Uniformisation de la laideur

Que peut-on trouver de plus laid qu’une présentation PowerPoint ? Un autre PowerPoint. Vous connaissez tous cette blague. Uniformisation dans la laideur, uniformisation de la grammaire visuelle.

powerpoint

Quel que soit le lieu, école, université, conférences, présentation d’entreprise, de stage, toujours la même chose. Toujours les mêmes modèles. Des diapositives surchargées de textes, sur fond blanc. Pire, une liste de puces. Ou, au contraire, un ensemble interminable de diapositives couvert de puces.
Non seulement, il faut rejeter cette laideur au nom du bon goût, mais en plus, il faut refuser cette utilisation. Déjà, en 2007, John Sweller, de l’Université de New South Wales, s’écriait :

« L’emploi de PowerPoint se révèle un désastre. Jetons-le. »

Mais si, vous connaissez John Sweller. Tout le monde le connaît. Vous vous rappelez de ce mal qui frappait uniquement les femmes mères de famille, la « charge mentale » ? Eh bien, John Sweller est l’inventeur du concept de surcharge cognitive : le cerveau fonctionne de manière séquentielle, à l’aide de boucles. En plus, hémisphère droit et hémisphère gauche sont spécialisés. Obliger le cerveau à lire un texte que l’orateur prononce est donc totalement contre-productif. Si en plus, il y a des effets visuels…

La pensée PowerPoint

C’est en 2010 que la charge la plus violente et la plus virulente contre PowerPoint est publiée : le pamphlet de Franck Frommer, La pensée PowerPoint. Enquête sur ce logiciel qui rend stupide met en effet les pieds dans le plat en dénonçant le formatage de la pensée occidentale, rien de moins.

« Il est présent dans toutes les entreprises, peut attraper un virus, mais n’est jamais malade et ne manque aucune réunion. »

Qu’est-ce que la pensée PowerPoint ? C’est la résolution de tous les problèmes, de toutes les situations par une liste à puces. Dans les entreprises, on y ajoute un diagramme pour faire plus sérieux. Une courbe ascendante comme le chiffre d’affaire. Au collège, on noie les élèves sous une avalanche de textes et d’images.
Mais le pire, c’est cette destruction du raisonnement, de la causalité, de l’enchaînement logique, par la mise à plat de données sous forme de puces.
Vous savez qu’il faut peu de texte ? Vous évitez cet écueil ? La liste à puce permet des formules percutantes, sans verbe, qui semblent immanentes et sont pour le moins performatives. Autrement dit, qui suggère qu’il n’y a pas de discussion possible, que le fait est avéré. Nos chères têtes blondes ne sont pas encore à ce niveau de réflexion ? Mais c’est pire d’en profiter ! Et je n’aurai pas la perversité de rappeler que les PowerPoint circulent, qu’on les pêche aisément sur le oueb.

Que faire ? Une solution simple, sous forme de liste à puces.

Vous n’êtes pas convaincu ? Vous voulez un lien vers un PowerPoint ? Personnellement, la bible des présentations que j’utilise est un vieux best-seller de 2007 : Présentation Zen de Garr Reynolds. Ce qui m’a le plus plu ? Il affirme que le plus important est ma prestation d’orateur. Que le reste est secondaire. Secondaire, pas redondant, pas superfétatoire.

Une chronique de Philippe Crémieu-Alcan

9 réponses

  1. En 40 ans de carrière, à raison de plusieurs dizaines de présentations par année et de quelques cours donnés, je n’ai jamais utilisé PowerPoint, pas une seule fois. Je suis désolé mais j’y suis complètement inadapté. Que le truc ne me convienne pas est une chose. Le principal est ailleurs : PowerPoint, comme n’importe que autre logiciel de présentation, impose des stéréotypes de présentations et donc des stéréotypes de pensée. Bèèè font les moutons. Nombreuses sont les entreprises, dont la mienne, qui imposent des formats de présentations à tous leurs employés. Est-ce que les présentations à des enfants de 7 ans, à un collectif d’agriculteurs, à un comité de directeurs, à un client qui va peut-être vous verser quelques millions d’euros … peuvent se ressembler ? Il est où le message ? J’ai compté récemment 9 éléments d’information (logo, date, pagination, fond de diapo, copyright …) dans une présentation de Airbus qui n’avaient rien à voir avec le sujet, par ailleurs critique, et réduisaient les graphiques à quelque chose d’illisible. Alors en effet, vivent les deux références citées et vive la créativité.
    PS1. Dans mes présentations, j’ai la plupart du temps beaucoup de « planches » que je passe très rapidement. 15 secondes par planche doit être ma moyenne, avec une très grande variabilité entre planches. Et des objets ou des expériences, comme mettre un prisme devant le projecteur pour en faire un spectromètre rudimentaire …
    PS2. Si c’est trop difficile, faites comme moi, dites que vous êtes allergique à PowerPoint !

