Des chiffres qui interrogent

Chômage, illettrisme… En tant qu’enseignant, les chiffres livrés par les médias sont rudes et nous questionnent sur notre action individuelle et collective. Au début de l’année 2019, l’OCDE comptabilisait en France 1,8 millions de jeunes ni employés, ni étudiants ou sans formation. Un acronyme coiffe depuis quelques années cette cohorte de jeunes de 15 à 29 ans sortie des radars institutionnels : les NEET pour Not in Education, Employment or Training. 17 % des 15-29 ans seraient dans cette situation, des invisibles souvent décrocheurs scolaires par le passé. Diplôme(s) en poche ou non, les jeunes connaissent un taux de chômage plus élevé que la moyenne avec 23 % des jeunes actifs de moins de 25 ans.

Comme on peut s’y attendre, Pôle emploi rappelle que les jeunes issus des quartiers prioritaires, où le taux de chômage des jeunes peut parfois atteindre 45 %, et les jeunes les moins qualifiés sont les deux catégories de jeunes davantage touchées que les autres.

À ces chiffres, on associe le vécu de ces élèves que l’on voit batailler dans leur cursus parfois très tôt, ces jeunes fragiles qui n’ont « pas les bases », « pas les codes », qui traversent des tempêtes familiales ou sont livrés à eux-mêmes. En moyenne, 140 000 jeunes quittent chaque année le système éducatif sans diplôme. Par ailleurs, 10 % des jeunes de 18 à 24 ans ne maîtrisent pas les compétences de base (lecture, écriture, calcul). Bien sûr, cette question est tout autant politique, sociétale qu’éducative. Mais en tant que professionnels de l’éducation nous sommes alertés quand on lit qu’en 2017, 7 % de la population âgée de 18 à 65 ans ayant été scolarisée en France est en situation d’illettrisme. Parmi ces illettrés, tous n’étaient pas en grande difficulté scolaire. Des élèves qualifiés de « moyens », souvent orientés en voie professionnelle et pratiquant de moins en moins l’écrit se retrouvent parfois à désapprendre.

Œuvrer pour la littératie

2,5 millions de personnes sont actuellement illettrées en France. Fin 2018, le téléfilm Illettré tirait de cette masse d’individus l’itinéraire de Léo, salarié qui cache son incapacité à lire jusqu’à l’accident de travail. En effet, plus de la moitié des illettrés exercent une activité professionnelle. Ainsi, la lutte contre l’illettrisme concerne de près le monde du travail mais l’éducation peut et doit mieux faire dans ce domaine. Dans la fiction, Léo fait tout pour cacher ses problèmes et mettre sous cloche cette « tare » sociale. Sorti du système scolaire, l’illettrisme est invisible. C’est bien pour cela qu’il y a urgence à ce que toutes les équipes et toutes les disciplines œuvrent à la littératie, l’aptitude à lire, à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie quotidienne. Mais ce qui paraît normal pour le 1er degré l’est moins au collège et au lycée où les enseignants n’ont pas été formés pour apprendre à lire. Pourtant l’apprentissage de la compréhension en lecture est un enjeu de taille tout au long de la scolarité. Chaque activité que l’on peut faire dans ce sens est une pierre à la fabrique de lecteurs experts.

La conférence de Maryse Bianco (Université Pierre Mendès-France, Grenoble) montre bien que lire est une activité cognitive complexe et multidimensionnelle. Établir des stratégies de lecture efficaces avec nos élèves est pour elle un point d’appui pour une scolarité réussie (pour plus d’informations, voir ce diaporama). 

Maryse Bianco : L’apprentissage et l’enseignement de la compréhension en lecture au long de la scolarité obligatoire from HEP Vaud on Vimeo.

Compréhension de texte et numérique

Le recours à un enseignement explicite des mécanismes et des stratégies de lecture doit aller de pair avec une vigilance vis-à-vis des supports et des types de tâches choisis. L’outil numérique est un des leviers pour travailler une meilleure compréhension des textes, comme dans cette activité où j’ai utilisé Genial.ly pour amener mes classes de 6e à mieux comprendre un texte difficile en Histoire.

Au début d’année en 6e, l’objectif est d’apprendre aux élèves comment étudier un texte historique avec méthode. Ainsi, la séance commence par un cours dialogué où l’enseignant expose comment et pourquoi il faut présenter un document en Histoire. La structure du document est expliquée, un questionnement se fait avec pour objectif d’expliciter pas à pas une stratégie qui conditionne ensuite la lecture du texte et sa compréhension. Pour l’enseignant, la verbalisation de ces raisonnements permet de montrer et de guider l’élève vers l’appropriation des mécanismes. La présentation effectuée sur Genial.ly offre une vision claire grâce aux éléments interactifs qui viennent illustrer les étapes du questionnement.

Pour la suite de l’activité, Genial.ly présente un double intérêt :

Pour les élèves de 6e ayant testé cette approche, le gros avantage a été l’oralisation du texte par l’enseignant et la possibilité de changer d’itinéraire si les difficultés étaient trop grandes. Pour l’enseignant, Genial.ly est un support facilement duplicable et l’on peut imaginer refaire une activité du même genre dans l’année en réutilisant le canevas créé précédemment.

 

Face au défi collectif qui nous oblige à faire de notre mieux pour assurer un avenir aux jeunes, le travail pour une meilleure compréhension en lecture est un préalable à la réussite scolaire. Dans ce chantier, l’orientation et la coordination des professionnels en charge de la jeunesse et en lien direct avec les familles (enseignants, éducateurs, psychologues de l’Éducation nationale, travailleurs sociaux, …) sont autant de challenges à relever pour inverser les courbes.

 

Une chronique d’Emmanuel Grange

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