Ce qui change !
Après plusieurs années de TZR avec une majorité d’heures en lycées généraux et pros, je viens de poser mes valises au collège (littéralement, car un prof chargé peut vraiment traîner une valise, pleine de cahiers corrigés !).
À part trois heures/semaine en 3e l’an dernier, je n’avais pas travaillé en collège depuis une dizaine d’années. À mes débuts, pourtant, tous les « jeunes » (dont moi !) étaient envoyés au collège et, avec l’ancienneté, partaient au lycée, même si sans l’agreg cela semblait difficile. Mais avec le temps, un déménagement et plusieurs années de dispo, j’ai oublié que c’était 1) la région parisienne, 2) une époque où l’on manquait peut-être moins de profs, je n’en sais rien, d’où une sorte de hiérarchie très nette envoyant certifiés au collège et agrégés au lycée. C’est peut-être caricatural mais c’est la représentation que j’avais. Alors me retrouver TZR, certes, mais en lycée, « seulement » certifiée, relevait un peu du miracle… Si on devait faire une battle entre enseigner en collège et en lycée, qu’en sortirait-il ? Les clichés qui suivent, peut-être ; je m’y risquerai.
Le look des profs…
C’est un gimmick chez moi, mais si je n’étais pas prof, je travaillerais peut-être dans les fringues. Je vous rassure, je n’annote pas les copies à coups de « magnifaaiike » ni ne note à la tête du client (je ne sais pas ce que c’est, je ne veux pas savoir…). Au lycée, il n’est pas rare de voir quelques profs en costard ; au collège, cela n’arrive pas. Idem pour les dames. En effet, si au collège avoir un look avec des détails cools (baskets, joli sac, etc.) fait autorité, avoir un style trop lycéen face à de grands ados peut les énerver et nous décrédibiliser en plein cours de préparation au bac. Enseigner au lycée, c’est (se) vieillir un peu et s’endimancher, alors qu’au collège, c’est pouvoir sortir habillé le lundi comme le dimanche, le jogging étant tout de même uniquement réservé au prof d’EPS.
Les heures de préparation/correction de cours
À salaire identique, nombre d’heures de travail pas du tout identique (ça sent la polémique !). Si on peut passer entre une et cinq minutes sur une copie de collège, on peut passer facilement vingt minutes sur une rédaction de 1e ou terminale. Quitter le collège pour aller au lycée, c’est faire acte de bravoure. Quitter le lycée pour partir au collège, c’est s’offrir une respiration, car on se plaît vite à se souvenir qu’il n’y a pas que le boulot dans la vie. Surtout quand on n’est pas en « poste fixe », il n’est pas facile de gérer un cours non encore écrit et des copies non encore corrigées (souvenirs d’élèves en colère d’avoir attendu pas loin de 8 semaines, je l’avoue, mon boss était informé !, des copies de bac blanc corrigées à la virgule près).
Je ne m’appesantirai pas trop sur le « bouquin ». Au lycée, on peut vivre sans et piocher un peu où on veut, ce qui occasionne des prépas de cours plus longues et aléatoires. Au collège, le livre donne un cadre à l’élève comme au prof. J’ai eu une expérience malheureuse l’an dernier en refusant bêtement le fichu livre, le décrétant compliqué et tout. Résultat : des cours morcelés, un travail pas très concluant, le tout face à une 3e qui n’écoutait pas beaucoup. Avec le recul, je me dis qu’il y avait un lien. Et le livre reste un ancrage fort pour l’élève qui aime l’utiliser, même si le prof apporte aussi d’autres documents (ce qui est de toute façon attendu de nous !). Enseigner au collège, c’est donc nettement plus cool niveau travail. Même s’il faut peut-être déployer davantage de créativité et d’énergie.
