…de ton problème ?

À la lecture de cette question, on pourrait planter ce décor : vous êtes dans un cabinet médical au fond duquel vous êtes amené à vous allonger sur un fauteuil et à vous détendre, puis invité à  raconter les déboires de votre vie intime, professionnelle et familiale… Le psychiatre, d’une oreille attentive, vous lance alors la question qui remue votre « tout » intérieur : « Quelle est la couleur de votre problème ? »

En fait non, vous êtes dans une classe de primaire tout à fait ordinaire et la question rebondissante est adressée à un de mes élèves. Le décor n’est autre que tables et chaises et petits cubes à manipuler. Vous assistez à une séance de mise en concept de « problèmes mathématiques ». Et cet élève ne semble pas perturbé ni déconcerté, et comme s’il répondait  à la question « Quelle est la couleur de tes yeux ? », il m’annonce avec beaucoup de réflexion : c’est un problème bleu.

Conceptualiser les problèmes à l’aide de couleurs

En cycle 2 l’approche des problèmes reste problématique (ah ! ah !) pour l’enseignant. Il s’agit de faire glisser les élèves du monde très concret (des Bisounours) au monde cruel et abstrait des problèmes mathématiques. Déjà qu’en soi calculer n’est pas simple, alors lorsqu’il s’agit à la fois de mêler l’histoire problématique à la manipulation de nombres (bien choisis) pour les mettre en relation pour un calcul de solution…. surtout à l’âge où on préfère attraper tous les nombres et n’en faire qu’une bouchée (souvent par l’addition pour cette génération qui en veut toujours plus !). Aïe, aïe, aïe.

L’idée de permettre aux enfants d’effectuer une analyse en amont du problème avant de plonger les deux pieds dedans s’est précisée ; prendre le temps de monter les escaliers jusqu’au plongeoir le plus haut avant de se lancer dans sa résolution comme si on prenait le temps d’observer la couleur de l’eau, sa profondeur, le sens du vent, la température extérieure : ANALYSER.

Et pour cela, rien de tel que d’accorder à chaque problème une couleur, SA couleur.

Mise en scène collective

Bien sûr, il faut beaucoup de temps pour préparer cette mise en scène en amont. Car il serait bien dommage d’arriver avec l’idée toute faite et emballée du : problème numéro 1 = problème rose, problème numéro 2 = problème bleu…

Subtilement, la couleur devra venir des élèves…

Et puis, un jour après l’autre, ce sera la présentation du problème du jour.

Problème 1 :

D’abord, la lecture de « l’histoire » (comme j’aime à leur dire) pour installer le problème dans son contexte. Cette approche permet aussi de transposer les enfants dans une situation déjà connue, vécue, observée dans leur vie quotidienne.

Projection au tableau

Il ne s’agit pas là de répondre à la question mais de se créer l’image mentale du problème.

Afin d’y parvenir, je trouve une « Karima » volontaire pour l’envoyer sur la table de travail avec la boîte à cubes.

« À toi de jouer, Karima. Raconte-nous l’histoire… »

L’apprentie Karima se prête au jeu et commence à faire ses paquets de cartes. Je demande alors au public installé autour de la table d’être dans l’observation de la scène, en silencieux mathématiciens. Je les interroge uniquement lorsque la représentation de l’histoire est terminée. Parfois, Karima se sera trompée en plaçant 5 paquets de 4 images soulevant alors les remarques des autres élèves qui devront justifier leur désaccord : « Moi je vois 5 paquets de 4 images. »

Le point d’honneur de ce travail de manipulation réside dans cette préparation de l’histoire : on ne se presse pas à trouver la réponse mais on prend le temps de mettre en place tous les éléments de l’histoire.

Karima termine par une totalisation des cubes (généralement en comptant 1 par 1…) pour annoncer la solution au problème.

Une fois la solution trouvée, je propose aux élèves d’attribuer une couleur au problème pour que ce soit plus « facile » de le reconnaître la prochaine fois que nous rencontrerons une histoire dans ce genre. Je leur propose alors quatre couleurs (sachant qu’il est possible d’élargir par la suite le panel de couleurs dans les classes suivantes). Pour ma part, j’ai choisi : bleu, rose, jaune et vert (des couleurs de papier A4 disponibles dans mon armoire de classe).

On peut alors procéder à un vote pour le choix de cette première couleur : la couleur du problème 1.

