Nature et culture (Qu'est-ce que l'homme?)

15 novembre 2009 2 Par caroline-sarroul

Nature et culture

 

 Introduction : définition de la nature
Ensemble des trois règnes animal, végétal, minéral ; tout ce qui a été créé par Dieu et dont il a établi les lois ;
L’homme est inclus dans la première définition en tant qu’être vivant, animal mais ce qu’il crée est exclu de la seconde. La nature, c’est ce qui n’a pas été produit de la main de l’homme, mais de celle de Dieu ou qui existe en tant qu’ensemble soumis à des lois (Kant).
ALORS quelle est la place de l’homme dans la nature ?
Pour répondre à cette question, il faut définir l’homme.
Définir ? trouver les qualités essentielles (par opposition aux accidentelles) et distinctives de quelque chose, c’est-à-dire que ces qualités se retrouvent chez tous ceux qui participent de la même essence ( membre de la même espèce) mais ne se retrouvent que chez eux, c’est ce qui les distingue des autres espèces.
C’est donc trouver l’ESSENCE de la chose, de cette « chose » qu’est l’homme! Alors

Qu’est-ce que c’est que l’homme?

Nouvelle recherche eidétique, d’une idée ou d’une essence.

Essence selon Spinoza: “cela appartient à l’essence de la chose, qui fait que, cela étant donné, la chose est donnée; et que cela étant ôté, la chose est nécessairement ôtée.” L’essence, c’est donc l’ensemble des caractéristiques essentielles ( par opposition aux caractéristiques accidentelles, accidents) qui permettent de discerner une chose en la distinguant des autres. C’est ce qui fait que la chose est ce qu’elle est et n’est autre.

• Pour l’homme, pour cerner son essence, on pourrait partir de ce qui est donné par la nature , de ce qui est innée. 

 
I. le naturel comme inné :
– peu d’instinct, des besoins vitaux, immaturité anatomique et biologique : schéma
– mythe de Prométhée dans le Protagoras + Théogonie d’Hésiode : l’homme comme le plus mal loti des animaux, pas fini
On se rend donc compte  que l’homme se définit par une  immaturité anatomique et biologique. Idée soulignée par la théorie moderne de la Néoténie mais qu’on trouve dès le VIIIème siècle avant J.C dans – la Théogonie d’Hésiode : l’homme comme le plus mal loti des animaux, pas fini, créature prométhéenne. C’est ce qu’on trouve aussi dans le mythe du Protagoras de Platon:

« Il fut jadis un temps où les dieux existaient, mais non les espèces mortelles. Quand le temps que le destin avait assigné à leur création fut venu, les dieux les façonnèrent dans les entrailles de la terre d’un mélange de terre et de feu et des éléments qui s’allient au feu et à la terre. Quand le moment de les amener à la lumière approcha, ils chargèrent Prométhée et Epiméthée de les pourvoir et d’attribuer à chacun des qualités appropriées. Mais Epiméthée demanda à Prométhée de lui laisser faire seul le partage. « Quand je l’aurai fini, dit-il, tu viendras l’examiner ». Sa demande accordée, il fit le partage, et, en le faisant, il attribua aux uns la force sans la vitesse, aux autres la vitesse sans la force; il donna des armes à ceux-ci, les refusa à ceux-là, mais il imagina pour eux d’autres moyens de conservation; car à ceux d’entre eux qu’ils logeaient dans un corps de petite taille, il donna des ailes pour fuir ou un refuge souterrain; pour ceux qui avaient l’avantage d’une grande taille, leur grandeur suffit à les conserver, et il appliqua ce procédé de compensation à tous les animaux. Ces mesures de précaution étaient destinées à prévenir la disparition des races. Mais quand il leur eut fourni les moyens d’échapper à une destruction mutuelle, il voulut les aider à supporter les saisons de Zeus; il imagina pour cela de les revêtir de poils épais et de peaux serrées, suffisantes pour les garantir du froid, capables aussi de les protéger contre la chaleur et destinées enfin à servir, pour le temps du sommeil, de couvertures naturelles, propres à chacun d’eux; il leur donna en outre comme chaussures, soit des sabots de corne, soit des peaux calleuses et dépourvues de sang,; ensuite il leur fournit des aliments variés suivant les espèces, et aux uns l’herbe du sol, aux autres les fruits des arbres, aux autres des racines; à quelques-uns mêmes, il donna d’autres animaux à manger; mais il limita leur fécondité et multiplia celle de leurs victimes, pour assurer le salut de la race. Cependant Epiméthée, qui n’était pas très réfléchi, avait, sans y prendre garde, dépensé pour les animaux toutes les facultés dont il disposait et il lui restait la race humaine à pourvoir, et il ne savait que faire. Dans cet embarras, Prométhée vient pour examiner le partage; il voit les animaux bien pourvus, mais l’homme nu, sans chaussures, ni couvertures, ni armes, et le jour fixé approchait où il fallait l’amener du sein de la terre à la lumière. Alors Prométhée, ne sachant qu’imaginer pour donner à l’homme le moyen de se conserver, vole à Héphaistos et à Athéna la connaissance des arts avec le feu; car, sans le feu, la connaissance des arts et était impossible et inutile; et il en fait présent à l’homme. L’homme eut ainsi la science propre à conserver sa vie « .

