Le désordre dans ma tête
Il m’en a fallu du temps avant de réécrire une chronique. J’ai même failli jeter l’éponge (oui, celle pour tableau blanc qui efface mal). Pas eu le temps de réinventer le triangle didactique, encore moins le tétra-aide (soupir en pensant aux heures de montage pour le fameux polyèdre multicolore censé révolutionner l’apprentissage déclinant des jeunes filles et jeunes gens). Prise de poste fixe… Ça rime avec posters de la salle neuve collés à la patafix et ça sent le vécu… Non, je ne vais pas vous dire un poème. Même si le sujet de ma chronique serait presque romantique et me rejoue dans la tête une (très) vieille pub pour de la charcuterie industrielle vantant la simplicité sur fond de musique jouée à la flûte à bec et d’images bucoliques. C’est dire le désordre dans ma tête.
Trop, c’est trop.
Quand je vois les jolis plans de séquences défiler sur les forums de profs avec des graphismes à mettre la honte à des agences de com, quand je lis les théories de ouf sur la métacognition, tellement complexes que je n’y comprends que dalle, je suis un peu dépitée. Fossé entre fantasme et réalité. Jalousie, peut-être aussi ? Habituée au cours one-shot avec plusieurs années de TZR, je n’ai jamais « investi » dans de beaux supports réutilisables. M’enfin… Oui, j’avoue ne pas avoir toujours écrit de plans de séquences : besoin de connaître les classes, leurs difficultés, leurs motivations plutôt que de balancer un cours froid comme la place à côté de la fenêtre. Soit, je caricature. On peut être expert en design et animation de leçon en plus d’être un prof au top de la planification. Pardon. Il me reste encore du chemin à parcourir en termes de multitasking.
Scène ordinaire de classe : remise d’une éval diagnostique ou formative mais rien de méchant, les gamins ne savent pas faire une phrase en anglais. Je n’ai pas de tétra-aide à leur donner pour qu’ils m’expriment leur désespoir face à la difficulté. Je leur dis (en français, langue des explications techniques) : « Si ça va pas, appelez-moi. Je vous laisse corriger. Et puis, on réexplique ». Et puis le cours continue en anglais, et avec de la pédago différenciée, petits groupes et tout si besoin. Ceci est mon quotidien, sans faire des trucs sublimes, juste en exigeant les affaires, un cahier propre, le travail fait, les contrôles rattrapés.
Ah si et l’informatique ? Euh, comment vous dire ? Les TICE, je suis croyante et pratiquante quand c’est possible mais si les salles sont prises, pas de miracle. La balado-diffusion, c’est bien aussi, mais laisser les élèves enregistrer leur voix sur leur tel portable, ça le fait aussi et ça évite de booker X dictas, de tout rebalancer sur un logiciel qui souvent merdouille… Le mieux est l’ennemi du bien.
Au point qu’aujourd’hui, en 6e faire copier une simple leçon relève du parcours du combattant ou du naïf (j’envisage de donner les cours tapés pour éviter les apprentissages erronés), noter à l’oral crée la terreur (la peur de la mauvaise note est un fléau qui subsiste, mais on peut aussi créer le bonus conditionnel sur Pronote pour que les langues se délient), écouter un peu de musique en classe adoucit les mœurs car sept heures le c** sur une chaise, c’est mortel quand on y pense, pauvres gamins (ce n’est pas du second degré, j’ai passé des années à m’enquiquiner pendant de nombreux cours quand j’étais à leur place)…
La magie du système D
On n’est pas à l’école des sorciers mais on peut faire de la magie avec les moyens du bord : de la motivation, de l’humour, des exigences mais rien d’irrationnel (une heure silencieux, c’est impossible alors laissons-les chuchoter en paix), le bouquin de classe (sinon il sert à quoi ?) et puis l’inspiration du moment (le jour où le plan de séquence est resté à la maison sur le bureau, ou même dans le stylo, mais aussi quand il y a une belle occasion pédagogique à saisir : Professeur Rogue est en stage, Harry a piqué ma place, Drago a gagné le cross…). Je laisse aux perfectionnistes et aux théoriciens du devant de la scène tous leurs beaux documents et discours. Moi, je fais ma petite cuisine avec les ingrédients du placard (de ma salle) et un peu d’imagination.
J’aime beaucoup. Faudrait faire une carte mentale de tout ça, tiens, par exemple sous forme de diagramme d’Ishikawa. Un truc simple, avec juste quelques couleurs….ensuite on Le balance sur l’Ent (l’ant ?) pour que tous le monde en profite… Bonnne journée…
Merci pour ce retour. Cela fait plaisir quand les chroniques plaisent.