Mieux connaître le fonctionnement du cerveau
Depuis quelque temps, je jette un œil à ce que les neurosciences peuvent apporter à l’éducation. « Est-il imaginable que tous les profs et les élèves ne connaissent pas le mode de fonctionnement d’un outil qu’ils utilisent en permanence et de façon intensive ? » Pour Eric Gaspar (prof de maths en lycée, auteur de Explose ton score au collège, les astuces du cerveau pour apprendre et mémoriser, pas encore lu mais ça ne devrait tarder), la réponse est évidemment non, et il montre combien il est utile de mieux connaître le fonctionnement du cerveau afin de mieux enseigner.
Trois constats utiles pour les pédagogues que nous sommes :
- Le cerveau efface : pour aider les élèves à mémoriser, il vaut mieux leur fixer d’abord un objectif puis leur dire que, pour l’atteindre, ils vont devoir mémoriser une série d’informations ou franchir plusieurs étapes.
- Le cerveau n’est pas multitâche : être multitâche, c’est être capable de faire deux choses concurrentielles en même temps. Si l’une des deux tâches est automatisée, c’est possible, sinon… En réalité, le cerveau ne peut se concentrer pleinement que sur une seule chose à la fois et ne travaille qu’une tâche après l’autre. On ne peut pas apprendre en situation de double tâche. Il est donc préférable de faire avancer les élèves étape par étape.
- Le cerveau se reconfigure sans cesse : à chaque instant de notre journée et de notre vie, notre cerveau reconfigure son architecture interne. Cette plasticité cérébrale nous permet de nous adapter et démultiplie la capacité d’apprendre.
Former des groupes
C’est lors d’une formation sur la mise en place de la réforme du collège que j’ai pour la première fois entendu parler du livre Les neurosciences au cœur de la classe, sous la direction de Pascale Toscani, ouvrage décliné en deux parties (une théorique à destination des enseignants, une sous forme de livret d’exercices élèves). Entre collègues d’Histoire-Géo, j’évoquais avoir opté depuis deux ans pour un plan de classe favorisant le travail en groupes. Depuis ce choix, je me suis questionné sur la composition de ces îlots. Bref, comment créer un groupe d’élèves prêts à se lancer ensemble à l’assaut des apprentissages ? On trouve des pistes sur le site Canopé (voir cet article pour plus d’infos et de ressources utiles). Pour résumer, on peut regrouper les élèves…
- de façon hétérogène
- de façon homogène
- au hasard
- par amitié
- par proximité
- par centres d’intérêt
On voit ici que les possibilités sont multiples, suivant ce que l’on cherche à faire et à créer entre les élèves. Ne pas oublier non plus que « les groupes ne sont pas forcément à envisager comme définitifs. Pour respirer, une classe a besoin de changement. » Alors que nous discutions de tout cela, le formateur nous glissa la référence du livre dont je veux vous parler aujourd’hui. Les neurosciences au cœur de la classe propose en effet de donner aux élèves la possibilité de se connaître vraiment, et aux professeurs de leur donner les moyens de bien apprendre et de mieux comprendre. Dans l’avant-propos, Pascale Toscani revient aussi sur des sentences comme « Tout se joue avant 6 ans » (le best-seller de Fitzhugh Dodson), car rien n’est jamais joué et pour personne. Pour elle, il faut casser l’idée qu’il y a « des personnes intelligentes, celles qui sont faites pour apprendre, et des personnes qui ne le sont pas, celles qui n’apprennent pas à l’école. […] Enseigner et grandir n’est possible que si l’on est animé par la foi en l’éducabilité de l’autre et de soi-même. »
Pascale Toscani pointe la responsabilité de l’école car « les jugements scolaires qui visent à stigmatiser les élèves se transforment en véritables étiquettes durables et forment des blessures intérieures dont les élèves auront du mal à guérir. Ce que l’enfant croit est susceptible de devenir ce qui est. […] S’il est admis aujourd’hui que les enfants ne développent pas tous leur cerveau de la même façon ni à la même vitesse […], la pression est mise pour que tous les élèves du même âge suivent le même programme au même rythme et parviennent à réussir toutes les formes d’évaluation au même moment ». Notons qu’aujourd’hui la pédagogie différenciée et la bienveillance sont clairement au cœur de la réforme des collèges, mais beaucoup d’efforts restent à faire pour que cela soit effectif.
Un article du livre donne aussi des clés pour combattre le déterminisme à l’œuvre à l’école (« Son frère était pareil… J’ai eu la mère comme élève… »), qu’il soit social ou cognitif (« Il est stupide, c’est comme ça… On a tout essayé, ça ne fonctionne pas ! Il ne peut pas ! »). Le premier levier est de se demander : qu’est-ce que l’intelligence ? Apprendre aux élèves…
- qu’il n’y a pas qu’une forme d’intelligence mais bien des intelligences multiples est sûrement la première chose à faire ;
- que rien n’est jamais joué (grâce à la plasticité cérébrale) et qu’il faut apprendre à faire fonctionner sa mémoire ;
- que le sommeil, l’alimentation et la maîtrise du stress sont essentiels pour être bien à l’école.
Ces pistes viennent structurer le livret d’exercices destinés aux élèves. On trouve des supports simples à utiliser pour leur faire comprendre le fonctionnement du cerveau (BD) et des tests pour que chacun identifie son profil concernant les intelligences multiples. Pour information/rappel, le « père » des intelligences multiples est le psychologue Howard Gardner. Selon lui, il existe huit formes d’intelligences, cette vidéo l’explique fort bien.
Identifier et mélanger les profils
Le livret d’exercices va donc me fournir les ressources nécessaires pour identifier le profil d’intelligences de mes élèves. Attention, des écueils sont à éviter (catégoriser les élèves et les enfermer dans leurs intelligences dominantes ou superposer les intelligences multiples à des disciplines scolaires – Français = intelligence verbale-linguistique). Ainsi, je pourrais faire évoluer mes groupes en fonction de cela, mélangeant dans un même groupe des profils d’intelligences différents. Bien d’autres ressources sont à exploiter concernant le stress, le sommeil, la nourriture et la mémoire.
Livre à commander sur le site de http://www.chroniquesociale.com/.