Attribuons pour notre chronique la couleur bleue à ce problème (pourquoi… bah, j’aime le bleu…).

Ritualisation

Les jours suivants, les cinq autres problèmes seront alors traités de la même manière.

Problème 2 : Sylvain avait 26 petites voitures. À la récréation, il en a cassé 12.

Combien lui reste-t-il de petites voitures ? PROBLÈME VERT

Problème 3 : Tom a fait 24 tomates farcies. Pour les ranger dans son congélateur, il les a mises dans des barquettes de 4. Combien a-t-il rempli de barquettes ? PROBLEME ROSE

Problème 4 : Hier Camille a gagné 13 billes à la récréation du matin et 12 à celle de l’après-midi.

Combien en a-t-elle gagné en tout ? PROBLÈME JAUNE

Problème 5 : Arthur a 21 billes. Il les partage avec Antoine et Guillaume.

Combien chacun aura-t-il de billes ? PROBLÈME ROSE

Problème 6 : Luc a un sac de 28 billes. Dans le sac il y a 17 billes rouges et les autres sont bleues.

Combien y-a-t-il de billes bleues dans le sac ? PROBLÈME VERT

 

Vous avez remarqué avec beaucoup de perspicacité le choix d’une même couleur pour des problèmes différents. C’est normal… c’est là que commence à opérer la « stratégomagie ».

 

À la fin de la présentation, comme à chaque fois, vous proposez d’associer une couleur.

Cependant, au cours de la présentation de l’histoire du problème, les élèves, ou vous-même, aurez souligné des « ressemblances » ou points communs avec d’anciens problèmes traités.

Tiens, cette situation ne vous rappelle pas quelque chose ?

En ce qui concerne par exemple les tomates farcies et la distribution de billes, on retrouve l’idée de préparer des tas identiques à partir d’un TOUT (situation de division).

En ce qui concerne les billes de Sylvain et le sac de Luc, on connaît le TOUT et une seconde partie et on essaie d’en déterminer l’autre partie (situation de soustraction).

Installation du vocabulaire

À travers ces observations répétées, le vocabulaire des problèmes s’installe.

Le TOUT et les PARTIES qui le composent.

Les élèves commencent à tremper leurs orteils dans l’eau de la piscine, on entre dans la profondeur des mathématiques abstraites.

Et après ?

Après cette manipulation collective des problèmes, la phase suivante consiste à passer à la représentation schématique des problèmes.

On retrouvera par exemple ce genre de représentation pour l’histoire de Karima et de ses paquets de cartes.

Pour rendre l’activité encore plus ludique, il s’agit ensuite d’exposer au tableau tous les schémas possibles avec les affichages en A4 des problèmes de couleur. C’est le début d’un « jeu d’association » avec argumentation, pour et contre, vérification, explications…

À chaque problème sa couleur mais aussi son schéma.

Installation des mots savants

Après cette phase de riches échanges, les enfants se trouveront à devoir associer de nouveau, seuls, chaque problème à son schéma (par copie des schémas et énoncés de problèmes en petit format à manipuler tel un jeu de dominos sur la table). Seuls, puis pourquoi pas par deux. Retour donc sur une argumentation et un contrôle du « sens » de chaque histoire problématique : j’enlève, j’ajoute, je connais, je cherche… Le TOUT, une PARTIE, …

Il s’agit ensuite d’associer ensemble à chaque modèle type le mode opératoire employé :

Une belle trace écrite dans le cahier outils de mathématiques et voici vos apprentis matheux capables d’affronter (presque) tous les problèmes du cycle 2 !

Ritualiser encore…

Après ce travail d’installation de repères et de détection du « type de problème » associé à sa couleur, il s’agit ensuite de ritualiser cette rencontre élève-problème. À chaque situation problème, vos élèves devront être amenés à réfléchir à la couleur du problème avant même de tenter sa résolution.

Un temps pour observer, préparer son image mentale, assimiler, comparer et préparer ses neurones à la confrontation des nombres dans le calcul qui suivra.

 

Une approche pleine de couleurs qui m’a en tout cas montré des élèves « heureux » d’affronter des problèmes !

Pas de problèmes !

Elle n’est pas belle la vie ?

 

Une chronique de Claire Maurage

Une réponse

  1. On apprend bien vite avec les problèmes , quelle-que soit la couleur ,mais pour les rendre plus « digestes »on choisi forcément celles qui plaisent avant tout aux autres .

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