« Besoin de rien, envie de toi » : j’ai envie de fredonner cette chanson depuis tout à l’heure.

Ce n’est pas ma faute, hein ? C’est à cause de Louise du WebPédagogique (coucou Louise !) : elle m’a demandé de partager en quelques mots l’impact de cette année covidarde sur mes élèves à besoins particuliers.

« Élèves à besoins particuliers ».

Depuis le temps des fiches de révision pour le CRPE, je tique toujours autant sur cette expression pourtant garantie 100% eduscolocompatible.

Je suis toujours aussi perplexe parce que, si on la prend à contrario, c’est quoi, en fait, un « élève-à-besoins-pas-vraiment-particuliers » ?

Si vous avez la réponse, vous pouvez m’écrire à jesaiscequecestuneleveabesoinpasvraimentparticulier@education.gouv.fr. Merci.

Besoin de toi, envie de rien !

« Besoin de toi, envie de rien ». Chers Peter et Sloane, si vous êtes des fidèles lecteurs du WebPédagogique, ô mirifiques contributeurs du panthéon musical francophone, je vais juste actualiser un poil votre refrain pour qu’il colle parfaitement avec la teinte de cette année 2020-2021.

Besoin de toi, envie de rien : c’est sous cet adage que j’ai vécu cette année scolaire avec mes élèves.

Je m’explique :

Chaque année, en septembre, c’est l’éternel marronnier : j’attends avec une grosse dose de fébrilité de rencontrer mes nouveaux élèves. Je me demande combien de temps sera nécessaire pour que nous nous apprivoisions, pour poser le cadre de la classe, et pouvoir enfin trouver notre rythme de croisière. Bref à quel moment on pourra commencer à s’amuser un peu sans que ce soit le bazar.

Et chaque année le miracle opère. Magie de la vie de classe. Du jour au lendemain, ils comprennent ce que j’attends d’eux pour que la classe puisse fonctionner correctement. Les bavardages et les énergies sont canalisées au service des discussions collectives. C’est un moment magique.

Je pensais ce scénario éternel jusqu’à la dernière rentrée scolaire.

Envie de rien…

Ce qui m’a marquée cette année, c’est qu’à la rentrée je me suis retrouvée avec une classe d’élèves qui ne parlaient pas.

Pas du tout.

Ils ne répondaient pas aux questions. Ils ne demandaient rien. Ils ne prenaient pas la parole. Ils ne bavardaient même pas. Ils « exécutaient », certes, ce que je leur demandais mais il n’y avait pas d’éclat dans leur regard, pas d’envie. Le calme plat. Pétole, comme on dit en mer.

Et petit scoop : une classe de CE1 silencieuse ce n’est pas « reposant ». Oh non. En fait, c’est juste anxiogène.

Je les sollicitais, j’essayais de les « bousculer » un peu mais rien à faire : ils semblaient flotter entre deux eaux. Ils étaient « sages », certes, et j’aurais eu du mal à relever le moindre souci de discipline mais il n’y avait pas d’interactions. Ni entre eux, ni entre eux et moi.

Rien de rien.

Le walou aérien.

…mais besoin de toi !

Alors, cette année, plus que jamais, j’ai tout misé sur le relationnel.

Pour que « ces élèves » deviennent « mes élèves », il fallait qu’on parle, qu’on rie, qu’on chante, qu’on danse, qu’on fasse les fous, qu’on secoue la morosité ambiante.

Et c’est venu, petit à petit. Insidieusement. Comme un cadeau suremballé qui met du temps à se laisser découvrir.

Nous sommes devenus une classe. Une classe remplie de très chouettes élèves à qui il sera, une année de plus, difficile de dire au revoir. Une classe qui met déjà la pression à ma classe-de-septembre-prochain.

Une classe avec qui on a pu jouer à « chat-nez » : un jeu où le bout du nez doit en permanence être caché sous le masque sous peine d’être virtuellement « attrapé ».

Une classe remplie de blagues, de confidences, de fou-rires, de petites attentions, de meilleurs-amis-pour-la-vie.

Une classe avec qui on a dansé et chanté toute l’année, dedans, dehors, en classe ou en chorale, à 1 mètre ou à 2 mètres les uns des autres, au gré des possibilités offertes par les 1 748 versions du protocole sanitaire.

Une classe où nous avons voyagé par les mots, par les images et par les idées pour nous affranchir du cadre de la cité, des contraintes sanitaires, des incertitudes et des peurs.

Une classe d’élèves remplies d’un besoin essentiel : vivre envers et contre tout.

 

Une chronique de Sophie Pouille

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