2 modes divins : mode « pensée »/mode « étendue »)