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Oui bien sûr !

– Car le prof entre en janvier dans une nouvelle ère, en se disant, au plus profond de son cœur, que 2018 sera THE ANNÉE. Quand il va ainsi passer le portail, il n’aura qu’une envie, c’est d’expérimenter sa nouvelle séquence péda, d’enfin tenter cette transversalité qui lui fera découvrir le travail passionnant du prof d’Éco Gestion. Il va mettre les élèves en groupe, mais pas n’importe comment, par degré de compétences et en parfaite mixité ; proposer la classe inversée, oublier les cours magistraux et enfin mettre les apprenants dans les meilleures conditions d’apprentissage. Comment ? Il a étudié le feng shui et a donc déplacé l’ensemble des bureaux et des chaises au Nord. En plein courant karmatique ascensionnel. La motivation est à son paroxysme. Le prof se sentira comme au départ d’un marathon. Avec des baskets de compétition. Sourire aux lèvres.

– Car les élèves, magnifiques petites boules d’énergie pure, lui ont manqué. Oui, la phrase est lancée. Comme le dit d’ailleurs ce magnifique auteur du Petit Journal dans sa chronique « The loneliness of a long distance teacher ». Il a hâte de retrouver ses élèves et de leur ébouriffer les cheveux, hâte de savoir si leurs vacances se sont bien déroulées, et quels cadeaux ils ont eu. Il ne fera pas d’évaluation les trois premières semaines. Il voudra les redécouvrir. Et leur souhaiter tout le bonheur qui puisse exister.

– Car l’enseignant a besoin de rythme, et qu’il est tellement bon de pouvoir profiter encore de ces journées qui commencent par une nuit noire et un froid glacial qui fait passer le réchauffement climatique pour une blague Carambar. Puis c’est le chemin des écoliers, ces transports en commun peu chauffés mais qui s’emplissent de chaleur humaine à chaque arrêt ; les gens montent et descendent, totalement guillerets, eux aussi visiblement heureux d’amener un peu de croissance économique au pays. La journée file à une vitesse et on rentre la nuit, à 16 h 00, fourbu ; mais heureux du peu de bonheur qu’on a fourni aux autres.

– Car l’enseignant a besoin de ses pairs pour exister, et qu’il a hâte de retrouver ses compagnons afin de discuter avec eux autour d’une photocopieuse compatissante ou d’une machine à café décorée pour l’occasion (2018 : BONNE ANNÉE ! La CGT annonce une grève enseignante sans commune mesure). Ce sera bien entendu le moment d’écouter les réveillons de chacun, de ceux qui sont partis le fêter à l’étranger car ils sont hors classe, et de Bérangère la prof de maths qui vous racontera comment elle a fourré la dinde durant des heures. Des anecdotes gourmandes et croustillantes dont vous ne perdrez pas une miette !

Pas du tout !

– Car l’enseignant a passé la plupart des fêtes sur les toilettes, les siens, et ceux de sa belle-famille, à vomir les langoustes et les huîtres. Car il a eu la gastro, la gastro que les autres ont chopé AVANT les vacances. Mais lui bien sûr, il a attendu. Donc c’est le seul gars qui a perdu 5 kilos durant les fêtes, et il a un teint qui ferait passer un figurant de The Walking Dead pour un touriste à Ibiza. Le reste du temps, il a aidé son fils de sept ans à construire le Faucon millenium de 850 pièces ; le Faucon qui est réservé aux enfants de 12 ans. Mais Tata Jeanine n’a pas écouté. Comme chaque année. Et Tonton Jacquo a raconté les mêmes blagues racistes. Comme chaque année. Vomissure. Meurtrissures. Hurlements dans les oreilles. Il a dû se reposer 38 minutes en deux semaines.

– Car le prof n’a pas du tout envie de retrouver des enfants qui, de toute manière, ne vont passer les premiers jours qu’à se parler de leur réveillon et de leur paire de pompes à 200 balles. « Mathieu, t’as eu un smartphone à Noël ? Ben appelle Tatiana, ce soir, pour lui raconter tout ça non ? Plutôt que de le faire en classe à voix haute hein… Oui et tu lui enverras des émoticones bien entendu ! Mais non, tu n’as rien à craindre pour la perte de neurones à cause du téléphone… C’est trop tard pour toi de toute manière… ». Sans parler de ceux qui voudront regarder un film, tout ça car des *** de profs en passent souvent durant leurs cours !

– Car le prof n’a pas du tout envie de retrouver ses collègues et ENCORE MOINS de participer à cette tradition des vœux. Oh merde les vœux. Devoir embrasser une cinquantaine de collègues pour leur souhaiter du positif ? La bonne année à Ghislaine qui a torpillé mon code photocopie (« j’en ai juste une dizaine »), la bonne santé à Noémie qui m’a dénoncé auprès de la directrice sur mon manque d’autorité ( « je croyais t’étais en souffrance ! » ) , mes meilleurs vœux à Léon qui sent l’oignon chaud et le tabac froid. Cent bises. À des gens qui se lavent pas les mains en sortant des chiottes. Demain suis à l’hosto c’est sûr.

– Car vous savez que pendant près d’une semaine, vous passerez donc des journées de merde ; que vous clôturerez en beauté en arrivant à la maison, nuit tombante, devant descendre le sapin de 2,10 mètres choisi par vos enfants, non sans avoir ramassé l’ensemble des ramilles dispersées dans l’appartement, que vous retrouvez également dans les draps conjugaux. Vous passerez une semaine à finir les restes de vos divers repas de fête, maudissant la dinde, les fruits secs et les papillotes sur cinq générations. Et vous vous coucherez en lisant une ou deux pages du cadeau de votre bof frère :  Être prof et fainéant. Après avoir calmé votre fils car il manque 10 pièces sur les 850. Merci Tata.

 

Une chronique de Frédéric Lapraz (et son double)

Une réponse

  1. que c’est bien vrai tout ça! surtout le coup de la gastro! ou de la grippe pour ce Noël, tant il est juste que, dans les miasmes d’une classe à 35, le bon prof est celui qui chope ( en vacances car il tient jusque là) tous les virus que les élèves ont, c’est à dire la représentativité de TOUT ce qui se fait en matière de maladies épidémiques!!!

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