L’éclaircie matinale

Le cafard dans le cartable, le bitume dans les chaussures, grimaçant aux lueurs de Noël qui tintinnabulent encore, sourd aux clochettes et aux odeurs de pain d’épice, on traîne des kilomètres de mauvaise humeur le matin avant les cours en hiver. Il fait froid, on n’a qu’une envie : se blottir sous sa couette et ne plus penser aux 4e Rabelais, qui sont réveillés par tous les temps. Couloirs de métro, dos pressés, regards vagues, soudain une éclaircie. Un visage se tourne et une jeune femme me tend les marque-pages de couleur qui étaient tombés dans la précipitation.

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Et là soudain, le sourire qui va m’accompagner toute la matinée. J’ai été touchée par la gentillesse d’une inconnue.

Et j’ai la chance que cette touche arc-en-ciel m’accompagne toute la journée. Baguette magique.

Un emploi du temps de rêve…

9 h 1ère sonnerie, en fond je lance « Can’t stop the feeling » de Justin Timberlake. Les élèves entrent en dansant. J’accompagne le mouvement et le cours commence. On a décidé de faire un petit-déjeuner dans le cours sur la nourriture. À la fin de l’heure, des pancakes, omelette, cookies et gâteaux plus tard, les élèves repartent ragaillardis. On a parlé recettes et petits trucs. Le lendemain, un petit mail pour remercier d’avoir fait des pancakes vegan, sans œufs.

9 h 10 Skype avec le Sri Lanka. Wise International School.

Arrivée dans notre classe, sur notre écran, d’une multitude de jeunes élèves, habillés de costumes rouges, qui ont préparé leurs photos et qui nous récitent leurs leçons. Des élèves, disciplinés, préparés, affichent des photos et nous racontent leur pays. On voyage, le temps suspendu entre les fuseaux horaires se fige, et nous sommes transportés avec eux. Ils chantent leur hymne, debout, un moment d’émotion traverse la classe. Le professeur, le plus jeune du Sri Lanka, me remercie « humblement » de notre collaboration. On se sent reconnaissant. Il est devenu professeur avec sa sœur à 15 ans. Un autre monde, une leçon d’humilité.

On enchaîne avec l’Australie et ses drones, les USA, Norwich en direct de la bibliothèque, on pose des questions, peste contre la connexion qui s’arrête… Les élèves prennent des photos, écrivent, soufflent des réponses…

10 h Visite surprise à la récré d’une élève qui me lance : « Ça va Madame ? » On parle de choses et d’autres, de l’année dernière, des bons moments. Des messages sur Remind et de la connivence que cela permet de créer.

11 h Sourires quand les élèves entrent pour une autre heure de cours. L’atmosphère s’allège.

12 h On mange à la cantine et pendant une heure on rit en parlant des élèves (bien sûr) qui se tatouent sur les épaules des « papillons » qui n’en sont pas vraiment et qui les montrent en classe, sans s’inquiéter.

13 h Il me manque une activité, je suis prise par le temps. La bonne humeur pourrait retomber. Mais j’ai une botte secrète. Le site eslprintables.com. Vous le savez, si vous êtes professeur d’anglais, c’est ce site qui vous énerve parce qu’il faut s’inscrire pour télécharger les documents. Ce n’est pas payant, mais il faut téléverser des cours si on veut en télécharger. Du donnant-donnant certes, mais quand vous proposez vos cours, le lendemain, vous gagnez des points et vous avez des messages de remerciements pour avoir partagé des ressources.

Je ne connais pas d’équivalent, mais les professeurs de tous les pays qui peuplent ce site aiment les couleurs, les dessins (qui certes parfois piquent les yeux), ont des trésors de bonne humeur qu’ils déclinent en gifs colorés et scintillants.

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14 h C’est l’heure du Kahoot cours. Un concentré de bonheur en modèle réduit. Faire cours avec Kahoot ça ressemble à un jeu, mais ça permet de faire passer des concepts difficiles comme par exemple les regrets. Une élève avoue : « C’est bien de travailler comme ça, on cherche la bonne réponse ». Bien sûr, on ne « joue » pas toute l’heure, mais bien intégré dans la progression, comme une cerise sur le gâteau, ça permet de garder l’attention de tous les élèves.

15 h Un élève de terminale propose de partager sa gaufrette. Ça tombe bien, j’ai un petit creux. Sans doute parce que j’ai 3 heures de cours de 12 h à 15 h.

16 h La récréation. Séance de fou rire bruyant grâce à une anecdote racontée par un collègue : « Elle a 4 en EPS ? Comment elle a fait ? Elle n’a levé qu’une demi-jambe, sans doute. » Des sourcils se froncent, tant pis.

17 h Dernière heure de cours. L’heure grognon de la semaine, celle qui nous pèse, celle qui nous a suivis toute la journée obstinément comme un petit nuage noir au-dessus de la tête. Les élèves vont faire de la télé. Ils ont écrit le scénario, ont choisi un jingle pour un quiz show sur les selfies.

 

Ce n’est pas une vraie journée, bien sûr, mais des morceaux de plein d’autres. Des petits sourires ou des grands fou rires qui mis bout à bout me poussent à reprendre mon cartable le lundi matin, quand je fais grise mine.

Il faut bien déployer des mécanismes de défense ; oublier vite la dispute avec les élèves, les devoirs pas faits, pas rendus, la mauvaise humeur, la remarque perfide d’un collègue, les critiques au conseil de classe ou pendant les réunions de parents.

Se souvenir des jolies choses, pour entretenir l’impression du bonheur.

 

Une chronique d’Amélie Silvert

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