Platon, Protagoras, 320c-321c,

 

L’homme est donc un être prométhéen parmi des êtres épiméthéens : ce qui est proprement humain, c’est de ne pas avoir de nature, de n’avoir rien reçu de la nature.

Exister pour l’homme n’est pas un fait, un état mais une tâche. Cette tâche pourrait s’appeler la culture.

II. le culturel comme propre de l’homme :
– être prométhéen parmi des êtres épiméthéens : ce qui est proprement humain, c’est de ne pas avoir de nature. Exister pour l’homme n’est pas un fait, un état mais une tâche. Cette tâche pourrait s’appeler la culture.
– la culture est symbolisée dans le feu qui permet de cuire les aliments, de se chauffer, de se défendre des animaux, mais aussi de fondre le métal, de durcir le bois, donc une ACTIVITE TECHNIQUE, de transformation de la nature
– l’handicap de départ devient un aiguillon et même un avantage : si l’homme veut survivre , il doit se doter des armes que la nature ne lui a pas données. Mais , il y a alors la place pour une maturation. L’homme est doté de la faculté de perfectibilité ( n’étant rien de défini au départ, il peut tout être) alors que l’animal est prisonnier de ce qu’il est. : fixité de l’instinct).
– chez l’homme, ce qui est naturel, donné à la naissance est de l’acquis. Le résultat d’un long processus de cérébralisation , de juvénilisation et de culturisation. Les premiers hommes n’étaient pas encore des hommes
– les hommes se sont faits hommes en NIANT LA NATURE EN EUX ET AUTOUR D’EUX : travail et éducation, même but ! en S’ARRACHANT à la nature : Ex : pulsions sexuelles p.24 freud et p.25 kant, lab)
– un homme « naturel » est encore un « être culturel » :
• image de Saint Romain en Gal. On voit des hommes dans la nature, récolte du blé mais ils manipulent des outils ( faucille), ils ont un vêtement pour cacher le sexe ( pudeur), savoir faire dans le ligotage du fagot, posture verticale ou debout ( effort pour lutter contre la pesanteur, le quatre pattes plus facile)
• exemple de la nourriture.

L’homme est donc doté de la faculté de perfectibilité ( n’étant rien de défini au départ, il peut tout être) alors que l’animal est prisonnier de ce qu’il est. (fixité de l’instinct).
Dans cette explication, l’homme est créé tel qu’il est aujourd’hui. Or on sait aujourd’hui avec Darwin que l’homme moderne est le résultat d’une évolution. Il est le résultat d’un long processus de cérébralisation , de juvénilisation et de culturisation. Les premiers hommes n’étaient pas encore des hommes.

Mais le résultat est le même : “l’homme est un être culturel par nature parce qu’il est un être naturel par la culture” comme le dit Edgard Morin. C’est-à-dire que:

-”un être naturel par la culture”:  l’homme n’est homme que par la culture ( contre exemple des enfants sauvages)

– “un être culturel par nature”:  ce qui est aujourd’hui innée est le résultat d’une évolution et donc un acquis ET la nature a prédisposé l’homme à la culture, en le faisant inachévé et perfectible.

