Bilan de fin d’année

Dans les gradins du spectacle des élèves des classes à horaires aménagés musique, je ressens un frisson de fierté.

La lumière s’allume et 82 élèves présentent chants, danses et morceaux musicaux avec plus ou moins de justesse. Surtout en ce qui concerne les morceaux joués avec les instruments à vent… Mais, au fur et à mesure des apparitions de chacun, mon cœur se gonfle de fierté. Il menace à tout moment d’exploser. Cette joie bondissante, réjouissante, irradiante émane de la scène, du spectacle porté par les élèves. Encore une fois, le public est embarqué par la vivacité unique, déroutante, irrésistible de ces quelques dizaines d’élèves.

Victor apparaît, et Jonathan, et Thida… De mon point de vue de CPE, Victor est un élève archi puni, qui a connu un conseil de discipline, Ronda a été une élève maltraitée toute l’année pour son physique de garçon manqué, Thida a participé au lynchage de certains élèves sur les réseaux sociaux, Malik a divisé ses moyennes par trois au second trimestre, Sabine et Céline ont effacé le travail comptant pour le brevet d’un groupe de camarades de leur classe.

Constater les progrès

Dans cet ici et maintenant, assise dans le noir, je ne suis plus leur CPE, je ne suis que fierté. Tout se tait en nous pour apprécier sans réserve le spectacle. Chacun devient applaudissements, « bravos » criés forts dans les gradins, ola en fin de spectacle. Les élèves nous offrent une traversée de la réalité tangible, une traversée de nos identités d’encadrants, de parents, vers l’émotion vive, la chance de se trouver dans le sillage de leurs talents. Ils nous offrent l’espoir d’y avoir été pour quelque chose. Leur grâce d’enfant dans la conviction de leur mouvement, dans l’incarnation du spectacle imaginé par leurs professeurs de conservatoire retient le temps rien que pour nous. Nous faisons plus que partager, nous sommes galvanisés par les nuances de beauté, la spontanéité que permettent leur interprétation du spectacle. Incrédule, émerveillée, je ne crois presque pas à la chance que j’ai d’être là. Quand on connaît comme moi les stratégies d’évitement, je suis émerveillée que personne n’ait inventé d’excuses pour ne pas être là (mes parents ne m’ont pas réveillé, j’ai eu un problème de bus, j’ai des problèmes familiaux, j’ai eu mal au ventre, j’ai mal aux yeux, je suis tombé devant le collège…).

Préparer son public

Les élèves ont quand même pris la précaution de nous préciser lorsque nous annoncions notre présence : « Vous allez voir, c’est nul, ne venez pas ! ». Était-ce pour tempérer notre toujours trop grand enthousiasme ou pour ménager nos espoirs de voir du grand spectacle ? Sur scène, ils n’ont pas besoin de nous. Leurs bêtises, sont parfois exaspérantes mais l’énorme fierté ressentie en cet instant me restitue plus que ma fierté d’être là, celle si particulière que je ressentais en tout début de carrière. La fierté de m’engager dans un lieu qui crée l’imprévisible incarnation de ce que nous souhaitons installer chez nos élèves : l’autonomie, l’engagement, l’utilisation de ce que nous transmettons.  En cet instant, mes élèves redonnent sens à mon quotidien au collège, à l’année qui vient de s’écouler. Je sais, lorsque je les regarde, que ce que je fais au quotidien, je le fais aussi pour rendre possible cette insouciance, cette grâce et cette joie. Bien à l’abri du sens du monde que nous créons pour eux. Alors que je suis fière d’exercer ce métier ! De créer quelque chose qui ne se mesure pas en bénéfice mais en fierté !

Savourer sa chance

La lumière s’allume, découvrant le visage des parents, des frères et sœurs, des élèves actuels, des anciens élèves. La ferveur, les larmes et surtout la fierté nous unit. Nous reprenons doucement contact avec la réalité en disant notre joie d’avoir participé à ce moment. Nous parlons de notre émotion commune qui a éclos grâce à Victor, Céline, Sabrina, Malik, Thida, Léna, Léo, Allia, Shaines…  Notre avenir commun. Ces enfants, ces élèves que nous couvons de nos regards et de notre attention pour qu’ils grandissent bien droit et nous emplissent d’une commune fierté comme à cet instant.

Une chronique de Maude

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