Peut-on dire que l’artiste invente et le scientifique découvre?

11 juin 2013 0 Par Caroline Sarroul

Peut-on dire que l’artiste invente et le scientifique découvre?

Réponse suggérée: on associe l’artiste a un créateur ( donc il produit en transformant la matière première des œuvres qui n’existent pas avant lui) par une imagination libre parfois sans aucun soucis de réalisme et associé à un désir de fuir la réalité insatisfaisante. L’art vise le beau, l’agréable et se moquerait de la vérité ( dont il essaierait même de nous sauver selon Nietzsche). A l’inverse, le scientifique est associé à un observateur d’un déjà donné ( les phénomènes naturels) qui s’efforce d’en dégager, d’en extraire les « relations invariables » ou lois, qui n’apparaissent pas spontanément sous la diversité et la particularité des phénomènes. Donc le scientifique dé-couvre, dans le sens où il manifeste ce qui se cache. Il semble que l’imagination ( assimilée à la divagation et à la fiction) n’ait pas sa place dans la démarche scientifique qui se doit d’être rationnelle et limitée aux bornes du réel. Enjeux: quelle est la réelle nature des démarches scientifique et artistique? Quelle est la place et le rôle de l’imagination dans chacune? Quels rapports entretiennent-elles avec la réalité et la vérité? Plan possible: Après avoir exposé la réponse suggérée en I, on peut en II souligner que A. l’artiste n’invente pas radicalement dans le sens où l’imagination ( hormis chez le génie où elle est créatrice, imagination libérée des limites et exigences de l’entendement selon Kant et productrice d’idées esthétique) est essentiellement reproductrice. L’artiste ne peut pas ne pas s’inspirer de la nature et ne pas être en partie déterminé par la société qui l’entoure, que ses œuvres reflètent inévitablement, par les courants artistiques qui l’ont précédé et avec lesquels il rompt ou renoue ( seul le génie donne de nouvelles règles à l’art). Ce qui caractérise l’artiste, comme le génie, c’est plutôt qu’il dé-couvre, dévoile « rend visible » selon P. Klee, ouvre les yeux. C’est ce qui fait que les œuvres d’art nous « parlent » , touchent, nous éveillent, nous livrent une vérité et sont utiles bien qu’inutilitaires. B. il y a une part d’invention en science et même une place pour l’imagination. On peut souligner les limites de la connaissance inductive, purement empirique. Le tournant de la science moderne a été de souligner le rôle de la théorie prépondérant sur celui de l’expérience en science. La nature ne répond qu’aux questions qu’on lui pose; et si l’imagination peut être un « obstacle épistémologique » ( le scientifique doit se méfier et se défaire d’images venues de l’expérience sensible première, du pouvoir des images, auxquelles il doit substituer des concepts et formules; elle est utile pour élaborer, mettre en images des hypothèses, des modèles, des expériences de pensée comme en mathématiques on utilise les figures comme support. Donc il y a une place en science pour l’imagination et l’invention, « un saut dans l’imaginaire » s’avère fécond. La science progresse en changeant de paradigme, donc en inventant une nouvelle manière de voir et d’expliquer, un nouveau modèle. En III, on peut souligner que la science est condamnée à ne pas pouvoir assurer de la réalité de ses découvertes sauf si on soutient une objectivité forte ( 1ère colonne) et une théorie-reflet. Le scientifique ne pouvant ouvrir la montre fermée ( Einstein) est condamnée à inventer ( 2ème colonne). Selon Merleau-Ponty, l’approche scientifique recouvre en plus une partie du réel, car son approche n’est que quantitative et nous cache une part du réel, d’où la place de l’art qui rend le monde « habitable », où l’invention peut être redécouverte.