Enseignant. Un métier. Un sacerdoce.

Un costume qu’il nous plaît de vêtir tel Clark Kent s’engouffrant dans une cabine téléphonique. Nous, nous chaussons nos plus beaux mocassins avec des glands, notre pantalon en velours, avant de partir à l’aventure, dans cette douce quête de culture synaptique de nos chères têtes blondes.

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Nonobstant, il nous arriverait, une fois la journée finie, de garder notre uniforme professoral et de conserver certaines postures et comportements ethnico-corporatiste. Il était temps de se pencher sur la question.

En couple par exemple. Il vous est sans doute arrivé plus d’une fois de vous quereller avec votre moitié. Le genre de disputes où les mots s’entrechoquent et les murs tremblent. Pourtant, vous tentez de garder votre calme et d’avancer des arguments expliquant la causalité de la présence de miettes sous le canapé, ou du rouge à lèvre sur le col de votre chemise. Que vous ayez tort, ou raison. Mais partons du postulat certain que vous avez raison. Il y aura forcément un moment où votre partenaire sortira cette phrase qui vous semblera complètement hors de propos :

« Ne me parle pas comme ça, je ne suis pas TON élève ».

Remarquez bien l’insistance crasse, la morgue assurée sur le pronom possessif. Mais que vient donc faire cette phrase au beau milieu d’une putain de dispute sur les miettes ? Pourquoi ? Pourquoi cette mention faite sur notre cher métier ?

Car vous lui avez demandé de mieux verbaliser son propos, de l’organiser ? D’utiliser des substantifs plus recherchés que « connard », ou encore « abruti fini » ? De davantage regarder l’assistance quand il ou elle doit utiliser des objets pour projection ?

Vous ne comprenez pas pourquoi systématiquement on doit associer votre travail à une simple discussion entre deux adultes non consentants.

Repas de famille

Mais cela va plus loin, car vous retrouvez ce même déboire lors d’un repas en famille. Vous vous attablez autour d’un gratin dauphinois et d’escalopes milanaises succulentes. Aucun désir en vous de lier votre métier d’enseignant à la dégustation de ces mets. Et pourtant, très souvent, il y aura ce dérapage. Quand Tonton Jean-Michel vocifèrera, projetant ainsi plusieurs micro morceaux de dauphinois sur vous, sur vous et sur l’Union Européenne, qui depuis qu’elle a accueilli la Turquie « ben y a plus de boulot ’cause les migrants y zon tous les droits c’est la merdeu on né plus chez nous » (notez la rigueur du raisonnement). Vous vous sentez alors obligé, bien que votre compagne broie votre main sous la table, de suggérer à Tonton de revoir sa vision des membres de l’Union et ainsi vite fait bien fait de reprendre, avec lui, votre cours de terminale Bac Pro, avec du fromage.

«  Oh mais oh arrête de faire ton proffffff, t’as fait ptêtre des études, mais t’y comprends rien. »

Et vous n’étiez pas arrivé encore à l’aspect géopolitique. Et à l’évaluation sommative.

Et là vous comprenez.

Qu’il est fort possible que vous ayez pris quelques tics verbaux, quelques mauvaises habitudes tenaces qui sont pourtant votre exosquelette durant la semaine. Et du coup c’est l’escalade. Et tout vous revient en tête brusquement.

La tête de votre enfant de six ans quand vous lui avez fait la progression mensuelle de ses deux mois de vacances d’été. Avec les prérequis nécessaires au bon déroulement des activités de plage et un devoir maison chaque fin de semaine avec trace écrite.

Mon père ce boloss.

Au gérant de l’hôtel à qui vous demandez le barème précis avant de répondre à son questionnaire sur la tenue des chambres.

« La question sur l’hygiène des sanitaires, vous devriez lui octroyer un point supplémentaire… »

Oui, cette manie de tout évaluer, de tout noter constamment. Agaçant pour l’entourage direct, incompréhensible pour le péon qui ne saisira pas comment on peut établir des critères de notation sur un simple champ de labour alsacien. Mais vous ne pouvez pas vous en empêcher à vrai dire.

Idem pour les encouragements honnêtes et vraiment positifs, mais qui trahissent votre corps de métier dans les moments les plus intimes :

« Tu peux encore progresser. »

« Poursuis tes efforts, tu es sur le bon chemin. »

« Des erreurs de compréhension du sujet, mais beaucoup de bonne volonté ! »

Vous finirez à coup sûr par vous faire gifler.

Connaître ses symptômes

Ainsi, s’il faut résumer, il est parfois délicat, sinon impossible de ne pas se laisser envahir par un métier qui nous accapare tant, aussi bien durant le temps de travail qu’en dehors. Il est tellement possible de le retrouver partout, sous des formes différentes, qu’il suffit d’une phrase, d’une syllabe même pour nous faire plonger dans différentes postures, celle du dictateur éclairé voulant imposer son avis, le seul bon avis possible, ou de l’habile gestionnaire du temps et de l’espace qui dressera une table non pas dans un aspect esthétique, mais en voulant à toute force séparer les groupes et isoler les meneurs positifs et négatifs.

Le constater, c’est déjà l’accepter ; et ce diagnostic nous permettra de nous dédouaner dans des situations parfois problématiques de la vie courante.

D’ailleurs vous pourrez toujours photocopier cette chronique et la montrer à l’agent de police à qui vous aurez dit qu’il a commis une erreur dans le décompte de vos points de permis.

 

Et qu’il doit verbaliser différemment ces propos pour une meilleure compréhension.

 

Une chronique de Frédéric Lapraz

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