La variété des supports pédagogiques
Ce qui est top au collège, c’est de pouvoir chanter à tue-tête avec des 6e au taquet ! Ce qui est top au lycée, c’est de pouvoir éventuellement écouter une chanson en cours que les élèves ne trouveront pas trop nulle et qui peut avoir sa place dans une séquence pédagogique (souvenirs émus d’un chapitre de terminale S sur la chanson engagée pendant laquelle nous avons étudié très sérieusement les Sex Pistols, du rap US, du Bob Dylan…). Ce qui est cool au collège, c’est de pouvoir faire dessiner les élèves pour bien retenir un mot. Ce qui est cool au lycée, c’est de faire étudier pour le bac (encore !) un dessin qui peut avoir sa place dans un dossier. Si au collège la créativité est au centre des apprentissages, elle n’est plus exploitée pareil, surtout dans les matières dites générales, en 1e et terminale, le bachotage étant au centre des préoccupations ! Si on aime chanter, dessiner, inventer, bricoler, le collège est peut-être THE place to be. Dans ma discipline, l’anglais, et je pense que c’est pareil pour toutes, c’est là que l’on pose les bases et au lycée que l’on soigne les détails. Il est donc gratifiant pour un prof de collège, plus encore que de chanter, de se dire que l’on laisse un élève partir au lycée avec un certain niveau de maîtrise. À condition d’être un peu plus tolérant au bruit et à davantage d’agitation. Encore qu’une seconde à presque 40 élèves qui a cours à 18 h peut se montrer plus difficile qu’une 3e à 25 à un horaire moins tardif ! Justement…
L’ambiance de classe
Entre des 6e plus petits que leurs cartables qui vous appellent « maîtresse » et les filles de terminale, plus maquillées que la prof et qui, elles, manient le trait d’eye-liner comme vous le stylo rouge, il y a un sacré gap (pas la marque !). Idem pour le niveau sonore qui va à l’inverse de la taille des élèves, plus ils sont grands, bizarrement, moins ils font de bruit. Beaucoup de collègues demandent le lycée pour ne pas affronter des « gamins bavards » (sic ou presque). J’ai pourtant eu le récit de terminales techno avec des comportements très puérils et eu moi-même certains groupes de collégiens à l’attitude mûre et calme dans un établissement très dur ! Il demeure que l’aspect « éducatif » pur domine au collège alors qu’au lycée, on se rapproche du monde des études, du travail, etc. Il est vrai qu’au lycée, on ramasse moins de carnets à l’heure et on fait peut-être un peu moins de discipline. Il faut avouer aussi qu’au lycée, surtout si on est une dame et pas géante, on se sent toute petite. Alors, aller fliquer un grand balèze d’1 m 85 en lui demandant : « Votre carnet ! », ça fait un peu c**. Donc on règle ça à l’amiable, style : « Cessez vos bavardages » ou carrément : « Sortez de la classe accompagné du délégué qui vous emmènera à la vie scolaire et remontera avec le papier tamponné ». Si au collège, on est un peu le roi du monde car l’adulte dans la classe, au lycée, surtout si pas trop « vieux » ni pas « méga-expérimenté » sur un niveau, on est bien plus vite décrédibilisé par les élèves. Enseigner à des grands n’est peut-être pas aussi aisé qu’on peut le croire, du point de vue de la gestion du groupe, qui passe plus par la maîtrise d’un savoir et de techniques particulières… Je ne sais pas ?!
Je vais m’arrêter ici car je pourrais passer des heures à théoriser. Or il n’est plus l’heure, même pas pour corriger des copies qui prennent une minute à peine. J’ai le jogging mais pas pour aller faire une co-animation en DNL (discipline non-linguistique) avec le prof de sport, ni aller moi-même hanter la salle de gym, il est simplement minuit, l’heure de dormir (pour un prof de collège ayant une pensée émue et compatissante pour les collègues de lycée qui sont toujours en pleines corrections !).
Tellement vrai, j’ai cette impression que lorsque j’ai quitté le collège, je suis descendu d’un train régional pour monter dans un TGV !
Jolie chronique, réaliste et pas polémique !
Bonjour!
Effectivement, la chronique est joliment rédigée…mais je n’adhère pas à ta vision: je suis enseignante en Lycée Pro depuis 1996.
Pas de pimbêches sur-maquillées dans mes classes mais des grands gars à l’allure roublarde, casquette vissée sur la coiffure « taupe morte » et jeans portés trèèèès bas ou trèèèès moulants. Moi-même je mesure 1.80, ce qui est assez dissuasif dans l’ensemble…sauf que nous avons beaucoup de joueurs de rugby dans la région; aussi je peux parler dans les yeux à mes gaillards d1m85 sans souffrir de douleurs cervicales .
