ou les sciences à l’heure du complotisme ?

Antivax, climatosceptiques, platistes, fixistes, complotistes… non je ne prépare pas une liste pour ma prochaine partie de Scrabble. 

Je ne cherche pas non plus de nouvelles idées d’invectives pour le capitaine Haddock. 

Je fais plutôt l’inventaire de toutes ces mouvances anti-sciences auxquelles on peut se retrouver confronté. 

Pas assez pour lutter ?

Ça ne vous aura pas échappé, cette année, la science est au cœur de l’actualité.

 Peut-être un peu trop diront certains ? 

Pas assez, diront les profs de sciences ! Du moins pas assez dans les programmes si l’on regarde à l’école primaire, dans le secondaire et même dans le nouveau PPPE (parcours préparatoire aux professorat des écoles). 

On peut ainsi s’interroger sur les choix effectués en enseignement scientifique où la capacité à calculer la compaction d’un cristal ou l’équilibre d’Hardy-Weinberg semble préférable à un enseignement sur la santé et le corps humain.

Bien sûr, on consacre une large part du programme à la lutte contre les thèses platistes. Mais j’avoue ne pas avoir rencontré beaucoup de ses disciples à ce jour. Le sujet majeur actuel, c’est quand même la pandémie .

Et pourtant, rien que dans ce cas il faut se contenter des bases sur l’immunité posées en 3e, c’est un peu limité pour lutter contre le principal problème actuel des antivax.

La patrie de Pasteur, leader des pays anti-vaccination, c’est déjà problématique en temps normal, mais dans la période actuelle, c’est un symptôme inquiétant.

Il y aurait de quoi parfois désespérer. 

Des opportunités pour parler de la vaccination

Heureusement,  il y a aussi là de belles opportunités à saisir pour nous qui cherchons à montrer l’importance de la science jusque dans notre quotidien.

Qui avait jusque-là entendu parler de la PCR, des ARN messager ou de R0 à part les 1re en spécialité SVT ?

Monsieur, c’est vrai que les vaccins à ARN peuvent nous transformer en OGM ?

Et le docteur Raoult, c’est vrai que son traitement marche ?

On manque vraiment de recul pour les vaccins mis sur le marché ?

Tout le monde se tourne vers les experts (où ceux qui se prétendent experts) mais nous, enseignants, quel rôle pouvons-nous jouer ?

Doit-on promouvoir les vaccins ? 

Nous avons tout d’abord à leur donner des clés pour critiquer leur source. Cela rejoint notre rôle d’éducation à la santé. L’hygiène, la sexualité (le respect de l’autre, la contraception,…) sont des éléments sur lesquels nous avons à nous exprimer. Peut-être qu’il est bon de rappeler à quel point la vaccination a changé notre vision de la santé dans nos sociétés occidentales. Avant sa généralisation, la perte d’un enfant en bas âge, emporté par une épidémie, était fréquente et vécue comme une fatalité.

Pour illustrer le propos en BD, je vous recommande un blog qui s’appuie sur des infos vérifiées tout en restant sympa à lire : Vie de carabin 

Des opportunités pour parler de biodiversité, de changement climatique

Mais cette pandémie est aussi une opportunité pour montrer la « complexité » propre au domaine des sciences du vivant. Elle permet d’aborder d’autres domaines qui à priori semblent éloignés.

C’est une occasion pour aborder la biodiversité et les menaces qui pèsent sur celle-ci.

Par exemple, la multiplication des contacts homme-animaux sauvages suite à la destruction de leur habitat favorise la transmission de maladies à l’homme (que ce soit un pangolin ou une chauve-souris). C’est un nouveau concept qui émerge actuellement (One Health : une seule santé) et qui considère le lien étroit entre la santé humaine celle des animaux et l’état global de la planète. Cette petite vidéo du Muséum national d’Histoire naturelle résume bien ce concept et peut faire une excellente introduction pour tellement de nos cours !

C’est une occasion pour parler de de l’impact de l’Homme dans le changement climatique.

C’est aussi l’occasion de parler des émissions de CO2 et d’établir clairement  leur origine anthropique : le CNRS a d’ailleurs développé cet outil pour le suivi des émissions de CO2 qui montre clairement une chute des émissions lors des confinements (comme en Chine par exemple).

On peut aussi partir du vaccin à ARN pour parler de l’ADN dont il « découle ». L’ARN est la « recette » pour synthétiser une molécule mais le « livre de recettes », l’ADN est lui bloqué dans le noyau.

On peut parler de l’évolution et du principe de mutation et de sélection naturelle avec l’apparition de variants. Ils apparaissent par une mutation (liée au hasard) et se trouvent avantagés pour se reproduire. Ainsi la descendance est de plus en plus importante par rapport aux autres formes du virus.

Et pourquoi pas parler d’OGM, avec un transfert de gène entre deux êtres vivants différents (impossible dans le cas des vaccins ARN car c’est un ARN modifié).

Une opportunité pour parler de la science

Au-delà des termes abordés, c’est enfin un moment particulier pour montrer à nos élèves comment se construit la science. Ce n’est pas une découverte magique de connaissance.

Il lui faut un terreau et des jardiniers.

Le terreau, c’est le contexte, la préoccupation du moment qui fait que l’on s’interroge sur ce domaine. La connaissance naît aussi grâce à la technologie et aux moyens engagés qui permettent de travailler sur celle-ci.

Les jardiniers : ce sont les chercheurs qui échangent, lancent des controverses et des discussions (parfois polluées par le politique ou la rumeur, la pression du public). 

La connaissance est alors un consensus à un instant donné mais qui peut changer en fonction des découvertes. 

Ce n’est pas une accumulation de savoir, c’est une attitude ouverte de raisonnement face à différents problèmes qui se posent.

Il reste une dernière part. C’est la société dans laquelle émerge cette connaissance. En effet, les scientifiques peuvent proposer des solutions (le conseil scientifique par exemple) mais c’est ensuite aux politiques et aux citoyens de s’en emparer.

 

Oui, en ce moment la science s’invite dans notre quotidien. Elle est malmenée, critiquée, discutée, mais au final elle montre qu’elle devient incontournable et que tous doivent s’en emparer. Elle suscite un vrai questionnement auprès de nos élèves parfois noyés dans les sources d’informations (ou désinformations). 

Preuve incontournable qu’on ne peut substituer l’enseignant par des tutos sur les réseaux sociaux. Preuve aussi que l’enseignement des sciences (notamment du vivant) est un enjeu majeur dans nos sociétés.

Alors, restons positifs (hormis dans vos tests PCR) et soyons opportunistes : profitons-en pour faire de la « vraie » science !

Damien THOMAS (prof opportunément optimiste)

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