Le pro et la culture

Il faut bien le dire en préambule. Niveau culture en lycée pro. On n’est pas super bien servi. Parents pauvres des programmes officiels alléchants, on serait un peu ceux qui se récupèrent des frites froides et un reste de steak haché trop cuit à la cantoche. Mais il faut faire avec.

Et amener son tupper.

Mais là, avec notre pandémie actuelle galopante et interminable, les choses ne se sont guère améliorées. Oui, on aurait pu croire que le confinement total de mars dernier aurait permis aux élèves de s’éveiller aux joies de la littérature française et à la naissance du mouvement Land art. Mais il n’en est visiblement rien.

Il faut donc redoubler d’efforts, pour injecter à ces moins de 20 ans, une dose massive d’AstraCultura. Car on subit déjà des effets secondaires…

Des petits trucs pour parler culture en ces temps de non essentialisme….

1° Faire des ponts

Oui c’est la politique des grands travaux. Alors dans tout ce marasme, il faut tenter de relier les éléments des séquences à d’autres plus Arty, plus culturels. Assez facile en français je veux bien l’avouer, moins évident quand vous êtes enseignant en carrosserie (bien que…). Alors dans ce ping-pong incessant avec les élèves, qui selon les classes se limite à un simple ping, un aller sans retour, il faut multiplier les liens avec le monde, avec notre société. La preuve par l’image. Ou le son. Alors oui, le danger de la digression existe. Mais est-il vraiment si gravissime ? Nope. Et puis les apprenants étant champions toute catégorie de la digression, autant prendre les devants et les lancer sur une piste qu’on a au préalable balisée !

2° Faire du pop corn

Je l’ai maintes fois dit ici, le septième art reste le meilleur moyen de faire accéder les élèves au monde de la culture et de l’art. Et là encore c’est de moins en moins aisé ces derniers temps. D’une part car la génération actuelle ne consomme plus les films comme la précédente. De mon temps, jadis, c’était au cinéma ou sur mon canapé, plaid compris. J’aurais jamais maté Ben-Hur dans le métro sur mon portable ou Les Liaisons dangereuses avec les écouteurs dans un resto tacos. Tia vu, tu te mets bien Merteuil sauce blanche avec un max de frites. D’autre part car justement ce f***** portable étant tout le temps présent, impossible de se concentrer plus de vingt minutes sur un long métrage. Tu crois vraiment le Titanic va arrêter de couler pour que tu mates la story de Claudio sur snap ? Ah ben voilà, il a coulé. Sheh. Donc réapprendre à apprécier un film dans son intégralité, dans le silence et en discuter, ça a l’air d’une facilité déconcertante. Eh bien de moins en moins, croyez-moi.

3° Faire le buzz

Mais oui, bien entendu on veut tous être écouté et on est tous prêt à tout pour l’être. Enfin JE suis prêt à tout pour l’être. Et pour cela il y a des stratégies complètement adoptées par l’espèce professorale. Stratégies qui ont fait leurs preuves.

Alors oui je suis caricatural. Mais en même temps… non. Donc oui on peut accepter de se salir les mains et de démarrer une séance sur la dernière télé réalité à la mode et demander aux élèves pourquoi Brandon VEUT à toute force reconquérir son ex, bien plus musclée que lui. Et glisser tout doucement, telle la vipère dans le talus, sur les rapports ubuesques entre eux et déboucher sur du Ionesco. Pan. Ils se sont fait avoir comme des bleus. Des bleus à Cancun.

Alors là ça demande de faire surgir le De Niro (celui d’avant, pas le vieux des pubs pour les voitures) qui est en vous et, en parfaite « Poker Face », d’expliquer aux élèves que vous aimeriez leur parler d’une œuvre, mais qu’elle est tellement complexe ou subversive qu’ils ne supporteront pas, qu’ils ne pourront pas suivre ce délire. Forcément, l’effet inverse habituel, ils hurleront qu’ils veulent voir et parler de la chose « promis msieur on dira rien on se tient tranquille…. » . Et voilà. Par contre, une fois Le déjeuner sur l’herbe exposé, courrez vite hors de la salle pour éviter les projectiles divers qui vous seront lancés.

Car le virus a une hype de ouf et tout ce qui se rattache à la pandémie, curieusement, les intéresse. Alors effectivement, il est rare de pouvoir observer une œuvre qui pourrait s’intituler : De la fermeture des écoles en temps de covid ou Rencontre du troisième cas contact, mais si vous furetez bien les journaux et les réseaux, vous trouverez bien des micro-appels du pied de la culture qui ne demandent qu’à être exploités en classe. Ne serait-ce que les débats enflammés sur les chaînes d’infos pour parler de l’argumentation. Ou du sophisme.

 

Voilà donc quelques trucs et astuces, valables cette année. Et pour les dix prochaines. Allez, disons 5.

Après y aura peut-être même plus de frites à la cantoche.

 

Une chronique de Frédéric Lapraz

Laisser un commentaire

buy windows 11 pro test ediyorum