Ce que j’apprécie en Lycée Pro c’est la liberté de choix des supports à laquelle tu fais allusion. Je le vis comme une respiration. De toutes façons j’y suis un peu obligée: Les manuels en Anglais m’ont toujours déçue, et aucun ne convient à mes futurs électriciens/plombiers/techniciens de maintenance ; en effet il semble que selon leurs rédacteurs, les « pro » sont de futures secrétaires ou de futurs commerciaux. Rien sur l’ébénisterie, sur le tournage-fraisage-usinage, ou sur la boulange. Et je considère la fabrication de ma séquence comme un jeu, une sorte de sudoku force « diabolic », ou mieux: comme une recette que je sers pour la première fois. Quel plaisir de voir mes convives…euh…pardon: mes élèves se délecter!
Ensuite j’apprécie la « mission » qui m’est confiée: raccrocher les wagons de ceux qui ont loupé le train du collège en Anglais; ceux qui , le jour de leur rentrée en 2nde Pro , me lancent, affalés sur leur table: « Moi je suis une bille en Anglais, con, j’ai jamais dépassé 06/20 de moyenne! », provocant l’hilarité générale. Ceux-là même , la semaine d’après, qui refusent de répondre à la question « What is the text about? » autrement que par « Chais pas, je comprends rien à ce que vous dites, là! » en croisant les bras pour montrer leur réticence.
Ceux-là même qui finissent par se rendre compte (je les y aide) qu’il reste un petit résidu de ce que mes collègues de collèges se sont évertués à lui faire rentrer dans le crâne, qui vont utiliser cette infime partie de matière pour formuler une phrase simple, puis s’intéresser au Street Art et réussir à formuler 5 phrases sur Banksy, Ceux-là qui finissent l’année par me dire « J’ai jamais pu blairer l’anglais mais avec vous c’est pas pareil », et par obtenir un 11/20 au bac pro deux ans plus tard.
Enfin, et ce n’est pas de tout repos, je vois la gestion de la discipline autrement. J’ai peu de patience, mais j’ai beaucoup d’humour. Et en LP, l’humour permet de désamorcer bien des conflits. Mais je redoute moins une horde d’électriciens surexcités parce qu’on vient de leur annoncer l’absence du prof de maths qu’une ribambelle de Quatrièmes surchauffés par les montées d’hormones diffusant des allusions graveleuses à l’attention de leurs petites camarades…
Mais peut être que je phantasme les choses.
Peut être parce que j’ai loupé mon agreg… :o)
Amitiés,
MLaure
Je me suis sûrement mal exprimée car j ai fait plus de lycée général que de pro. Et le seul pro que j ai fait était un lycée de filles très maquillées mais sympas. Et j en garde un super souvenir. On faisait de l anglais général mais aussi celui de leur futur métier. On faisait des Cvs, des jeux de rôles etc. Merci pour cette précision.
Un joli article qui sent la fleur bleue… Apres plus de quinze années en colleges alternant les directions difficiles (et oui, en collèges on voit les chefs, et oui, ils peuvent vous gâcher la vie bien plus qu’en lycée) et les classes difficiles, voires très difficiles (ah oui, Mme C, vous vous en sortez bien… Vous aimez ça les classes difficiles! On va vous en confier trois cette année sur vos six classes), un peu de respiration au lycée ferait du bien. Mais les postes sont rares.
Quant au travail, il est different, sans aucun doute. Si vous ne maitrisez pas les gestes professionnels et la pedagogie dans votre matiere, vous souffrirez et ferez souffrir des generations d’eleves qui deviendront meme parfois degoutes par la matiere. C’est une responsabilite autre que celle de faire passer le bac, certes, mais pas moins importante.
Quant aux copies, tout depend de l’enseignant, de la manière de les corriger et surtout du nombre de devoirs par semaine (deux notes par trimestre en lycée pour une collègue contre plus de 8 notes en college en 3eme).
Et pour finir les heures sup…. Et les emplois du temps…. Autant de parametres qui rendent les comparaisons lycée collège difficiles.