Une manière stoïcienne de finir l’année de philosophie et de réussir l’épreuve du baccalauréat ?

Panique dans le corps enseignant : on n’a toujours rien fait pour préparer le grand oral ! Beaucoup d’élèves et beaucoup de professeurs. Et en plus, il faut finir les programmes !!! Et même : il faut corriger les épreuves sur table que des proviseur.es ont imposées au dernier moment pour harmoniser les évaluations des spécialités. Pire : les mêmes directions ont annoncé aux professeurs d’EMC – dont la majorité n’ont pas du tout fait d’EMC de l’année – qu’il fallait une note pour le baccalauréat. Casse tête : comment évaluer et noter un travail qu’on n’a pas fait ? Panique donc…

 « Restons philosophes »

Dans cette ambiance électrique de fin d’année, qu’en est-il de la philosophie ? Le ministre de l’Éducation nationale l’a annoncé : entre la moyenne de l’année (contrôle continu) et la note de la future épreuve du 17 juin, nous garderons la meilleure. Bien sûr, la mesure fait perdre de sa valeur à la préparation spécifique que les professeurs de philosophie assurent depuis de nombreux mois, que ce soit en présentiel ou en distanciel. Mais peu importe, voici ma proposition : restons philosophes. Soyons désinvoltes, indifférents, stoïciens. Terminons l’année sur la question du temps qui passe et qui a passé. Tirons les leçons. Lisons Sénèque et entendons son message : la vie est en elle-même suffisamment longue pour être heureuse. L’année est suffisamment longue pour être intellectuellement fructueuse. Certains – et encore une fois, et pas que les élèves – auront au contraire passé l’année à crier à l’injustice et à attendre. Attendre quoi ? Des consignes que nous avions. Des moyens que nous avions. Une annulation des épreuves, notamment le grand oral, alors que la volonté officielle a toujours été de toute évidence de maintenir ces épreuves. Comment espérer l’annulation de la philosophie, du grand oral et des épreuves de Première quand on rouvre les terrasses des cafés ? Cool ! Certaines directions d’établissement n’auront cessé de dire tout au long de l’année : « il est urgent d’attendre les consignes officielles », incapables d’une organisation à la hauteur de ce qui constitue le centre d’intérêt d’un lycée : le savoir et la pédagogie.

Aborder les choses avec sérénité 

Alors finissons l’année en louant Zhuangzi (qui est au programme) pour qui être heureux consiste à ne rien faire. Laissons les feuilles, les stylos, les manuels et les livres (enfin, pour ceux qui en ont ouvert un) et philosophons par la méditation ou par la contemplation. Allons méditer sur la notion de nature (qui est au programme) dans la forêt en embrassant les arbres et en ne faisant qu’un avec les fougères. Écoutons la pluie pendant une heure et, à une heure et une minute, soyons la pluie. Allons contempler la carpe nager dans l’étang. Carpe diem. Faisons cours dehors, ce que préconise le ministre pour des raisons sanitaires : jouons aux péripatéticien.nes. Sur le conseil de l’Ennéade de Plotin consacrée à la contemplation, à la nature et à l’Un, finissons l’année dans la beauté intelligible, badinons, amusons-nous spirituellement ! Nageons dans la théôria. Ou encore, incarnons la « vision de bonheur des artistes et des philosophes », pour reprendre le mot de Nietzsche : marchons, puis dansons, et enfin planons.

Non, je n’ai rien fumé. C’est juste pour dire : on se moque de nous mais restons sereins. Encourageons nos élèves à avoir un 18 au bac par un vrai travail philosophique, débarrassé ou non des méthodes habituelles et du bachotage. Celles et ceux qui ont déjà une bonne moyenne en philosophie iront passer l’épreuve l’esprit tranquille : ce sera une première. Qu’ils en profitent, les résultats pourraient être au-dessus des attentes. Les élèves moyens continueront, sur nos conseils, à s’entraîner pour l’épreuve. On ne sait jamais. Ce seront les seuls à se faire un peu de mouron, relativement, en se disant que, de toute façon, le contrôle continu des autres matières les a déjà sauvés. Quant aux élèves qui n’ont rien fait de l’année en philosophie sans se faire aucun souci, sans aucune crainte des conséquences, l’esprit libre de tout contrainte scolaire, pourquoi changeraient-ils leurs habitudes ?

 

Une chronique de Francis Métivier

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