DYS, TDAH, TSA…

Les troubles des apprentissages sont maintenant mieux connus des enseignants. Les aménagements et adaptations se font plus naturellement. C’est une belle avancée, un net progrès grâce au formidable travail des associations.

Et pourtant, comme dans un mouvement de balancier qui va de gauche à droite, du rien au tout, je crains que nous manquions de recul pour éviter de passer d’un manque de reconnaissance à un excès de reconnaissance.

De plus en plus de troubles, de plus en plus d’aménagements

Durant mes six années de pratique de la graphothérapie, j’ai rencontré davantage de jeunes présentant un trouble des apprentissages que durant mes quinze ans d’enseignement. Parfois, ce fut un parcours du combattant pour trouver le trouble à l’origine de la difficulté. Mais de plus en plus souvent, les enfants arrivaient avec une multitude de bilans et de diagnostics. De plus en plus de bilans. Toujours plus tôt. De plus en plus de diagnostics. C’est sans doute aussi une réalité dans les établissements : nous voyons le pourcentage de troubles progresser, les PAP se multiplier, les PPS aussi. En 15 ans, le nombre d’enfants bénéficiant de l’Allocation d’éducation d’un enfant handicapé (Aeeh) a augmenté de 136 %. C’est que nous reconnaissons mieux toutes les particularités des dys, TDA, TSA et, encore une fois, c’est un beau progrès. Car la prise en compte d’un trouble autorise la réussite scolaire quand la négation de ce trouble risque de conduire à l’échec.

Les diagnostics précipités

Pourtant, pourtant… des excès voient le jour. Des diagnostics se posent trop rapidement. On étiquette avec trop de hâte un enfant en difficulté. Et ce n’est pas lui rendre service. Il n’est pas bon de dire à l’enfant : « tu as un trouble, tu auras toujours du mal à réussir dans ce domaine », car souvent, il s’agit juste d’un retard ou d’un défaut d’apprentissage. Attention à la prophétie auto-réalisatrice ! Peut-on être dyslexique ou dysgraphique en CP, alors qu’on est en train d’apprendre à lire et à écrire ? NON ! Exceptionnellement, il est sans doute justifié de poser un diagnostic précoce, mais est-ce raisonnable de le faire si souvent ? J’ai rencontré trop d’enfants avec des dysgraphies qui n’en étaient pas puisqu’on en venait à bout avec quelques conseils ou quelques séances de rééducation. Que dire des TDAH disparus après un changement d’école ou un traitement de l’apnée du sommeil ? Prudence donc !

Les aménagements pour de mauvaises raisons

Il existe des parents qui demandent des diagnostics pour que leur enfant puisse bénéficier du « privilège » de l’aménagement au brevet des collèges ou au bac. Et qui sont capables d’aller voir plusieurs professionnels pour finir par obtenir le précieux diagnostic. « Oui, avec la dictée aménagée, il est sûr d’avoir une bonne note. »  Il y aura toujours des personnes valides qui trouveront normal de se garer sur une place handicapé…

Si la plupart des professionnels qui travaillent sur les troubles des apprentissages refusent de rentrer dans ce jeu, ce n’est pas le cas de tous. Et puis les tests des bilans ne sont que des tests, pas fiables à 100 %. C’est comme ça qu’un enfant peut changer de diagnostic selon les jours, selon les professionnels. Cette dérive se retrouve trop souvent avec le haut potentiel. C’est un créneau formidable pour certains qui ne recherchent que le bénéfice. Les parents sont fiers, ils peuvent justifier les faiblesses de leur enfant et demander la tolérance et l’indulgence des enseignants. Ce phénomène est rare, sans doute, mais il existe, malheureusement. Les enseignants qui voient dans leur école une épidémie de surdoués se développer ne peuvent en douter.

Trop de suivis

La plupart du temps, il n’est pas sain d’accumuler les suivis car c’est convaincre l’enfant qu’il a un problème. De plus, sauf exception, une rééducation ne doit pas durer trop longtemps, sinon ça signifie qu’elle n’est pas efficace. Enfin, si ces suivis ne sont pas coordonnés, si chaque professionnel travaille dans son coin, ça peut être catastrophique. J’ai rencontré parfois des situations absurdes. Par exemple un petit de CP qui cumulait quatre méthodes de lecture différentes : la méthode de la maîtresse, en classe, Les Alphas avec l’enseignant spécialisé, Borel-Maisonny avec l’orthophoniste et une méthode associant les lettres à des couleurs avec l’orthopédagogue. Comment peut-on s’imaginer qu’il puisse ainsi sereinement apprendre à lire ?

Un moyen de renforcer les inégalités ?

Les bilans sont coûteux et rarement remboursés, mais ils sont nécessaires pour obtenir des aménagements. Dans certaines académies, les médecins scolaires demandent systématiquement des bilans psychométriques, en plus des autres bilans, pour confirmer les troubles et monter un PAP. N’y-a-t-il pas un risque que les élèves les plus défavorisés soient exclus des dispositifs ?

Trop d’aménagements deviennent contre-productifs

Enfin, même quand le trouble est bien réel, l’abus des aménagements peut conduire l’élève à se reposer sur ses béquilles, à ne plus faire d’efforts et à avoir l’illusion qu’il a un bon niveau. Les béquilles servent à avancer pourtant.

Il arrive aussi que les aménagements aux devoirs ne deviennent plus, aux yeux des parents et des élèves, qu’un droit à la bonne note. Et aux yeux des enseignants, une baisse de niveau.

Encore une fois, les abus ou les dérives sont rares, mais ils risquent de devenir de plus en plus fréquents et surtout de desservir ceux qui ont vraiment besoin d’une prise en charge particulière pour rester dans une bonne dynamique d’apprentissage.

Et vous ? Comment percevez-vous cette évolution ?

 

Une chronique de Claire Nunn

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