Lundi, 13 heures 55… grand silence inhabituel dans la classe. Chaque élève vérifie l’état de sa table, se remet correctement sur sa chaise et semble fixer l’horloge comme s’il était possible de faire accélérer la cadence de la trotteuse par l’insistance de leur regard.
Les CP ont rendez-vous à 14 heures avec Nicolas.
14h15 : Nicolas est en retard… CELLES qui l’accompagnent le sont donc aussi… alors… l’inquiétude fait suite à l’impatience : et s’il ne venait pas ? et si ELLES n’arrivaient pas et qu’il changeait d’avis ?
Soudain, le « toc toc » tant attendu met fin à cette déraisonnable panique : Nicolas arrive, ELLES arrivent avec lui !
Et voilà qu’entre en classe Nicolas, tel un Père Noël, chargé d’un panier à linge dissimulant sous un sachet ses amies : les FOURMIS !
Les voici donc nos incroyables fourmis ! Ces hôtes de petites tailles, ces incroyables insectes, ces curieuses et merveilleuses créatures. Car oui, c’est bien une fourmilière qui s’installe dès aujourd’hui sur la grande table de la classe pour plusieurs mois de soins et d’observation.
Nicolas a décidé de nous confier ses fourmis durant quelques temps et nous allons bien en profiter pour apprendre mais aussi pour prendre une bonne leçon de vie !
A mesure que mes petits élèves promènent leurs yeux émerveillés au-dessus de la fourmilière, ils découvrent une organisation quasi humaine (ou surhumaine ?) de la colonie : le cimetière, la nurserie, le garde-manger, la déchetterie… Nicolas explique alors l’organisation de la grande « fourmill-été ».
Hormis les domaines de « Matière et Vivant », « Langue Française », « Numération » qu’il est facile d’exploiter autour de cette colonie de fourmis, la fourmilière prend soudain une toute autre dimension et devient un espace d’observation qui va nous apprendre le « vivre ensemble » et la « solidarité sociale » en toute simplicité.
Nicolas explique :
- La Reine : elle s’attelle à pondre tous les jours de sa vie jusqu’à sa mort pour assurer la sauvegarde et le renouvellement de son espèce. Elle ne vit que pour remplir sa mission de développement de sa fourmilière et ne laisse donc place à aucune autre activité (ce sont même les ouvrières qui la nourrissent !).
Tiens… ça me rappelle cette production interminable de documents de travail, d’activités et d’animations en tous genres que l’enseignant ne cesse de produire pour le développement des petits cerveaux de ses élèves, pour l’épanouissement de leur personne et l’assurance d’un avenir convenable…
(Sait-il seulement laisser une place à une autre activité ?) 😉
- Les ouvrières : elles donnent droit à l’observation d’un joli ballet dansant et pourtant, chacune à son rôle et une mission qu’elle mène avec ardeur et ténacité :
- la fourmi responsable de chercher la nourriture : sans elle, la mort de la colonie ;
- la fourmi responsable de découper et transporter la nourriture à l’abri dans la fourmilière : sans elle, le pillage par d’autres espèces, la mort de la colonie ;
- la fourmi responsable de nourrir la Reine : sans elle, la mort de la Reine, la mort de l’espèce ;
- la fourmi responsable de soigner les œufs, de les déplacer pour les mettre à la chaleur : sans elle, la mort des œufs, la mort de l’espèce ;
- la fourmi responsable de nourrir les nymphes : sans elle, la mort des nymphes donc de l’espèce ;
- la fourmi responsable de rassembler les déchets : sans elle, le désordre.
Dans la fourmilière, une multitude de « responsables » donc qui assurent une mission bien définie au service de la communauté : pour sa survie et son bien-être.
Tiens… ceci me rappelle notre fameux tableau des services qui ne fonctionne pas toujours très bien… En effet, qu’il est gênant lorsque le responsable du « service cartable » oublie de vérifier le bon rangement au fond de la classe et que quelqu’un se prend les pieds dedans. Et que dire du « service papiers » qui oublie de contrôler l’état de propreté de dessous les tables…quel désordre !! Quant au « distributeur» qui ne donne pas la bonne activité au bon groupe… quelle pagaille !
Tiens, un peu plus loin ceci m’évoque de manière plus générale : l’infirmière, le transporteur, la marchande, les éboueurs…
Mais dans la fourmilière, nous n’avons observé aucune fourmi en « grève » ou en renégociation salariale auprès de la Reine…
Des heures d’observation en classe pour se régaler, pour échanger, débattre, mais surtout s’imprégner d’un modèle de solidarité.
Et quel modèle de solidarité : pas d’égoïsme, pas de gourmandise, pas de vol, pas d’intérêt personnel, pas de favoritisme, pas de jalousie ; de nombreuses qualités chez ses fourmis ou plutôt une absence de vices qui laissent rêveur ou donne l’espoir d’une Société Nouvelle…
Commençons d’abord par former à cet esprit collectif nos petits élèves pour pouvoir dire haut et fort : MA CLASSE est FOURMIDABLE !
Tiens… ceci me rappelle que je n’ai pas fini mes prép pour eux demain… et que je vais encore faire des heures supp… 😉
Une chronique de Claire Maurage