Il y a des fois où on se sent seul

Des fois où face à une foule, que dis-je une meute de jeunes on se sent désarçonné ; même après des années de carrière.

Faut dire que les programmes, tels des pièges à loups, nous condamnent chaque année à nous dresser contre les tsunamis de préjugés et les tornades archétypales. Il faut déconstruire, vaillamment, à coups de bon sens, ou tout simplement de sens historique, les inepties déversées par je ne sais quelle puissance suprême qui se plairait à mettre de la merde dans les cerveaux des générations futures…

Pourquoi me direz-vous ?

Je pense que c’est tout simplement notre travail premier. Personnellement je me sens plus fier lorsque je parviens à ébranler les convictions fumeuses d’un adolescent prépubère que lorsqu’il parvient à me donner la définition parfaite de l’oxymore. Ces petites créatures sont les citoyens de demain. Ils auront davantage besoin de cohésion sociale que d’oxymores.

«  M’sieur la meuf, si on la **** de force, qu’on la ***** bien et qu’elle est contente, c’est pas du viol non ? »

Je précise que les propos ont été censurés au nom de la dignité humaine. Mais imaginez un truc au-delà du trash. Et multipliez par deux.

Ma séquence intitulée : «  L’évolution des femmes de 1914 à nos jours » avait débuté depuis quelques semaines.

Et comme chaque année, je me heurtais à eux, entre rires et larmes, tâchant au-delà de mon cours d’histoire, de leur enseigner le fameux « vivre ensemble » dont on parlait tant dans la petite lucarne. Face à moi, cette trentaine d’ados. Le combat/débat était inégal.

Que me restait-il ? Désemparé je levai les yeux au ciel et trouvai mon salut au fond de la salle, dans cette affiche qui pendouillait lamentablement en l’absence des 4 punaises, les 3 premières ayant été utilisées comme projectiles les semaines précédentes.

Le service civique. Votre mission vous attend.

Il allait être compliqué de faire engager de force mes 28 élèves de première. Et je n’étais pas sûr que notre Nation ait besoin de ça.

Mais.

Je pouvais par contre faire venir le service civique au lycée, au sein de ma classe pour prolonger le débat, et ainsi apporter une plus riche contradiction à mes aimables adversaires.

Un peu à la manière de l’appel à un ami de ce cher Jean-Pierre, je composai le numéro de téléphone et m’entretins avec les responsables. J’avais eu le nez fin, il existait bien des interventions en école par des jeunes adultes, qui, à l’aide de courts métrages, sensibilisaient nos adolescents aux problèmes de société.

Le rendez-vous était pris

Trois jeunes arrivèrent, le cheveu au vent, l’œil vif et avec une envie de débattre qui me faisait chaud au cœur. Je dépeignis le No Man Land dans lequel ils allaient évoluer, le match allait être âpre mais ô combien instructif et quoiqu’il arrive, nous en sortirions tous grandis. Je ne leur cachai rien et leur donnai quelques armes (un paper board et un feutre à tableau) et quelques conseils que je détaillerai plus bas.

Une fois le court métrage terminé, je me postai en observateur, en spectateur pédagogique et je décortiquai enfin les échanges d’un œil extérieur.

« Oui M’sieur c’était intéressant franchement » (Killian)

… Ouais ouais… (pour une fois qu’il ne matait pas son portable)

« On a bien compris la détresse de la jeune femme » (Mathieu)

Hum, hum,… ouais ok (je commençais à m’agacer de leur sobriété)

« Les lois de la République sont mal faites, comment changer ça ? » (Quentin)

OUAIS OUAIS MAIS SINON (je me demandais si j’étais pas perdu dans l’Upside Down)

« Et vous, vous pensez pas qu’des femmes elles aiment desfois qu’on les tape ? » (Adrien)

VOILÀ. Je retrouvais mes prérequis.

 Et comme souvent quand on ouvre la boîte de Pandore, il s’en déverse un flot ininterrompu de conneries, pardon de défauts et là mes petits myrmidons ont dû gérer une parole, ou plutôt des punchlines. À trois on dit souvent que c’est mieux, mais malgré cela ils ont eu bien du mal à contenir ce débat, qui disons-le, partait dans tous les sens. L’utilisation du paper board pour proposer une activité, ici cibler deux concepts associés uniquement à l’homme et deux uniquement à la femme, donna lieu à des sorties de piste tout à fait délicieuses.

Ou dramatiques selon.

« La femme ? Le shopping… les talons… le voile… les transsexuels… la coiffure… les michtoneuses.

L’homme ? Le foot… les poils… Jober… le survêt… la force… le poulet (oui y en a toujours qui sont hors sujet) »

Mais les deux heures terminèrent plutôt convenablement. Sans que le stylo à tableau ne se transforme en projectile. Ça. C’était déjà bien.

Les trois bambins, exsangues, me remercièrent et vous savez quoi ?

Même qu’on va recommencer prochainement, avec des améliorations tangibles, basées sur les fameux conseils prodigués ci-dessous.

Pour bien réussir une séquence avec des intervenants extérieurs

 

 

 

 

Une chronique de Frédéric Lapraz

Une réponse

  1. C’est tellement bien vu… Et riche idée de faire appel aux services civiques! J’ai une classe de 24 filles avec qui je vient de faire la même séquence, et dans un autre genre, c’est désespérant aussi, puisqu’il est totalement normal pour elles d’être dominées par les hommes… si si…

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