La carte mentale, la solution miracle ?

Cela fait quelques dix ans que j’utilise des cartes mentales. D’abord pour mon usage personnel, pour faire des plans, puis pour fabriquer des fiches méthode. Ces dernières années, j’ai commencé à en faire réaliser aux élèves du collège. Synthèse de cours, extraction et mise en forme de données à partir d’une vidéo, d’un dossier documentaire. J’accompagne toujours ces travaux d’une notation par paliers, bienveillante, de manière à rassurer tous les élèves : ils auront au moins la moyenne. À tous, j’offre toujours la structure de base, le noyau et le nombre de bras (jamais plus de quatre). Les élèves ont l’obligation de respecter trois règles : un format à l’italienne, une couleur par branche et la linéarité de la lecture. Pour le reste, ils sont libres !

Que puis-je conclure de cette expérience ? Finalement, des platitudes. Certains élèves adorent et deviennent rapidement performants. D’autres rechignent car ce n’est pas assez scolaire (Ah, la liberté !). En revanche, ils aiment les schémas. Enfin, quelques-uns sont totalement étanches à cette pratique et n’arrivent jamais à rien. Autant faire décrire une couleur à un aveugle de naissance ! J’ai partagé tout cela sur mon blog.

À la mode

Or, depuis deux, voire trois ans, la mode est là. En témoigne l’augmentation flagrante des visiteurs intéressés par ces cartes sur mon site (il faut parfois savoir se montrer égocentrique). En témoigne le nombre de sites, d’ouvrages traitant du sujet. Jusqu’aux formateurs de l’Éducation Nationale (un signe qui ne trompe vraiment pas). Googlelisez le terme et vous serez étonné par le nombre de documents émanant de l’institution.

En un mot, c’est la mode. Tant mieux !

Ou tant pis ? Parce que derrière l’engouement est très souvent tapi l’aiglefin (ou l’aigrefin ?).

Un peu de logique

On nous présente aujourd’hui la carte heuristique comme la panacée. Et il faut bien ça pour nos élèves différents. Ils ont des bouderies avec le texte ? Faisons-les dessiner. Comme c’est une panacée, ils ne peuvent que devenir performants ! Et les sites oueb de se multiplier. Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent. Désormais l’élève dys est gavé à la carte heuristique jusqu’à l’overdose. Et les marchands rappliquent. La carte, nécessairement artisanale, devient un produit industriel. Vite, un manuel de cartes pour tout le programme du collège ! Un souci ? Une carte ! La seule conclusion qui vaille – mais elle est interdite par la doxa – c’est que si une carte convient pour tous, alors tous possèdent un cerveau identique. Et donc, il n’y a pas de dys, pas de spécificités. Elle est pas belle la vie ?

Vous pensez que je suis un affreux sophiste ? Que mon raisonnement, aussi creux que le tambour, se cache derrière un syllogisme ? Libre à vous. Mais arrêtons-nous un instant. L’élève dys ne possède pas un décodeur performant pour lire, n’intègre pas d’automatismes (de lecture, de calcul, d’orthographe). Lui fournir des cartes permettrait de contourner tous ces problèmes ? Un mot serait davantage évocateur qu’une phrase ? Aigrefin ou glissant aiglefin ?

Quelques chiffres

Mais d’ailleurs, de qui parle-t-on ?

« Combien sont les DYS ? Les chiffres varient normalement selon les études, selon les pays et selon les époques. Selon la nature des troubles que l’on inclut dans l’étude, selon le degré de sévérité pris en compte, les chiffres varient de 1 à 10%.
En France on parle de 6 à 8% de troubles dys. On peut dire que 4 à 5 % des élèves d’une classe d’âge sont dyslexiques, 3% sont dyspraxiques, et 2% sont dysphasiques.
Aucune étude fiable n’a donné un chiffre des troubles DYS en France. » (Site web de la Fédération Française des DYS – FFDYS).

On parle de 10% de la population, sans qu’aucune étude ne puisse le certifier. Moi, je peux vous certifier qu’il y avait très peu de dyslexiques au Moyen Âge ! Et ce groupe indifférencié possède des degrés de handicap différents, mais ils peuvent tous s’en sortir grâce à un dessin.

J’ai trop de respect pour mes élèves, pour les dyslexiques qui ont croisé mon chemin. Leur cheminement scolaire sera nécessairement difficile car il n’est pas bon d’être différent. Et je me refuse d’être déférent : ce n’est pas un dessin qui résoudra tout. Peut-être qu’il y participera.

Allez, courage, élève dys ! Et je sais que tu n’en manques pas.

 

Une chronique de Philippe Crémieu-Alcan

Une réponse

  1. Petite demande, je suis étudiante à Mons et je dois réaliser un blog. Je voudrais ajouter (comme sur le vôtre) un abonnement . Comment faites-vous .. Merci. Très très bien votre blog. très intéressant.

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