III. Le problème, c’est que : 

1.  la culture a donné des cultures :
si la culture, c’est l’ensemble des acquisitions faites par les homme et le fait de les acquérir. On parle aussi de culture occidentale, africaine et même bretonne ou corse. Là , la culture, c’est un ensemble de représentations, de croyances, de savoir-faire, de coutumes acquis pour l’homme non pas en tant que membre de l’espèce humaine mais en tant que membre de telle ou telle société, de telle ou telle communauté.
Et si tous les hommes SONT des êtres de cultures, ils n’ONT pas la même culture.
Si bien que quand ils vont définir l’homme, ils vont le faire par rapport à LEUR culture : ETHNOCENTRISME, vieux reflexe qui consiste à rejeter dans la nature, hors humanité, celui qui n’a pas la même culture comme nous, celui que l’on considère sans culture ( sauvage, barbare)

Illustration de cet éethnocentrisme: la Controverse de Valladolid : En 1550, une question agite la chrétienneté : qui sont les Indiens ? Une catégorie d’êtres inférieurs qu’il faut réduire en esclavage et convertir, ou des hommes libres et égaux ? Un légat envoyé par le pape doit en décider.
La colonisation des Amériques a commencé. Les Espagnols, voulant tirer un grand profit de ces colonies, y envoient des armées. Cependant les soldats massacrent bon nombre d’indigènes. Alors, est organisé, à Valladolid, un débat portant sur le thème suivant : « Est-ce que les Indiens sont une espèce inférieure de la race humaine ? ».
C’est le pape Paul III qui a chargé le cardinal Roncieri de confronter les différentes thèses de ce débat.
La première thèse est défendue par Sepulveda, un théologien qui pensait que les Indiens étaient inférieurs. Il venait d’écrire un livre intitulé De justis causis belli (Des justes causes à la guerre) dans lequel il affirmait que la manière d’exploiter les Indiens, appliquée par le chef de guerre Cortès, était la bonne. Il avance deux arguments pour défendre sa thèse -”les Indiens ne sont pas civilisés, ils ne connaissent ni le travail, ni la valeur de l’argent”. Face à lui, on trouve un moine dominicain de 76 ans, Bartolomé de Las Casas. Il avait écrit différents livres : De l’unique manière d’attirer tout le genre humain à la religion véritable, et Très brève relation de la destruction des Indes.
Le légat du Pape donne la parole à Las Casas accompagné de Ladrada, son fidèle compagnon. Il y a beaucoup de monde dans la salle (envoyés du roi, hommes d’église…) et, dès le début du débat, Las Casas relate les atrocités que les conquistadors ont fait subir aux Indiens. Il parle de millions de morts, chiffre historiquement vérifié. « J’ai vu nos soldats leur couper la langue, les oreilles, les mains, les seins des femmes et les verges des hommes, oui, les tailler comme on taille un arbre ! Pour s’amuser ! Pour se distraire ! ». Son discours fait scandale.
L’après-midi, le légat demande au moine de parler du problème clef; Las Casas assure que les indiens sont des hommes, même beaux, généreux, francs, mais considérés comme ingénus par les Occidentaux. C’est d’un argument d’autorité dont il se sert : il se base sur les paroles de Christophe Colomb car celui-ci était vénéré par les Européens pour sa découverte des Amériques “Je ne peux pas croire qu’il y ait au monde meilleurs hommes”. C’est ainsi que commence le débat.

 « le barbare c’est l’homme qui croit à la barbarie » Lévi- strauss et l’idée d’une unité du genre humain, d’une nature humaine sous la diversité des cultures est récente ( XVIIIème) et fragile.

 2. certains pensent que la culture n’est pas le propre de l’homme, qu’il y a aussi des “cultures animales”.

Alors différence de nature ou différence de degré ici entre l’homme et l’animal ?

La culture est-elle bien la propriété distinctive de l’homme? Avons-nous trouvé l’essence de l’homme?

    Nous pourrons peut-être répondre à cette question en fin d’année, après avoir réfléchi sur l’homme, ses facultés, ses oeuvres et ses devoirs !