Les joies des voyages scolaires…

Alors je vous l’dis tout de suite, il ne s’agit pas de la chanson d’Etienne Daho, qui commence par « Week-end à Rome, tous les deux sans personne… ». C’était plutôt : week-end à Rome avec Killian et Cindy, élèves de première, abreuvés à la sauce « les Marseillais », du nom de cette émission improbable qui passe sur une chaîne de la TNT que j’ignore. J’aime autant vous dire que c’était… comment dire… drôle, surprenant, déstabilisant, instructif.

Transporter une classe de trente-cinq élèves sur plus de mille kilomètres en bus, on dirait pas (ou plutôt, si, on dirait bien !), mais c’est une sacrée paire de manches. Je vous passe le côté administratif, les papiers à réunir, les autorisations diverses, les demandes de subventions pour alléger la ponction parentale, les autorisations de ces mêmes parents, en double pour la plupart tant le divorce est devenu actuel : un travail de titan. Mais bon an, mal an, après des mois de préparation pour un projet annoncé en septembre, réalisé en mai, tout a fini par se mettre en place. Nous sommes toujours, et je m’étonne moi-même, une équipe de professeurs courageux (oui, oui, je pèse mes mots, il faut du courage pour braver ces montagnes de restrictions) qui allons finalement partir pour le cœur historique de toute une civilisation : Rome ! Dis comme ça, c’est vibrant, et j’avoue que je ressens toujours ce plaisir délicieux de visiter cette incroyable capitale : je ne me lasse pas du spectacle romain.

Un trajet pas de tout repos

Il est cinq heures du matin, un samedi. Pour ne pas perdre trop d’heures, ce voyage de 4 jours chevauche une fin de semaine. Je vous laisse imaginer la tête de ma femme quand je lui ai dit que je partais un samedi… bref, ça c’est une autre histoire. Il y aussi mon voisin, fort sympathique au demeurant, mais qui pense que je pars en « vacances » et se fend à mon endroit d’un : « quel veinard ! ». Et en plus, il ne plaisante même pas. J’ai envie de lui hurler dessus, mais à quoi bon, les profs ont cette réputation désastreuse alors qu’ils font un des métiers les plus durs et aussi un des plus beaux qui soit. Mais on préfère admirer l’agent immobilier qui parade dans son nouveau cabriolet : ainsi va le monde !

Le bus est là, notre joyeuse équipe est prête à embarquer. Les mines sont plus ou moins déconfites, c’est la génération smartphones allumés jusque tard dans la nuit, d’où un sommeil perturbé… mais ça aussi, c’est une autre histoire. Nous embarquons donc, et tout ce joyeux petit monde se répartit par affinités, ou pas d’ailleurs, et, après les dernières recommandations des parents (si, si, je vous assure, ces jeunes gens votent dans un an et leurs parents les maternent comme s’ils étaient au primaire), nous voilà partis.

Tout le monde y va de son commentaire sur la musique que l’on pourra écouter dans le bus pendant le voyage. Bizarrement, chacun veut imposer à l’autre ce qu’il pourrait écouter dans ses écouteurs : encore un mystère pour moi. Après quelques échanges démocratiques, le chauffeur a bien compris qu’il n’écouterait pas tranquillement Nostalgie et Francis Cabrel, et qu’il aurait droit à quelques héros de Youtube, dont je ne sais pas grand-chose à vrai dire. Après seulement vingt minutes de trajet, Killian vient me voir, l’air sérieux et pénétré, pour me dire : « euh m’sieur, va vraiment falloir qu’on s’arrête parce que je dois vraiment aller aux toilettes ». Allez comprendre l’utilisation abondante des « vraiment » en si peu de mots, je fais preuve d’un léger agacement en précisant au chérubin que nous venons de partir et qu’à ce rythme-là, les mille kilomètres aller nous prendront des plombes. Plus pédagogiquement, je lui explique que la règlementation impose un arrêt toutes les trois heures et qu’il profitera de ce moment-là pour se soulager. Je lui demande donc d’attendre un peu. Mais quand vingt minutes plus tard, il semble à l’agonie (non, j’vous jure, un vrai acteur), nous obtempérons et faisons un arrêt éclair.

Des visites et des lycéens mouvementés

Après un temps qui m’a semblé infini, nous sommes arrivés. Le lendemain, nous avions prévu un parcours dans Rome qui nous conduisit à travers quelques édifices religieux. Dans tous nos déplacements, je me suis fait l’effet d’un Border Collie, du nom de ce quadrupède incroyable qui regroupe ses ouailles en courant dans tous les sens. J’ai compté, et recompté, pour être sûr de ne pas perdre un seul d’entre eux. Nous avions pris l’habitude, avec Juliette et Nathalie, mes deux collègues, de les faire passer entre elles deux pour pouvoir faciliter le comptage. Mais nous n’avions pas prévu que des p’tits malins prendraient plaisir à se cacher pour faire que notre compte ne soit pas bon. La beauté de Rome dans tout ça m’a paru lointaine, mais au nom du pilier de l’«égalité » de la devise française, je trouvais néanmoins cela bien que ces jeunes gens arpentent Rome le temps d’un séjour scolaire : on ne se refait pas.

Le clou de ce voyage pédagogique fut sans doute quand les élèves sont venus me voir en me disant qu’ils avaient ouvert, derrière l’autel, l’endroit où visiblement l’homme d’église rangeait sont matériel et qu’ils avaient aussi été dans un endroit clairement identifié « interdit au public » mais, comme la porte n’était pas verrouillée, mes élèves se sont autorisés l’accès. J’étais abasourdi, sans mots, coi. Et que dire aussi de ce surveillant de la chapelle Sixtine qui nous a hurlé dessus dans la langue de Pirandello pour nous faire avancer plus vite, alors même que nous avions patienté des heures pour accéder à ce Graal ?

Le retour, véritable apothéose

Je vous passe la suite du séjour tout à l’avenant avec en prime cette élève, allergique à un aliment, qui par mégarde a consommé l’objet interdit. Le voyage retour, avec l’élève moribonde, fut épique. À l’arrivée, les pompiers français nous attendaient et j’ai fini mon séjour dans l’ambulance : Juliette et Nathalie étaient un peu jalouses de ne pas partager ce moment avec les hommes en uniforme. Les parents de la jeune fille ont fini par arriver et ont pris la relève à l’hôpital.

Le voyage est fini, je rentre chez moi, épuisé, lessivé, vidé, la tête en tire-bouchon : pourvu que ma petite famille soit en pleine forme à la maison !

Les arômes de Rome m’ont à peine effleuré et le dur retour à la réalité, le jeudi matin devant mes autres élèves, a achevé la fin de cette comédie.

Ciao a tutti !

Une chronique d’Octave

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