    1. Stéréotypes ! Merci, M. Labruyère, c’est le mot qui me trottait dans la tête et que j’ai omis d’insérer dans ce texte. Vous avez parfaitement raison, la pensée PowerPoint est une vision stérotypée de l’univers.

  2. Oui, M. Crémieu-Alcan. C’est pour cela que j’incite (j’encourage, j’oblige…) au départ à préparer son diaporama sur une feuille de papier, sans se préoccuper des possibilités du logiciel…ou du concepteur.

  3. Ce n’est pas le logiciel en soit qui est mauvais. C’est le fait qu’on a mis dans les mains d’amateur un logiciel de communication plutôt à visée professionnelle. Conséquence, les BA Base de la communication n’est pas respecté.
    1. Le visuel doit uniquement permettre d’illustrer des propos.
    2. Un powerpoint n’a pas pour objectif d’être le prompteur d’un mauvais orateur… Or dans 99 % des cas ce qui est projeté est lu !!!
    3. un diaporama c’est une douzaine de diapos environ, c’est un message dynamique, synthétique
    Je recommande à ceux qui ont le temps de lire de chercher la méthode Pecha Kucha qui est une bonne référence pour les diaporamas.

    1. Bonjour. Ce logiciel de PréAO est excellent. Il peut être détourné en logiciel de PAO (voir Nancy Duarte qui a édité un livre gratuit sur les slidedocs, téléchargeable en anglais (et traduit par éric Bouchet), pour du coup en faire des supports écrits d’apprentissage par exemple.

      J’aimerai revenir sur le 3ème point : dire qu’un diaporama comporte une douzaine de diapos est très restrictif. Cela en fait une règle (qui est obligatoire) alors que seuls des principes devrait être proposé (et à adapter). Selon Garr Reynolds, la question justement à ne pas se poser est le nombre de diapos (sachant que le temps d’une prise de parole est variable… La bonne question (entre autres !) est plutôt « que dois-je transposer en visuel ? » pour soutenir ce que je dis et si j’ai besoin dans mes interventions de 10 diapos pour expliquer une seule notion…alors pourquoi pas ! puisque cela doit participer à soutenir les explications orales….Dire qu’il faut 12 diapos, c’est comme dire que les titres doivent être en gras avec une taille de 30…. ; le principe serait plutôt d’adapter pour une meilleure lisibilité et compréhension des notions.
      Qu’en pensez-vous ?

      Dans les formations que je donne, des Pecha Kucha sont mises en place pour s’entraîner à aller à l’essentiel sur un diaporama. Je pourrais citer aussi l’exercice Takahashi qui oblige à réfléchir au meilleur mot-clé à utiliser pour chaque diapositive.

  4. Bonjour.
    Mouais….encore une fois, quelqu’un tire à boulets rouges sur PowerPoint. Même si quelques bons conseils sont donnés à la fin, avec une excellente référence, combien iront lire jusqu’au bout ? Pourquoi toujours mettre en défaut le logiciel ? Lorsqu’un texte est bâclé, incrimine-t-on Word ? n’est-ce pas plutôt le rédacteur, le concepteur à incriminer ? Je suis formateur de présentation assistée par ordinateur, et que cela soit Bunkr, PowerPoint, Impress, Prezi ,Sway ou n’importe quel logiciel de PréAO, l’orateur, s’il souhaite toucher un maximum de personnes, peut soutenir ce qu’il dit par du visuel. L’être humain est d’abord visuel.(écrire n’est du « visuel », cela demande une analyse). Encore faut-il savoir faire un diaporama adapté ! Arrêtons de titrer nos post et d’alerter sur le logiciel. Formons-nous et n’incriminons pas le logiciel. Pourquoi est-ce toujours la faute des autres ! le problème est souvent entre le fauteuil et l’ordinateur. Avant d’allumer l’ordinateur, allumons le cerveau et réfléchissons sur papier. Transposons les mots en visuel. Un diaporama est un document à voir, pas à lire.

    1. Vous avez raison, la plupart des gens utilise le modele »page blanche » de Word. L’influence de l’outil sur l’ouvrier est donc assez faible. Mais si on utilise le mode plan, alors Word imposé un certain nombre de contraintes, ne serait-ce que pour se servir de l’outil. Dès lors, il influence l’écriture et cela devient impossible d’écrire comme Proust ou comme Céline !

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