Lundi, c’est la reprise. Vous reprendrez bien un petit café!

1 novembre 2017 0 Par Caroline Sarroul

Pour Alexandre Lacroix, directeur de rédaction de Philosophie magazine, c’est ce qu’est finalement la philosophie, du café!

« Les concepts sont la caféine, le style le sucre, l’interprétation la cuillère, le livre la tasse: on peut filer la métaphore, ce qui compte c’est l’effet existentiel de la philosophie, la qualité de l’éveil qu’elle procure » écrit-il. 

Il a raison, si vous vous accoudez au comptoir du bar des grands philosophes, chacun vous servira en effet un café différent aux arômes plus ou moins puissants, plus ou moins flatteurs pour vos papilles, mais tous auront le même effet , ils vont les réveiller, vous  réveiller, réveiller votre pensée de l’engourdissement du « bercement de la banalité ». Coup de fouet garanti!

Mais encore faut-il pousser ( ou repousser !) la porte de ce bar!  Et oui, il va falloir remonter en cours de philo lundi prochain!

C’est vrai que  vu du dehors ou à cause d’une première visite déstabilisante (depuis la rentrée, peut-être hallucinez-vous face à ce cours vraiment à part!) , il peut sembler n’être qu’un club très privé. L’air n’y semble respirable que pour ceux qui ont l’habitude de la haute altitude, les Kilian Jornet  de l’abstraction! Mais pour le commun des hommes, il y aurait une risque d’asphyxie ou d’ennui, tous deux mortels ! Tout ça ne donne pas très envie de s’y aventurer ou ré-aventurer!

Et pourtant, il est possible de faire descendre la philosophie du ciel sans qu’elle perde sa saveur et ses vertus. C’est ce que s’évertuent à faire bien des enseignants en partant de la vie, de situations ordinaires du quotidien pour aborder les concepts et c’est le pari d’Alexandre Lacroix dans son dernier ouvrage Pour que la philosophie descende du ciel, paru aux éditions Allary en ce début d’année.

Si pour lui, certains en interprétant « trop à la lettre la théorie de idées  » de Platon ont commis « une grave faute » en plaçant « les idées trop haut » et en fermant ainsi les portes de la philosophie à tous ceux qui considèrent que la tarte aux pommes à peine sortie du four qu’ils s’apprêtent à croquer a une réalité  bien plus complète, réelle que l’idée de tarte aux pommes au ciel des idées!  Il propose de redescendre de ce ciel des idées, de ce monde intelligible vers le monde sensible, de reconsidérer les idées comme « des évènements de la vie » et non plus comme ce qui la surplombe et l’ignore. Il est convaincu qu’on peut saisir une idée en partant du vécu, il pense même qu’il est indispensable « de mettre son vécu dans la balance ; sans quoi on réfléchit à vide ».

C’est à partir de ce principe, en partant de son vécu, de ses lectures, de ses rencontres  que, dans cet ouvrage, il revisite les grandes notions de la philosophie ( et donc du programme de philosophie de terminale! Toujours joindre l’agréable à l’utile, d’ailleurs l’agréable ne l’est que car utile au fond, non? ) . Vous y trouverez une sélection retravaillée d’articles, d’édito publiés depuis  10 ans dans Philosophie magazine. 

L’angle d’attaque des notions y est souvent inattendu : l’expérience du « tempo de la matière » à travers l’attente incompressible d’un enfant, celle de notre condition mortelle sur un quai de gare, la revisite du carpe diem comme « un truc de dragueur », l’interrogation sérieuse de la nature de la liberté à partir d’un aphorisme potache sur les pets, la critique du préjugé d’une nature bien faite à partir du mal de dents des loutres et  crocodiles, le questionnement de notre capacité à faire de notre vie notre oeuvre à l’occasion de la rencontre dans le métro d’un homme quelque peu alcoolisé finissant par faire l’hélicoptère avec sa bite… Diogène aurait sans doute savouré l’anecdote! Tout peut être support d’une réflexion philosophique, une idée vécue qui ne demande qu’à être éclairée par l’analyse philosophique : l’élimination d’un rat, une fable d’Esope, le Baiser de Rodin, le système d’orientation des Bochimans, le blues de l’homo fluxus, les pouvoirs du sorcier ou Nahual de l’ancien Mexique… Voilà ce que rappelle avec justesse ou apprend ce livre!

Chaque article, chaque café est servi avec son nuage de référence philosophique. Vous croiserez Nietzsche, Wittengstein et son scarabée, Freud, Sartre, Tocqueville, Schopenhauer,   Arendt et bien d’autres. De quoi vous constituer un petit bagage pour mieux voyager dans l’existence et accessoirement nourrir vos dissertations, si vous en êtes à cette étape du voyage.

En tout cas, à la lecture de ces articles, on se rend compte qu’entrer dans ce bar des philosophes, ce n’est plus nécessairement entrer dans un nuage fumeux pour se perdre dans des constructions intellectuelles, c’est au contraire entrer dans un lieu lumineux qui peut réveiller et aider à y voir plus clair à partir de et sur notre existence.

J’espère que vos premiers cours de philosophie ont eu le même effet et si tel n’est pas le cas, la découverte de ce livre pourrait vous aider à remonter en cours avec plus d’entrain!

 

Allez bonne reprise à vous tous!  Je lève ma tasse de café à la philosophie!